avec la Troupe du Théâtre de la Ville
SERGE MAGGIANI
CHARLES-ROGER BOUR
CÉLINE CARRÈRE
JAURIS CASANOVA
VALÉRIE DASHWOOD
PHILIPPE DEMARLE
SANDRA FAURE
GAËLLE GUILLOU
SARAH KARBASNIKOFF
STÉPHANE KRÄHENBÜHL
GÉRALD MAILLET
WALTER N’GUYEN
PASCAL VUILLEMOT
Dossier pédagogique SAISON 2015 I2016
25 SEPT.<10 OCT.
{AU THÉÂTRE DES ABBESSES}
Le Faiseur
BALZAC IEMMANUEL DEMARCY-MOTA
REPRISE
2
BALZAC IEMMANUEL DEMARCY-MOTA
AVEC LA TROUPE DU THÉÂTRE DE LA VILLE
Le Faiseur REPRISE
VARIATIONS
DE LA DETTE
D’hier à aujourd’hui, cette rare comédie
de Balzac dévoile les manœuvres dou-
teuses d’hommes d’aaires aux abois.
Il arrive qu’un metteur en scène, fasciné comme je le suis par les romans, se demande s’il ne pourrait pas
par hasard adapter l’un d’entre eux à la scène. C’est ainsi que, partant de Balzac, je suis tombé sur sa pièce
de théâtre Le Faiseur, qui ma tout de suite saisi par son caractère insolite, à part, et par son actualité. C’est
que le thème de la dette a aussitôt retenu mon attention. La dette! Il suffit de tendre l’oreille à la rumeur du
monde pour entendre retentir ce mot dans bien des domaines divers, et pas seulement économiques.
Cependant, ce nest pas la dette symbolique qui ma interpellé (celle du mal, de la culpabilité…) mais la dette
réelle, la dette nécessaire, incontournable, qui fait le cœur de la pièce de Balzac. Mercadet, son héros, fait des
dettes, et toute sa question nest pas du tout de les rembourser, mais de se débarrasser de ses échéances et
de conserver ses créanciers. Logique fascinante que celle d’une telle pièce, qui s’étend jusqu’à la société tout
entière et à la politique des États, et dont il y a peu d’exemples dans le théâtre: sauf à penser à Timon
d’Athènes de Shakespeare et à L’Échange de Claudel. Le génie du héros Mercadet, qui est une sorte de dés-
équilibré à sa façon, c’est d’aller toujours de l’avant, de faire sans cesse pencher la balance et de se confor-
mer davantage aux fluctuations du monde quaux conforts de la famille. Ce en quoi il est assurément notre
contemporain, car on nous dit quil faut trouver la stabilité dans un monde en crise, mais nous sommes bien
plus des navigateurs dans la tempête qui suivent les roulis et les tangages du vaisseau auquel ils s’accro-
chent, que de paisibles passagers calfeutrés dans leur cabine.
Emmanuel Demarcy-Mota
MISE EN SCÈNE Emmanuel Demarcy-Mota
ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE Christophe Lemaire
SCÉNOGRAPHIE & LUMIÈRES Yves Collet
MUSIQUE Jefferson Lembeye
COSTUMES Corinne Baudelot
MAQUILLAGES Catherine Nicolas
ACCESSOIRES Clémentine Aguettant
COLLABORATION ARTISTIQUE François Regnault
TRAVAIL VOCAL France Cartigny &Maryse Martines
ASSISTANTE DÉCOR Federica Mugnai
ASSISTANT LUMIÈRES Nicolas Bats
ASSISTANTES COSTUMES Elisabeth Cerquera & Anne Yermola
CONSTRUCTION DÉCOR espace et compagnie
PRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris
photos de répétition © Jean-Louis Fernandez
3
SOMMAIRE
L’argent & le destin I F. Regnault p. 4
Résumé p. 6
En équilibre… I E. Demarcy-Mota p. 8
Balzac & les chiffres p. 10
L’Argent joue à cache-cache ... p. 11
Le Napoléon de la dette p. 12
Premières représentations p. 15
M. de Balzac saisi par le théâtre p. 16
Un personnage hors du commun p. 19
Le Faiseur et ses mensonges p. 20
Balzac et son siècle p. 24
Balzac : un visionnaire passionné p. 25
…dérive spéculative : le BITCOIN p. 26
Balzac p. 28
Emmanuel Demarcy-Mota p. 29
L’équipe artistique p. 30
Les Comédiens p. 31
À entendre I
