ISPA Grand angle - Addiction Suisse

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No 6 /2009 Février
SOMMAIRE
Les energy drinks alcoolisés sous surveillance
Des spécialistes tirent la sonnette d’alarme: les boissons énergisantes alcoolisées (ou AED’s), en vogue
surtout aux Etats-Unis, risquent de faire irruption chez nous.
La publicité pour l'alcool et les jeunes: un piège efficace!
Les résultats d’études sur l'effet à long terme de la publicité le montrent clairement: la libération de nouveaux
espaces publicitaires va sans nul doute augmenter la consommation d'alcool chez les jeunes.
En Suisse, le Spice n’est pas en vente libre: attention à ces senteurs aux effets imprévisibles!
Jusqu’à présent, personne n’avait réussi à expliquer l’effet enivrant des mélanges d’herbes parfumés et autres
vaporisateurs d’ambiance. Des laboratoires de chimie viennent de découvrir le pot aux roses: un cannabinoïde
psychoactif.
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No 6 /2009 Février
Les energy drinks alcoolisés sous surveillance
Des spécialistes tirent la sonnette d’alarme: les boissons énergisantes alcoolisées (ou AED’s), en
vogue surtout aux Etats-Unis, risquent de faire irruption chez nous. Ces cocktails contiennent un
mélange d’alcool et de caféine, qui n’est pas anodin et peut conduire à une surestimation des
capacités. Un réseau international de professionnels est à l’affût: cette mode de consommation
va-t-elle déborder sur l’Europe?
Un article d'Anita Cassese
(Foto:© jokoweb / PIXELIO)
En Suisse, les boissons contenant de la caféine doivent être sans alcool.
Par tradition, les Suisses ont leur "café-fertig", les Irlandais leur "Irish coffee" et les Italiens leur "corretto".
Marier café et alcool n’a rien de bien nouveau. Or voici que ce type de mélange, sous une forme différente,
apparaît dans les bars et boîtes de nuit où les noceurs, en dépit des avertissements figurant sur les cannettes,
arrosent de vodka ou d’autres spiritueux leurs energy drinks.
En Suisse, les tenanciers de bars n’ont pas le droit de servir ces deux types de boissons combinées (quoique
rien n’empêche le client de les commander séparément et de préparer lui-même son cocktail) et, dans nos
magasins, on chercherait en vain à acquérir des energy drinks alcoolisés. Mais il en va autrement dans
certains pays de l’Union européenne et aux Etats-Unis: sur les rayons des supermarchés et dans les
stations-services, on trouve ces mélanges tout préparés sous des noms qui en disent long, comme Kamasutra
(Norvège), Shark up (Autriche) ou Boris Jelzin Power Gold (Tchéquie). La teneur en alcool de ces mixtures
varie entre 2,4 et 18 pourcent.
Avancée des produits américains
Vigilante, l’organisation non gouvernementale hollandaise EUCAM surveille la commercialisation de tels
produits en Europe. Jusqu’ici, les mélanges en vente provenaient de fabricants européens. Mais l’ONG
constate que de plus en plus d’energy drinks américains – sans alcool – sont importés dans nos régions et
craint que cette augmentation n’entraîne à sa suite l’arrivée sur le marché européen de leurs équivalents
alcoolisés.
Selon l’EUCAM, les producteurs d’AED’s rencontrent moins d’obstacles dans les Etats membres de l’Union
européenne que sur le reste du continent. En effet, un produit fabriqué dans un pays de l’Union ne peut être
interdit sans autre forme de procès dans un autre, à moins qu’il ne constitue une menace avérée pour la santé
publique. Ainsi, la vente du produit autrichien Redbull a été longtemps interdite en France pour ces mêmes
raisons. L’interdiction a été levée en juillet dernier.
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"Ne mélangez pas ce produit avec de l’alcool"
Les Etats ne faisant pas partie de l’Union, comme l’Islande, la Norvège ou la Turquie, disposent par contre de
prescriptions strictes quant au contenu des boissons énergisantes. En conséquence, on vend moins d’energy
drinks alcoolisés dans ces pays, selon l’EUCAM. Mais les fabricants contournent en partie l’interdiction en
préparant leurs AED’s avec de la guarana ou du ginseng en lieu et place de caféine ou de taurine.
Les AED’s ne parviendront sans doute pas à s’infiltrer jusqu’aux rayons des supermarchés suisses, ni dans les
boutiques en ligne. L’ordonnance sur les denrées alimentaires prévoit en effet que les boissons contenant de
la caféine doivent être sans alcool. L’avertissement suivant doit figurer sur l’emballage: «Ne mélangez pas ce
produit avec de l’alcool». Par ailleurs, la loi fixe le taux de caféine toléré. La liqueur de café, qui contient
jusqu’à 20% d’alcool, ne doit pas contenir plus de 12 mg de caféine pour 100 ml.
