pdf, 607 k. - Ecole Doctorale 74

publicité
Université de Lille 2- Droit et Santé
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Ecole doctorale n°74
Les retraites en France :
Quel avenir ?
GRESSIER Franck
Sous la direction de M. le Professeur BOSSU
Année universitaire 2002-2003
Mémoire DEA droit social
document téléchargé sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr
Je remercie, Natalie P.
pour son immuable soutien, M.
Bossu pour m’avoir guidé et
conseillé dans l’élaboration de ce
mémoire, mes Parents et ma Sœur
pour m’avoir supporté.
2
Sommaire
JE REMERCIE, NATALIE P. POUR SON IMMUABLE SOUTIEN, M. BOSSU POUR
M’AVOIR GUIDÉ ET CONSEILLÉ DANS L’ÉLABORATION DE CE MÉMOIRE,
MES PARENTS ET MA SŒUR POUR M’AVOIR SUPPORTÉ...................................... 2
INTRODUCTION.....................................................................................................................5
1ER PARTIE : LA MISE EN ÉVIDENCE D’UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DU SYSTÈME.................................14
Chapitre 1 : Présentation du système de retraite français...............................................14
Section 1. Le premier étage : les régimes de base.........................................................16
Section 2. Le second étage : les régimes complémentaires...........................................32
Chapitre 2 : Les raisons d’une nécessaire réforme......................................................... 42
Section 1. Les principaux éléments du débat................................................................ 42
Section 2. La prise en compte d’une nécessaire évolution............................................51
2ÈME PARTIE : COMMENT FAIRE ÉVOLUER LE SYSTÈME ?................................................................. 61
Chapitre 1 : Une évolution difficile mais possible........................................................... 61
Section 1. Pourquoi la réforme est-elle si difficile ?.....................................................62
Section 2. Une évolution possible : les expériences étrangères.................................... 65
3
Chapitre 2 : Les pistes possibles d’évolution...................................................................73
Section 1. Les pistes de réflexion..................................................................................73
Section 2. La piste retenue : le maintien de la répartition............................................. 90
CONCLUSION........................................................................................................................99
4
INTRODUCTION
Le débat sur les retraites bat à l’heure actuelle à nouveau son plein. De nombreux
ouvrages parus dans la presse au titre évocateur Retraites en péril1, Pourquoi la France va
dans le mur2 reflètent une inquiétude voir un pessimisme ambiant en matière d’évolution du
système de retraite français.
La retraite est un enjeu majeur pour notre société. Cette affirmation trouve son
fondement dans la double dimension de la retraite à la fois économique et sociale3.
Depuis des années la composante économique est au cœur des discussions sur les
prélèvements sociaux au travers de la hausse régulière du niveau des cotisations sociales.
L’enjeu est de préserver la compétitivité économique des entreprises mais pas seulement, il
s’entend aussi en terme de financement de l’économie, la gestion des retraites étant
intimement liée au niveau de l’épargne nationale.
La retraite se caractérise aussi par sa composante sociale car elle concerne le revenu
des retraités. De nombreuses études portent d’ailleurs sur le caractère plus ou moins
redistributif du système de retraite, ainsi que sur sa capacité à assurer la préservation du
pouvoir d’achat tout en assurant un niveau de ressource approprié en remplacement du salaire
d’activité. Préserver le pouvoir d’achat de la retraite démontre toute la place et la
considération qu’une société accorde à ses retraités.
Un système de retraite est un ensemble d’obligations réciproques entre générations et
professions. C’est un mécanisme d’assurance sociale, qui dans tous les pays développés,
1
BICHOT (J.), coll. « Bibliothèque du citoyen », Presses de Sciences Po, Paris, 1999.
Liaisons sociales magazine, septembre 2001, p. 16-30.
3
COCHEME (B.)et LEGROS (F.), Les retraites, genèse, acteurs, enjeux , Armand Colin, Paris, 1995.
2
5
comporte sous des formes et dans des proportions variables un étage de base public et
universel, un étage professionnel et un étage facultatif collectif ou individuel. L’objectif d’un
système de retraite est donc d’assurer un revenu satisfaisant aux travailleurs trop âgés pour
continuer à travailler. Dans chaque pays, il est constitué par la coexistence, plus ou moins
cohérente, de cinq piliers d’importance variable4 :le système public de solidarité, le régime
social contributif par répartition, les retraites d’entreprise, les fonds de retraite par
capitalisation et l’épargne libre.
Le système public de solidarité assure un revenu minimal à tous les résidents au-delà
d’un certain âge. Cette prestation est financée par l’impôt. Un tel système est lié à la
conception beverdgienne de prestations sociales forfaitaires, liées à la résidence et non au
revenu d’activité. Soit l’allocation est versée à tous comme c’est le cas au Royaume-Uni ; soit
elle est différentielle, dans le sens où elle complète les ressources du retraité pour lui garantir
un certain niveau de revenu, comme exemple on peut citer le minimum vieillesse en France.
Le montant de cette prestation est relativement faible et ne constitue qu’un filet de protection
au-dessous d’un régime par capitalisation ou par répartition.
Les régimes d’entreprise sont en très net recul mais méritent une étude rapide
puisqu’ils sont vus comme l’ancêtre du système social contributif. Dans ce système chaque
entreprise assure la retraite de ses salariés. La retraite représente le plus souvent un certain
pourcentage du dernier salaire du travailleur. Les retraites d’entreprise favorisent
l’attachement du salarié à son entreprise et récompensent les carrières ascendantes, mais elles
ont de nombreux défauts. Souvent le salarié perd ses droits s’il quitte l’entreprise avant la
retraite mais surtout dans un tel système les entreprises sont obligées de supporter tous les
risques liés aux retraites, notamment le poids de l’allongement de la durée de retraite.
Le régime social contributif prélève une cotisation sur les salaires des actifs pour
fournir aux retraités une pension dépendant des salaires qu’ils ont reçus. La retraite de tous les
travailleurs est assurée par l’ensemble des entreprises, c’est la conception bismarckienne des
prestations sociales comme assurance du revenu salarial. Par rapport aux régimes d’entreprise,
le régime social contributif mutualise le risque. Le système doit être obligatoire sinon les
jeunes entreprises préfèreraient du fait du nombre peu élevé de retraités en leur sein mettre en
place des régimes autonomes. La retraite par répartition apparaît comme une opération
4
STERDYNIAK (H.) et DUPONT (G.), Quel avenir pour nos retraites? , coll. Repères, La Découverte, Paris,
2002.
6
financière où l’individu verse d’abord des cotisations et reçoit ensuite des prestations. Le
système repose sur un compromis délicat entre contributivité et redistribution, les veuves ont
droit à une pension pour les salariés mariés, les retraites sont rehaussées pour les personnes
qui ont élevé des enfants. Institutionnellement les cotisations sont réparties entre cotisations
employeurs et cotisations salariés, ce financement paritaire justifie que le système soit géré
par les représentants du patronat et des salariés. Le niveau des retraites découlent de
négociations entre le patronat et les syndicats sans garantie pour les retraites. Au sein du
régime contributif on distingue traditionnellement deux types de fonctionnement : les
systèmes par annuités et les systèmes par points. Les règles de fonctionnement d’un régime
définissent le niveau de retraite d’un travailleur en fonction des salaires qu’il a reçus au cours
de sa carrière. Dans les systèmes par annuités on calcule un salaire de référence représentant
le salaire moyen du salarié au cours de sa carrière , on multiplie ensuite par un certain taux de
pension pour obtenir la pension. Cette pension dite à taux plein n’est acquise que si le
travailleur a cotisé un certain nombre d’années, sinon une décote est appliquée. Dans les
systèmes par points, les cotisations permettent d’acheter des points. La pension est égale au
nombre de points acquis multiplié par la valeur du point. Le choix social important est celui
du taux de remplacement. S’il est élevé, le taux de cotisations doit être relativement fort. S’il
est bas, le taux de cotisations est relativement bas mais les actifs doivent en plus épargner ou
souscrire des fonds de pension pour compléter leur retraite. La gestion du système doit
résoudre des déséquilibres conjoncturels et structurels. A court terme le système est sensible
aux fluctuations macro-économiques, en période de récession il se trouve en déficit en raison
de la baisse du nombre de cotisants. A long terme le système doit être équilibré.
L’épargne libre est toujours le dernier pilier de la retraite. L’épargne permet de corriger
les autres piliers. Après son départ à la retraite, le retraité consomme son patrimoine jusqu’à
sa mort. Chaque individu organise à sa guise l’accumulation patrimoniale nécessaire pour sa
retraite. L’épargne libre ne joue qu’un rôle marginal dans le financement de la retraite, et ce
pour deux raisons principales, tout d’abord la plupart des individus n’ont pas la capacité à
s’engager d’eux-mêmes dans une stratégie d’épargne à long terme, enfin la masse d’actifs à
accumuler est énorme.
La retraite par capitalisation, le salarié accumule des actifs financiers durant sa période
d’activité, généralement auprès d’organismes tels que les fonds de pension, et touche une
rente viagère durant sa retraite. La sortie en rente viagère distingue la capitalisation de
7
l’épargne à long terme, son objectif est de transférer du pouvoir d’achat dans le temps mais
aussi d’assurer l’incertitude sur la durée de vie. La capitalisation est souvent organisée dans
un cadre professionnel, le financement est assuré soit par l’employeur soit par les salariés. Les
fonds de pension peuvent être gérés par l’entreprise, les syndicats ou par des sociétés
financières. La retraite par capitalisation peut être obligatoire ou facultative. Facultative elle
ne rencontre que peu de succès et fait courir le risque que seuls les cadres et les salariés des
grandes entreprises se couvrent. La capitalisation ne peut assurer un niveau donné de revenu
relatif aux retraités. La pension obtenue dépend du rapport entre la longueur moyenne de la
retraite et la longueur de la période d’activité. Le système est très avantageux quand les taux
de rentabilité financiers sont élevés par rapport au taux de croissance de l’économie.
Le système français est dominé par le régime social contributif. Les régimes
d’entreprise sont limités à la fonction publique où la règle est que le salarié effectue la totalité
de sa carrière. Le système de solidarité bien que généreux est d’importance réduite du fait du
poids du système social contributif. Quant à la retraite par capitalisation elle n’est que peu
développée.
Le système français actuel, fruit de l’histoire, basé sur la répartition, repose sur la
solidarité intergénérationnelle, c’est à dire que les cotisations des actifs sont immédiatement
utilisées pour financer les pensions des retraités. Il comporte une assurance vieillesse de base
généralisée gérée par une pluralité de régimes et des régimes complémentaires en principe
obligatoires institués à l’initiative des partenaires sociaux. Depuis quelques années on constate
en outre un effort individuel d’épargne.
La retraite, dans son acceptation sociale et économique actuelle, est de création
5
récente . En étudiant les écrits de l’Ancien Régime on s’aperçoit que le mot retraite est
assimilé à une mise à l’écart volontaire, à seule fin de conjuguer isolement physique et repli
intérieur6. La démarche est de nature individuelle et implique une aptitude à l’élévation
spirituelle.
L’histoire des retraites débute sous la Révolution7. Quelques expériences existaient
déjà sous l’Ancien Régime mais les pensions ressemblaient plus à des gratifications, à une
faveur accordée par sa Majesté qu’à un droit. En fait l’Etat, soucieux d’attirer une main5
GRECIANO (P-A.), Les retraites en France, quel avenir ? , La documentation française, Paris, 2002.
BREUGNOT (B.), Le discours de la retraite au XVII e siècle. Loin du monde et du bruit , coll. Perspectives
littéraires , PUF, Paris, 1996.
7
Le Monde 2, « Vive les vieux! », juin 2003,n°30.
6
8
d’œuvre nombreuse et qualifiée, se révèle être le précurseur du système de retraite français.
Pour l’essentiel les personnes trop âgées pour continuer de travailler comptaient jusqu’alors
sur leurs économies ou sur leurs proches pour survivre.
Un projet de loi visant à instaurer la retraite des fonctionnaires est discuté en 1790, si
cette loi n’a bénéficié qu’à très peu de fonctionnaires en raison de son caractère trop étroit elle
a eu le mérite de soulever pour la première fois la question de la pension. Dans le projet
originel son financement reposait sur la capitalisation, c’est à dire que les fonctionnaires
cotisaient pour leur propre retraite. Devant l’inertie de l’Etat, certaines catégories
professionnelles vont créer leur propre régime, c’est le cas par exemple de la Banque de
France en 1808 et de l’Imprimerie nationale en 1824. Dès son origine on le voit le système de
retraite français reposent sur une multiplicité de régimes particuliers.
Il faut attendre la loi du 9 juin 1853 pour qu’un régime général de la fonction publique
soit crée. Cette loi unifie les pensions civiles et militaires des vingt-cinq caisses de
fonctionnaires d’administration centrale déjà existantes et intègre leur financement dans le
cadre budgétaire. Désormais les cotisations des fonctionnaires sont portées en recette dans le
budget de l’Etat qui supporte le paiement des pensions, dès lors la pension de retraite, au lieu
de constituer une rente viagère provenant d’un capital amassé par le fonctionnaire avec la
participation de l’Etat, est devenue le droit à une fraction du traitement acquis sous certaines
conditions d’âge et de service.
Dans le secteur privé, l’évolution a été plus lente en matière de pensions de retraite8.
Les seules initiatives viendront tout au long du XIXe siècle, soit de la part des sociétés de
secours mutuels, soit de la part du patronat dans la perspective de rassurer et de fidéliser la
main-d’œuvre. Durant cette période l’Etat s’est abstenu de créer des assurances obligatoires,
ses interventions se limitaient au soutien sélectif des initiatives privées.
Les sociétés de secours mutuels se sont efforcés d’étendre leur activité au problème de
vieillesse considérée comme une forme d’invalidité. Elles ont parfois crée en leur sein des
caisses de retraites, lesquelles ont connu de graves échecs en raison de la faiblesse et de
l’instabilité de l’épargne susceptible d’être affectée par les mutualistes à la constitution d’une
pension de retraite. Cette expérience incita le législateur à créer par une loi du 18 juin 1850
une Caisse de retraites pour la vieillesse garantie par l’Etat. Cette Caisse était en théorie
destinée aux ouvriers mais profita surtout à la petite bourgeoisie. En effet elle était fondée sur
8
SAINT-JOURS (Y.), « La genèse des retraites en France » , Droit ouvrier, nov. 1993, p.405.
9
la prévoyance volontaire, credo des seules classes aisées, et elle impliquait des cotisations qui
bien que relativement peu élevées constituaient une dépense régulière à laquelle bon nombre
de familles ne pouvaient faire face.
Le patronat prit également l’initiative de mettre en place, surtout dans les grandes
entreprises, des caisses de retraite et de prévoyance présentées comme une garantie pour
l’avenir. Si certains patrons ont utilisé la Caisse nationale de retraites pour la gestion des
retraites d’entreprise, d’autres ont créé des caisses-maisons sans aucune personnalité juridique
et fonctionnant comme de simples comptes ouverts dans l’entreprise. Ces caisses étaient
alimentées par des contributions patronales déterminées en fonction des salaires versées aux
ouvriers, des bénéfices réalisés ou de la générosité variable de l’entreprise et complétées
parfois par des cotisations ouvrières. Le montant de la retraite était fonction des aléas de
l’entreprise et l’intéressé se trouvait déchu de ses droits en cas de départ volontaire ou de
licenciement, de même en cas de faillite l’ouvrier n’avait aucun droit particulier.
Pour vaincre la carence des caisses patronales, la résistances des employeurs
récalcitrants et plus généralement de l’échec généralisé de la prévoyance libre ou subsidié
fondée sur l’épargne, le législateur dut s’orienter vers un système de retraite obligatoire pour
l’ensemble de la population.
A l’issu de longs et nombreux débats, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes
(ROP) du 5 juillet 1910 instaure le principe de la cotisation obligatoire et constitue le premier
essai de généralisation de la prévoyance collective. Ce système de retraite reposait sur la
technique de la capitalisation et de la double cotisation ouvrière et patronale. Ce système n’a
pas connu le succès escompté pour la raison principale que l’érosion monétaire ne permettait
pas de préserver le pouvoir d’achat des retraités.
C’est à la loi de 1928-1930 sur les assurances sociales que revient le mérite d’avoir
posé les bases d’une assurance vieillesse devenue classique. Arrivé à l’âge de 60 ans, le
retraité a le choix entre une pension non réversible représentant 40% de son salaire et une
pension réversible à ses descendants, mais plus faible. Ces assurances obligatoires ne
concernaient que les travailleurs dont les salaires ne dépassaient pas un seuil donné ; pour les
autres, c’est à dire ceux disposant de ressources suffisantes, ils pouvaient y souscrire
facultativement.
10
C’est en 1945 que naît véritablement le régime par répartition en France.
L’ordonnance du 19 octobre 1945 organise sur des bases nouvelles le régime des assurances
sociales. Le régime général est crée : il rassemble tous les salariés du secteur privé (à
l’exception des salariés agricoles) qui doivent quel que soit le montant de leur salaire cotiser à
l’assurance vieillesse dans la limite cependant d’un plafond de cotisations.
Le principe par répartition est substitué au système par capitalisation. La loi du 22 mai
1946 pose le principe de la généralisation de la sécurité sociale à l’ensemble des citoyens.
Toute la population est appelée dès 1947 à bénéficier de l’assurance vieillesse en principe
dans le cadre du régime général. Ceci suppose l’unification du système de retraite or on assiste
au phénomène inverse. L’ordonnance du 4 octobre 1945 maintient à titre provisoire les
différents régimes spéciaux, mieux on crée de nouveaux régimes autonomes pour les
travailleurs non salariés : en 1948 pour les industriels et commerçants, les artisans et les
professions libérales, puis en 1952 pour les exploitants agricoles.
Progressivement à partir des années 1970 on assiste à une évolution continue du
système de retraite, évolution qui tend à harmoniser les conditions des retraités. La loi du 3
juillet 1972 réalise pour les industriels, les commerçants et les artisans, l’alignement des
cotisations et des prestations sur celles du régime général.
En raison des insuffisances des prestations de l’assurance vieillesse, des retraites
complémentaires sont instituées par voie conventionnelle, d’abord pour les cadres et ensuite
progressivement pour les autres salariés. Elles seront rendus obligatoires pour tous les salariés
et anciens salariés par la loi du 29 décembre 1972.
On le voit le long mouvement de généralisation de l’assurance vieillesse ne s’est pas
accompagné d’un mouvement parallèle d’unification en dépit du fait que cet objectif ait été
exprimé par le plan de 19459. Chaque fois qu’un groupe professionnel a entendu se doter d’un
régime obligatoire de pensions, il a souhaité en effet conserver son particularisme, tant dans la
définition des droits et des efforts contributifs que dans la gestion du régime. Le système
français de retraites est profondément ancré dans l’histoire économique et sociale de notre
pays.
Depuis 1945, la retraite est devenue un élément très important de cohésion sociale et
de solidarité en France. Elle permet compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie, de
9
Livre blanc sur les retraites , coll. des rapports officiels, La documentation Française, Paris, 1991.
11
disposer de plusieurs années libérées de toute activité professionnelle, avec une indépendance
et une sécurité financières appréciables. Mais aujourd’hui le système de retraite français est en
danger, voir selon certains en péril, le réformer n’est pas seulement une nécessité, c’est une
urgence. Le gouvernement actuel a décidé d’agir et considère le problème de la retraite
comme une grande cause nationale. « On est dans une situation difficile qui oblige le
gouvernement à faire tout ce qu’on n’a jamais voulu faire », résume le consultant Bernard
Brunhes10. Le changement de cap est donc inéluctable. Il a d’ailleurs déjà commencé, au
moins dans les mentalités et y compris à gauche. Déjà en 1999, Dominique Strauss-Kahn
nous disait que « l’Etat était en péril et que la meilleure façon de s’en sortir, c’était de
réformer ».
Sur quels éléments ces prédictions alarmistes se fondent-elles ?
Le premier argument est d’ordre démographique : l’arrivée à maturité du système de retraite
français (accès à la retraite des classes d’âge nombreuses d’après guerre), combinée à
l’élévation continue de l’espérance de vie après 60 ans11 et à la chute du taux de fécondité12
contribue à un accroissement du poids des personnes âgées de 65 ans et plus. Les progrès
médicaux et les meilleurs conditions d’existence ont donc un prix, le déséquilibre entre le
nombre de personnes actives et celles qui sont retraitées. A ce jour quatre actifs financent un
retraité, ils seront à peine plus de deux pour un retraité en 2040.
Le second argument est d’ordre économique : l’état actuel du marché du travail constitue un
élément indiscutablement aggravant. Jamais le taux d’activité des travailleurs de plus de 55
ans n’a été aussi faible qu’aujourd’hui. En 2000 moins de 70% de la population masculine de
55 ans à 59 ans occupait un emploi contre près de 90% trente ans plus tôt. Si la croissance
économique de ces dernières années a réduit le taux de chômage des actifs âgés, nombre
d’entreprises n’hésitent pas à se séparer de salariés considérés comme devenus inemployables,
d’où le gonflement du nombre des bénéficiaires de dispositifs de retraite anticipé jusqu’au
milieu des années quatre-vingt. A l’inverse il faut noter fait aggravant une entrée de plus en
plus tardive sur le marché du travail13, donc la perspective de carrières plus courtes et de
moindres ressources contributives pour les régimes de retraite.
10
CROISSANDEAU (M.), « Les fonctionnaires sous le choc », Le nouvel observateur, n°2009, du 8 au 14 mai
2003, p.54.
11
Celle-ci est de 22 ans aujourd’hui, elle sera de 28 ans en 2040.
12
1,9 enfant par femme en 2001 soit en deçà du seuil de remplacement des générations qui s’élèvent à 2,1.
13
Environ 22 ans en 2000, contre 18,3 ans en 1969.
12
A la vue rapide des difficultés qui se présentent chacun comprend qu’une réforme de
notre système de retraites doit être engagée sans attendre. Avec de moins en moins d’actifs,
c’est l’équilibre du système qui est menacé, si rien n’est fait, la promesse d’une retraite
proportionnée aux revenus de toute une vie de travail ne pourra pas être tenue ; les pensions
baisseront inévitablement. Personne ne peut accepter que le niveau des retraites soit divisé par
deux à l’horizon 2040. Il est encore temps pour ne pas avoir à réagir sous la seule contrainte
de faits irréversibles.
Mais s’il n’est pas trop tard pour agir, quel doit être l’avenir pour nos retraites ?
Comment assurer la pérennité de notre système ? Le système français basé sur la répartition
abrite différents régimes, cette diversité de situations rend indispensable l’engagement d’une
vaste concertation avant toute prise de décision. L’avenir des retraites est une question grave
qui mérite une réflexion collective. Si face aux besoins de financement futurs une réforme du
système de retraite est indispensable, la question qui se pose est comment faut-il le réformer?
Si des solutions existent, qui participent de logiques différentes, l’efficacité des unes et des
autres dépendant de nombreux paramètres : peut-on envisager le maintien d’un système basé
entièrement sur la répartition ? La capitalisation est-elle le remède absolue aux maux des
retraites ? En fait où trouver les financements nécessaires, comment réduire les déficits ? Mais
cette réforme nous amène également à nous poser la question de la réduction des inégalités
présentes et à venir devant la retraite, et la manière de maintenir un bon niveau de vie pour les
retraités ? Autant de questions qui seront traitées dans une deuxième partie.
Aussi faudra-t-il au préalable, dans une première partie, présenté le système français
actuel de retraite dans son ensemble, et de rendre compte plus précisément qu’il n’a été fait en
introduction des raisons pour lesquelles celui-ci est aujourd’hui inadapté. Il faudra aborder les
principaux éléments actuels du débat concernant les contraintes futures des régimes et
présenter les différentes réformes qui ont déjà eu lieu. En fait il s’agira de s’atteler à mettre en
évidence la nécessité de faire évoluer le système.
13
1er Partie : La mise en évidence d’une nécessaire évolution du système
Si nos systèmes de retraite ont réussi, si la plupart des personnes âgées ne souffrent
plus de la grande pauvreté, si le niveau de vie des nouveaux retraités tend à rejoindre celui des
actifs leur permettant de prendre dans notre société la place qui leur revient légitimement, si
au regard de nos voisins européens la situation des retraités en France apparaît favorable; on
peut dire aujourd’hui que le système de retraite français est arrivé à maturité, les articles parus
dans la presse reflètent l’inquiétude ambiante sur l’avenir de celui-ci.
Notre système de retraite apparaît dorénavant inadapté, la réforme de nos régimes est
actuellement vue comme une ardente obligation. L’enjeu est considérable. Maintenir l’acquis
au profit des générations futures dépend, au delà de la démographie et de l’économie, de notre
capacité à actualiser le pacte de solidarité qui lie les générations entre elles.
Ainsi avant de voir les principaux éléments actuels du débat qui touchent le problème
et l’avenir des retraites, c’est à dire de s’intéresser aux raisons qui expliquent qu’une réforme
est nécessaire (Chapitre 2), il est bon de présenter le système de retraite français (Chapitre 1).
Chapitre 1 : Présentation du système de retraite français
14
Le système de retraite français apparaît comme un système complexe, parfois même
confus tellement y règne la diversité. L’impression générale est celle d’un morcellement
extrême, pas moins de 538 régimes co-existent au sein de l’assurance vieillesse.
Cette extrême morcellement n’est pas comme beaucoup le pense un cas unique dans le
monde, cette situation est liée aux conditions dans lesquelles le système de retraite français
s’est crée. S’il existe de nombreux régimes de retraite répondant à des conceptions différentes,
ils reposent toutefois sur des principes communs14. En droit communautaire, les régimes de
Sécurité Sociale « poursuivent un objectif social et obéissent au principe de solidarité »15.
Tous les régimes obligatoires intègrent des mécanismes de solidarité : solidarité intergénérationnelle car ils sont en répartition, solidarité intra-générationelle car ils organisent de
larges redistributions entre catégories socioprofessionnelles et sexes. Ces principes de
solidarité interviennent à la fois au sein des régimes, entre les régimes et même au niveau
national.

