Les recettes faisandées du Signor Berlusconi Italie: la revanche de la télé-Etat Coup de théâtre au pays laboratoire des télevisions privées : le téléspectateur nejure plus que par les ondes publiques e glas a sonné pour Sua Emittenza entre le 14 décembre et le 11 mars. Pendant trois mois, à22 h 30, tous les soirs sauf le week-end, le téléspectateur italien lâchait pile ses variétés, son film, son débat ou son documentaire, sa chaîne nationale ou régionale, pour se précipiter dare-dare sur RAI 2. Et pour voir quoi ? Un homme-spectacle appelé Renzo Arbore, déguisé en amiral, qui animait une — émission baroque, farfelue et satirique, bourrée d'auto-ironie sur le système télévisuel, sous le titre « In dietro tutta » (« Machine arrière ») : avec des chansons (un tube en est sorti : « Oui, la vie est un jeu-télé »), des danses (celles des « ragazze Coccodé »,« les filles "Cot Cot Codek" », crête rouge sur la tête, oeufs pendus sous les reins et une poule carrément collée sur l'arrière-train), et de faux spots publicitaires (par exemple pour le « Cacao Meravigliad, un cacao qui n'existe nulle part et qui estdevenu le sym bole même de la pub qui vend duvent »). Taux d'écoute moyen : 6 millions de téléspectateurs, 8,5 le soir de la dernière, le 11 mars justement. Le 14, Silvio Berlusconi, patron de la plus grande chaîne commerciale européenne et roi des télés privées (Italie-I, Rete-4, Canale-5) annonce qu'il va se réinvestir dans les trois chaînes italiennes : une façon de reconnaître qu'après douze ans de guerre le match publicprivé vient d'être gagné par Mamma Rai, le mastodonte de la télé publique. Et qu'il faudra jouer serré si on veut remonter le courant. Les signes funestes s' étaient accumulés pour le Cavaliere. Le 17 février, Canale-5 atteignait son minimum historique avec l'émission-spectacle « aviva »: 9,4 0/0 d'écoute. Et Rete-4 s'offrait le luxe d'un minable 3 % (663 000 téléspectateurs) pour « TV-Tivü », un grand programme journalistique qui aurait dû faire de cette chaîne le leader des « news ». Le 22 février, Berlusconi était même contrent à censurer une émission gag intitulée « Matriochka ». L Renzo Arbore dans son émission «Machine anière » On y voyait une porno star, Moana Pozzi, se promener nue, un micro baladeur à la main, pour sa rubrique « l'Angle de la honte », devant un nain peint en vert qui vomissait de manière spasmodique ! Malgré sa toute-puissance et son agressivité, les 8 000 milliards de lires de chiffre d'affaires de sa société financière la Fininvest, et les 1 500 milliards de publicité de ses trois chaînes, Silvio Berlusconi censurait donc la belle Moana et ajoutait: « C'est l'heure derevenir à la bonnevieille télé des foyers. »Sur trois mois, d'ailleurs, son audience était passée de 47 % à 41,52 % au profit de la RAI. Pis: elle tombait à 35 % pour le prime rime, contre les 50 % de la RAI. A quoi tient cette série noire ? Douze ans après le décret de la Cour constitutionnelle qui libéralisait les ondes, trois ans après le vote de la loi numéro 10 qui autorisait les télévisions privées à émettre sur tout le territoire national, Silvio Berlusconi doit reconnaître qu'il a sousévalué de nombreux problèmes. Que la conquête du marché publicitaire italien (sur 100 spots diffusés, 70 passent sur les chaînes de Sua Emittenz,a) a certes enrichi la Fininvest, mais elle a fait dépendre à 65 0/t) son chiffre d'affaires des seuls annonceurs. De plus, pour être rentables ces spots doivent être nomsur les tranches horaibreux, serrés, stribués di res de grande écoute. Résultat : les films que Berlusconi achète à grands frais sur le marché américain arrivent saucissonnés toutes les dix minutes sur le téléviseur, et les spots n'étant munis d'aucune indication qui les qualifierait comme tels, on les confond avec le film. Plus grave encore, certains films sont carrément interrompus par l'annonce du prochain film, toujours avec la même méthode. Le feuilleton « Dinasty » est tombé au-dessous de l'audience moyenne. L'irritation du téléspectateur se traduit de plus en plus par un coup de télécommande rageur en direction de la RAI. Autre problème : la surévaluation cette fois du rôle des conducteurs, A rautomne dernier, le Cavaliere arrachait à la RAI ses « anchormen » les plus populaires : Pippo Baudo (payé 12 milliards de lires), Rebella Carrà (7 milliards), Enrica Bonaccorti (idem). Eh bien, à peine déboulées suries chaînes commerciales, ces vedettes, comme privées d'oxygène, ont —3.– 8-14AVR1L1988/99