Les boissons énergisantes en contiennent jusqu’à deux ou trois fois plus, au maximum jusqu’à 32 mg pour
100 ml. Une cannette en contient donc environ 80 mg.
La loi stipule en outre que les boissons alcoolisées ne doivent pas être désignées sous des termes ayant une
connotation de force, de puissance ou d’énergie. Cette prescription a toute sa raison d’être: si la caféine
réveille, l’alcool tend plutôt à ralentir l’organisme. Dans les AED’s, l’action stimulante d’un composant masque
donc l’effet contraire d’un autre. C’est pourquoi les spécialistes nous mettent en garde contre cette nouvelle
mode, susceptible d’induire le consommateur à surestimer ses capacités.
Astuces de marketing comme pour la bière
Pour la commercialisation de leurs produits, les fabricants d’energy drinks ont recours aux vieilles astuces de
l’industrie de la bière. Pratiquement rien, de l’extérieur, ne permet de distinguer les produits sans alcool des
autres. Le design, l’emballage, le graphisme et les termes utilisés sont les mêmes.
Certaines marques vont plus loin: "Cult", au Danemark, n’a pas hésité à associer un produit sans alcool à une
campagne contre le cancer du sein. Mais "Cult" ne vend pas que des boissons sans alcool: cette entreprise
est connue surtout pour ses spiritueux. Elle profite donc sans scrupule de l’image positive véhiculée par la
campagne de prévention, alors même que la consommation d’alcool, c’est bien connu, favorise l’apparition…
du cancer du sein.
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La publicité pour l'alcool et les jeunes: un piège efficace!
La libre commercialisation des films suisses au sein de l'Union européenne, en échange de l'ouverture
de nos télévisions et radios de droit public à la publicité pour la bière et le vin. Une question qui donne
lieu à des débats passionnés. Cela dit, les résultats d’études sur l'effet à long terme de la publicité le
montrent clairement: la libération de nouveaux espaces publicitaires va sans nul doute augmenter la
consommation d'alcool chez les jeunes.
Un article de Hermann Fahrenkrug
(photo: © Bredehorn.J / PIXELIO)
La publicité, ça marche. Des études sur l'effet à long terme montrent que la publicité pour l'alcool influence sa
consommation
Dans les prises de position des professionnels de la dépendance, la controverse bat son plein. Le Conseil
fédéral envisage en effet une révision de la loi sur la télévision et la radio, qui permettrait à la publicité pour la
bière et le vin de retrouver une place dans l’ensemble des médias publics et privés. Rappelons que ce droit est
pour l’instant réservé aux médias locaux privés – et ce depuis 2007 seulement. Il faut savoir que ce revirement
politique est la conséquence directe de pourparlers engagés avec l'Union européenne pour finaliser un accord
sur les médias. En échange d’une meilleure promotion des films suisses dans les 27 Etats de l'UE, la Suisse
ouvrirait ses radios et télévisions nationales à la publicité pour le vin et la bière (voir objet parlementaire).
Divers fournisseurs étrangers sont prêts à profiter de cette fenêtre supplémentaire pour augmenter leurs
ventes dans notre pays, c’est le cas, par exemple, de la bière allemande. Les adversaires de la publicité pour
l'alcool dans les médias, en particulier à la radio et à la télévision, voient dans cette décision une atteinte à la
protection de la jeunesse. Tout tourne autour de cette question.
Augmenter le volume des ventes ou fidéliser à une marque?
Pour les spécialistes de la dépendance, l’augmentation de la publicité sur l'alcool constitue une menace
directe pour la santé et le bien-être de la jeunesse, puisque toute publicité a comme objectif principal et
implicite l’augmentation des ventes. Or il est évident que plus il y a d’alcool en circulation, plus la
consommation augmente et plus se développent les problèmes liés à l'alcool. Cela vaut particulièrement pour
les jeunes et les enfants.
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Interrogés sur cette question, les fabricants de boissons alcooliques, leurs agents de marketing et leurs
publicitaires nient tout danger. D’après eux, ce type de réclame ne vise qu’à renforcer l’image de la marque, à
la faire reconnaître et à fidéliser le public; de ce fait on ne boira pas davantage, affirment-ils. Qui a raison?
Voilà précisément une situation où l’on devrait faire appel à une recherche bien documentée, permettant de
mesurer les conséquences de ce genre de publicité sur les jeunes – seul moyen d’y voir clair!