Au sein de chaque régime, il conduit à valider pour la retraite des périodes non
travaillées (maladie, maternité, chômage…) et à garantir un montant minimal
de retraite.

Entre les différents régimes, il a été introduit des mécanismes de
compensations financières16 pour tenir compte des disparités démographiques.

Au niveau national, l’Etat subventionne certains régimes déficitaires, en
particulier celui des exploitants agricoles, des marins, des mines… du fait de la
diminution des cotisants. La solidarité nationale se manifeste aussi sous le
forme de l’octroi d’une pension minimum (minimum vieillesse) à toutes les
personnes âgées disposant de faibles ressources, cette prestation étant versée
par le fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Classiquement on distingue deux étages dans le système de retraite français. Ce
système à deux étages légalement obligatoire en répartition constitue sa forte originalité par
rapport aux systèmes étrangers. Le premier étage est communément appelé le régime de base
14
CHARPIN (J-M.), L’avenir de nos retraites , coll. des rapports officiels, La documentation Française, Paris,
1999.
15
Cf. arrêt du 17 février 1993, arrêt Poucet et Pistre de la CJCE.
16
Loi de finances n°74-1094 du 24 décembre 1974.
15
(section 1), le second est quant à lui constitué des régimes complémentaires professionnels
obligatoires (section 2). Un troisième étage peut être ajouter à l’édifice qui correspond à
l’épargne volontaire par capitalisation (mais ceci fera l’objet d’une étude dans la deuxième
partie).
Il ne s’agit pas ici d’exposer de manière très détaillée les divers régimes de retraite
mais de souligner leurs particularités.
Section 1. Le premier étage : les régimes de base
Le premier étage peut être subdivisé en trois entités : les salariés du régime général,
ceux des régimes spéciaux, et les non-salariés. Les salariés du régime général et ceux des
régimes spéciaux seront abordés dans une même partie (§1), les non-salariés seront quant à
eux traités à part (§2).
§1. Le régime de base des salariés
Il convient de traiter dans un premier temps du régime de base des salariés du régime
général (A), puis dans un second temps du régime de base des salariés des régimes spéciaux
(B).
A) Les salariés du régime général
Lorsque l’on parle de régime général, on entend salariés du secteur de l’industrie et du
commerce et, encore, dès lors qu’ils ne relèvent pas d’un statut comportant un régime spécial
de retraites. Il s’agit donc des salariés du secteur privé.
Le système de retraite des salariés du secteur privé comprend deux régimes de base
gérés paritairement par les partenaires sociaux, c’est à dire gérés par les représentants des
syndicats et des employeurs en nombre égal. Bien que ce régime soit géré par les partenaires
sociaux, c’est le gouvernement qui prend les grandes décisions (réglementation, revalorisation
des pensions, taux de cotisation). Ces deux régimes sont :
16

Le régime des salariés de l’industrie, géré par la Caisse nationale d’assurance
vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS). Ce régime fédère 16 caisses
régionales.

