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Université STENDHAL
UFR Lettres et Arts
Grenoble III BP 25
38000 Grenoble Cedex 9
LES ADAPTATIONS CONTEMPORAINES DU
CONTE À LA SCÈNE: ENTRE NÉCESSITÉ
DRAMATURGIQUE ET IMPÉRATIF DE
RÉCEPTION
Angelin Preljocaj, Blanche Neige (2008)
Marie Potonet, La Petite Sirène (2009)
Atavi-G Amedegnato, Sepopo la Fleur (2006)
Eros Galvao et Alexandro Nunez, La Gigantea (2009)
Mémoire de recherche de Master 1 Lettres et Arts
Spécialité Arts du Spectacle - Théâtre Européen
SAUVAGE Florine
Sous la direction de M. Martial Poirson
Juin 2011
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REMERCIEMENTS :
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé et encouragé tout au long de la
rédaction de ce mémoire.
Je remercie tout particulièrement Monsieur Martial Poirson, directeur de mon mémoire
pour ses conseils avisés et son temps.
Laurent Poncelet, directeur du FITA, pour m'avoir donné l'opportunité de découvrir les
spectacles du FITA, et de faire de belles rencontres.
Atavi-G Amedegnato, maître conteur et metteur en scène, ainsi que Marie Potonet
metteur en scène et dramaturge, pour leur temps et leur accessibilité.
Martin de Lalaubie, pour les captations vidéo de Sepopo la Fleur.
Christèle et Nicolas, pour leurs relectures.
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Le conte serait-il un genre impérissable ? Véhiculé au sein des sociétés de traditions
orales pendant des millénaires, devenu un genre littéraire qui a connu un grand succès avec
Charles Perrault, le conte éveille rapidement l'intérêt des arts de la scène, et ne cessera d'évoluer
depuis.
Sollicité par le cinéma, revisité par la bande dessinée, tourné par les arts plastiques, sources
de multiples réécritures, d'actualisation, les contes, qu'ils soient merveilleux, philosophiques,
libertins ou encore facétieux, forment un immense répertoire qui n'en finit plus d'alimenter les
expériences littéraires et artistiques, pour la plus grande satisfaction d'un public qui a priori ne
s'en lasse pas.
Si l' intérêt de la scène pour le conte ne date pas d'hier, l'opéra et le théâtre ayant dès le
XVIIè siècle identifié dans ce genre « moderne »1 les capacités à renouveler leur répertoire
merveilleux, une rencontre qui se traduira par l'abondance de tragédies lyriques puis de fééries
dramatiques jusqu'au XIXè siècle, le conte revient aujourd'hui sur le devant de la scène
contemporaine. Au delà de l'art du conteur, dont la pratique tend à rester souterraine aujourd'hui,
des metteurs en scène, comme Howard Barker2, Robert Walser3, Jean-Michel Rabeux4, Olivier
Py5, Joël Pommerat6 et bien d'autres, mais également des chorégraphes comme Angelin Preljocaj
s'emparent de cette matière populaire pour relever le défi scénique que représente la
dramatisation du conte : sur le plateau, ils abordent le conte avec leurs points de vue, afin d'en
interroger certains aspect. On cherche à retrouver les émotions primitives liées au conte, comme
la peur, on creuse les relations entre les personnages: Le petit chaperon rouge de Pommerat
devient un histoire entre trois femmes et un loup, La Barbe Bleue de Rabeux ressuscite celle
qu'il vient de tuer par un baiser d'amour, tandis que les Blanche Neige de Walser et Barker sont
tourmenteés par des relations familiales beaucoup trop complexes pour vivre « heureux pour
toujours »7. La relation au public est particulièrement matière à réflexion; avec son Petit
chaperon rouge Pommerat désire dépasser la distinction entre public adulte et jeune public,
voyant le conte comme un récit qui fascine à plusieurs niveaux. Il interroge également la
1 Christelle Bahier-Porte, « Le conte à la scène » [En ligne], Féeries N°4, 2007, mis en ligne le 24 octobre 2008
(page consultée le 01 Février 2011) <http://feeries.revues.org/index223.html.>
2 Howard Barker, « Le cas Blanche Neige » in Œuvres choisies volume 4. Gertrude (le cri), Le cas Blanche Neige,
Paris, Editions théâtrales, 2009. Mise en scène de Frédéric Maragnani, Théâtre Jean Vilar de Suresnes, Novembre
2005.
3 Robert Walser, « Blanche-Neige », Collection Merveilleux N°18, Paris, éditions José Corti, 2002. Mise en scène
de Nicolas Luçon, Vivat-Scène, 2009
4 Jean-Michel Rabeux, La Barbe Bleue, Paris, Avant Scène Théâtre, 2010. Mise en scène de Jean Michel Rabeux,
L'apostrophe, 2010.
5 Olivier Py La Jeune Fille, le diable et le moulin (1995). L'Eau de la vie (1999), Paris, L’école des loisirs. La vraie
Fiancée, Paris, Actes Sud Papier, 2008. Mise en scène de Olivier Py, spectacles créés en 2006 puis en 2008.