Des études de longue durée sur les effets de la publicité
En fait nous disposons déjà de quelques résultats et de publications récentes sur différentes recherches
menées dans le domaine de la publicité pour l'alcool (Ministère fédéral allemand de la santé, 2002; Smith et
Foxcroft, 2007; Anderson et al, 2009). Or seules les études menées sur une longue période permettent de
découvrir s'il y a véritablement relation de cause à effet entre la publicité pour l'alcool et la consommation de
boissons alcooliques chez les jeunes. Ayant pour la plupart suivi des adolescents, ces travaux ont permis de
noter au fil du temps les modifications de leurs habitudes de consommation, suite à une exposition plus ou
moins forte à la publicité. Les chercheurs s’étaient donné pour objectif de reconnaître et d’isoler le facteur de
l'influence publicitaire dans le développement à long terme d’un schéma de consommation. Il a été
particulièrement intéressant d’observer le comportement de jeunes qui n'avaient jamais consommé d’alcool
avant d’être soumis à l'influence de la publicité. Voyons brièvement les éléments essentiels de ces
recherches.
On le sait maintenant: la publicité pour l'alcool est efficace
Peter Anderson, coauteur d'un rapport très complet sur les problèmes liés à l'alcool en Europe (2006), et ses
collègues ont récemment présenté et commenté en détail les résultats de 13 études de longue durée sur la
publicité pour l'alcool. L’article est paru dans la célèbre revue spécialisée Alcohol and Alcoholism. Au total, 38
000 adolescent-e-s et jeunes adultes ont été suivis par ces chercheurs, durant des périodes d'observation
s’étendant de 8 mois à 8 ans. Pour Anderson, il ne fait aucun doute que la publicité sur l'alcool influence les
jeunes, avec une intensité qui varie selon le moyen utilisé. Les recherches scientifiques parmi les mieux
menées le montrent à l’évidence: tant les jeunes non consommateurs que ceux qui boivent modifient leur
comportement après avoir été soumis à diverses formes de publicité; les uns se mettent à consommer de
l’alcool, les autres augmentent leur consommation. Une série d'études a permis en outre d’établir une relation
précise entre la consommation d’alcool et la publicité: une exposition plus forte à celle-ci induit corrélativement
une consommation plus élevée de boissons alcooliques.
La protection de la jeunesse compromise?
Ces résultats viennent confirmer ceux des travaux d'observation. La publicité crée chez les jeunes une image
favorable de l’alcool et leur propose des modèles de consommation positifs. Cette publicité est d’autant plus
efficace que les jeunes et les enfants l’apprécient et s’en souviennent. Grâce aux "pubs lifestyle" on instaure
au sein de la société un climat d'acceptation et une disposition à la consommation qui se concrétisent
finalement dans l’acte de boire. Si l’on y ajoute l'influence cumulée d'autres techniques de commercialisation,
tels que des prix incitatifs, un design attractif du produit et l'influence de nouveaux médias porteurs, comme
Internet et la téléphonie mobile, on peut comprendre que les spécialistes des dépendances et les
professionnels de la santé publique se montrent préoccupés. Il faut se rendre à l’évidence: une expansion de
la publicité dans les médias de droit public de notre pays ne peut avoir que des effets pervers sur la
consommation d'alcool chez les jeunes.
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Eléments bibliographiques:
Alkohol und Werbung. Auswirkungen der Alkoholwerbung auf das Konsumverhalten bei Kindern und
Jugendlichen. Schriftenreihe des Bundesministeriums für Gesundheit. Baden-Baden 2002
Anderson, P.; Baumberg, B.: Alcohol in Europe. A Public Health Perspective. European Communities 2006
Anderson, P.; Hastings, G.; Angus, Kathryn; de Bruijn, A.: Impact of Alcohol Advertising and Media Exposure
on Adolescent Alcohol Use: A Systematic Review of Longitudinal Studies. In “Alcohol and Alcoholism”, 2009
Smith, L.; Foxcroft, D.: The Effect of Alcohol Advertising and Marketing on Drinking Behaviour in Young
People: A Systematic Review. (Manuscript 2007)
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En Suisse, le Spice n’est pas en vente libre: attention à ces senteurs aux
effets imprévisibles!
Jusqu’à présent, personne n’avait réussi à expliquer l’effet enivrant des mélanges d’herbes parfumés
et autres vaporisateurs d’ambiance. Des laboratoires chimiques viennent de découvrir le pot aux
roses: un cannabinoïde psychoactif. Les autorités fédérales rappellent que la vente de Spice & Cie
n’est pas autorisée en Suisse. L’ISPA pose un constat: les consommateurs qui font fi des mises en
garde courent un risque pour leur santé.