Le régime des salariés agricoles, géré par la Mutualité sociale agricole (MSA).
La MSA fédère un réseau de 78 caisses départementales et couvre l’ensemble
de la profession agricole ( les exploitants, les salariés et leurs familles).
Ainsi il est bon tout d’abord de présenter rapidement la CNAV et la MSA (1), pour
ensuite s’intéresser au fonctionnement du régime de base des salariés du secteur privé (2).
1. Présentation de la CNAV et de la MSA
Aux termes de l’article L.221-1 du code de la Sécurité sociale, la Caisse nationale
d’assurance vieillesse des travailleurs salariés assure la gestion de cette assurance vieillesse :
c’est elle qui est juridiquement débitrice des pensions et avantages. Mais l’article L.222-3 du
même code l’autorise à faire appel au concours des caisses régionales d’assurance maladie,
voire des caisses primaires. L’article R. 215-2 précisant de son coté qu’ à titre transitoire, les
caisses régionales d’assurance maladie autres que celles de Paris et de Strasbourg exerceraient
sous le contrôle de la caisse nationale d’assurance vieillesse les attributions précédemment
assumées en matière de vieillesse par les anciennes caisses régionales.
Cette caisse créée par les ordonnances du 21 août 1967, est un établissement public
national à caractère administratif jouissant de la personnalité juridique et de l’autonomie
financière ; elle est toutefois placée sous le contrôle des ministres chargés de l’Emploi et de la
Solidarité, et de l’Economie et des Finances.
Le conseil d’administration adopte le budget de la Cnav, fixe les grandes orientations
de sa politique, et émet chaque année un avis concernant le projet de loi de financement de la
Sécurité sociale.
La MSA ne doit pas être confondu avec les assurances mutuelles agricoles (AMA).
Les assurances mutuelles agricoles jouent un rôle important, en marge de la sécurité sociale
agricole, dans le domaine de l’assurance contre les risques proprement agricoles : la grêle, la
mortalité du bétail, l’incendie… Les AMA supposent une adhésion volontaire des intéressés.
17
La MSA est quant à elle chargée de la protection des travailleurs de l’agriculture contre les
risques sociaux classiques. Elle revêt un caractère obligatoire. La MSA s’est vu reconnaître un
monopole pour la gestion des assurances sociales des salariés agricoles et assimilés. Elle
apparaît comme un « régime général de l’agriculture »17 : à la différence du régime général,
qui n’a pu absorber les non-salariés que pour les prestations familiales, elle est conçue en effet
comme un ensemble unifié regroupant toutes les catégories sociales constitutives du monde
agricole.
S’agissant des assurances sociales18, la règle est pour les salariés agricoles et assimilés
celle d’un alignement général sur les dispositions régissant les assurances sociales des salariés
du commerce et de l’industrie : mêmes assurances, mêmes conditions, mêmes prestations.
2. Fonctionnement du régime de base des salariés du secteur privé
Pour pouvoir partir en retraite le salarié du secteur privé doit remplir certaines
conditions. Il doit avoir un âge minimal de 60 ans et au minimum un trimestre de cotisation
validé, mais cela ne suffit pas au salarié pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.
Cette notion de retraite à taux plein (50% du salaire de référence) introduite en 1982 a
été conservé lors de la réforme de 1993. Le droit au taux plein est lié soit à une condition de
durée d’assurance, soit à une condition d’âge.
Ainsi l’assuré peut obtenir, à partir de 60 ans, la pension au taux de 50% s’il justifie
d’une durée d’assurance, tous régimes obligatoires de base confondus, fixée depuis 1983 à
150 trimestres (ou 37,5 ans).
La réforme de 1993 a allongé cette durée d’un trimestre par an pendant 10 ans, en
fonction de l’année de naissance de l’assuré19. Cette période transitoire s’est achevé le 1er
janvier 2003, en effet à partir de cette date quelle que soit l’année de sa naissance il est exigé
de totaliser 160 trimestres d’assurance tous régimes pour bénéficier du taux plein20.
Mais même s’il ne remplissent pas la condition de durée d’assurance, certaines
catégories d’assurés ont vocation au taux plein21 : les personnes âgés d’au moins 65 ans ; les
17
DUPEYROUX (J-J.), Droit de la sécurité sociale , Dalloz, Paris,14ème éd., 2001.
C. rural, art. 1024 et s.
19
150 trimestres pour l’assuré né avant le 1er janvier 1934, 151 pour l’assuré né en 1934…, 159 pour l’assuré né
en 1942.
20
Art. R.351-45 du code de la Sécurité sociale.
21
Art. L. 351-8 et R. 351-27. du CSS.
18
18
personnes reconnues inaptes au travail, c’est à dire ceux qui ne sont pas en mesure de
poursuivre l’exercice de leur emploi sans nuire gravement à leur santé et qui se trouvent
définitivement atteints d’une incapacité de travail de 50%, médicalement constatée, compte
tenu de leurs aptitudes physiques et mentales à l’exercice d’une activité professionnelle22 ; les
anciens déportés et internés de la résistance et les anciens combattants et prisonniers de
guerre, à certaines conditions ; les ouvrières ayant élevé 3 enfants ou plus si elles justifient
d’une durée minimum d’assurance de 30 années, bonifications pour enfants comprises et si
elles ont exercé un travail manuel ouvrier pendant 5 ans au cours des 15 dernières années
d’activité23.
Si l’assuré venait à ne remplir ni la condition de durée d’assurance, ni la condition
d’âge on lui appliquerait alors un taux minoré. Deux calculs sont donc possible : soit une
minoration en fonction de la période d’assurance manquante par rapport à la durée
d’assurance complète ; soit une minoration en fonction de la période d’assurance manquante
par rapport à l’âge de 65 ans.
De toute manière dans les deux cas, chaque trimestre manquant entraîne une
minoration de 2,5%.
Le calcul de la pension de retraite des salariés du régime général est fonction de trois
paramètres : la durée d’assurance, la période de référence retenue, et un taux de remplacement
déterminé par le nombre de trimestres d’assurance validés (le taux plein s’établissant comme
nous l’avons vu à 50%). La pension est calculée en application de la formule :
P= Salaire annuel moyen x taux x nombre de trimestres cotisés
Durée d’assurance requise
Le salaire annuel moyen (SAM) était jusqu’à la réforme de 1993, le salaire des « dix
meilleurs années » pas forcément consécutives. A compter de 1994 cette durée est portée
progressivement en 15 ans, des 10 aux « 25 meilleures années » à raison d’une année de plus
par an, en fonction ici encore, de l’année de naissance de l’assuré. Au 1er janvier 2008 la
pension sera calculée ainsi sur le salaire moyen perçu pendant les 25 meilleurs années. Le
SAM ainsi calculé est retenu dans la limite de 50% du plafond de la sécurité sociale. Un tel
22
23
Art. L.351-7 et R. 351-21 et s. du CSS.
Art. R. 351-23 du CSS.
19
système pénalise fortement les pluripensionnés, actuellement minoritaire parmi les retraités
mais dont le nombre est susceptible de s’accroître fortement avec la mobilité professionnelle,
puisqu’ils voient leur pension calculée sur un nombre d’années supérieur aux 25 meilleures
années qui seront requises à partir du 1er janvier 2008 pour un unipensionné, donc de façon
moins favorable.
Si le système est essentiellement contributif, quelques dispositions s’écartent de ce
principe : les femmes ont droit à deux années d’assurance par enfant élevé pendant 9 ans
jusqu’au 16ème anniversaire ; les personnes ayant élevé trois enfants ou plus ont un supplément
de retraite de 10% ; les périodes de chômage indemnisé sont prises en compte ; l’époux
survivant a droit à une pension de réversion.
Après avoir étudié le régime de base des salariés du secteur privé, il est bon de
s’intéresser au régime de base des salariés des régimes spéciaux (B).
B) Les salariés des régimes spéciaux
Les personnes affiliés aux régimes spéciaux24 se rattachent pour l’essentiel à la sphère
publique, qu’il s’agisse des fonctionnaires, des agents des collectivités locales, des employés
des établissements d’Etat ou des grandes entreprises détenues majoritairement par l’Etat.
Une grande partie de ces régimes répondent aux conditions de travail particulièrement
difficiles de certains corps de métiers ou aux risques encourus par les salariés.
Comme les métiers couverts par les régimes spéciaux correspondant pour 90% à des
professions liées au secteur public, il n’est pas étonnant de voir que la plupart de ces régimes
aient adopté un mode de fonctionnement et de gestion analogue à celui de le Fonction
publique : niveau de pension lié au dernier poste occupé, durée de cotisation de 150 trimestres
pour bénéficier d’une retraite à taux plein, période minimale de service de quinze ans…Le
régime des fonctionnaires, à l’exception des régime miniers et des marins, constitue la
référence, toujours transposée, parfois dépassée.
Par contre si la plupart des régimes spéciaux disposent d’une caisse, celui des
pensions civiles et militaires de l’Etat est intégré au budget de l’Etat. Les pensions sont
versées directement par le budget de l’Etat et il n’existe pas, contrairement aux autres
24
Ces personnes sont au nombre de 4,6 millions en juillet 2001.
20
régimes, de cotisation employeur réglementaire. On ne peut donc retenir ici le principe de la
répartition au sens strict. La notion d’équilibre n’a pas véritablement de sens, le régime
n’étant pas organisé dans cet esprit.
Il serait bon d’étudier successivement le régime de base des agents de la Fonction
publique (1), puis celui des employés des grandes entreprises publiques et des autres régimes
spéciaux (2).
1. Le régime des agents de la Fonction publique
Il faudra distinguer le régime des fonctionnaires de l’Etat (a) de celui des autres agents
de la Fonction publique (b).
a) Le régime des fonctionnaires de l’Etat
Le régime des fonctionnaires titulaires de l’Etat est défini par la loi. Le texte légal de
référence est la loi du 26 décembre 1964, portant réforme du Code des pensions civiles et
militaires, mais ses origines sont plus anciennes et remontent à la loi du 9 juin 1853.
Pour ces personnes, l’âge légal de départ à la retraite est fixé, comme dans le régime
général, à 60 ans, avec au minimum quinze ans de services effectifs et une durée maximale de
trente-sept ans et demi25. Cependant ceux qui exercent un emploi dit « actif » c’est à dire
présentant, par opposition aux emplois dits sédentaires, un risque particulier ou occasionnant
des fatigues exceptionnelles peuvent partir dès l’âge de 55ans. Il peut être même de 50 ans
dans certains cas. Parmi les fonctionnaires appartenant à la catégorie active, on trouve les
personnels chargés de mission de sécurité (policiers, douaniers de la branche surveillance,
surveillants pénitentiaires), les personnels d’exploitation de l’équipement, certains personnels
de la Poste et les instituteurs. Il existe des situations où le bénéfice de la pension est possible
sans condition d’âge, c’est le cas par exemple pour les sous-officiers ou les mères de trois
enfants ayant effectué quinze ans de service. On le voit ici à la différence des salariés du privé,
la pénibilité du travail est prise en compte.
Un départ anticipé est possible à l’âge de 56 ans avec 40 ans de cotisation et 15 ans de
service public, ou de 58 ans avec 37,5 ans de cotisation et 25 ans de service public par le biais
25
En vertu du décret n°48-807 du 16 avril 1948.
21
du congé de fin d’activité, dispositif instauré en 1997 et reconduit pour 2002. A l’inverse la
limite d’âge maximale pour repousser son départ est fixée depuis 1984 à 65 ans. Pour la
catégorie active, la limite d’âge est généralement inférieure, elle tourne autour de 60 ans.
Les conditions d’ouverture des droits sont les suivantes :
_Si le fonctionnaire justifie de 15 ans de service effectif, il relève du régime spécial de retraite
de la Fonction publique.
_Si le fonctionnaire compte moins de 15 ans de service, il est affilié rétroactivement au
régime général de base et au un régime de retraite complémentaire des agents non-titulaires,
l’Ircantec.
Un certain nombre de bonifications peuvent s’ajouter à la durée du service, ainsi les
femmes fonctionnaires bénéficient d’une bonification d’un an par enfant, bonifications aussi
d’une annuité tous les 5 ans pour les policiers, les surveillants pénitentiaires et les militaires.
La pension est calculée à raison de 2% par annuité dans la limite de 37,5 ans sur le
traitement indiciaire brut des six derniers mois d’activité (à l’exclusion des primes). La
pension est donc proportionnelle aux nombres d’années travaillées, dans la limite de 75% du
traitement. Cependant compte tenu des bonifications, la pension peut atteindre jusqu’à 80%
du traitement.
Par rapport au système des salariés du privé, la pension des fonctionnaires apparaît
plus avantageuse puisqu’elle ne dépend pas du profil de carrière, que la pension complète est
atteinte plus rapidement, que le taux de remplacement semble plus élevé et, enfin qu’elle reste
indexée sur les salaires. Le fossé se creuse entre les salariés du secteur privé et du secteur
public, aux dépens des premiers, en matière de taux de remplacement.
Après s’être intéressé au régime des fonctionnaires de l’Etat, il est bon de s’intéresser
aux autres agents de la fonction publique (b).
b) Les autres agents de la Fonction publique
Il y a tout d’abord les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Leur régime de retraite
se caractérise par l’existence d’une caisse de retraite26, la Caisse nationale de retraite des
26
MONIOLLE (C.) et KESSLER (F.), « L’avenir des retraites des fonctionnaires », JCP, éd. G, n° 14, 2 avril
2003, I-123.
22
agents des collectivités locales (CNRACL). Celle-ci est financé principalement par les
cotisations des employeurs27 et les retenues sur le traitement des fonctionnaires28. Ce régime
dispose d’un rapport actifs/inactifs favorable, cette situation est due au développement récent
des administrations territoriales. Les règles en matière de départ à la retraite et de calcul des
pensions sont les mêmes que celles applicables aux fonctionnaires de l’Etat.
Il y a ensuite les ouvriers des établissements industriels de l’Etat, c’est à dire les
ouvriers de l’Etat ; on peut citer les personnels employés notamment par la Défense et les
Monnaies et médailles. Leur couverture vieillesse est assuré par le FSPOEIE, fonds créé par la
loi du 21 mars 1928 et géré par la Caisse des dépôts et consignations. Le nombre de ces agents
est en recul du fait des dispositions particulières prises en leur faveur leur permettant de partir
en retraite dès l’âge de 52 ans jusqu’au 31 décembre 2000, puis dès l’âge de 55 ans. Les
comptes annuels du régime sont équilibrés du fait des nombreux mécanismes de transfert et de
compensation dont il bénéficie.
Enfin il y a les employés de la Banque de France. Le régime de la Banque de France
connaît une particularité importante qui réside dans son financement, celui-ci est fondé sur la
capitalisation puisque la masse contributive collectée alimente des portefeuilles de titres.
2. Le régime de base des employés des grandes entreprises publiques et des autres régimes
spéciaux
Il convient d’abord d’étudier le régime des employés des grandes entreprises publiques
(a), pour ensuite aborder l’analyse d’autres régimes spéciaux (b). Il est bien entendu que
compte tenu du nombre et de l’importance très inégale des régimes spéciaux, il ne sera évoqué
ici que quelques-uns seulement de ces régimes qui méritent une attention particulière.
a) Les employés des grandes entreprises publiques
Il y a tout d’abord les employés d’EDF-GDF. Ces employés relèvent d’un statut
particulier concernant la couverture vieillesse, maladie, maternité et invalidité-décès, en vertu
du décret n°46-1541 du 22 juin 1946. Ce régime vise l’ensemble du personnel (ouvriers,
employés, agents de maîtrise, cadres) en situation d’activité ou d’inactivité, des services
nationaux et des services de distribution créés par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation
28
7,85%.
23
de l’électricité et du gaz, ainsi que les entreprises de production et de distribution exclues de
la nationalisation. Les ressources globales du régime sont constituées à hauteur de quelque
95% par les cotisations. Une pension d’ancienneté est due à l’agent qui a 60 ans d’âge (ou 55
ans pour les services actifs ou insalubres) et 25 ans de services. A noter que les années
accomplies dans le service actif comptent pour 14 mois et celles accomplies dans le service
insalubres pour 16 mois. Au titre de l’exercice 2000, le régime présentait un solde équilibré
après plusieurs années bénéficiaires.
Ensuite il y a les employés de la SNCF. La Caisse de retraite de la SNCF est une entité
disposant de l’autonomie financière, créée pour le personnel actif et retraité du transporteur
ferroviaire national. Elle est alimentée par une retenue de 7, 85% sur le traitement des agents
et sur une partie des primes ; une cotisation de la SNCF assise sur le même base ; un apport de
la compensation démographique généralisée et de la compensation spécifique entre régimes
spéciaux ; et une participation de l’Etat au titre de la normalisation des charges entre la SNCF
et les entreprises du secteur privé. Ce régime est lourdement affecté par une évolution
défavorable de ses structures démographiques : le nombre de ses retraités est supérieur à celui
des actifs29. Au titre de l’exercice 2000, les comptes de ce régime sont équilibrés grâce aux
importants concours dont bénéficie la SNCF, 62% de ces ressources sont d’origine externe. La
pension de retraite peut être accordée dès l’âge de 55 ans (50 ans pour le personnel roulant) et
après 25 années de services.
Enfin il y a les employés de la RATP. En vertu d’un décret du 23 décembre 1950 pris
en application du règlement d’administration publique du 8 juin 1946, un régime spécial au
profit du personnel de la RATP est crée, leur assurant une protection contre les risques
maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès et accidents du travail. Malgré un rapport
démographique médiocre30, le régime s’équilibre de façon autonome du fait des nombreux
apports financiers. Les assurés contribuent peu à son financement, l’employeur assumant 80%
de ses ressources (après prise en compte des transferts de compensation).
Il est bon de voir maintenant les employés des autres régimes spéciaux (b).
b) Les employés des autres régimes spéciaux
29
30
0,9 actif pour un bénéficiaire.
1,5 cotisant pour un retraité
24
Il ne sera abordé ici que des régimes qui présentent le plus d’intérêt au regard de leur
mode de fonctionnement. Ainsi nous verrons successivement le régime des mines, celui des
marins, celui des clercs et employés de notaires, et enfin celui du ministre des cultes et des
membres des congrégations religieuses.
_Tout d’abord voyons le régime des mines. Les salariés et retraités du secteur des
mines sont couverts par un régime spécial, la CANSSM, pour ce qui est du risque vieillesse et
invalidité. En raison de la structure démographique du régime31, son financement repose pour
une bonne part sur la subvention annuelle d’équilibre versée par l’Etat et sur les transferts de
compensation effectués par les autres régimes. A titre d’exemple les cotisations sociales ne
représentaient qu’à peine 8% des ressources globales en 2000. Le régime des retraites
minières est essentiellement caractérisé par l’octroi de prestations dépendants uniquement de
la durée des services et non des salaires de l’intéressé ainsi que par des dispositions plus
favorables pour le personnel du fond en raison du caractère pénible du travail. La pleine
retraite suppose 55 ans d’âge et 120 trimestres de service ou 50 ans seulement, si sur les 120
trimestres de service l’intéressé compte 80 trimestres au fond. Des majorations sont allouées
pour les années de travail accomplies en sus des 120 trimestres nécessaires à la pleine retraite.
_Le régime de retraite des marins. Le régime de retraite des marins, d’origine très
ancienne puisqu’il remonte à 1673, est géré par un établissement public administratif doté de
la personnalité civile et jouissant de l’autonomie financière, l’établissement national des
invalides de la marine (ENIM). Il couvre à l’égard des marins professionnels du commerce,
des pêches maritimes et de la plaisance et de leurs ayants droits contre les risques sociaux.
L’ENIM administre deux caisses : la caisse de retraite des marins (CRM) et la caisse générale
de prévoyance pour les autres risques. Le nombre de cotisants est en recul constant alors que
celui des seuls pensionnés ne cesse de croître. La branche vieillesse représentait 73% des
prestations légales versées en 2000, et elle s’est accrue au rythme annuel de 1,2% en valeur
depuis 1996.
_Le régime des clercs et employés de notaires. Ce régime spécial a été créé en 1937. Il
est géré par la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires
(CRPCEN). Les ressources du régime proviennent pour plus des trois quarts des cotisations
sociales. Outre les cotisations assises sur les salaires et les retraites, le régime perçoit une
cotisation sur l’ensemble des émoluments et des honoraires des études notariales (4%). Les
25
prestations vieillesse représentant environ 73% des prestations sociales en 2000, ont augmenté
au rythme annuel de 4,2% depuis 1996 alors que dans le même temps les ressources globales
ne se sont accrues que de 3,4%.
_Enfin voyons le régime des cultes. Il est à noter que ce ne sont pas des régimes
spéciaux comme les autres car les ministres du culte ne sont pas des salariés. La gestion du
risque vieillesse et invalidité des cultes est assuré par la CAMAVIC, créée en 1978. Depuis le
1er janvier 2000 la CAVIMAC regroupe la CAMAC (caisses mutuelles d’assurance maladie
des cultes) et la CAMAVIC. La CAMAVIC est financée par des cotisations des intéressés, et
pour 82% de ses ressources, par des transferts de compensations. Les dépenses sont affectées
pour les ¾ aux prestations, dont 98% à la vieillesse. Elle sert des pensions de retraite à partir
de 65 ans. Il est possible de partir entre 60 et 65 ans sans abattement si l’assuré justifie d’une
incapacité totale d’exercer ou du statut d’ancien combattant. A compter de 1998, le régime est
aligné sur le régime général et financièrement intégré à lui.
Au total on le voit un ensemble assez hétérogène de professions bénéficie aujourd’hui
de régimes spéciaux. La plupart de ces régimes seront fortement déficitaires dans l’avenir,
mais il n’est pas nécessaire de faire plus en détail la part de ce qui provient de leur structure
démographique et de ce qui provient de privilèges spécifiques32. Une dégradation importante
est prévue pour les fonctionnaires et les agents des collectivités locales. Elle provient, pour le
régime des fonctionnaires, de la pyramide des âges des cotisants qui résulte de l’historique des
embauches. Dans le cas du régime des collectivités locales, elle est imputable à la montée en
charge de ce régime encore jeune.
Après s’être intéressé aux régimes de base des salariés qu’ils dépendent du régime
général ou des régimes spéciaux, il est bon d’étudier le régime de base des professions non
salariées (§2).
32
STERDYNIAK (H.) et DUPONT (G.), Quel avenir pour nos retraites? , coll. Repères, La Découverte, Paris,
2000.
26
§2. Le régime de base des professions non-salariées
Les professions non-salariés sont regroupées autour de cinq régimes, ces cinq régimes
sont ceux des exploitants agricoles, des professions industrielles et commerciales, des
artisans, des avocats et enfin des professions libérales. L’autonomie de ces régimes, qui reflète
et accuse l’hétérogénéité du corps social français, procédait à l’origine d’une réaction négative
à l’encontre d’un régime général initialement doté d’une vocation fondamentale à l’extension.
Pendant longtemps ces régimes sont restés autonomes mais de plus en plus se dessine une
évolution dans le sens de l’alignement des profils de ces régimes sur celui du régime général.
C’est vrai pour le régime des industriels et commerçants et des artisans depuis le 1er janvier
1973, ainsi que pour celui des exploitants agricoles. Les professions libérales, ainsi que les
avocats restent à part ; les avocats demeurent regroupés en une entité autonome. A noter une
autre particularité concernant ces régimes, ils ne connaissent qu’un seul organisme pour la
gestion de leurs retraites de base et complémentaire à la différence de ce qui se fait pour les
salariés.
Ainsi nous étudierons dans une même partie le régime des exploitants agricoles, des
artisans et des professions industrielles et commerciales (A) ceux-ci présentant comme nous
l’avons dit plus haut la caractéristique de calquer peu à peu leurs règles de fonctionnement sur
celles applicables dans le régime général. Puis nous aborderons par la suite le régime des
professions libérales et des avocats (B), également dans une même partie, puisque ces deux
régimes gardent leurs spécificités par rapport au régime général.
A) Les professions non-salariées s’alignant sur le régime général
Dans cette catégorie sont donc regroupés les exploitants agricoles (1), les professions
industrielles et commerciales (2) et les artisans (3).
1. Les exploitants agricoles
27
Ce régime présente une double particularité. D’une part sa création est relativement
tardive puisqu’elle date de 195233, même si celle-ci avait été prévue comme pour celle des
commerçants, des artisans et des professions libérales pour l’année 1949. D’autre part, il
bénéficie d’un concours public spécifique qui s’inscrit dans le budget de l’Etat. Sa gestion est
assuré par la MSA qui coordonne 68 caisses locales. L’âge minimal de départ en retraite des
exploitants est passé de 65 ans à 64 ans au 1er janvier 1986 puis à 63 ans au 1er janvier 1987, et
ainsi de suite pour se fixer à 60 ans depuis le 1er janvier 1990. Pour avoir le taux plein de 50%
à cet âge il faut réunir 150 trimestres tous régimes. La retraite des exploitants agricoles se
compose à la fois d’une pension de retraite forfaitaire d’un montant égal à celui de l’AVTS34,
avec proratisation si la durée d’assurance est inférieure à 37 années et demi et, d’une pension
de retraite proportionnelle en points, calculée en multipliant la valeur du point de l’année en
cours par le nombre total des points acquis par cotisations calculées en fonction du montant
des revenus professionnels (et non plus en fonction de revenu cadastral). Les ressources du
régime proviennent pour les ¾ de concours publics. Les cotisations des exploitants se
décomposent ainsi : une cotisation proportionnelle au revenu annuel, une cotisation cadastrale
et une cotisation additionnelle destinée à financer l’aide ménagère. Le régime est déficitaire, à
titre d’exemple en 2000 le déficit était de 233,2 millions d’euros.
Il est bon maintenant d’aborder le régime de retraite des professions industrielles et
commerciales (2).
2. Les professions industrielles et commerciales
Ce régime, géré par l’Organic, a été institué par la loi du 17 janvier 1948. L’Organic
est
chargé
de
coordonner
l’action
de
31
caisses
(5
professionnelles
et
26
interprofessionnelles). Depuis le 1er janvier 1973 les règles de calcul des pensions sont celles
en vigueur au sein du régime général, cependant pour les périodes contributives antérieures à
cette date ce sont les anciennes règles qui continuent de s’appliquer. L’article L.634-2 du CSS
renvoie de façon systématique aux règles applicables à l’assurance vieillesse du régime
général : âge, taux, référence aux meilleures années, revalorisation, prise en compte des
enfants, réversion…
métropolitaine depuis le 1er janvier 1975. Néanmoins, elle demeure la base de calcul de la pension de certaines
catégories de non-salariés comme les exploitants agricoles et les professions libérales.
28
Au salaire annuel moyen pris en compte par l’assurance vieillesse du régime général
correspond ici un revenu annuel moyen qui sera également déterminé à partir des 25
meilleures années mais avec des dispositions transitoires plus étalées : le passage de 10 à 25
ne sera achevé qu’en 2013 au lieu de 2007 dans le régime général. La durée d’assurance
requise pour le taux plein est ici aussi portée de 150 à 160 trimestres.
40% des ressources de l’assurance vieillesse du régime proviennent des cotisations, le
reste est assuré par les transferts des autres régimes et part une fraction du produit de la
contribution sociale de solidarité.
Le taux des cotisations est le même que celui de l’assurance vieillesse des salariés soit
16,35% correspondant à la somme de la cotisation patronale et salariale.
Le régime des artisans (3) est un régime qui est très proche de celui des professions
industrielles et commerciales.
3. Les artisans
Au sens organique, il existe des différences entre le régime des artisans et celui des
commerçants et entrepreneurs. Ils ont chacun leur organisation autonome. Par contre pour ce
qui est du statut social, c’est à dire tout ce qui concerne les cotisations et les prestations, celuici est le même.
La CANCAVA35, créée par la loi du 17 janvier 194836, gère la retraite de base de ses
affiliés ainsi que l’assurance invalidité-décès. La CANCAVA coordonne l’action de 32
caisses de base (30 régionales interprofessionnelles et 2 nationales professionnelles pour la
coiffure-esthétique et pour les métiers de la viande).
On peut relever une particularité propre au régime des artisans, mais aussi à celui des
entrepreneurs et commerçants qui est celle de l’indemnité de départ. Il s’agit pour les
nouveaux retraités et sous certaines conditions de pouvoir percevoir une aide financée par la
Taca37 et censée les soutenir en attendant qu’ils aient vendu leur entreprise ou leurs fonds de
commerce. Il faut en effet le noter au moment du départ à la retraite, la grande majorité des
personnes non-salariées constituent par eux-mêmes leur principale source de revenus de
35
La Caisse autonome de compensation de l’assurance vieillesse artisanale.
Loi n°48-101 du 17 janvier 1948.
37
Taxe d’aide au commerce et à l’artisanat.
36
29
retraite en revendant leur capital productif ; celui-ci représente leur garantie première de
revenus en période de retraite.
54% des ressources du régime proviennent des cotisations sociales. Les transferts
inter-régimes et concours publics participent pour plus du tiers.
Après s’être intéressé aux professions non-salariées s’alignant sur les règles de
fonctionnement du régime général, il est temps de voir les professions non-salariées
conservant leur particularité (B).
B) Les professions non-salariées conservant leurs particularités
Il existe aux termes de l’article L.621-3 du CSS une organisation autonome
d’assurance vieillesse pour les professions libérales (1), il faut préciser que les avocats (2) ne
relèvent pas de cette organisation autonome.
1. Les professions libérales
Ce régime de retraite est regroupé autour d’une organisation autonome d’assurance
vieillesse, la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales38. Cette caisse
coiffe bien l’organisation autonome d’assurance vieillesse de toutes les autres professions
libérales, mais celles-ci sont réparties entre 12 caisses dénommées sections professionnelles
appelées à gérer le régime de base. Ces sections sont financièrement autonomes. Les
bénéficiaires de ces différents régimes sont énumérés par l’article L.622-5, sont considérées
comme exerçant une profession libérale toutes les personnes exerçant une activité non-salariée
et ne relevant pas d’une autre organisation autonome d’assurance vieillesse.
Le rapport démographique des professions libérales est exceptionnellement favorable,
il est loin d’être mauvais comme c’est le cas pour les artisans et les professions industrielles et
commerciales.
Les professions libérales sont restées en marge de l’alignement sur le régime général,
elles ont préféré conserver un régime de base minimum pour laisser plus de champ aux
régimes complémentaires spécifiques à chaque profession.
L’âge requis pour pouvoir prétendre à une retraite est en principe de 65 ans (et non
60). L’allocation peut cependant être liquidée dès 60 ans en cas d’inaptitude au travail ou avec
38
La CNAVPL.
30
application de coefficients d’anticipation. Si un assuré décide de liquider sa retraite dès 60
ans, il subit une minoration de 5% par années anticipée. A l’opposé s’il part au delà de l’âge
de 65 ans et sans limitation de durée, il bénéficie pour chaque année différée d’une majoration
de 5% sur les 60 premiers trimestres cotisés.
Le calcul de la pension n’est pas fondé sur le montant du revenu, mais sur l’AVTS.
Son montant est en principe égal à autant de soixantième de l’allocation des vieux travailleurs
salariés que l’assuré justifie de trimestres d’assurance dans la limite de 150 trimestres.
Certaines caisses n’exigent pas de cessation d’activité lors de la liquidation de leur
retraite par leurs assurés, c’est le cas par exemple des experts-comptables.
Les 12 caisses fonctionnent selon des règles qui leur sont propres, toutefois elles ont
en commun que, contrairement au régime général, les cotisations qu’elles reçoivent sont
principalement forfaitaires, d’un montant variable selon les sections.
A ces cotisations annuelles forfaitaires s’ajoutent depuis le 1er janvier 199339 des
cotisations proportionnelles. Le taux de cette cotisation est fixé à 1,4% des revenus
professionnels.
La Caisse nationale assure en outre une compensation financière entre les caisses afin
de tenir compte de situations démographiques très diverses. Cette compensation est
cependant limitée. 93% des prestations bénéficient à la branche vieillesse.
Le régime des avocats (2) est un régime très particulier ne relevant pas de la CNAVPL.
2. Le régime des avocats
Le régime des avocats est géré par la caisse nationale des barreaux français40. Cette
caisse s’est détaché de la CNAVPL en 1954. Elle regroupe les avocats et les anciens conseils
juridiques.
L’âge minimal pour percevoir une retraite à taux plein est fixé à 65 ans avec 40 ans
d’activité. Tout allongement de la durée de cotisation majore d’autant le niveau de la pension.
Pour l’ouverture des droits à la retraite la durée minimale d’assurance est de quinze ans, en
dessous de ce plancher la pension correspond à une fraction de l’allocation vieillesse.
39
40
En application de l’article 21 de la loi du 18 janvier 1991.
La CNBF.
31
La retraite de base des avocats est très favorable par rapports à l’ensemble des
travailleurs et aux autres professions libérales.
Les ¾ des ressources du régime proviennent des cotisations sociales des avocats. Ces
derniers versent une cotisation forfaitaire annuelle, variable suivant l’ancienneté ; une
cotisation proportionnelle et enfin des droits de plaidoirie dont l’origine est très ancienne. Le
régime est bénéficiaire.
Le système de retraite français comporte deux étages : le premier, le régime de base a
fait l’objet d’une étude approfondie dans une section 1 et a pu montrer toute sa complexité ; le
second, le régime complémentaire (section 2) mérite maintenant de faire lui aussi l’objet
d’une étude. En France le niveau du régime de base a été voulu modeste pour laisser une place
aux régimes complémentaires.
Section 2. Le second étage : les régimes complémentaires
Par rapport à ses voisins de l’Union européenne, la France se trouve dans une situation
singulière41. A la différence de l’Italie ou de l’Espagne, où la couverture complémentaire est
tout à fait marginale dans notre système de retraite national, elle joue un rôle majeur. Mais à la
différence de pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou les Pays-Bas, dans lesquels les
régimes complémentaires ont de l’importance, ceux-ci ne relèvent pas en France de
l’entreprise ou de la branche d’activité, mais constituent des dispositifs nationaux à couverture
généralisée42.
Les régimes complémentaires sont bien des régimes professionnels, puisqu’ils ont été
instaurés et sont gérés par des professionnels (des représentants des employeurs et des
salariés), mais ils représentent aussi une extension du régime général, en quelque sorte un
régime de base bis43.
41
Des rapprochements existent cependant avec un Etat membre, la Suède.
REYNAUD (E.), « Les fonds de pension et l’avenir des retraites en France », Dr. Soc., Sept-oct 1995, p. 801.
43
REYNAUD (E.), op. cit., supra note n°42, p. 805.
42
32
La naissance et le développement des retraites professionnelles doivent beaucoup au
fait que, pendant longtemps, l’intérêt de l’Etat s’est porté surtout vers ses propres agents,
laissant aux entreprises le soin d’assurer la protection sociale44. Cela explique le fait que les
employés du secteur public ne soient pour la plupart pas affiliés à un régime complémentaire.
Le fondement juridique de ce type de dispositif étant incertain, l’aléa financier pesant
sur sa gestion, le législateur a été amené à intervenir. La loi du 30 avril 1930 instaura un
véritable encadrement des régimes professionnels de retraite en fixant les règles de
fonctionnement, d’autorisation et de contrôle. Le 14 mai 1937, l’Union des industries
métallurgiques et minières et la Fédération nationale des syndicats d’ingénieurs signaient un
accord instaurant une cotisation paritaire de 10%, gérée selon la technique de la capitalisation.
Tous ces dispositifs, repris par de nombreuses branches, seront intégrés au sein des régimes de
retraite complémentaires à compter de 1947. La création cette année-là de l’Agirc45 puis de
l’Arrco46 en 1967 finit de parachever la structuration d’un système qui ne subira que peu de
modifications. Plus tard bon nombre de régimes, que ce soit des régimes spéciaux de salariés
ou des régimes de non-salariés, reprendront ces règles de fonctionnement, qu’ils soient affiliés
ou non à l’Agirc ou à l’Arrco.
En 2002, on estime à environ 26 millions le nombre de travailleurs cotisant aux
régimes de retraites complémentaires, dont 25 millions de salariés répartis essentiellement
entre l’Agirc et l’Arrco. Ces deux organismes sont des personnes morales de droit privé à but
non lucratif, ils coordonnent au sein du régime général l’action de quelques 135 caisses qui
concourent au fonctionnement de la retraite complémentaire.
L’Agirc a été créée par une convention collective signée par le CNPF, devenu depuis
le MEDEF, et les syndicats de cadres et d’ingénieurs le 14 mars 1947. L’Agirc est dirigée
paritairement par les cinq organisations syndicales de cadres les plus représentatives47 et deux
organisations patronales48. En principe donc le pouvoir de décision au sein de cet organisme
est totalement entre les mains des partenaires sociaux, il est autonome par rapport aux
pouvoirs publics. Les missions de l’Agirc sont de trois ordres :
45
Association générale des institutions de retraite des cadres.
Association des régimes de retraite complémentaire.
47
CFE-CGC, l’UCC-CFDT, l’UCI-FO, l’UGICA-CFTC, l’UGICT-CGT.
48
Le MEDEF et la CGPME.
46
33