Bibliographie non exhaustive p. 33
AVEC
Serge Maggiani
AUGUSTE MERCADET
Valérie Dashwood
MADAME MERCADET
Sandra Faure
JULIE MERCADET
Pascal Vuillemot
JUSTIN (valet de chambre)
Gaëlle Guillou
THÉRÈSE (femme de chambre)
Céline Carrère
VIRGINIE (cuisinière)
Jauris Casanova
ADOLPHE MINARD (teneur de livres)
Philippe Demarle
MICHONNIN DE LA BRIVE
Stéphane Krähenbühl
BREDIF (propriétaire)
&DE MÉRICOURT (autre jeune homme)
Sarah Karbasnikoff
PIERQUIN (usurière, créancière de Mercadet)
Gérald Maillet
VERDELIN (ami de Mercadet)
Charles-Roger Bour
GOULARD (homme d’affaires, créancier de Mercadet)
Walter N’Guyen
VIOLETTE (courtier d’affaires, créancier de Mercadet)
4
Dans une lettre du 6 août 1848 à Madame Ha´nska,
qui réside alors dans son château d’Ukraine, Balzac
annonce qu’il a projeté un « répertoire » de vingt
pièces de théâtre qu’il compte écrire, dont Le Faiseur,
appelé alors Mercadet. Un petit nombre d’entre elles
ont été écrites, les autres jamais (son théâtre com-
porte semble-t-il seulement sept pièces). Le Faiseur
est la plus connue, et elle fut assez souvent reprise,
pour un auteur qui passe avant tout pour un roman-
cier et dont on a adapté tant d’œuvres romanesques
au cinéma et à la télévision.
Il ne doutait pas de réussir dans le théâtre, qu’il ado-
rait, et, après tout, l’époque romantique ne s’y oppo-
sait pas, plusieurs écrivains français réussissant
dans le théâtre et dans le roman, Victor Hugo nétant
pas le moindre.
Aussi bien ne s’étonnera-t-on pas que Balzac écrive
du théâtre, la question plus intéressante étant, me
semble-t-il, de savoir quel théâtre?
Le Faiseur est comme une pièce à machines dont les
Chiffres sont les acteurs, et les personnages les
esclaves des Chiffres.
Au moment l’on s’attendrait que Le Faiseur fût
composé d’épisodes romanesques accompagnés de
descriptions dans « le style balzacien », l’auteur de
La Comédie humaine préfère suivre implacablement
la fable de la faillite et du rétablissement triomphal
de son héros, Mercadet, au travers de seules tracta-
tions financières et commerciales, parfois difficiles à
élucider. Les cours de la Bourse descendent et mon-
tent à une grande vitesse, les remboursements de
dettes sont constamment retardés; les affaires en
Bourse occupent la vie entière des sujets ; en consé-
quence, les tergiversations matrimoniales font fi des
sentiments amoureux, les cœurs épris des amants
manipulés doivent se soumettre et se sacrifier aux
dictats d’un « faiseur » (homme d’affaires, ou plu-
tôt: affairiste) aux abois 1.
On devrait suivre aisément trois fils dans Le Faiseur :
Comment s’acquitter de ses dettes sans avoir à les
rendre (Balzac a publié en 1827 un étonnant opus-
cule LArt de payer ses dettes et de satisfaire ses créan-
ciers sans débourser un sou, dont nous avons fait à la
scène l’usage qui convient): mensonge, chantage,
bluff, poudre aux yeux, création de comparses,
déguisements, toute une théâtralité fantastique ins-
crite dans la pièce.
Comment faire tomber une affaire qui marche,
pour que les actionnaires revendent leurs actions, et
la relever tout d’un coup, pour qu’ils en rachètent:
en différant dans le temps une bonne nouvelle
industrielle, quon ne livre d’abord quà des com-
plices (« délit d’initié »), avant de la révéler au grand
jour, et en faisant ainsi profit du temps lui-même, cet
actionnaire involontaire?
Comment fracasser un brave mariage (petit-)
bourgeois au profit d’un mariage qui nest qu’un
marché de dupes. En faisant ainsi fi du bonheur.