Un article de Karin Gasser
Si l’on en croit les apparences, le Spice, Sense, Smoke et autres produits du même type sont des fragrances
pour parfumer nos intérieurs. Il n’empêche que ces mélanges d’herbes sont aussi fumés et inhalés – ce qui n’a
rien d’étonnant, puisque la publicité suggère que leur consommation peut induire un état d’ivresse. L’année
dernière, les produits du genre Spice se sont largement répandus, surtout en Allemagne. C’est grâce à la
formule "un high en toute légalité" que les fabricants ont séduit les jeunes intéressé-e-s, et on s’est très vite
enthousiasmé, dans les forums Internet, pour cet "ersatz légal de cannabis".
Sur la piste d’une drogue
Parallèlement, les rapports sur les retombées possibles se sont eux aussi accumulés. Dès novembre, l'Institut
fédéral allemand pour l’évaluation des risques recommandait que les mélanges d'herbes soient soumis à des
examens plus approfondis et déconseillait leur consommation. On soupçonnait l’ajout de composants de
synthèse. Peu après, un laboratoire de Francfort apportait la preuve de la présence du cannabinoïde JWH-018
et, en janvier 2009, l’Institut de médecine légale de l'université de Freiburg isolait un autre agent principal dans
la composition du Spice: une forme légèrement modifiée du cannabinoïde de synthèse CP-47,497. C’est sur
ces deux études allemandes que s’appuient les autorités suisses, puisque nous ne disposons pas encore de
rapports d'analyse, comme nous le précise l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Par «cannabinoïdes», on entend certaines substances spécifiques de la plante de cannabis, parmi lesquelles
seul le THC possède un effet psychoactif. Ce terme désigne également toute substance qui, comme le THC,
se lie aux récepteurs cannabinoïdes dans le cerveau – et ce indépendamment de sa structure chimique. Les
chercheurs ont synthétisé à ce jour des centaines, voire des milliers de ces substances, dont la plupart n’ont
jamais été testées sur l’être humain. La multiplicité des substances en jeu explique pourquoi les analyses
chimiques de ces mélanges d'herbes sont ardues: si on ne sait pas précisément ce qu'on cherche, difficile de
le trouver du premier coup! D’autant plus que ces mélanges peuvent varier à l’infini. Par ailleurs, depuis que
l’on dispose des études approfondies des deux laboratoires allemands, il apparaît clairement que ces
préparations ne comportent pas seulement des herbes naturelles, mais qu'une partie de celles-ci a été
remplacée de façon ciblée par des substances synthétiques, pour obtenir un effet semblable à celui du
cannabis. Jusqu’à présent, les fabricants de ces produits ont toujours nié le fait.
Spice interdit de vente en Suisse
Pour vendre les produits de type Spice sur le marché suisse, il faut d’abord les enregistrer à l’OFSP. Comme
l’exige l’Ordonnance sur le tabac, ces «succédanés de tabac» doivent être déclarés. Jusqu’à fin 2008, il était
même obligatoire d’obtenir une autorisation. Les fabricants devaient apporter la preuve aux autorités que leur
produit n'avait pas d'effet psychotactif avant de pouvoir le commercialiser. «A ce jour, ni le Spice ni aucun
produit semblable n’ont été déclarés à l’OFSP – leur vente n'est donc pas autorisée en Suisse», nous explique
Michael Anderegg, qui travaille dans cet office. Mais peut-on considérer tout mélange d'herbes comme un
«succédané de tabac»? «Certainement que non», estime-t-il, «il faut qu’on soit en présence d’éléments
permettant de supposer que les clients les fument effectivement». Sinon, tout mélange à base de lavande
serait soumis à déclaration.
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Le commerce des produits de type Spice est également contrôlé à nos frontières. En tant qu'autorité
exécutoire compétente, le laboratoire cantonal de Thurgovie a interdit l'importation de Spice, en s’appuyant sur
l’Ordonnance sur le tabac. «Après une analyse détaillée, nous sommes parvenus à la conclusion que le Spice
était clairement destiné à la consommation des fumeurs; nous l’avons donc considéré comme un succédané
de tabac, lequel doit être impérativement enregistré», nous informe Christoph Spinner, pharmacien cantonal
thurgovien. «Notons toutefois que l'importation de petites quantités de ces substances pour la consommation
propre n’est pas interdite, celle-ci n’étant pas soumise à la Loi sur les denrées alimentaires.»