appliquer la convention collective nationale du 14 mars 1947, c’est à dire informer et
coordonner les caisses qu’elle fédère en établissant notamment des prévisions
techniques.

Réaliser des opérations de compensation.

Et contrôler la gestion des institutions adhérentes. Ces institutions se voient confier
des prérogatives étendues tant en matière administrative que financière puisqu’elles
doivent gérer les écarts de trésorerie liés au décalage entre l’encaissement de la quotepart des cotisations qui leur revient et le paiement des pensions.
Le rapport démographique demeure favorable à l’équilibre financier du système,
cependant il faut remarquer que l’espérance de vie des cadres ne cessent de croître, elle était
en 2001 pour les hommes après 60 ans de 22 ans et pour les femmes de 26,5 ans.
L’Arrco a été créée par un accord en date du 8 décembre 1961. L’Arrco regroupait en
1999 au moment de la fusion, 44 régimes différents gérés par environ 90 institutions. Ses
missions consistent à assurer la pérennité du régime et la solidarité interprofessionnelle par la
péréquation des charges entre les caisses, et à coordonner la gestion administrative de cellesci. Le rapport démographique de cette fédération est favorable puisqu’elle compte 9,8 millions
de bénéficiaires pour 19 millions de cotisants.
En fin notons que l’AGFF est depuis le 1er avril 2001 chargé d’assurer le financement
de la retraite complémentaire des salariés du secteur privé qui liquident leurs droits entre 60 et
65 ans.
Cette assurance retraite occupe une place importante au sein de l’édifice des retraites
français49, il est donc nécessaire de présenter ce système (§1). Les employés du secteur public
ne sont pas affiliés dans leur grande majorité à un régime complémentaire, leur retraite de
base étant jugé à elle seule satisfaisante. Il convient cependant de faire état de l’existence de
fonds de pension destinés aux agents de la fonction publique, fonds de pension qui jouent le
rôle de retraites complémentaires (§2).
§1. Présentation du système de retraite complémentaire
49
REYNAUD (E.), Les retraites en France. Le rôle des régimes complémentaires , coll. Les études , La
documentation Française, Paris, 1994.
34
Il convient d’étudier les règles de fonctionnement des régimes complémentaires (A),
puis de s’intéresser aux populations couvertes par les régimes complémentaires (B).
A) Les règles de fonctionnement
Plusieurs principes fondamentaux caractérisent les régimes français de retraites
complémentaires. Principes qui tiennent à leur caractère collectif, à l’adhésion obligatoire, au
financement, à l’âge de liquidation, au calcul de la retraite et enfin à la solidarité entre
régimes.
Le caractère collectif des régimes complémentaires s’exprime par le groupe faisant
l’objet de la couverture (salariés d’une entreprise ou d’une branche professionnelle) mais
aussi par la mutualisation des risques à l’échelle de l’entreprise, de la branche ou même
encore de l’organisme assureur. Cette retraite résulte d’une négociation collective au niveau
interprofessionnel. On assiste au sein de ces retraites à la suprématie des partenaires sociaux,
ce qui n’exclut pas cependant un contrôle du ministre de tutelle et de l’Inspection générale des
affaires sociales50.
L’affiliation est obligatoire pour tous les salariés relevant du régime général, pour les
non-salariés la situation est en revanche plus contrastée.
Le financement est fondé sur le principe de la répartition et non de la capitalisation
comme c’est le cas dans les autres pays européens. Ce principe est pris dans son acceptation
large, puisque la solidarité s’applique aussi aux affiliés en situation de chômage ou de
maladie, des points de retraite leurs sont comptabilisés sans contrepartie. Leurs ressources
proviennent pour la plupart des cotisations sociales, elles sont de trois types. Il y a d’abord les
cotisations de base, celles-ci portent, pour les non-cadres sur la fraction de salaire inférieure à
trois fois le salaire mensuel plafond de la Sécurité sociale, et sur la fraction de salaire limitée à
ce plafond pour les cadres. Les cadres ne cotisent que dans la limite de 8 fois ce plafond, sur
la base de plusieurs assiettes. Il y a ensuite les cotisations dites appelées qui sont une
contribution complémentaire appliquée au taux contractuel ,et enfin on trouve les cotisations à
l’association pour la gestion du fonds de financement de l’Agirc et l’Arrco.
Pour ce qui est de l’âge de liquidation, elle est fixée à 65 ans quelque soit la durée de
cotisation totalisée. Cependant pour tenir compte du fait que l’âge légal du départ à la retraite
50
IGAS.
35
est à 60 ans, il est possible de percevoir une pension à taux plein dès cet âge si l’on justifie du
nombre de trimestres requis par le régime de base. Si l’assuré ne remplit pas ces conditions,
un coefficient de minoration est appliqué en fonction du nombre de trimestres manquants soit
entre le moment de son départ à la retraite et 65 ans, soit jusqu’au 160ème . Dans la plupart des
régimes complémentaires, seuls les cadres peuvent continuer à accumuler les points lorsqu’ils
poursuivent leur activité au-delà de 65 ans.
Concernant la comptabilisation des droits à la retraite celle-ci s’effectue sur la base du
point et non en pourcentage du salaire comme c’est le cas dans le régime de base. Ces droits
sont inscrits sur un compte individuel ouvert au nom du salarié. Le nombre de points acquis
annuellement par un salarié équivaut à la masse des cotisations versées, divisée par le prix
d’achat du point de retraite au titre de l’année considérée. Le montant de la retraite se calcule
en multipliant le nombre total de points acquis par la valeur du point au moment de la
liquidation. Des majorations de points peuvent être accordées notamment pour ancienneté ou
pour charges de famille.
Enfin s’applique le principe de la solidarité entre les régimes, il s’agit d’une
redistribution financière destinée notamment à compenser des fluctuations de ressources liées
aux migrations professionnelles entre 2 régimes.
Après avoir aborder les règles de fonctionnement des régimes complémentaires, il faut
voir qu’elles sont les populations couvertes (B) par ces régimes.
B) Les populations couvertes
Il convient de voir si tous les salariés (1) sont couverts par ces régimes
complémentaires et si les non-salariés ont la possibilité d’y être affiliés (2).
1. Les salariés
Tout salarié du régime général âgé de 16 à 65 ans, et exerçant dans une entreprise
située en France est obligatoirement affilié à l’Arcco. Peu importe sa nationalité, sa catégorie
professionnelle ou ses conditions de travail. Les cadres cotisent à ce régime et percevront de
ce fait le moment venu, trois types de prestations vieillesse obligatoires : le régime de base, le
36
régime complémentaire des non-cadres et des cadres. Le régime de l’Agirc distingue par
contre les cadres affiliés à titre obligatoire et ceux qui le sont volontairement. Les doits acquis
par un salarié sont maintenus, quelque soit l’aléa professionnel auquel celui-ci est soumis.
Concernant les salariés des autres régimes, certains sont affiliés aux règles de l’Agirc
et l’Arcco en vertu de la loi n°72-1223 du 29 décembre 1972. Il en va ainsi du personnel des
caisses d’épargne, du personnel navigant de l’aviation civile. Les agents de la Fonction
publique n’adhèrent pas aux régimes complémentaires ; à la différence des salariés du privé, il
n’existe pas de distinction entre régime de base et un ou plusieurs régimes complémentaires
obligatoires pour cette catégorie de salariés. A l’intention des agents non titulaires de l’Etat et
des collectivités locales ou n’y ayant pas accompli 15 ans de service effectif, le décret du 23
décembre 1970 a institué l’Ircantec à leur intention. Les salariés agricoles sont quant à eux
affiliés auprès de l’Agirc et l’Arcco depuis le 1er juillet 1996.
Voyons ce qu’il en est pour les non-salariés (2).
2. Les non-salariés
Les exploitants agricoles. Leur régime de retraite complémentaire est facultatif et
fonctionne sur le principe de la capitalisation. Il a été institué par le décret n°90-1051 du 26
novembre 1990. Depuis 1997, il a été mis en place un nouveau régime dans lequel les
agriculteurs peuvent opter pour le gestionnaire de leur choix, assureurs ou mutuelles. La sortie
des contrats se fait exclusivement en rente, et celle-ci peut être réversible en cas de décès au
conjoint survivant. Un projet de loi prévoyant la création d’un régime de retraite
complémentaire obligatoire pour les exploitants avait été approuvé par l’Assemblé nationale
le 21 février 2002.
Les artisans. Ils adhèrent obligatoirement à un régime complémentaire (la Cancava).
Le taux de cotisation est de 6% du revenu comptabilisé51.
Les commerçants et industriels. Ils adhèrent à titre facultatif pour ce qui est des
affiliés, par contre pour les conjoints l’adhésion est obligatoire.
51
A partir du 24 février 1997, loi n°97-166.
37
Les professions libérales. L’affiliation est obligatoire pour les auxiliaires médicaux, les
médecins, les chirurgiens-dentistes, les directeurs de laboratoires privés d’analyses médicales
non médecins et les sages-femmes. Des dispenses peuvent être prévues pour les praticiens
dont l’activité libérale ne constitue pas la source principale de revenu.
Les avocats. Ils adhèrent à titre obligatoire à la CNBF. Le régime complémentaire
vieillesse des avocats présentait un sole positif en 2000 et 2001 après avoir connu un exercice
déficitaire en 1999.
Si les retraites complémentaires, d’architecture complexe, occupent une place
importante au sein du système des retraites français, il faut souligner que les fonctionnaires
n’en bénéficient pas. Le régime des fonctionnaires peut être qualifié d’unique, cependant au
sein de leur système il existe des fonds de pension qui font office de retraites complémentaires
(§2).
§2. Les régimes complémentaires des fonctionnaires : les fonds de pension
Les fonctionnaires disposent de régimes complémentaires qui leurs sont propres52. Les
agents de la Fonction publique ont la possibilité d’adhérer à l’un des trois régimes PREFON,
MRFP, CGOS. Leur existence est liée à l’assiette de calcul de la pension (A). Les
particularités et les limites de ces régimes doivent être soulignées (B).
A) Une existence liée à l’assiette de calcul de la pension
Ces régimes proposent le versement d’une pension complémentaire qui complètera la
pension de base versée par l’Etat ou la CNRACL. Leur existence est due à l’absence de prise
en compte des primes dans le calcul de la pension. Ces trois régimes ont une origine assez
ancienne.
52
MONIOLLE (C.) et KESSLER (F.), « L’avenir des retraites des fonctionnaires », JCP, Ed G., 2003, n°14, I
-123, pp. 607-609.
38
Le régime MRFP53 est le plus ancien, il date de 1949. Il a été mis en place par la
mutuelle de retraite des secrétaires de mairie-instituteurs, peu à peu son champ s’est élargi à
d’autres catégories agents pour aujourd’hui s’appliquer à l’ensemble des fonctionnaires de
l’Education nationale. Le régime géré par le CGOS intéresse les agents relevant du Ministère
chargé de la santé et date de 1963. L’adhésion à ce régime suppose que l’établissement
employeur soit membre du CGOS.
Le régime récent et le plus connu de tous est celui de la PREFON. Il est né de
l’initiative de quatre organisations syndicales54 qui ont conclu un accord le 8 mai 1964
donnant naissance à une association créant la PREFON. Ce régime ne commença à
fonctionner cependant qu’à partir de 1968, sa gestion financière est assuré par un consortium
d’assurances réunissant la CNP et d’autres assureurs qui à l’époque étaient des assureurs
publics.
Il convient de souligner les caractéristiques de ces régimes complémentaires (B).
B) Les principales caractéristiques des régimes
La constitution d’une retraite complémentaire par les fonctionnaires présente
d’importantes particularités et souffrent de nombreuses limites. Ces régimes ne concernent
qu’un petit nombre de fonctionnaires compte tenu du nombre de personnes qui sont
potentiellement susceptible d’y adhérer. Ils ont un caractère facultatif et repose sur le
volontariat.
L’employeur ne participe pas au financement, ces régimes relèvent des mécanismes
individuels. Le financement prend deux formes : soit un pourcentage du traitement (CGOS),
soit le versement d’une cotisation (MRFP, PREFON).
Les trois régimes sont à cotisations définies, la pension est le résultat de la
multiplication des point acquis par la valeur du point. Ces régimes sont différents les uns des
autres.
La PREFON et le CGOS relèvent des contrats d’assurance groupe soumis aux
dispositions des articles L.140-1 et suivants du Code des assurances. Ces contrats rappelons le
portent sur différents risques, en particulier les risques dépendant de la vie humaine qui
intègrent le mécanisme des retraites complémentaires. La PREFON se distingue du CREF par
39
son fonctionnement exclusif sur le mode de la capitalisation : les versements des affiliés sont
placés sur les marchés financiers, et c’est leur rendement annuel qui sert de base à la
revalorisation des rentes servies. L’affiliation à la PREFON55 est possible à tout moment,
entre 18 et 70 ans. Il est possible de demander la liquidation à tout moment à partir de 55 ans,
et au plus tard à 70 ans. Il y a application d’un coefficient de minoration en cas de liquidation
anticipée, et d’un coefficient de majoration en cas de liquidation reportée. La liquidation de la
retraite PREFON est totalement indépendante de la liquidation de la retraite du fonctionnaire :
elle peut donc avoir lieu avant ou après.
Les régimes de la MRFP (ex-CREF) relèvent eux du droit des mutuelles. Les missions
des mutuelles comprennent notamment des opérations d’assurance, des engagements dont
l’exécution dépend de la vie humaine. Les régimes de retraite actuels n’ont pas d’entité
juridique autonome de l’union de mutuelle dont ils relèvent. Le preneur direct du risque pour
les trois régimes actuels (R1, R2, R4) est l’Union mutuelle retraite de la fonction publique
(MRFP).
L’ex-CREF est géré par le MRFP qui est une union
de mutuelles et d’unions.
L’organisation est complexe car l’union regroupe différentes mutuelles. L’adhésion se fait par
le biais de différentes mutuelles. Le système actuel fait intervenir 3 types de règlements qui
sont autonomes les uns par rapport aux autres. Le régime R1 est un régime fermé qui ne
donne pas lieu au versement de cotisation. Le régime R2 est un régime ouvert qui continue à
constituer des droits. Le régime R4 est un régime ouvert qui ouvre des droits à pension. Il
relève des régimes d’assurance par capitalisation du Code de la mutualité depuis son
assemblée générale du 8 décembre 2001. Auparavant le régime du CREF comportait deux
caisses, l’une fonctionnant par répartition, l’autre par capitalisation ; 60% de ses actifs étaient
gérés selon le principe de la répartition. Le régime a opéré une baisse très sensible des
prestations versées aux allocataires et une diminution des droits à venir pour les cotisants.
Pour souscrire un contrat CREF, il faut être âgé d’au moins 18 ans et s’engager à cotiser
pendant une période minimale de dix ans avant la liquidation du complément-retraite.
L’attractivité de ces régimes résultent des déductions fiscales. L’attractivité découle de
la déduction, sur la déclaration sur le revenu, des cotisations versées. Les dispositions fiscales
concernent les seuls agents et sont parfois présentées comme un privilège réservé aux
55
JEAN (D.), « PREFON-RETRAITE : Le régime de retraite complémentaire facultatif des fonctionnaires. »,
Revue d’économie financière, numéro spécial : Systèmes de retraite : structures, défis et perspectives, n°40,
Mars 1997, pp. 273-276.
40
fonctionnaires. Ainsi au sein de la PREFON toutes les cotisations annuelles ou de rachat sont
déductibles intégralement du montant brut de la rémunération, ou du revenu global du foyer si
le cotisant ne dispose pas personnellement de traitements, salaires ou pensions. Notons qu’en
matière de déduction fiscale, l’Etat dispose d’un pouvoir discrétionnaire.
Ces régimes ont fait l’objet de diverses critiques, on a reproché notamment à la
PREFON la faiblesse de son rendement, et à l’ex-CREF son provisionnement insuffisant.
Après avoir présenté le système de retraite français au demeurant fort complexe et
relativement inégalitaire, il faut rendre compte des principaux éléments actuels du débat qui
touchent le problème et l’avenir des retraites. Ainsi il faut s’intéresser aux raisons qui
expliquent qu’une réforme est nécessaire (Chapitre 2). Si pendant longtemps le système
français est apparu comme viable et assurant un bon niveau des retraites, aujourd’hui plus
qu’hier on peut dire que celui-ci est arrivé à maturité.
41
Chapitre 2 : Les raisons d’une nécessaire réforme
L’avenir des retraites est une question très présente dans le débat politique actuel et
pour cause, tous s’accordent, syndicats y compris, pour reconnaître que notre système de
retraite est en danger. Cette inquiétude sur l’évolution de notre système trouve sa cause dans
les perspectives démographiques et économiques à moyen et long terme de la France,
perspectives qui ont une influence directe sur l’évolution des comptes des différents régimes
de retraite. Les principaux éléments du débat actuel sur l’avenir des retraites se doivent d’être
présenter (section 1), c’est en établissant un diagnostic précis de la situation que l’on pourra
envisager les modalités de réforme du système français. Cette situation critique du système est
identifiée depuis déjà un certain temps même si elle fait l’objet de nombreuses controverses.
On a pris en compte le fait qu’une réforme était nécessaire (section 2) ; depuis quinze ans les
réflexions se multiplient sur l’avenir des systèmes de retraite, ces dernières années on ne
compte pas moins d’une vingtaine de rapports sur ce thème.
Section 1. Les principaux éléments du débat
Les principaux éléments du débat concernant l’avenir des systèmes de retraite sont la
démographie (§1) et l’évolution de la situation macro-économique de la société française (§2).
Ces éléments du débat font l’objet de controverses particulièrement vives que ce soit en
France ou dans les pays industrialisés.
L’exposé des perspectives des régimes de retraite se doit d’éviter d’être inutilement
dramatisé, ces données ne servent qu’à confirmer le caractère inéluctable d’une réforme.
Evaluer l’équilibre futur d’un système de retraite oblige à effectuer des projections sur une
longue période, partant de là il est difficile de prévoir la situation économique et sociale du
pays dans une quarantaine d’années ; des marges d’incertitude subsistent inévitablement.
Malgré ces incertitudes, une projection (qui n’est pas une prévision) permet d’avoir un
ordre de grandeur de la charge future des retraites. Il faut noter que le poids futur des retraites
dépend des évolutions démographiques, de celles des taux d’activité et enfin de la situation
macroéconomique qui conditionne le nombre d’emplois et de chômeurs.
42
L’appréciation des perspectives macro-économiques et l’analyse des évolutions sociodémographiques de la population française à long terme vont se faire de manière globale.
L’approche sera « tous régimes », on suppose que ces évolutions globales s’appliquent à un
régime unique fictif56 résultant de la fusion de tous les régimes de retraite, de base comme
complémentaires57. Montrer la problématique actuelle demande une nécessaire démarche de
clarification éludant tous les faux fuyants. D’autant que du point de vue comptable une
certaine opacité règne dans la connaissance des informations.
§1. La contrainte démographique
Le vieillissement de la population est une chose inéluctable (A) mais cette contrainte
démographique ne doit-elle pas être relativisée ? (B).
A) Un vieillissement inéluctable
Il convient de s’intéresser aux évolutions démographiques de la population française
(1), de voir l’incidence du taux d’activité (2) sur les retraites, et enfin de se demander si
l’immigration est une solution pour la retraite (3).
1. Les évolutions démographiques
