Interrogés sur cette question, les fabricants de boissons alcooliques, leurs agents de marketing et leurs
publicitaires nient tout danger. D’après eux, ce type de réclame ne vise qu’à renforcer l’image de la marque, à
la faire reconnaître et à fidéliser le public; de ce fait on ne boira pas davantage, affirment-ils. Qui a raison?
Voilà précisément une situation où l’on devrait faire appel à une recherche bien documentée, permettant de
mesurer les conséquences de ce genre de publicité sur les jeunes – seul moyen d’y voir clair!
Des études de longue durée sur les effets de la publicité
En fait nous disposons déjà de quelques résultats et de publications récentes sur différentes recherches
menées dans le domaine de la publicité pour l'alcool (Ministère fédéral allemand de la santé, 2002; Smith et
Foxcroft, 2007; Anderson et al, 2009). Or seules les études menées sur une longue période permettent de
découvrir s'il y a véritablement relation de cause à effet entre la publicité pour l'alcool et la consommation de
boissons alcooliques chez les jeunes. Ayant pour la plupart suivi des adolescents, ces travaux ont permis de
noter au fil du temps les modifications de leurs habitudes de consommation, suite à une exposition plus ou
moins forte à la publicité. Les chercheurs s’étaient donné pour objectif de reconnaître et d’isoler le facteur de
l'influence publicitaire dans le développement à long terme d’un schéma de consommation. Il a été
particulièrement intéressant d’observer le comportement de jeunes qui n'avaient jamais consommé d’alcool
avant d’être soumis à l'influence de la publicité. Voyons brièvement les éléments essentiels de ces
recherches.
On le sait maintenant: la publicité pour l'alcool est efficace
Peter Anderson, coauteur d'un rapport très complet sur les problèmes liés à l'alcool en Europe (2006), et ses
collègues ont récemment présenté et commenté en détail les résultats de 13 études de longue durée sur la
publicité pour l'alcool. L’article est paru dans la célèbre revue spécialisée Alcohol and Alcoholism. Au total, 38
000 adolescent-e-s et jeunes adultes ont été suivis par ces chercheurs, durant des périodes d'observation
s’étendant de 8 mois à 8 ans. Pour Anderson, il ne fait aucun doute que la publicité sur l'alcool influence les
jeunes, avec une intensité qui varie selon le moyen utilisé. Les recherches scientifiques parmi les mieux
menées le montrent à l’évidence: tant les jeunes non consommateurs que ceux qui boivent modifient leur
comportement après avoir été soumis à diverses formes de publicité; les uns se mettent à consommer de
l’alcool, les autres augmentent leur consommation. Une série d'études a permis en outre d’établir une relation
précise entre la consommation d’alcool et la publicité: une exposition plus forte à celle-ci induit corrélativement
une consommation plus élevée de boissons alcooliques.
La protection de la jeunesse compromise?
Ces résultats viennent confirmer ceux des travaux d'observation. La publicité crée chez les jeunes une image
favorable de l’alcool et leur propose des modèles de consommation positifs. Cette publicité est d’autant plus
efficace que les jeunes et les enfants l’apprécient et s’en souviennent. Grâce aux "pubs lifestyle" on instaure
au sein de la société un climat d'acceptation et une disposition à la consommation qui se concrétisent
finalement dans l’acte de boire. Si l’on y ajoute l'influence cumulée d'autres techniques de commercialisation,
tels que des prix incitatifs, un design attractif du produit et l'influence de nouveaux médias porteurs, comme
Internet et la téléphonie mobile, on peut comprendre que les spécialistes des dépendances et les
professionnels de la santé publique se montrent préoccupés. Il faut se rendre à l’évidence: une expansion de
la publicité dans les médias de droit public de notre pays ne peut avoir que des effets pervers sur la
consommation d'alcool chez les jeunes.
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No 6 /2009 Février