L’ARGENT & LE DESTIN
FRANÇOIS REGNAULT
5
Ces trois fils tissent une dramaturgie singulière 2
dont la question que doit constamment avoir à la
pensée le spectateur consiste à se demander: en
est-on des hauts et des bas du crédit et du débit de
Marcadet? Où en est-on du destin – à l’horizon – des
mines de la Basse-Indre, qui donne lieu à des cours
si oscillants de la Bourse? en est-on de la destinée
de l’héritière, balancée entre l’humble prétendant
pauvre et le fallacieux prétendant prétendu riche ?
Sans vouloir déflorer les coups de théâtre qui font le
nouement, indiquons cependant que cest la
me surprise finale qui dénouera les trois
impasses: père riche de retour, fils reconnu, le même
sauveur rachetant les mines et acquittant les dettes,
sorte de rédempteur matériel de la Société bour-
geoise infernale et coupable.
Sans être physiocrate « Laissez faire, laissez-pas-
ser »… la Nature – Balzac ne doctrine-t-il pas impli-
citement qu’il nest pas de misère sociale dont la
nature du capitalisme ne puisse venir à bout. Il ne le
nomme pas, nétant ni socialiste, ni communiste,
mais le Manifeste communiste, écrit en 1847 et publié
en février 1848, est parfaitement contemporain du
Faiseur. Il en est en quelque sorte l’envers.
Reste que Balzac est plutôt optimiste la fois
monarchiste et catholique), contre la défiance de
Marx à l’égard du règne de Louis-Philippe dans La
lutte des classes en France: « La monarchie de Juillet
nétait qu’une société par actions fondée pour l’exploi-
tation de la richesse nationale française dont les divi-
dendes étaient partagés entre les ministres, les Chambres,
200 000 électeurs et leur séquelle. Louis-Philippe était
le directeur de cette société: Robert Macaire sur le
trône. » Balzac pourrait répondre que, si la société
bourgeoise est ainsi, ce nest pas si grave, puisque de
toute façon, la nature faisait déjà de nous des débi-
teurs, et qu’il fait dire à son Marcadet: « Quel est
l’homme qui ne meurt pas insolvable envers son père ?
Il lui doit la vie, et ne peut pas la lui rendre. »
Et c’est aussi l’un de ses aphorismes: « Le débiteur
est toujours supérieur au créancier. »
Le théâtre de l’ère capitaliste triomphant ne serait
donc plus le théâtre du Destin.
Peut-être faut-il entendre dans ce sens ces autres
propositions, plutôt pessimistes, à propos de la dette,
de notre dette, de Jacques Lacan: « Nous ne sommes
plus seulement à portée d’être coupables par la dette
symbolique. C’est d’avoir la dette à notre charge qui
peut nous être, au sens le plus proche que ce mot
indique, reproché. […] Sans doute l’Atè antique (l’éga-
rement d’Antigone, ou de la tragédie grecque) nous ren-
dait-elle coupables de cette dette, mais à y renoncer
comme nous pouvons maintenant le faire, nous
sommes chargés d’un malheur plus grand, de ce que le
destin ne soit plus rien 3.»
1La présente mise en scène du Faiseur a cherché, me semble-t-il, à démultiplier les espaces et à différencier les temporalités
de la pièce, afin de laisser l’action suivre son cours réel, complexe, au sens où les actions (des actionnaires) suivent les cours
(de la Bourse) – La Bourse, cette machine à pluraliser les espaces (Tokyo, Londres, Paris, Wall Street!) et à dilater les temps
(hausses, baisses, délais, intérêts…).
Tout se passe comme si le dispositif scénique choisi pour Le Faiseur, ces praticables qui montent et descendent et soumettent
les sujets à leurs inclinaisons différentielles comme à leurs pentes vertigineuses étaient la grande métaphore des prix
ou des valeurs, des ascensions et des faillites du héros. Vaisseau désamaren pleine ville qui oscille au gré de la Bourse,
cette moderne déesse des vents et des marées sociales.
2Il arrive à la complexité des instances financières ou commerciales de se presser, de se consolider ou de se contrarier
à très peu de distance dans l’espace et dans le temps, de sorte que l’audition de la pièce peine parfois à faire entendre
toutes les voix du contrepoint. Il en va ici souvent comme dans ce moment d’une fugue où les voix se rapprochent,
de pressent et se resserrent, et qu’on appelle strette.
3Jacques Lacan, Le Séminaire Livre VIII, Le transfert, Seuil 1991, p.354.
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