Dans les années à venir, la population française connaîtra une forte augmentation de la
proportion de la population ayant dépassé 60 ans ou 65 ans. Ces évolutions démographiques
de la population sont déterminantes pour l’avenir du système de retraite par répartition.
Une rupture est prévue pour 2005-2010 avec l’arrivée à l’âge de la retraite de la
génération du baby-boom. A plus long terme, si les tendances démographiques actuelles se
maintiennent ( même mortalité, même taux de fécondité de 1,8 enfant par femme et même
solde migratoire positif de plus de 50.000 personnes par an), la population française
atteindrait son maximum vers 2040 à 64,5 millions. A ce moment, 21,6 millions de français,
soit 1 personnes sur 3, auraient plus de 60 ans, alors que ce chiffre n’est que de 12,1 millions
aujourd’hui, soit 1 personne sur 5.
56
57
Modèle MARGARET.
Livre blanc sur les retraites , coll. des rapports officiels, La documentation Française, Paris 1991, p. 74.
43
Le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités va fortement se
réduire. Aujourd’hui on compte 10 personnes d’âge actif58 pour 4 personnes de plus de 60 ans,
en 2008 ce sera 10 pour 5, et en 2040 on estime ce chiffre à 10 pour 7.
Plusieurs facteurs se conjuguent pour entraîner cette évolution59 : l’arrivée à l’âge de la
retraite de la génération du baby-boom (a) (problème conjoncturel) ; l’augmentation de
l’espérance de vie (b) (problème structurel). Les évolutions démographiques sont également
dépendantes de deux facteurs :la fécondité et la mortalité (c).
a) L’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby-boom
Jusqu’à présent le nombre de personnes en âge d’être en activité et le nombre de
personnes en âge d’être à la retraite croissaient tous les deux. A partir de 2005-2010, la
tranche d’âge 20-59 ans va voir ses effectifs diminuer, le nombre de personnes atteignant 60
ans chaque année va passer de 0,6 million avant 2006 à plus de 0,8 million ensuite.
b) L’augmentation de l’espérance de vie
On assiste à une augmentation forte et régulière de l’espérance de vie moyenne à la
naissance depuis 1950 de la population française. En 1950, l’espérance de vie pour un homme
était de 63,4 ans, elle était en 2000 de 74,6 ans, elle sera en 2040 de 82,7 ans. Pour la femme,
elle était en 1950 de 69,2 ans, en 2000 de 83,9 ans, elle sera en 2040 de 89,7 ans60.
Parallèlement à l’espérance de vie à la naissance, le concept d’espérance de vie à 60
ans61 est apparu. Cette dernière a cru fortement elle aussi depuis 1950 et devrait continuer à
progresser d’environ un an et demi par décennie. Sans distinction de sexe, elle est passée de
17 ans en 1950 à 23 ans en 2000, et devrait atteindre 29 ans en 2040.
c) Fécondité et mortalité
Depuis un quart de siècle, l’indice de fécondité s’établit à 1,8 enfant par femme.
L’INSEE constate que les dernières générations ont eu au moins deux enfants en moyenne. La
France affiche le taux de fécondité le plus élevé en Europe, son taux devrait être de 2,1
enfants par femme en 2015. Ce redressement du taux de fécondité n’aura cependant une
59
Cf. site Internet- www.retraites.gouv.fr.
Source COR (Conseil d’Orientation des Retraites).
61
Ou espérance de retraite.
60
44
incidence sur les résultats des projections qu’à compter de 2020, c’est à dire quand cette
nouvelle génération viendra grossir les effectifs de la population active.
L’évolution du taux de mortalité est incertain. Certains éléments font défaut pour
éclairer l’avenir : incidence du rapprochement des comportements féminins et masculins en
matière de consommation d’alcool et de tabac, montée de la précarité, ou, en sens inverse
progrès de la médecine et de la prise en charge des personnes âgées.
Pour conclure on peut dire que l’impact sur le nombre de cotisants par retraité des
hypothèses de fécondité, et de mortalité demeure d’une faible portée.
Le taux d’activité (2) a aussi une incidence sur le poids futur des retraites.
2. Les taux d’activité et taux d’emploi
L’évolution de la population active potentielle dépendra de celles des taux d’activité.
Ceux-ci dépendent pour beaucoup de la situation du marché du travail. Sa dégradation pousse
certaines personnes à renoncer à chercher du travail soit spontanément, soit du fait de
certaines mesures sociales comme l’allocation parentale d’éducation, ou encore la préretraite.
La préretraite est un mécanisme très utilisé en France. La France connaît un taux d’emploi très
faible des salariés de plus de 55 ans. Dans ce domaine la France est en queue de peloton
européen avec 32% pour les hommes de 55-64 ans, alors qu’il atteint près de 50% dans
l’ensemble de l’Union européenne. Le Conseil européen de Stockholm en mars 2001 a fixé le
taux de 50% comme objectif à atteindre dans tous les pays de l’UE en 2010. Si l’on considère
le taux d’activité62, si on constate qu’il augmente en France depuis 1995, une analyse détaillée
montre en fait qu’il s’agit du résultat mécanique d’effets démographiques (comme l’arrivée
des générations nombreuses du baby-boom ou l’arrivée dans la tranche des 55-64 ans des
générations de femmes plus actives que les générations précédentes…).
L’éviction des travailleurs âgés conduit à s’interroger sur le recours excessif à la
préretraite. La situation actuelle, qui fait que le taux d’activité des 55-64 ans est assez faible,
comparé notamment à la Suède, a des effets négatifs sur les régimes de retraite. L’exclusion
45
des travailleurs âgés hypothèque l’équilibre de ces régimes, tout comme d’ailleurs le recul de
l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail. Elle amoindrit les recettes attendues des
régimes et conduit, dans le secteur privé, à un écart entre l’âge moyen de cessation d’activité
et l’âge de l’ouverture des droits à pension qui pèse lourdement dans le débat sur l’âge de la
retraite.
Au contraire une hausse du taux d’activité des plus de 50 ans pourrait améliorer la
situation financière des régimes. Ainsi retarder le départ à la retraite permettrait de gagner 0,6
points de PIB de financement supplémentaire en 2040 selon le COR. Une politique visant à
favoriser l’emploi des travailleurs âgés aurait donc des effets positifs sur les plans
économiques et sociaux.
On est en mesure de se demander si une politique d’immigration ne serait pas une
solution pour les retraites, une solution pour rééquilibrer la pyramide des âges ? (3). Les
évolutions démographiques sont aussi dépendantes de l’immigration.
3. L’immigration est-elle une solution pour la retraite ?
L’immigration a permis par le passé à la France de rééquilibrer sa pyramide des âges,
les Etats-Unis qui ont un système de retraite par capitalisation ont décidé d’y faire appel afin
d’accroître le nombre de jeunes actifs. La France sachant la situation démographique qui se
dessine, doit-elle opter pour la même solution63 ?
Si l’immigration peut-être une solution, déjà au lendemain de la seconde guerre
mondiale, l’immigration a contribué à la croissance économique des Trente Glorieuses mais
aussi a participé au rééquilibrage de la pyramide des âges, elle n’est pas la seule solution et
celle-ci suppose de mûres réflexions et des choix politiques.
Avant de buter sur une insuffisance de ressources en main d’œuvre, des marges
considérables existent à travers notamment le retour à des taux d’activité aux âges élevés plus
conséquents64.
Si arrivent 100.000 immigrés par an et non 50.000 comme actuellement, le taux de
dépendance en 2040 ne serait que de 77,5% au lieu de 82,6%, ce qui permettrait de réduire le
63
SCHWARTZ (J.), « L’immigration est-elle une solution pour la retraite ? », Problèmes économiques, n°2608,
17 mars 1999, pp. 27-28.
64
BRIET (R.), « Retraites : réflexions sur 2015 et au-delà », Droit Social, n°9/10, Sept-Oct 1995, p 800.
46
taux de cotisation à 49,8% au lieu de 51,7%. Cependant cette stratégie pose trois problèmes65.
Elle ne constitue pas une solution durable car il faudra payer à terme les retraites de ces actifs
supplémentaires, à moins de faire croître continuellement les flux d’entrée. Il paraît difficile
de relancer l’immigration alors que la France a du mal à intégrer les enfants d’immigrés.
L’immigration pour être utile devrait concerner des travailleurs qualifiés, dont le départ massif
serait une catastrophe pour leur pays d’origine.
Pour l’avenir, de toute manière les différentes hypothèses du COR montrent que
l’impact de ce facteur reste limité.
S’il existe une contrainte démographique indéniable celle-ci ne doit-elle pas être
relativisée ? (B).
B) Une contrainte démographique à relativiser ?
Adopter une démarche de clarification ne signifie pas qu’il faille forcément éviter de se
poser certaines questions.
La discussion en cours porte autour du ratio de dépendance, qui mesure la proportion de
retraités par rapport aux actifs. L’augmentation de ce ratio conduit en toute logique à une
augmentation du taux de la cotisation d’équilibre afin d’assurer l’égalité entre cotisations et
pensions. Tout repose ensuite sur le postulat selon lequel cette hausse de cotisation, qui traduit
le vieillissement de la population serait insupportable.
C’est donc toute la question de la tolérabilité des prélèvements obligatoires qui est ainsi
posée66. Si l’on considère qu’il n’existe aucun plafond à ces prélèvements, l’adaptation au
nouveau régime démographique devrait pouvoir s’effectuer en douceur (à supposer que le
progrès de la productivité se maintiennent au rythme actuel). A l’opposé si on pense qu’un tel
plafond existe, une réflexion s’impose sur la façon de le contourner. Lorsque l’on parle
d’augmentations insupportables des taux de cotisations il est souvent oublié de rappeler deux
faits d’importance. Le premier est que ce phénomène va s’étaler sur 40 ans, ce qui remet en
perspective la notion de tolérabilité. C’est justement l’avantage du système par répartition que
d’effectuer les adaptations nécessaires année après année. Le second est celui de la
65
STERDYNIAK (H.) et DUPONT (G.), op. cit., supra note n°32, pp.82-83.
HUSSON (M.), « La menace démographique est-elle fondée ? », Problèmes économiques, n°2608, 17 mars
1999,p. 10-11.
66
47
progression du pouvoir d’achat, la cotisation plus élevée s’appliquera à un revenu dont le
pouvoir d’achat aura considérablement augmenté67.
Pour être clair il faut mesurer l’augmentation du taux de cotisation en équivalent
productivité. La masse salariale augmentera comme le PIB et la retraite moyenne comme le
salaire net moyen. Dans ces conditions, les chiffres de la commission Charpin conduisent
seulement à un transfert des salaires vers les retraites ne dépassant pas un demi point de
productivité.
En supposant un recul du taux de chômage et du temps partiel, que la commission Charpin
considère comme des acquis durables, on peut envisager de faire baisser le transfert des
salaires vers les retraites de 0,5% à 0,35% par an. C’est alors déformer la réalité que de parler
d’une hausse insupportable du taux de cotisation.
La hausse du taux de cotisation peut alors être interprétée comme le moyen de réaliser un
transfert des coûts privés d’éducation des enfants vers la prise en charge socialisée des aînés68.
Les besoins de financement des régimes de retraite trouvent pour une part leur origine
dans le vieillissement de la population, cependant pour préciser l’importance de ces difficultés
il faut compléter les perspectives démographiques par un certain nombre d’hypothèses macroéconomiques (§2).
§2. Les perspectives économiques
Les perspectives économiques influent également sur l’évolution des ressources des
régimes de retraite. Ces perspectives conditionnent le nombre d’emplois, de chômeurs, la
croissance et la productivité (A), elles montrent le besoin en financement du système (B).
A) Les perspectives économiques : emploi, croissance, productivité
Ce n’est pas seulement la situation démographique qui pousse aux réformes des
retraites. La situation économique semble elle aussi justifier des mesures nouvelles. Des
hypothèses macro-économiques conditionnent en effet aussi l’évolution des ressources des
régimes de retraite. Ils durcissent la contrainte future provenant de l’évolution probable des
ratios démographiques.
67
Une croissance annuelle de 1,7% sur 40 ans entraînent un doublement du PIB.
CONCIALDI (P.), « Le débat sur les retraites : l’alibi de la démographie », Problèmes économiques, n°2536,
1er octobre 1997.
68
48
Les ressources des régimes de retraite dépendent pour l’essentiel de l’évolution de la
masse des revenus du travail, c’est à dire principalement de l’augmentation des salaires par
tête et des effectifs. Pour obtenir une croissance maximale des effectifs cotisants qui seuls
financent la protection sociale, il ne suffit pas de disposer de ressources en mains d’œuvres,
qu’elles proviennent à moyen terme de la réduction du chômage ou à long terme de
l’évolution de la fécondité, encore faut-il que l’économie ait la capacité de créer les emplois
correspondants.
Notre projection suppose que la France connaisse dans un avenir proche un taux de
croissance moyen de 2,5% par an. Compte tenu d’une croissance tendancielle de la
productivité du travail de 1,8% l’an, l’emploi augmente de 0,7% par an. Cela permet de
réduire progressivement le taux de chômage qui atteint un niveau d’équilibre supposé égal à
5% en 2009. A partir de cette date, la croissance est déterminée de façon endogène par la
tendance de productivité69 et par l’emploi qui évolue comme la population active potentielle70.
La croissance du PIB est de 1,5% l’an entre 2020 et 2040 ; soit une croissance annuelle
moyenne de 2% entre 1995 et 2040. L’évolution moyenne du salaire réel est égale à celle de la
productivité du travail.
Deux de nos hypothèses sont particulièrement fragiles. L’hypothèse d’un taux de chômage
de 5% d’ici quinze ans peut paraître optimiste si on considère que, compte tenu du
ralentissement de la productivité, le taux de chômage d’équilibre est de l’ordre de 9%
maintenant. Elle suppose une certaine amélioration du fonctionnement du marché du travail.
L’hypothèse de gains futurs de productivité du travail de 1,8% l’an peut sembler basse,
elle correspond au maintien du niveau actuel. On peut espérer que ce taux sera rehaussé par
les développements de l’informatique et des nouvelles techniques de communication, mais en
sens inverse la tertiarisation de l’économie freine le progrès technique. Aussi 1,8% de
croissance de la production du travail pendant 40 ans ne peut-il être considérer comme
pessimiste.
En tout état de cause, même dans les hypothèses de croissance les plus favorables, aucunes
ne parviennent à compenser les effets de l’augmentation du nombre de retraités. Les divers
scénarios examinés par le COR montrent qu’une diminution importante du nombre de
69
70
1,8% l’an.
-0,8% l’an.
49
chômeurs d’ici à 2010 aurait un effet positif mais limité sur la dégradation de la situation
financière des régimes. Le système manifeste un besoin de financement (B).
B) Les besoins en financement du système
Les perspectives économiques, ainsi que le contexte démographique, montrent le besoin
en financement du système.
Les prestations vieillesse représentent une masse considérable que l’on peut comparer,
par exemple, aux charges nettes inscrites au budget de l’Etat (187,3 milliards d’euros au titre
de l’année 2000).
Les dépenses de retraite représentaient en 2000 environ 11,6% du PIB, soit environ
163,12 millions d’euros ; en 2020 à législation inchangée elles représenterons environ 13,8%
du PIB selon le COR.
Celui-ci a procédé au calcul de l’évolution des différents régimes, tous les régimes
connaîtront des soldes négatifs et auront donc besoin de financements complémentaires, mais
à des dates différentes. En 2020, le régime général aura un besoin de financement
complémentaire de l’ordre de 15 milliards d’euros (euros constants), le régime de la Fonction
publique d’Etat aura quant à lui un besoin de 28 milliards d’euros, celui du régime
complémentaire (Agirc-Arrco) de 1,6 milliard.
Pour le régime général, un déséquilibre apparaîtrait équivalent à 4,3 points de
cotisation en 201571, dans un scénario économique qualifié de central. Pour les régimes
spéciaux, en revanche, dont la dégradation du rapport démographique est plus importante et
commence plus tôt, la détérioration de leur situation financière est immédiate et rapide :
exprimé en points de cotisation, le besoin de financement du régime des fonctionnaires civils
s’élèverait de 10 points de cotisations d’ici 2005, et celui des agents des collectivités locales à
plus de 16 points. La situation de ces régimes serait d’ailleurs aggravée par la progression
rapide de la pension moyenne qui en alourdit sensiblement et rapidement les charges.
La démographie et les perspectives économiques montrent bien la nécessité d’une
réforme pour assurer la viabilité du système de retraites français par répartition. Ce problème
71
Synthèses du rapport de commissariat général du plan « Perspectives à long terme des retraites », Revue
d’économie financière, numéro spécial : Systèmes de retraite : structures, défis et perspectives, n°40, Mars 1997,
p 62.
50
est connu déjà depuis un certain temps. Les réflexions se sont multipliées sur l’avenir des
systèmes de retraite, de nombreux rapports ont été rendus sur ce thème. Il a déjà été pris en
compte en partie du moins sur le papier d’une nécessaire réforme (section 2).
Section 2. La prise en compte d’une nécessaire évolution
Les régimes de retraite existants dans notre pays sont l’objet d’interrogations
récurrentes depuis une bonne décennie, ces interrogations qui se caractérisent par une
succession de rapports officiels72 rendus sur la question démontrent la prise en compte d’une
nécessaire évolution. Depuis le milieu des années 1990, des mesures sont intervenues pour
limiter les risques de dérives financières du système, une réaction s’est faite face à la montée
des périls (§1). Ces mesures n’ont pas suffit, les déséquilibres au sein des régimes pèsent
aujourd’hui plus qu’hier sur les retraites. Les projections montrent que l’avenir n’est pas
assuré, si on ne réagit pas au plus tôt de graves problèmes sociaux et économiques vont se
faire ressentir (§2), l’équité ne sera plus assuré.
§1. Les réactions face à la montée des périls
Entre 1975 et 2001, le système de retraite français a connu une évolution globalement
défavorable sur le plan financier. Face à l’installation et à la persistance de grands
déséquilibres comptables, les autorités ont décidé d’agir. Tout d’abord timidement en se
contentant d’expédients tels que la hausse des taux de cotisation, puis elles se sont dotées
progressivement d’instruments censés apporter davantage de clarté dans les comptes sociaux.
On peut distinguer les mesures récentes (B) des réformes du milieu des années 1990 (A).
A) Les mesures du milieu des années 1990
Ce sont les réformes du milieu des années 1990, intervenues après une longue et lente
maturation des esprits, qui marquent la mise en place d’un renouveau en matière de retraite.
L’année 1993 (1) inaugure une série de mesures de réforme structurelle du système des
retraites. Les régimes de retraite complémentaire subiront eux aussi des réformes (2). Enfin il
51
faudra rapidement faire référence à la loi Thomas (3), aujourd’hui abrogée, sur les plans
d’épargne retraite73.
1. Les réformes de l’année 1993
Il y a d’abord la réforme du régime général et des régimes alignés (a), puis la création
du Fonds de solidarité vieillesse (b).
a) La réforme du régime général et des régimes alignés
La réforme issue de la loi du 22juillet 199374, concerne le régime général, le régime
des salariés agricoles, le régime de base des artisans et le régime de base des industriels et des
commerçants et ne touche donc pas les régimes spéciaux. Les mesures de cette réforme sont
sans doute les plus importantes depuis les lois Boulin de 1971-1972. Elle reprend en fait les
mesures préconisés par le Livre blanc.
Cette réforme révisait trois poins essentiels :

la durée de cotisations nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein est
allongée de 150 à 160 trimestres (de 37,5 à 40 ans).