Pas d’interdiction de consommation dans l’immédiat
«La Suisse, grâce à cette législation qui contrôle les succédanés de tabac, est bien armée pour contrer ces
produits de mode». Telle est l’opinion de Michael Anderegg. Cet ensemble de lois ne règle toutefois que
l’aspect commercial des choses, la consommation et la possession restant permises. Si on voulait également
interdire celles-ci, il faudrait inscrire ces matières psychoactives – pour autant que leur présence soit prouvée
– dans la liste des stupéfiants. Un processus qui, en Suisse, prend beaucoup de temps.
La condition préalable à l’inscription de ces cannabinoïdes sur la liste des stupéfiants serait de connaître avec
certitude leurs composants. Or cela impliquerait une analyse chimique exacte, c’est-à-dire la mise en œuvre
de moyens considérables, pour une nouveauté dont la diffusion reste incertaine. Selon les informations de
Maria Saraceni, juriste à la section Bases scientifiques et juridiques de l’OFSP, le Conseil fédéral ne prévoit
pas de changement dans le domaine des stupéfiants pour l’instant. «La loi en vigueur est toujours à la traîne
des nouvelles drogues», ajoute-t-elle. Le temps qu'on ait découvert la composition d’un produit, on trouve déjà
sur le marché un autre mélange d'herbes fumable ou la dernière drogue de synthèse. La Loi sur les
stupéfiants révisée, qui n’est pas encore en vigueur, prévoit des modifications à cet égard: elle comprendra
également la liste des substances nécessitant une clarification plus précise.
Pour Maria Saraceni, l’inscription de ces substances dans la Loi sur les stupéfiants ne changera pas grand
chose dans ce cas. Pour l’instant, le plus important est de tenir sous contrôle le commerce de Spice et de bien
informer les consommateurs, tant sur les risques qu’ils encourent en fumant ces produits que sur les
dispositions légales en vigueur.
Pratique bien établie ou battage médiatique?
On ne dispose pour l’instant d’aucun chiffre sur la consommation du Spice en Suisse. Quelle est la diffusion
réelle de cette nouvelle mode? Les travailleurs sociaux de rue, Streetwork, à Zurich, est d'avis que le Spice est
surtout un sujet médiatique; jusqu'ici, les services de conseils pour la jeunesse n’ont été que très peu sollicités
à propos de ces substances. L’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) n’a
pas non plus été submergé de questions sur les mélanges d'herbes – si ce n’est celles de la presse suisse
allemande. Selon Corine Kibora, porte-parole de l’ISPA pour la Suisse romande, on n'entend pratiquement
pas parler du Spice en Romandie.
Il est peu probable que le Spice s’imposera comme alternative au cannabis. Le produit est pour l’instant trop
difficile d’accès. Le cannabis, lui, est relativement facilement disponible, comme il l’a toujours été, et de plus
son prix est en général bas. Cela dit, il y aura toujours des consommateurs pour expérimenter de nouvelles
substances et chercher le meilleur "high" avec le moins d’effets secondaires.
Une tendance à la consommation de "drogues légales"
«On observe dans la population une tendance générale à consommer des formes légales de stupéfiants.»
Telle est l’expérience de Roger Flury, de l'Office fédéral de la police: on utilise soit des médicaments prescrits,
soit des substances expérimentales ou naturelles qui ne tombent pas sous le coup de la loi. Cela pose des
problèmes à la police, notamment au niveau de la circulation routière, puisque les tests rapides habituels ne
détectent pas la présence de ces nouveaux produits.
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La tâche de la prévention des dépendances est, entre autres, d’avertir les consommateurs de Spice et
d’autres substances semblables des dangers que cela représente pour leur santé, dont le risque de devenir
dépendant et de ne plus pouvoir s’en passer. «Celui qui consomme ces produits doit savoir qu'il ingère des
substances dont on ne connaît pas les effets à long terme. Par conséquent, nous n’avons aucune idée des
risques réels encourus», nous avertit Michel Graf, directeur de l’ISPA. Jusqu'à présent seuls deux
cannabinoïdes ont été repérés dans les mélanges d'herbes. Et personne ne sait s’ils contiennent d'autres
matières psychoactives, ni comment celles-ci agissent sur l'organisme humain. Il serait bon, pour la
transparence de l’information aux clients, que les fabricants aient l’obligation de définir précisément la
composition de leurs produits, même si ceux-ci sont vendus comme de simples vaporisateurs d’ambiance.
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IMPRESSUM
Magazine web de l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA)
Editeur
ISPA
Avenue Louis-Ruchonnet 14
case postale 870
1001 Lausanne
Rédaction
Monique Helfer (responsable)
Anita Cassese
Hermann Fahrenkrug
Contact : [email protected]
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