considérable donc susceptible de contenir des LyT reconnais-
sant des antigènes du soi (autoréactifs). Ce répertoire est
modelé par des phénomènes de sélection positive et de sélec-
tion négative. La sélection positive est le processus par lequel
des précurseurs de LyT capables de reconnaître des complexes
peptides - molécules du complexe majeur d’histocompatibilité
(CMH) survivent et gagnent la périphérie sous la forme de LyT
matures naïfs. La sélection négative élimine quant à elle les
précurseurs de LyT fortement autoréactifs.
La sélection négative a longtemps été considérée comme le
principal mécanisme de tolérance au soi. Toutefois, il est
désormais clair que ce processus n’est que partiel et que des
LyT autoréactifs sont produits de façon physiologique [1],
rendant indispensables des mécanismes de tolérance péri-
phérique. Les mécanismes périphériques d’immunorégula-
tion sont multiples. Ils comprennent notamment la mort cellu-
laire induite par l’activation, la modulation de la mise en jeu
des molécules de costimulation et des récepteurs inhibiteurs,
et la différentiation des LyT vers des populations produisant
des profils cytokiniques différents et se régulant mutuellement
(balance Th1/Th2). Les mécanismes régulateurs dépendants
de cellules T suppressives constituent quant à eux un proces-
sus actif par lequel une population de cellules contrôle
l’activation d’une autre. Le concept que des LyT suppresseurs
contrôlent les réponses immunitaires repose sur des expérien-
ces déjà anciennes d’induction de tolérance par transfert
adoptif de LyT provenant d’un animal tolérisé [2]. On savait
également que la thymectomie pratiquée sur des souris de
trois jours (mais non chez des souris plus âgées) provoquait
des manifestations autoimmunes spécifiques d’organe [3],
qui pouvaient être prévenues par l’injection de LyT de souris
adultes mais pas de souris également thymectomisées à J3
[4]. Ceci suggérait donc l’existence des cellules régulatrices
produites à partir de J3 chez la souris. Depuis lors, le
développement progressif de marqueurs de surface dissé-
quant l’hétérogénéité phénotypique et fonctionnelle des LyT
[5] a permis l’identification précise de sous-populations de
LyT effecteurs et, plus récemment, de sous-populations sup-
pressives. C’est en effet l’absence de caractérisation molécu-
laire précise qui a, pendant longtemps, rendu ce domaine
difficile. Si l’existence de la suppression était étayée par de
nombreuses évidences scientifiques, la nature des cellules
suppressives restait mystérieuse alors que les modèles théori-
ques se complexifiaient avec l’intervention de lymphocytes
effecteurs-suppresseurs et suppresseurs-inducteurs, la produc-
tion de facteurs suppresseurs solubles spécifiques d’antigè-
nes et un déterminisme génétique impliquant une possible
région I-J localisée entre les régions I-A et I-E du CMH de
classe II murin [6]. L’impossibilité de définir au plan molécu-
laire la nature précise de ces facteurs suppresseurs mais aussi
la découverte par analyse moléculaire que la région I-J
n’existait pas physiquement [7] a conduit la communauté des
immunologistes à se désintéresser brutalement de cette ques-
tion, allant jusqu’à bannir le mot “suppresseur” du champ
lexical de cette discipline et quasiment interdire tout accès
éditorial aux travaux dans ce domaine pendant plusieurs
années. Toutefois, grâce à une meilleure définition molécu-
laire, les années récentes ont vu la spectaculaire
ré-émergence de cette thématique qui est redevenue un des
champs les plus actifs de recherche en immunophysiologie et
immunopathologie.
Plusieurs sous-populations lymphocytaires T régulatrices,
intervenant à différentes étapes de la réponse immunitaire,
ont été caractérisées, parmi lesquelles les LyT naturels
CD4
+
CD25
+
, les LyT induits Th3 (sécréteurs de TGFb), les LyT
induits Tr1 (sécréteurs d’interleukine-10 et de TGFb), certains
LyT CD8
+
et les lymphocytes NK-T. Nous décrirons ici les
principales caractéristiques des LyT CD4
+
CD25
+
régulateurs
(Treg) et leur rôle chez l’homme dans certaines pathologies.
Mise en évidence des Treg
chez la souris
Les travaux de Sakaguchi et al. ont été déterminants dans la
caractérisation des Treg CD4
+
CD25
+
. Ils ont montré que le
transfert à des souris lymphopéniques, de LyT déplétés en LyT
CD4
+
CD25
+
conduisait en quelques semaines à l’émer-
gence de nombreuses manifestations autoimmunes touchant
la thyroïde, l’estomac, les ilôts bdu pancréas, les glandes
salivaires et surrénales, les ovaires, les reins et les articula-
tions [8]. L’administration de LyT CD4
+
CD25
+
dans les jours
qui suivent celle des LyT CD4
+
CD25
-
, prévenait la survenue
de ces manifestations. Ces observations spectaculaires impo-
sent plusieurs conclusions. Tout d’abord, elles confirment que
la sélection négative des LyT autoréactifs dans le thymus n’est
que partielle et que le système immunitaire normal contient
des LyT autoréactifs susceptibles d’entraîner “spontanément”
des maladies autoimmunes en l’absence de toute immunisa-
tion expérimentale par des autoantigènes. Deuxièmement,
elles montrent que ces LyT autoréactifs produits physiologi-
quement sont placés sous le contrôle permanent d’une sup-
pression dominante exercée par des Treg de phénotype
CD4
+
CD25
+
. Enfin, elle ouvre des perspectives d’immuno-
régulation thérapeutique par les Treg.
Ces résultats sont à rapprocher de ceux obtenus dans un
modèle de souris transgéniques pour un TCR dirigé contre la
protéine basique de la myéline. De façon surprenante, seule
une minorité de ces souris - dont le répertoire des LyT est
pourtant massivement (mais, du fait de réarrangements endo-
gènes du TCR, non exclusivement) dirigé contre un auto-
antigène du système nerveux central - développait une
encéphalite. En revanche, lorsque ces souris étaient croisées
sur un fond RAG-déficient (un modèle empêchant les réarran-
gements du TCR et garantissant ainsi un répertoire 100 %
autoréactif transgénique), alors la totalité des animaux déve-
loppait une encéphalite autoimmune.
On comprend donc que, dans ces conditions expérimentales,
la survenue d’une maladie autoimmune (ici, un modèle de
sclérose en plaque) dépend non seulement de la présence de
LyT autoréactifs mais aussi de l’absence de LyT exerçant une
Hématologie, vol. 12, n° 3, mai-juin 2006
165
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.