Le salaire moyen de référence, servant de base pour le calcul de la pension, est
calculé progressivement sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10
meilleures années.

La pension est revalorisée annuellement en fonction de l’évolution de l’indice
des prix à la consommation et non plus selon l’évolution générale des salaires.
On assiste avec ces mesures à un durcissement des conditions d’accès à la retraite. La
réforme n’a soulevé que peu de protestations de la part des partenaires sociaux, à l’exception
notable de la CGT, ces derniers ayant entamé avec le gouvernement précédent une large
concertation sur la question. La réforme de 1993 a un goût d’inachevé, d’abord parce elle a
fait l’impasse sur les régimes spéciaux créant ainsi un clivage entre les salariés de ces régimes
et ceux du régime général et, ensuite parce qu’aux vus des besoins colossaux de financement
elle ne permet pas d’assurer un avenir serein au système français de retraite. Elle apparaît
73
74
Les PER.
Loi n°93-936, réforme dite Balladur.
52
comme une mesure injuste aboutissant à une baisse des retraites, inefficace en cas de
stagnation des salaires, sans fournir de garanties pour l’avenir75.
En 1993 également a été créé le Fond de solidarité vieillesse (b).
b) Le Fonds de solidarité vieillesse
Il est issu de la loi du 22 juillet qui dans son article 1er prévoit sa mise en place au 1er
janvier 1994. Sa mission est de prendre en charge le financement par l’impôt de dépenses de
solidarité. La création du FSV consacre la séparation entre prestations contributives et non
contributives. Ces dépenses sont de trois ordres : les prestations du minimum vieillesse, la
majoration de pension pour enfants ou conjoint à charge, la validation gratuite de périodes de
service national ou de chômage. Il devrait ainsi contribuer à alléger mécaniquement les
charges des régimes de base.
Les régimes complémentaires subissent eux aussi des réformes, ils sont contraints à
d’importants efforts notamment financiers (2).
2. Les réformes des régimes complémentaires
Les partenaires sociaux de 1993 à 1996, puis en 2001 ont engagé des réformes des
régimes complémentaires des secteurs privés. Ces accords prévoient une progression limitée
des cotisations et une réduction du niveau des pensions par rapport aux salaires. Ils tendent
également à harmoniser la réglementation entre les différents régimes des salariés du secteur
privé et à instaurer une solidarité financière.
Enfin il faut noter comme une des réactions aux périls l’instauration de plans
d’épargne retraite (3) qui n’auront vécu que très peu de temps.
3. Les plans d’épargne retraite (PER)
Ces plans d’épargne retraite peut-on dire constituent les premiers fonds de pension
français par capitalisation au bénéfice des salariés du secteur privé76. Tout salarié pouvait
souscrire un PER, ses versements étaient déductibles des impôts sur le revenu dans une
75
DUPONT (G.) et STERDYNIAK (H.), op. cit., supra note n°32, p.34.
LAIGRE (P.), « Les plans d’épargne retraite : la main visible du marché », Droit social, n°5, mai 1997, pp.
482-492.
76
53
certaine limite, ce plan pouvait en outre être alimenté jusqu’à quatre fois par son employeur,
avec exonération des charges sociales à hauteur de 85% du plafond annuel de la Sécurité
sociale. Une fois à la retraite, le salarié percevait une rente et, s’il le souhaite un capital initial
égal au maximum à 20% de l’épargne constituée. Les milieux économiques ont accueilli avec
bienveillance ce nouveau dispositif de retraite, du côté des syndicats ils ont suscité un rejet
unanime. Les décrets d’application de la loi Thomas n’ont jamais été publiés, notamment du
fait de la complexité technique et pratique de son application77. La loi a même été abrogée
dans le cadre de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. De toute façon, il faut
noter qu’elle n’aurait été qu’un appoint et non une solution finale au déséquilibre financier des
régimes de retraite.
La fin de la décennie quatre-vingt-dix n’a pas marqué la fin des réactions face aux
périls qui menacent la pérennité des retraites. Des mesures ont été prises récemment pour
tenter d’endiguer la chute du système de retraite français (B).
B) Les mesures récentes (1998-2001)
Parmi les mesures récentes importantes on peut citer la constitution d’un Fonds de
réserve pour les retraites (FRR) (1), et la création d’un Conseil d’Orientation des Retraites
(COR) (2).
1. Le Fonds de réserve pour les retraites
L’un des moyens mis en œuvre pour réagir face aux périls à venir a été la constitution
d’un fonds de réserve pour les retraites. Ce fonds a été créé par la loi de financement de la
Sécurité sociale pour 1999. Le principe de la constitution de réserves, évoquée par Michel
Rocard dans sa préface au Livre blanc, existe en fait déjà depuis longtemps au sein de l’Agirc,
l’Arrco, la Cancava et l’Organic. Son objectif est simple : alimenter à partir de 2020 les
différents régimes en déficit par des sommes mises en réserve depuis la création du Fonds.
Cela permettra de réduire les efforts de financement nécessaires pour assurer l’équilibre
financier des régimes éligibles au FRR, entre 2020 et 2040.
Le Fonds de réserve pour les retraites était à l’origine géré par le Fonds de solidarité
vieillesse, puis il a été transformé par la loi du 17 juillet 2001 en établissement public à
caractère administratif, placé sous la tutelle de l’Etat. Le FRR est doté d’un conseil de
54
surveillance et d’un directoire. Le conseil de surveillance élabore les choix en matière de
placements des actifs, en respectant les principes de prudence et de répartition des risques. Il
établit un rapport annuel sur la gestion du fonds. Le directoire met ses orientations en œuvre et
en rend compte régulièrement au conseil de surveillance.
Ses ressources sont énumérées à l’article 2 de la loi de financement de la Sécurité
sociale (LFSS) pour 1999. Il s’agit d’abord d’une fraction, fixée par arrêté des ministres
chargés de la sécurité sociale et du budget, du solde du produit de la contribution sociale de
solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l’article L. 651-2-1. Il s’agit
ensuite de tout ou partie du résultat excédentaire de la première section du FSV, dans des
conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du
budget. Enfin il s’agit de toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions
législatives.
Le FRR a suscité une polémique au sujet de son alimentation78. L’objectif initial était
d’atteindre près de 150 milliards d’euros en 2020. Aujourd’hui pourtant, le rythme des
versements semble insuffisant pour atteindre cet objectif. Le COR lors de sa séance de travail
du 27 septembre 2000 a estimé les ressources actuelles du Fonds comme incertaines et trop
aléatoires. Selon les estimations réalisées dans le cadre du projet de LFSS pour 2003, les
réserves devraient passer de 7,1milliards d’euros fin 2001 à 13 milliards fin 2002 et 17
milliards fin 2003.
Au delà des incertitudes concernant notamment le volet financier du dossier, le
pilotage du Fonds constitue un enjeu fondamental des années qui viennent avec, un point de
mire à court terme, le retournement démographique de 200579.
Une autre réaction aux périls menaçant les retraites, la création d’un Conseil
d’Orientation des retraites (2).
2. Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR)
Le COR a été crée par un décret en date du 10 mai 2000. Le COR est une structure
permanente, pluraliste de concertation chargée de faire un diagnostic de la situation des
78
Cf. “www.retraites.gouv.fr”.
CHADELAT (J-F.), « Le fonds de réserve français », La lettre de l’Observatoire des retraites, n°12, mars
2001, p. 9-12.
79
55
régimes de retraite et de formuler des propositions pour l’avenir. Sa mission d’expertise, de
concertation et d’information n’inclut pas la négociation des réformes. En revanche il lui
appartient de faire des propositions et de présenter des orientations de réforme de nature à
répondre aux objectifs de solidarité financière et d’égalité de traitement entre assurés.
Il est composé de 32 membres, on y retrouve 16 représentants des partenaires sociaux,
3 députés et 3 sénateurs, 4 représentants de l’Etat, 4 personnalités choisies en fonction de leur
compétence et de leur expérience, le président de l’Union nationale des associations familiales
et le vice-président du Comité national des retraités et des personnes âgées.
Cette structure permanente se voit assigner les missions suivantes :

organiser une sorte de veille sur la situation et les perspectives d’évolution
comptable des différents régimes de retraite80.

Apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de
ces régimes81.

Veiller au maintien de la solidarité intra- et intergénérationnelle au sein du
système actuel par répartition. A cette fin il lui est possible de demander à tout
organisme public de l’Etat de lui communiquer les éléments d’information
qu’il jugera utiles82.
Le conseil doit remettre un rapport public au moins tous les deux au Premier ministre
qui sera communiqué au Parlement. Son premier rapport a été présenté en 2001, il est intitulé
« Retraites : renouveler le contrat social entre les générations. Orientations et débats ». Celuici ne constitue pas une suite de recommandations mais plutôt une clarification des objectifs
d’une réforme et l’esquisse des ajustements possibles.
Dire que le problème des retraites n’a pas été prise en compte et qu’il n’a rien été fait
dans ce domaine est donc inexact83. Non seulement des mesures de grande ampleur ont été
prises pour le régime général en 1993, mais les régimes complémentaires ont aussi revu leurs
paramètres de fonctionnement. Cependant si ces mesures permettent d’éviter un déficit à court
terme l’équilibre n’est pas assuré à moyen terme, d’où la nécessité de mesures
80
Article 1er du décret n°2000-393 du 10 mai 2000.
ibid.
82
Article 5 du décret du 10 mai 2000.
83
Liaisons sociales magazine, janvier 2003, pp. 24-29.
81
56
complémentaires à prendre au plus vite au risque de voir apparaître de graves problèmes
économiques et sociaux (§2).
§2. Les conséquences économiques et sociales en cas de non-évolution du système
La non-évolution du système de retraite va poser de manière préoccupante la question
de la recherche de l’équilibre financier à long terme. Mais une approche strictement financière
laisse de côté certains aspects économiques et sociaux d’une croissance non maîtrisée de la
masse des pensions84. La non-maîtrise des dépenses des régimes de retraite risque à terme de
soulever d’importants problèmes d’équité entre générations (A) ; mais risque également
d’entraîner des modifications de certains comportements économiques (B).
A) Des problèmes d’équité entre générations
L’augmentation des transferts entre générations modifierait le partage du revenu
national entre actifs et retraités au bénéfice de ces derniers (1), une telle évolution soulèverait
d’importants problèmes d’équité entre générations, la jeune génération pourrait être tentée de
remettre en cause le contrat qui la lie à la génération plus âgée (2).
1. La modification du partage du revenu entre actifs et retraités
L’augmentation des transferts entre générations modifierait le partage du revenu
national entre actifs et retraités au bénéfice de ces derniers, or il est légitime de considérer
qu’un certain équilibre doit s’établir entre les niveaux moyens respectifs des revenus
d’activité et des pensions. Les constats récents font clairement apparaître la parité des niveaux
de vie moyens des ménages d’actifs et de retraités.
Cette parité tient pour une large part du niveau relatif du revenu moyen d’activité brut
de prélèvements sociaux et, de la pension moyenne. En prenant comme indicateur de parité de
ressources le rapport de la pension moyenne au revenu brut moyen d’activité, partant d’une
base 100 en 1990, cet indicateur passerait à 118,7 en 2010 et à 132,9 en 2040. Ainsi le niveau
moyen des pensions s’améliorerait de 33% environ par rapport au salaire brut moyen des
actifs.
84
Livre sur les retraites , coll. des rapports officiels, La documentation Française, Paris, 1991, pp. 107-111.
57
Ces évolutions moyennes ne peuvent être regardées comme équitables et risqueraient
de provoquer une rupture du contrat social qui lie les générations entre elles (2).
2. Un risque pour l’avenir du contrat social
Une évolution non-maîtrisée des dépenses des régimes de retraite et d’une dérive des
prélèvements sociaux aboutiraient à transférer aux retraités un pouvoir d’achat qui pourrait
atteindre près du double de celui auquel peuvent prétendre les actifs en moyenne. Une telle
situation ne peut être regardée comme équitable, elle viole le principe fondamental d’équité
qui prévaut dans le contrat que les générations passent entre elles à travers le choix de la
retraite en répartition. En mettant en cause ce principe, l’évolution des charges des régimes de
retraite à législation inchangée mettrait en péril l’existence même de ces régimes.
Dans un régime de retraite en répartition, un critère acceptable d’équité consiste à
garantir durablement à toutes les générations des niveaux de prestations équivalents pour des
efforts contributifs identiques. Si ce principe ne peut être appliqué pendant la montée en
charge des régimes, il trouve à s’appliquer dès lors que les régimes ont atteint la maturité.
A législation inchangée, le rendement de longue période que les régimes peuvent
garantir aux cotisations de retraite n’est autre que le rythme de progression du pouvoir d’achat
de la masse des revenus d’activité. Selon les projections, ce rythme de longue période est
compris entre 2% et 3%. Or tout indique que les générations qui prendront leur retraite au
début de ce nouveau siècle bénéficieront de rendements très supérieurs. Une telle situation
équivaut à opérer d’importants transferts entre générations, les retraités des générations
futures ne pourront bénéficier de tels avantages s’ils doivent supporter d’importants
relèvements de leurs prélèvements sociaux.
A côté du risque d’une rupture de l’équité entre générations, laisser évoluer de manière
incontrôlée les dépenses des régimes de retraite et les prélèvements sociaux pourraient
entraîner des modifications de certains comportements économiques (B).
B) Des risques d’apparitions d’effets économiques néfastes
Un niveau durablement excessif des transferts entre générations pourrait en outre
provoquer des effets néfastes pour l’économie. Des dangers sont associés à une montée des
58
prélèvements sociaux, la croissance future risque d’être obérée par la dégradation de la
compétitivité (1) ; une croissance rapide des pensions auraient des conséquences sur les
comportements individuels d’épargne et d’offre de travail, le risque est à la désincitation à
l’épargne et à l’activité (2).
1. Une dégradation de la compétitivité
Une montée des prélèvements sociaux pourrait déboucher sur une hausse du coût du
travail. En effet les pressions exercées par les salariés en faveur d’un rattrapage dans le
salaire brut des augmentations des prélèvements sociaux pourraient déboucher sur une hausse
du coût du travail supportée par les entreprises.
Une telle évolution du coût du travail pourrait contrarier les créations d’emplois en
affaiblissant la compétitivité et en stimulant la substitution du capital au travail. Une hausse
d’un point des cotisations sociales à la charge des salariés intégralement répercutée dans le
salaire brut se traduirait par la suppression de plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
Si la croissance future risque d’être obérée par une dégradation de le compétitivité,
celle-ci risque aussi d’être freinée par la désincitation à l’épargne et l’activité (2).
2. Une désincitation à l’épargne et à l’activité
Une évolution non-maîtrisée des dépenses de retraite risque également de modifier les
comportements d’épargne et d’offre de travail.
Une croissance rapide des pensions n’incite pas les ménages jeunes à épargner, la
perspective de percevoir des ressources convenables le moment de la retraite venu tend à
réduire l’effort d’épargne. Ces modifications des comportements individuels d’épargne des
jeunes ménages risquent d’être aggravées au plan macro-économique, dès lors que l’évolution
non maîtrisée des dépenses de retraite tend à amplifier les transferts des ménages jeunes vers
les retraités dont les préférences pour le présent sont plus fortes, et dont l’effort d’épargne est
plus limité.
En outre il y au un risque de voir baisser l’offre de travail. Le choix pour un individu
de se présenter ou non sur le marché du travail, ou d’y rester ou non, dépend de ses
préférences personnelles et des revenus qu’il pourra percevoir en activité comme en inactivité.
La perspective de percevoir aux âges élevés une retraite convenable incite sûrement nombre
59
de salariés à cesser leur activité professionnelle dès qu’ils en ont la possibilité. Cet effet est
renforcé par la montée des prélèvements sociaux qui réduit le montant des salaires nets.
Avec la dérive des prestations vieillesse, une baisse de l’épargne et de l’offre de travail
est donc à craindre. Or tout ceci va à l’encontre des objectifs de la politique économique en
période de vieillissement de la population. Les pouvoirs publics recherchant une croissance
forte, il est clair que l’offre de travail doit être soutenue et l’épargne encouragée en vue de
l’accumulation, de la substitution du capital au travail, et de l’augmentation de la production
par tête.
Si la maîtrise des dépenses des régimes de retraite a pour objectif de sauvegarder le
principe de solidarité entre générations, cette maîtrise peut également poursuivre des objectifs
de politique économique comme nous venons de le voir.
Malgré la complexité et la diversité du système de retraite français, celui-ci a réussi à
remplir les objectifs qui lui avait été fixés. Depuis 1945 la pauvreté a fortement régressé parmi
les retraités, l’augmentation des pensions avec les générations a réduit le nombre de
bénéficiaires du minimum vieillesse, alors même que ce dernier était sensiblement revalorisé.
Le niveau de vie des retraités est comparable à celui des actifs. Cependant à la vue des
perspectives démographiques notre système de retraite par répartition est menacé. Si l’on
souhaite assurer la pérennité de celui-ci, il est impératif d’agir rapidement. Les mesures déjà
prises n’ont eu d’effets sur le système qu’à court terme. Mais si on doit agir, la question qui se
pose est comment doit-on agir ? (2ème Partie), quelles sont les pistes possibles d’évolution ?
quels objectifs doivent-elles remplir ?
C’est en demeurant passif que le pacte social sera détruit. A s’en tenir à des évolutions
spontanées et faciles, l’inaction des pouvoirs publics risquerait de conduire à une évidente
injustice85.
85
BORDELOUP (J.), « La réforme des régimes de retraite : une ardente obligation », Droit social, n°4, avril
1992, p. 404.
60
2ème Partie : Comment faire évoluer le système ?
Assurer l’avenir de la société française passe par le traitement de la question délicate
des retraites. Si aux vues des difficultés à venir le système de retraite se doit d’évoluer,
plusieurs avenirs sont possibles (Chapitre 2). De nombreuses idées ont jusqu’à présent été
émises venant d’horizon politiques divers, traduisant des objectifs, des choix et des
perspectives différents : pour l’essentiel, le passage à la capitalisation, la transformation en
profondeur du régime actuel, l’aménagement progressif des régimes par répartition. Si le
système de retraite mérite une évolution dans son ensemble, cette évolution s’annonce
difficile (Chapitre 1) tant le système français est marqué par son organisation, son
fonctionnement et son histoire.
Chapitre 1 : Une évolution difficile mais possible
61
La réforme des retraites revient périodiquement dans les médias à la faveur des
rapports qui ont jalonné ces quinze dernières années. Véritable serpent de mer86, cette réforme
assurant à long terme la survie du système semblait irréalisable en France jusqu’à aujourd’hui,
alors que la plupart des pays développés, confrontés aux mêmes problèmes, avaient su la
mettre en œuvre. Il n’est pas sans intérêt d’essayer de comprendre pourquoi, en France, ce
dossier a eu une gestation aussi difficile (section 1). Les reformes entreprises à l’étranger
permettent de tirer des enseignements utiles au gouvernement pour mettre en place une
réforme réussie. Les exemples étrangers méritent donc une étude approfondie et montre
qu’outre la difficulté une réforme est possible (section 2).
Section 1. Pourquoi la réforme est-elle si difficile ?
De nombreux rapports ont préparé la réforme des retraites qui est actuellement en train
de se jouer à l’Assemblée nationale. Ces rapports au moment où ils ont été rendus n’ont pas
été suivis dans leur grande majorité de prises de décisions, comment expliquer ce décalage si
durable entre les intentions et les décisions ? Ce décalage peut d’abord s’expliquer par la
nécessité d’un certain délai de maturation des esprits concernant le problème des retraites
(§1), puis par la recherche d’un certain consensus et d’une surestimation du risque politique
(§2).
§1. La nécessité d’un certain délai de maturation des esprits
En effet il était nécessaire que se passe un certain délai de maturation des esprits dans
une société qui se caractérise par une grande sérénité., voire même une insouciance à l’égard
de la retraite87. Si le gouvernement et les sondages d’opinion accordaient toujours une grande
place à l’amélioration du sort des personnes âgées, les Français conscients des progrès réalisés
pouvaient espérer légitimement en profiter un jour. A partir de là il est difficile de faire passer
un message désagréable attirant l’attention sur les difficultés à venir des systèmes de retraite.
86
RUELLAN (R.), « Retraites : l’impossible réforme est-elle achevée ? », Droit social, n°12, décembre 1993,
p.907-929.
87
RUELLAN (R.), op. cit., supra note n°86, p. 915.
62
Un fait déterminant a été la médiatisation, au milieu des années 1980, des projections
démographiques de l’INSEE à l’horizon 2005-2010 faisant apparaître l’arrivée à l’âge de la
retraite des enfants du baby-boom et, de la proportion décroissante de la population en âge de
travailler du fait de la faiblesse des taux de fécondité.
Ces projections ont suscité le réveil des politiques. En 1991 un rapport, le Livre blanc
sur les retraites, aboutissement d’un travail technique interministériel coordonné par le
commissariat général de Plan, est rendu présentant la situation d’ensemble des régimes de
retraite, leurs perspectives d’évolution et les différentes réformes pour faire face aux effets du
vieillissement démographique.
Ce rapport fondateur a permis de lancer une large concertation, concertation qui n’a
jamais débouché sur un consensus. La recherche de ce consensus impossible à trouver et la
surestimation du risque politique expliquent aussi pour une bonne part le retard pris dans
l’élaboration d’une réforme (§2).
§2. La surestimation du risque politique et la recherche d’un consensus
Le décalage si durable entre intentions et décisions s’expliquent également par la
recherche d’un consensus (A), et par la surestimation du risque politique (B).
A) La recherche d’un consensus
Cette recherche de consensus a conduit à mettre de côté les propositions du Livre
blanc et à retenir une idée qui avait été écartée par ce rapport, celle du partage assurancesolidarité. Ce consensus fragile vola en éclats dès l’examen du premier projet de création d’un
fonds de solidarité.
Les pouvoirs publics fin décembre 1992 ont essayé d’obtenir un accord des partenaires
sociaux sur l’allongement à 160 trimestres de la durée d’assurance tous régimes requise pour
avoir le taux plein de 50% à 60 ans. En contrepartie, ils offraient d’inclure l’ensemble des
validations chômage dans le fonds de solidarité comme le souhaitaient les partenaires sociaux.
63
Seulement le projet présenté le 15 février 1993 aux partenaires sociaux était d’une tout
autre nature, il renonçait à l’allongement de la durée d’assurance, confirmait la solution du
fonds de solidarité et renvoyait notamment sur les partenaires sociaux le soin de faire la
réforme.
Le projet de réforme des retraites à force de recherche de consensus, on le voit, avait
disparu. Il ne restait plus que des recettes nouvelles et aucune économie. Les partenaires
sociaux, tout en percevant que ces ressources nouvelles ne régleraient pas le problème, avaient
pourtant refusé les mesures portant sur le système de retraite lui-même, allant même jusqu’à
contester les effets de la démographie tels que présentés par le Livre blanc. Cela traduisait un
refus de voir les réalités, une tendance à nier les évidences.
Il appartenait alors aux pouvoirs publics de prendre les décisions or ceux-ci
surestimaient le risque politique (B).
B) La surestimation du risque politique
Contrairement à l’assurance maladie, le processus décisionnel pour les retraites est
clair. Les partenaires sociaux sont consultés et les pouvoirs publics prennent les décisions en
application des articles 34 et 37 de la Constitution. Surestimant le risque politique ceux-ci ne
réagissaient pas. La formule d’un Premier ministre, qui avait jugé la réforme des retraites
comme étant de nature à faire sauter plusieurs gouvernements, montre l’ampleur du malaise. Il
est vrai que certains sondages révélaient la grande sensibilité des français sur cette question.
La retraite est un dossier encombrant pour un gouvernement. Il ne se prête pas à une
gestion à court terme, horizon des échéances électorales, d’autant plus que les retraités ont un
poids quantitatif et une influence électorale qui ne cessent de croître. Il oblige à prendre des
décisions qui ont un impact politique immédiat alors que les effets seront très progressifs.
Au vu de ces éléments il ne fallait pas s’étonner que la réforme des retraites mette
autant de temps à se dessiner, d’autant plus qu’après les mesures de 1993 portant sur le régime
général, le moment était venu de réformer les régimes spéciaux. Or s’il suffit dans le régime
général de modifier quelques chiffres sans changer la formule de calcul et encore moins ces
grands principes, dans les régimes spéciaux la question est autrement plus complexe. Pour ces
régimes la réforme devra porter sur des éléments structurels qui sont considérés comme
statutaires et donc intangibles. Les réformes à opérer dans les régimes spéciaux sont donc
64
beaucoup plus fondamentales que celles du régime général. L’extension pure et simple des
mesures du régime général aux régimes spéciaux ne sont pas techniquement possible vu la
réglementation très particulière de ceux-ci. Mais si la réforme s’annonce difficile, elle n’est
pas impossible il suffit pour s’en convaincre de regarder les expériences étrangères en la
matière qui sont riches d’enseignement (section 2).
Section 2. Une évolution possible : les expériences étrangères
La France ne constitue pas un cas unique. L’avenir des régimes de retraite est
aujourd’hui un souci constant et commun à l’ensemble des pays industrialisés. Pour la plupart
de ces pays, la préoccupation est identique : la recherche d’un équilibre financier durable et la
poursuite d’objectifs d’efficacité et de justice sociale afin de limiter les effets négatifs des
dispositifs de financement, ont conduit les gouvernements à engager des réformes de fond88.
Ainsi depuis le début des années quatre-vingt-dix, beaucoup de pays industrialisés se
sont engagés dans la réforme de leur système de retraite. Le champ et les modalités de ces
réformes varient beaucoup d’un pays à l’autre mais trois pistes principales se dégagent :
l’élévation de l’âge légal de la retraite, l’instauration d’un mode de calcul moins favorable et
la mise en place de formes de financement par capitalisation.
Parmi ces pays, deux présentent un intérêt particulier car à leur façon ils ont mis en
œuvre une modification en profondeur de leur système : il s’agit de la Suède et de
l’Allemagne (§1). Le système Allemand est proche de celui en vigueur en France, le
changement radical qu’il a subit ces derniers temps pourrait inspirer le législateur français à
maints égards. Quant à la Suède, la voie novatrice et originale dans laquelle elle s’est lancée
peut être aussi source d’enseignements (§2).
§1. Les exemples étrangers : l’Allemagne et la Suède
88
Livre blanc sur les retraites , coll. des rapports officiels, La documentation Française, Paris, 1991, p. 116.
65
La réforme du système allemand (A) relève d’un processus vieux de plus de dix ans et
trouve son épilogue pour le moment dans les mesures de fond prise en 200189. La réforme
entreprise en Suède (B) se caractérise par son côté novateur tant au niveau de la manière de
procéder au changement que de la substance de ce changement.
A) L’exemple Allemand : une réforme en profondeur
Il convient au préalable de faire une radiographie du système de retraite allemand (1),
de souligner ses insuffisances, puis de présenter la réforme allemande en elle-même (2).
1. Radiographie du système de retraite
Le système de retraite allemand sera présenté rapidement (a) afin de pouvoir mettre en
évidence ses insuffisances (b).
a) Présentation du système de retraite allemand
Le premier pilier est le régime légal d’assurance vieillesse (GRV) qui constitue le
socle du système de retraite allemand, dont il capte à lui seul une part considérable des
prestations, ce qui en fait avec la France et l’Italie, un cas extrême en Europe.
Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