6 Joë Pommerat, Le petit chaperon rouge, Paris, Actes Sud-Papier, 2005. Mise en scène de Joël Pommerat, Théâtre
de l'Est Parisien, Octobre 2005. POMMERAT Joêl, Pinocchio, Paris, Actes Sud, 2008. Mise en scène de Joël
Pommerat, 2008
7 Nous y reviendrons dans un chapitre consacré aux multiples variantes de Blanche Neige.
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frontière entre le rapport du conteur avec son public et le rapport scène-salle. Avec Olivier Py et
Jean-Michel Rabeux, ils s'interessent également à la valeur initiatique du conte, à la manière
dont la scène va permettre de parler aux enfants de ce dont on ne leur parle pas, en décidant de
représenter la violence et la cruauté présentes dans l'histoire. Le conte mis en scène devient ainsi
une œuvre originale autonome, qui interroge à la fois des éléments inhérents au conte et
envisage un nouveau rapport au spectateur.
C'est à travers un corpus varié de contes récemment portés à la scène que nous
étudierons les modalités de l' adaptation du genre, c'est à dire le passage d'une forme écrite ou
orale en une forme théâtrale, un processus qui sous-entend des transformations conséquentes et
notamment en ce qui concerne le dispositif d'énonciation. L'adaptation se traduira également par
un travail de transposition sur scène du conte, et impliquera donc des choix conséquents de la
part du metteur en scène, qui sera chargé de le faire exister sur les planches en utilisant les
matériaux de la représentation théâtrale (image, musique, incarnation physique...). Ce travail
impliquera enfin l'adaptation d'un texte parfois très ancien au contexte nouveau de sa réception.
A travers la pièce de théâtre La Petite Sirène (texte réécrit et mise en scène par Marie
Potonet), le spectacle de danse Blanche Neige (chorégraphié par Angelin Preljocaj), la pièce
musicale pour marionnettes La Gigantea inspirée de nombreux contes (mise en scène par Eros
Galvao et Alexandro Nunez), et enfin le conte africain Sepopo la Fleur, (mis en scène par le
maître conteur Atavi-G Amedegnato), autant de transpositions scéniques différentes qui
permettrons des approches comparatistes, nous tâcherons de répondre à ces questions : quels
liens entretiennent aujourd'hui le conte et la scène ? En quoi le public devient un facteur majeur
à prendre en compte dans le processus de transposition ?
Il s'agira ici d'étudier les adaptations contemporaines du conte à la scène, afin de
dégager les multiples enjeux qu'implique cette rencontre. On défendra l'hypothèse selon laquelle
la rencontre entre ces deux pratiques est profitable réciproquement à chacune des parties, mais
que le genre tend cependant à devenir une matière première qu'exploite la scène à plusieurs
niveaux. En tant que genre court, issu de l'oralité et déjà emprunt de théâtralité, le conte semble
particulièrement prédisposé au passage sur les planches, tout en interrogeant les capacités du
théâtre à se faire relais de la parole du conteur, à considérer son public et à prendre en charge la
représentation du merveilleux, autant de défi pour le metteur en scène qui voudrait se confronter
à un matériau basé sur la parole et l'imaginaire. De son côté, la scène semble donner un nouveau
souffle au genre, tant à travers les diverses approches artistique qu'elle propose que par les
possibilités qu'elle offre au conte de rencontrer un nouveau public, un phénomène d'interaction
qu'il conviendra d'étudier de près.
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Nous partirons dans un premier temps des quatre mises en scène de notre corpus, afin
de tenter de cerner les possibilités qu'offrent la scène au conte. Nous nous intéresserons aux
nouvelles formes de représentation que prennent ici les contes, notamment à travers la prise en
charge de la narration dans des mises en scène la parole va parfois céder la place à la
musique ou la danse. Il faudra prendre en compte le contexte de la représentation mais par
dessus tout se préoccuper de savoir quels publics ces nouvelles approche espèrent toucher; trop
rapidement considéré comme s'adressant à du « jeune public », le conte mis en scène semble
pourtant appeler à un panel de spectateurs plus large, une transposition qui parait déterminante
dans le renouvellement des publics de chaque discipline. Ainsi, lorsque les « formes
traditionnelles », écrites mais surtout orales, ne suffisent plus pour transmettre ce patrimoine
culturel, les possibilités qu'offre le plateau se présentent comme une opportunité pour le conte
de refaire surface plus que jamais. Il faudra cependant s'interroger sur les conditions de cette
reconnaissance à travers les arts de la scène, la représentation scénique impliquant pour le
spectateur une force de conviction différente, et pour le conte se plier aux exigences du milieu
théâtral.
Une fois cette approche des rapports entre le conte et la scène établie, la deuxième partie
de l’étude tendra à s’interroger sur la productivité du conte en tant que source d'inspiration mais
également d'exploitation pour les arts du spectacle. Nous entamerons cette seconde partie par
une approche plus néraliste, qui se voudra dans un premier un temps décentrée de notre
corpus. A travers un état des lieux du conte en Europe, on montrera à quel point le genre s’est
ouvert et diversifié depuis ses origines orales jusqu'à nos jours, un cheminement qui a laissé des
traces sous de multiples variantes tout au long de son parcours, pour une popularité toujours
grandissante.
Nous tâcherons alors de voir en quoi le public devient un paramètre important tant au niveau de
la création que de la diffusion, lui qui aborde ces adaptations théâtrales avec ses
(mé-)connaissances, ses attentes, ses aprioris, autant de paramètres à prendre (ou non) en
compte par le metteur en scène, et notamment lorsqu'il s'agit de représenter sur scène le
merveilleux, avec les limites techniques que cela impose.
Il conviendra pour finir de faire le point sur les principaux éléments du conte qu'exploite
aujourd'hui la scène, allant de sa structure narrative à son succès auprès des publics, pour
finalement se demander si ce retour du conte sur le devant de la scène ne relève pas également
de stratégies commerciales.
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