La population automatiquement couverte par le GRV est comprise dans un
sens très large : elle est composée non seulement des salariés, mais aussi de
membres de certaines professions indépendantes, des bénéficiaires d’une
allocation chômage, d’une préretraite, de parents qui élèvent des enfants,
d’indemnités journalières pour maladie ou accident du travail.

Par conséquent il existe plusieurs types de pension : à côté de la pension
normale, versée à partir de 65 ans avec une durée de cotisation au moins égale
à cinq ans, on trouve celles pour les assurés âgés de 63 ans et ayant cotisé 35
ans au moins, les pensions pour les personnes handicapées, en préretraite…

Le calcul de la pension est fondé sur l’acquisition du nombre de points. Chaque
assuré cotise sur la part de son salaire brut inférieure à un plafond de cotisation
89
GRECIANO (P-A.), op. cit., supra note n°5, pp.215-237.
66
fixé annuellement, puis ses cotisations sont divisées par la cotisation moyenne
de l’ensemble des assurés, ce qui donne le nombre de points pour l’année
considérée. Pour calculer le montant annuel de sa pension, il convient de
multiplier le nombre de points acquis durant sa carrière par la valeur du point
actuelle et par un facteur qui est fonction du type de pension liquidée.
Le deuxième pilier est constitué par les retraites complémentaires en faveur des
salariés ayant travaillé dans les moyennes et grandes entreprises allemandes. Ce pilier ne
représente que 5% des prestations vieillesse. La population couverte en 1998, n’était que de
48% chez les hommes et de 13% chez les femmes.
Le troisième pilier enfin concerne l’assurance privée. Longtemps resté secondaire,
l’épargne salariale étant peu développée, il est amené à se développer avec la mise en œuvre
de la réforme de 2001.
On s’aperçoit dans ce système du poids écrasant du régime de base.
Le financement du GRV est assuré pour plus des ¾ par les cotisations sociales, le ¼
restant provenant des transferts du budget fédéral. S’agissant des dépenses, elles sont
consacrées pour 90% au paiement des prestations vieillesse et invalidité.
b) Les insuffisances du système
Les problèmes qui affectent le système de retraite allemand ne sont guère différents de
ceux que connaissent la plupart des pays industrialisés, avec quand même certaines
particularités. Le vieillissement démographique est plus marqué qu’ailleurs et à travers
l’exemple allemand c’est le bien fondé du système assurantiel qui est remis en cause.
Le taux de fécondité allemand connaît depuis la fin des années soixante-dix une chute
vertigineuse et persiste à se maintenir à un niveau particulièrement bas. La dégradation du
taux de dépendance n’en est qu’à ses prémices, en 2040 un tiers des Allemands seraient âgés
de plus de 60 ans. Malgré la réunification, il ne faut pas espérer un apport important de l’exRDA en terme de vitalité démographique, les comportements et modes de vie s’alignant
inévitablement. Ce vieillissement démographique plus marqué qu’ailleurs compromet dans un
avenir assez proche l’équilibre cotisants/retraités ; ce rapport qui s’établissait à 1,6 en 2000,
devrait continuer à se dégrader pour atteindre 1 en 2030.
67
Le système allemand se révèle être trop généreux et inégal. L’exigence d’un taux de
remplacement effectif net de 70% a fortement contribué au maintien du taux de cotisation
vieillesse à un niveau élevé. La proportion de départs à l’âge légal de 65 ans a reculé d’un tiers
depuis 1960 au bénéfice des départs anticipés. Les pensions non directement liées à la retraite
représentaient quelque 25% des prestations GRV en 2000. L’objectif officiel d’un taux de
remplacement à 70%, visant à assurer une parité des niveaux de vie des retraités et des actifs,
est rarement atteint. Nombre d’actifs connaissent des carrières plus courtes et aux revenus
inférieurs au salaire médian. Cette situation met en lumière une limite majeure du modèle
contributif à l’allemande90. Enfin il faut noter que la charge des retraités de la Fonction
publique constitue, comme en France, une bombe à retardement qui a été laissée longtemps de
côté.
2. La réforme du système allemand
La réforme du système allemand
est un processus vieux de plus de dix ans.
Commencé en 1992, elle trouve son point d’achèvement en 2001. La tâche qui attendait le
gouvernement était peu aisée puisque l’objectif de stabilisation du taux de cotisation
impliquait la diminution du taux de remplacement net. La réforme de 2001, entrée en vigueur
le 1er janvier 2002, peut être considérée comme ambitieuse dès lors qu’elle vise à réduire de
manière substantielle la charge des prestations vieillesse pesant sur le régime de base tout en
ramenant le taux de remplacement à 67%, soit proche des 70% actuels.
Les principales mesures sont :

Une hausse modérée du taux de cotisation, représentant 20% en 2020, il ne
devrait pas excéder 22% en 2030.

Un ralentissement du rythme de progression de la pension de base, indexée sur
les salaires réels et non sur l’inflation.

L’instauration de plans d’épargne retraite complémentaire par capitalisation à
l’initiative des individus, des entreprises ou des branches. Les salariés auront la
possibilité de verser une fraction de leur salaire brut de l’année précédente
égale à 0,5% en 2002, puis à 4% en 2008. Ces versements pourront être
complétés par des subventions publiques sous la forme d’exonérations fiscales
90
GRECIANO (P-A.), op. cit., supra note n°5, p. 220.
68
ou de primes d’Etat. A son départ le salarié bénéficiera d’une rente viagère
imposable versée par son entreprise.
L’introduction de ces fonds de pension en Allemagne a été saluée par tous, les
professionnels de l’assurance, les partenaires sociaux, le patronat allemand… La puissante
centrale syndicale IG Metall a même conclu un accord avec la fédération patronale prévoyant
la création d’un fonds de pension commun dans ce secteur clé qu’est la métallurgie.
Que peuvent espérer les Allemands de cette réforme de leur système de retraite ?
Si l’élévation légère du taux de cotisation entre 2000 et 2003, combinée à la montée en
charge de la retraite complémentaire par capitalisation devrait permettre de limiter le recul du
niveau de la retraite, lequel passerait à 67%, il sera semble-t-il difficile de maintenir ce taux à
moyen ou long terme. De plus des doutes sérieux sont émis sur la faculté des plans d’épargne
retraite à compenser les pertes de recettes du GRV résultant de la stagnation du taux de
cotisation.
Si le changement radical du système Allemand, proche de celui en vigueur en France,
pourrait inspirer le législateur français pour la réforme qu’il prépare actuellement, la voie
choisie par la Suède mérite également d’être étudiée en raison de son caractère novateur (B).
B) L’exemple Suédois : une réforme novatrice
Le système de retraite suédois a connu à la fin des années quatre-vingt-dix un
changement majeur (2). Cette réforme, outre des mesures classiques touchant les modalités
d’acquisition des droits à pension, se singularise par une combinaison subtile répartitioncapitalisation au sein de son régime de base. Mais avant d’aborder ce changement, il convient
de faire une radiographie rapide de l’ancien système suédois de retraite (1) afin notamment
d’y mettre en évidence ses insuffisances.
1. Radiographie de l’ancien système de retraite
Jusqu’en 1998, le système de retraite suédois se caractérisait comme-t-elles :
69

un âge tardif de départ à la retraite, qui était de 65 ans, cependant une
liquidation était possible dès 60 ans mais donnait lieu à abattement. Un régime
de retraite à temps partiel permettait aux personnes âgées de 61 à 65 ans de
percevoir un taux d’indemnisation de 55% moyennant un temps de travail de
dix heures par semaine.

l’existence d’une double pension : la pension de base universelle (FP), versée à
toute personne ayant résidé quarante ans en Suède ou ayant travaillé pendant au
moins trente ans, était déconnectée de l’activité professionnelle antérieure. La
pension complémentaire obligatoire (ATP), calculée en fonction du salaire des
15 meilleures années pour une durée d’assurance minimale de 30 ans,
garantissait un taux de remplacement maximum de 60%. Un supplément de
base était prévu en cas d’insuffisance de la pension ATP.

le financement du régime FP était assuré par une cotisation patronale ainsi que
par des transferts budgétaires. Le régime ATP quant à lui bénéficiait d’une
cotisation salariale et patronale auquel il fallait y ajouter les produits financiers
générés par les réserves de celui-ci.
Cet ancien système n’était pas exempt de toutes critiques. L’une des principales que
l’on pouvait lui formuler était son iniquité, un comble pour un pays qui se veut égalitariste.
Les paramètres de calcul des prestations présentaient de graves anomalies. Le calcul de la
pension en fonction des 15 meilleures années pénalisait les carrières longues et faiblement
ascendantes. L’indexation de la pension sur l’évolution des prix a peu à peu rogné le taux de
remplacement garanti au titre de la pension de base. La générosité de la pension minimale
constituait une injustice par rapport aux retraités ATP percevant une faible pension. En outre
comme bon nombre de pays industrialisés, le système suédois se caractérisait par d’importants
déséquilibres financiers dus à l’allongement de la durée de vie et au vieillissement de la
population.
La réforme du système suédois devait donc se faire (2).
2. La réforme suédoise
La réforme des retraites y a été mise en œuvre en 1999, au terme d’un processus
engagé 15 ans auparavant. Un véritable consensus s’était dégagé, une relative sérénité régnait,
70
les suédois avaient compris la nécessité de moderniser le système de retraite en vigueur pour
mieux le pérenniser.
Les principaux objectifs étaient une stricte séparation des logiques assurantielle et
redistributive, un calcul actuariel de la pension tenant compte du facteur démographique, un
contrôle des dépenses vieillesse par le passage d’un système à prestations définies à un
système à cotisations définies, financé en partie par la capitalisation.
Le premier ensemble est un régime à cotisations définies financé selon le mode de la
répartition et dans lequel sont créditées sur des comptes individuels les cotisations acquittées
par les actifs âgés de 16 ans et plus tout au long de leur vie. Plus sa carrière est longue et plus
l’assuré peut espérer toucher une pension importante, on incite donc aujourd’hui clairement
celui-ci à travailler le plus longtemps possible.
Le calcul de la pension est une autre innovation importante. Les retraites versées
résultent du rapport entre l’ensemble des sommes accumulées sur un compte individuel donné
au moment de la liquidation par un coefficient tenant compte de l’espérance de vie à l’âge de
65 ans de la cohorte à laquelle appartient le nouveau retraité.
Le second ensemble est un régime en capitalisation financé par une cotisation de 2,5%
et géré par une agence gouvernementale qui alimente des comptes individuels placés en actifs
financiers diversifiés, selon le choix de leur titulaire. Lorsque l’assuré liquide sa retraite, le
capital accumulé lui est reversé sous forme d’annuités fixes ou variables.
Enfin notons qu’il existe une pension de garantie versée aux personnes n’ayant qu’une
faible pension.
Quel bilan tiré de cette réforme ? S’il est encore tôt pour parler de bilan, on peut dire
que la prise en compte du paramètre démographique dans le calcul de la pension, même
couplée à l’instauration d’une norme de rendement, ne constitue sans doute pas une solution
suffisante face au problème du vieillissement de la population91. Pour ce qui est de
l’instauration d’une dose de capitalisation, la solution de laisser aux travailleurs le choix des
actifs financiers ne laisse pas augurer les meilleures perspectives en matière de rendement.
Quoi qu’il en soit ces expériences étrangères sont source d’enseignements (§2) pour le
gouvernement français actuel qui prépare une réforme des retraites.
91
GRECIANO (P-A.), op. cit., supra note n°5, p. 236.
71
§2. Les enseignements des expériences étrangères
L’examen des réformes entreprises à l’étranger montre que, à partir de situations
initiales différentes et dans des contextes économiques et sociaux a priori éloignés, des
constantes existent dans les moyens employés pour rendre viables les régimes de retraite92.
Quatre principales conclusions doivent être mises en perspective pour la France93 :

les adaptations ont été proposées longtemps à l’avance et le consensus
recherché a été souvent atteint. Il n’y a pas eu de réforme réussie des retraites
sans un considérable effort de dialogue social.

les calendriers d’application et les échéances nécessaires s’étendent sur
plusieurs décennies malgré les incertitudes relatives sur le rythme futur de
croissance économique.

les leviers de ces réformes ont été trouvés dans une combinaison d’instruments
différents qui concernent l’ensemble des régimes de retraite. En effet, les
réformes s’appliquent également aux fonctionnaires. Elles ont saisi l’occasion
soit de progresser vers une harmonisation des règles applicables aux divers
régimes assortis de dispositifs transitoires protecteurs des droits déjà acquis,
soit de retenir des mesures parallèles applicables à ces régimes. Les réformes
des régimes étrangers combinent des adaptations progressives du mode de
détermination des droits (âge, montant) avec des mesures d’effet immédiat
concernant le financement et les règles de revalorisation des pensions. Certains
pays ont privilégié l’introduction d’une dose de capitalisation, d’autres ont opté
pour la solution du cumul emploi-retraite, la Suède connaît ainsi un taux
d’emploi des personnes de plus de 60 ans particulièrement élevé.

les réformes privilégient des solutions de souplesse. Les pays ont choisi une
dynamique des réformes plutôt que des réformes définitives pour quarante ou
cinquante ans.
Dès lors, parvenu à ce stade de constats et de conclusions, nous sommes en mesures de
présenter les hypothèses d’évolution possibles (Chapitre 2).
92
Livre blanc sur les retraites , coll. des rapports officiels, La documentation Française, Paris, 1991, p. 125.
BORDELOUP (J.), « La réformes des régimes de retraite : une ardente obligation », Droit social, n°4, avril
1992, p. 400.
93
72
Chapitre 2 : Les pistes possibles d’évolution
De nombreuses idées ont été jusqu’à présent émises, traduisant deux approches du
problème : un scénario dit de rupture qui vise à remplacer totalement ou partiellement la
répartition par la capitalisation, un scénario dit de transformation visant soit à revoir en
profondeur l’organisation du système actuel, soit à aménager progressivement les régimes en
répartition. Ces deux approches du problème constituent les deux pistes de réflexion (section
1). Au vue de ces réflexions le gouvernement sera amené à faire un choix (section 2). Il ne
faut pas omettre de se rappeler que le système français est profondément ancré dans la
répartition, veiller au renouvellement du contrat des générations indispensable pour garantir
dans l’équité les retraites de demain doit être un paramètre à prendre en compte. Renouveler
ce contrat implique d’assurer sur le long terme la maîtrise financière du système, c’est la
condition du maintien de la confiance à son égard et donc de sa pérennité.
Section 1. Les pistes de réflexion
Ces pistes de réflexion sont comme nous venons de le dire plus haut au nombre de
deux : le passage à la capitalisation, totalement ou partiellement, constitue un scénario de
rupture (§1), et l’aménagement du système existant qui ne constitue qu’une voie de
transformation (§2). Ces deux perspectives d’évolution émanant d’horizons politiques
différents traduisent des objectifs relativement distincts.
§1. Le scénario de rupture : le passage à la capitalisation
73
Deux méthodes sont envisageables pour constituer des droits à la retraite, la répartition
et la capitalisation. Depuis 1945, le système des retraites à la française est largement basé sur
le principe de la répartition, choix lié à l’histoire mais également choix technique et politique.
Face aux difficultés à venir et pour alléger le fardeau qui pèsera sur les actifs de demain et
rechercher ainsi une meilleure équité inter-générationnelle beaucoup proposent de recourir à
la capitalisation. La capitalisation est en effet parfois présentée comme plus apte à faire face à
des déséquilibres démographiques futurs et à répondre aux besoins de l’économie en épargne
longue. Autrement dit pour faire face aux besoins de financement futurs, il vaudrait mieux
épargner aujourd’hui plutôt que d’espérer que les actifs de demain accroîtront leur effort de
transfert de revenus vis à vis des générations qui les précèdent. Elle repose, à la différence de
la répartition, sur une logique d’accumulation et d’épargne dans la perspective du paiement
des prestations. Ces dernières années le mot fonds de pension est venu remplacer le mot
capitalisation. Cette substitution d’un terme n’a guère contribué à la compréhension de la
logique de fonctionnement de ces dispositifs (A). Si la capitalisation ou les fonds de pension
sont présentés comme une solution aux difficultés financières futures des systèmes de
retraites, ils soulèvent des interrogations en terme d’équité et de vulnérabilité (B).
A) Fonctionnement d’un système par capitalisation
Il existe une grande diversité d’organisation des fonds de pension (1). A cette diversité
du point de vue du mode d’organisation des dispositifs complémentaires préfinancés
correspondent, non pas une, mais deux méthodes de préfinancement des prestations (2).
Actuellement la capitalisation est en France présente (3), la réglementation en permet bien la
création.
1. Une diversité des dispositifs
Il existe en fait quatre grandes formules :

la création d’une structure autonome.
74

l’engagement direct de l’employeur, sans création d’une structure distincte de
l’entreprise, mais avec constitution de provisions au bilan de celle-ci.

la souscription par l’employeur d’un contrat auprès d’un organisme assureur :
compagnie d’assurance, mutuelle ou autre.

la souscription par le salarié lui-même d’un plan de retraite individuel.
Ces quatre formules sont susceptibles de s’inscrire et d’être mises en œuvre dans le
cadre de différents types de dispositifs complémentaires venant compléter les régimes de
retraite existants. Là aussi en fonction de leur mode d’organisation, on peut classer ces
derniers en quatre grandes catégories : les régimes d’entreprise, les régimes sectoriels, les
régimes nationaux et les plans individuels. Ces quatre catégories renvoient à des logiques très
différenciées, aussi bien du point de vue de la couverture assurée que du rôle des acteurs
impliqués et de la localisation de leur intervention94. Elles se sont développées de manière très
diverses selon les pays.
Les régimes d’entreprise constituent la modalité dominante d’organisation des retraites
complémentaires du secteur privé dans des pays comme le Royaume-Uni, la Norvège, les
Etats-Unis. Ce type de régime est dans l’ensemble caractérisé par le rôle majeur joué par
l’employeur, l’initiative de leur instauration ne relève que de lui et c’est lui qui prend les
décisions importantes dans leur mise en œuvre.
Les régimes sectoriels ont un poids important aux Pays-Bas et jouent un rôle non
négligeable aux Etats-Unis. Ce sont des régimes qui couvrent obligatoirement l’ensemble des
salariés appartenant aux entreprises des secteurs concernés. Selon les cas, ils sont gérés
paritairement par les représentants des employeurs et des salariés ou les syndicats.
Les régimes nationaux, qui assurent une couverture complémentaire généralisée sur
l’ensemble du territoire national, préfinancent assez rarement dans l’ensemble leurs
prestations.
Les plans de retraite individuels jouent un rôle important au Royaume-Uni et aux
Etats-Unis. Ces dispositifs renvoient à une démarche d’épargne individuelle de la part du
salarié, largement indépendante de l’employeur. Aux Etats-Unis par exemple, il s’agit de
souscription volontaire de plans auprès de banques ou de compagnies d’assurances.
94
REYNAUD (E.), « Les fonds de pension et l’avenir des retraites en France », Droit social, n°9/10, Sept-oct
1995, p.801.
75
Au sein des fonds de pension, on distingue deux méthodes de préfinancement des
prestations (2).
2. Deux méthodes de préfinancement
Le principe de la capitalisation constitue à accumuler des réserves dans la perspective
du paiement des prestations. Ce principe donne lieu à diverses formes de mise en œuvre,
schématiquement on distingue deux grands types de dispositifs : les régimes à prestations
définies (a) et les dispositifs à cotisations définies (b). Malgré la proximité du point de vue
terminologique, ces deux formules correspondent à des logiques fort différentes.
a) Les régimes à prestations définies
Ils sont les plus répandus en Europe, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.
Un engagement est pris sur les prestations à partir d’une formule fixée à l’avance, et donne
lieu à constitution de réserves. Toutefois ce n’est pas le niveau des réserves qui détermine la
pension, mais le mode calcul retenu ; le risque est donc assumé par le gestionnaire à qui
revient la responsabilité de calculer le niveau des réserves nécessaires.
Les réserves peuvent être accumulées dans une institution spécifique, par la
constitution de provisions au bilan de l’entreprise elle même, ou encore par la souscription
d’un contrat auprès d’une compagnie d’assurances.
Contrairement à l’image classique de la capitalisation, la rentabilité des placements
n’est qu’un élément de la constitution des prestations. La pérennité de l’engagement dépend
fondamentalement de la volonté et de la capacité des responsables du régime de faire face aux
engagements pris et de les maintenir. La rentabilité des placements intervient dans la mesure
où elle influe sur le coût, mais elle n’est pas l’élément direct de fixation des prestations.
On peut donc dire que les régimes à prestations définies s’inscrivent dans une logique
classique de régime de retraite95. Ils fonctionnent selon le principe d’une accumulation de
droits qui produisent des pensions, et non selon le principe d’une accumulation de capitaux
destinés à acheter des rentes viagères. C’est le régime lui même qui verse les prestations, il y a
constitution d’un groupe de solidarité entre tous ses membres, et des mécanismes de transfert
95
REYNAUD (E.), op. cit., supra note n° 94, p. 803.
76
internes au régime font qu’il n’y a pas de lien direct entre le niveau des pensions individuelles
et le montant des cotisations versées.
De tels mécanismes de transfert soulèvent la question, notamment aux Etats-Unis, de
savoir s’il est juste que certains affiliés bénéficient de prestations sans rapport avec les coûts
engagés et soient donc en quelque sorte subventionnés par d’autres.
Avec les dispositifs à cotisations définies, on passe à une tout autre logique, beaucoup
plus proche de l’image que l’on se fait traditionnellement en France de la capitalisation (b).
b) Les dispositifs à cotisations définies
Ces dispositifs sont assez peu répandus en Europe, ils se développent aux USA depuis
1980 environ. Aucun engagement n’est pris sur les prestations : le salarié assume donc le
risque de la dépréciation. Les cotisations payées sont placées sur les marchés de capitaux et
les prestations versées sont fonction du rendement des placements. Il s’agit de dispositifs en
capitalisation pure. Il correspond bien à l’image que l’on tend à avoir de la capitalisation : une
accumulation de capitaux et un niveau de prestations dépendant des taux d’intérêt.
Ils peuvent être gérés par une institution spécifique, une compagnie d’assurance, une
banque, une institution paritaire ou une mutuelle. Il ne peut, par contre, être question de
garantir les droits par des provisions au bilan.
Le principe consiste à accumuler un stock d’épargne qui, lors de la retraite ou de la
liquidation du compte, peut être perçu sous forme de capital ou converti en rente. On
distingue donc deux périodes dans ce type de dispositif : une période de constitution
d’épargne et une période de consommation de celle-ci. Dans la première phase, les
rendements obtenus sur les placements sont bien évidemment un élément essentiel, mais
interviennent également le niveau et la régularité du flux des cotisations. La deuxième phase,
celle de consommation de l’épargne, passe par la réalisation sur les marchés financiers. Il y a
nécessairement incertitude sur le dénouement de l’opération et sur la valeur du stock
constitué. De plus lorsque ces dispositifs sont destinés à assurer un revenu régulier après la
cessation d’activité, ceux-ci sont marqués par les perspectives démographiques d’allongement
de l’espérance de vie.
Un tel dispositif s’inscrit plus dans une logique d’épargne que de retraite. On accumule
ici des capitaux et non des droits. Cette accumulation peut s’effectuer dans un cadre collectif,
77
mais la solidarité ainsi instituée n’est qu’une solidarité entre épargnants. La logique propre à
la retraite est en revanche rétablie lorsqu’il y a transformation du capital constitué en flux de
revenu à travers l’achat d’une rente. On sort d’une logique strictement individuelle. Un groupe
est de fait constitué statistiquement par les compagnies d’assurances pour déterminer
l’espérance de vie à l’âge d’achat de la rente. Un mécanisme de solidarité est alors mis en
œuvre, cependant il ne s’opère pas comme dans les régimes de retraite en interne, mais sur le
marché de l’assurance.
Si le passage à la capitalisation peut-être une solution au problème que rencontrent les
retraites, il faut relever que de manière générale la quasi-totalité des dispositifs et formules
venant d’être évoqués existent déjà en France (3).
3. La situation française
En France, la capitalisation n’est ni interdite, ni impossible à mettre en œuvre pour la
retraite. Elle intervient dans ce que l’on appelle communément le troisième pilier ou le
troisième étage qui correspond à l’épargne volontaire par capitalisation liée à l’activité
professionnelle. Ce dispositif contribue pour une part cependant limitée au financement de la
retraite en France. La part de la capitalisation à des fins de retraite ne représente que 2% des
sommes associées à la retraite en France, contre 34,8% au Royaume-Uni par exemple.
Dans le paysage de la retraite volontaire en France, on retrouve les diverses formules
mises en place à l’étranger : l’épargne salariale (a), les mécanismes assurantiels (b), et les
fonds de pension en tant que tel (c). Cette présence de la capitalisation nous amène à nous
interroger sur le futur possible en matière d’instauration de fonds de pension (d).
a) L’épargne salariale
Elle est née officiellement en 1959 et visait avant tout à promouvoir la participation
des salariés à la croissance de leur entreprise. En fait l’ensemble des dispositifs mis en place à
cette occasion ne fait que généraliser et donner un cadre légal à des pratiques qui existaient
déjà au XIXe siècle au sein de nombreuses entreprises. L’épargne salariale se subdivise en
quatre dispositifs : l’intéressement, la participation, les plans d’épargne entreprise (PEE) et les
78
plans partenariaux d’épargne salariale volontaire (PPESV) mise en place par la loi du 19
février 2001.
L’intéressement est un dispositif facultatif à l’initiative de l’employeur, consistant en
la distribution aux salariés d’une prime qui est fonction des résultats de l’entreprise sur la base
d’un contrat d’une durée minimale de trois ans. La participation96 est obligatoire dans les
entreprises de plus de cinquante salariés, elle constitue dans la distribution entre les salariés
d’une entreprise d’une fraction du bénéfice de celle-ci. L’épargne est bloquée le plus
fréquemment pour une durée de cinq ans. Les différentes formes de placement de l’épargne
sont le compte courant bloqué et les FCPE (fonds communs de placement d’épargne
entreprise) gérés par une société de gestion, ou encore une combinaison de ces deux formules.
Le PEE97 sont voués à recevoir les fonds en provenance de la participation et
l’intéressement, mais aussi les versements volontaires effectués par les salariés et par des
contributions de l’employeur, et permettent aux salariés de se constituer un capital en valeurs
mobilières. Ces PEE présentent de fortes similitudes avec certains dispositifs d’entreprise à
cotisations définies en particulier avec les plans de retraite américain. Les versements
effectués par les salariés sont exonérés d’impôt sur le revenu, mais assujettis à la CSG et à la
CRDS. La gestion financière des PEE est assurée par des sociétés spécialisées qui peuvent
convertir tout ou partie des versements en actions de l’entreprise, en OPCVM ou encore au
sein de FCPE. En dehors des cas de déblocage anticipé, les placements sont bloqués pendant
une durée de cinq ans. Il existe un dispositif qui complète les PEE sur une longue échéance
(dix ans ou plus), le PEELT98. Sa vocation est le développement d’une épargne qui ne sera
débloquée qu’au départ du salarié en retraite. L’épargne est diversifiée, mais son contenu
évolue avec le temps afin de sécuriser au maximum les placements.
La loi du 19 février 2001 a réformé l’épargne salariale : elle prévoit la généralisation
de l’épargne salariale à tous les salariés par la création de plans inter-entreprises (PEI) et la
création de PPESV. Ce PPESV est triplement avantageux selon l’économiste Hubert de la
Bruslerie99 : pour les salariés, il fournit le cadre d’un investissement à la fois volontaire et aidé
par l’entreprise ; pour l’entreprise, elle y trouve la possibilité d’améliorer la motivation du
personnel ; pour la collectivité nationale, enfin, confrontée au financement incertain du
96
Ordonnance n°67-693 du 17 août 1967.
Ordonnance n°67-694 du 17 août 1967, complétée par l’ordonnance n°86-1134 du 21 octobre 1986.
98
Le plan d’épargne entreprise long terme.
99
Le journal des finances, 18 août 2001.
97
79
système des retraites. Il s’inspire très largement du fonctionnement du PEE, tout en accordant
aux bénéficiaires des avantages fiscaux plus importants. Pour le mettre en place un PEE doit
préalablement exister. Un accord doit être signé entre l’employeur et les syndicats
représentatifs. En l’absence de ces derniers, le PPESV pourra être crée par le comité
d’entreprise ou encore après consultation et approbation des 2/3 du personnel concerné.
L’épargne est bloqué soit pendant 10 ans, soit pour une période de 10 ans à compter de chaque
versement. A l’échéance, le salarié empoche le capital et les intérêts, sans acquitter d’impôt
hormis les prélèvements sociaux dont la CSG100.
b) Les mécanismes assurantiels
Ces dispositifs fonctionnant sur le principe de l’assurance vie sont régis
principalement par trois types de contrats définis par le Code général des impôts. Les deux
premiers sont à cotisations définies, le troisième à prestations définies.
Les contrats en sursalaire (article 82 du CGI) : outre les stock-options, un employeur
désirant procurer un supplément de rémunération à l’un de ses employés peut souscrire au
profit de ce dernier un contrat d’assurance vie de 6 ans minimum, avec sortie en rente ou en
capital. La prime est versée uniquement par l’employeur qui fixe le montant de celle-ci et le
rythme des versements. Elle est exonérée d’impôt si son montant annuel ne dépasse pas 85%
du plafond de la Sécurité sociale.
Les contrats de l’article 83 : il s’agit de contrats collectifs d’assurance retraite par
capitalisation à adhésion obligatoire souscrits par l’entreprise en faveur de l’ensemble ou
d’une catégorie de ses salariés afin de leur assurer un complément de revenu durant la retraite.
Ces contrats bénéficient d’avantages fiscaux et sociaux importants.
Les contrats de l’article 39 : un employeur peut faire bénéficier l’ensemble de ses
salariés ou simplement une catégorie donnée d’une rente viagère qui s’ajoute aux autres
régimes obligatoires ou facultatifs déjà existants sous la forme soit d’une retraite chapeau ou
différentielle, soit d’une retraite additive. Le montant de la pension versée étant déconnecté de
la durée de cotisation, ce contrat est particulièrement intéressant pour les salariés proches de la
retraite. Ces retraites sur complémentaires d’entreprise concernent surtout les grands groupes.
c) Les fonds de pension en tant que tel
100
REY (F.), « Ma pension, la réforme et moi », La vie financière, n°3027, 13-19 juin 2003, pp. 60-88.
80
Ils existent à l’heure actuelle peu de dispositifs de ce type en France. Les principaux
sont le CREF et PREFON qui constituent, comme nous l’avons déjà vu dans la première
partie, le régime complémentaire des fonctionnaires. Mais il y a aussi le FONLIB (pour les
professions libérales) et le FONPEL (pour les élus locaux). Ces type de fonds connaissent un
certain insuccès.
d) Quel futur pour l’instauration des fonds de pension ?
La capitalisation n’est donc pas comme nous venons de le voir chose inconnue en
France. La question qui se pose en définitive à l’heure actuelle, est de savoir si, pour faire face
au coût croissant du financement des retraites, entre les régimes obligatoires existants et
l’épargne personnelle, il y a une place pour de nouveaux dispositifs liés à l’activité
professionnelle, notamment une place pour des dispositifs préfinancés101. Si l’introduction de
dispositifs préfinancés ne permettra peut-être pas d’échapper à une certaine augmentation du
coût de la retraite ; l’effort contributif supplémentaire, avec de tels dispositifs, pourrait être
considéré comme plus supportable car volontairement choisi et s’inscrivant dans le cadre de la
gestion globale de l’entreprise, de la négociation collective ou d’une décision personnelle du
salarié. Par ailleurs, l’introduction de dispositifs préfinancés ne constitue pas réellement un
désengagement de l’Etat comme on l’entend souvent. Il s’agit d’un autre type d’engagement.
En fixant la réglementation et la fiscalité applicables à ces dispositifs, l’Etat joue un rôle
primordial dans la définition de leurs caractéristiques et dans l’étendue de leur
développement. Il intervient en outre à travers diverses procédures de contrôle et il peut être
conduit à mettre en place un système de garantie en cas de défaillance. Pour l’Etat le coût
fiscal est aussi un élément essentiel du fonctionnement des dispositifs préfinancés, sans
avantages fiscaux suffisants ceux-ci ont peu de chances de se développer. L’objectif
d’introduction de tels dispositifs se heurte aujourd’hui à la volonté de réduire les déficits
publics.
Quoi qu’il en soit la capitalisation n’est pas exempt d’inconvénients et pose des
difficultés en terme d’équité et de vulnérabilité (B).
B) Les inconvénients de la capitalisation
101
REYNAUD (E.), op. cit., supra note n° 94, p. 805 et 807.
81
La capitalisation pose en effet certains problèmes en terme d’équité (1) et de
vulnérabilité (2).
1. Les conséquences d’une substitution en terme d’équité
Une éventuelle substitution de la capitalisation à la répartition, même partielle, serait
doublement contraire à l’équité :

équité entre générations : un tel scénario se traduirait pour les générations de la
période de transition par un double effort. Ils seraient invités à payer, en plus
des cotisations destinées aux retraites actuelles, des contributions à des fonds
de pension par capitalisation afin de se constituer leurs propres droits à la
retraite.

équité au sein de chaque génération : toutes les personnes ne seraient pas en
mesure de compenser de la même manière un retrait programmé des régimes
par répartition. Que la constitution de droits selon la technique de la
capitalisation prenne une forme individuelle ou collective, c’est à dire en
relation avec le contrat de travail, ce sont les mieux dotés par les revenus,
l’éducation ou leur appartenance à une entreprise ou un secteur d’activité
prospère qui auront la possibilité d’investir dans leurs retraites.
Si le passage à la capitalisation est contraire à l’équité, celle-ci se révèle être
particulièrement vulnérable (2).
2. La vulnérabilité de la capitalisation
La capitalisation est souvent présentée comme étant un système vulnérable102. Les
régimes par capitalisation sont connus pour leur extrême sensibilité au risque d’inflation. Leur
capacité à tenir leurs engagements sur une longue période et en particulier à protéger les rentes
versées de l’érosion monétaire reste fragile, comme l’a montré la grande crise des années
1930 et la période de forte inflation qui a suivi la seconde guerre mondiale. La capitalisation
suppose à long terme un environnement économique stabilisé, une croissance satisfaisante
82
permettant de dégager des marges de manœuvre pour l’épargne individuelle ou collective.
Elle implique surtout une économie non inflationniste, à défaut de laquelle il ne peut y avoir
de rémunération convenable du capital investi ou même simplement maintien de la valeur de
celui-ci. Les garanties offertes par un système par capitalisation restent donc virtuelles,
suspendues à la capacité de l’économie à être vertueuse et à la stabilité des marchés ; tout
comme d’ailleurs reste virtuelle la garantie offerte par un système par répartition puisque le
rendement de cette technique dépend du ratio cotisants/retraités et de l’augmentation à long
terme de la productivité du facteur travail. Mais à la différence de la capitalisation, dans un
système par répartition la collectivité, si elle ne peut garantir un niveau préalablement défini
de pension, a la possibilité de maîtriser pleinement et en permanence les termes du pacte
social irréversible qui est scellé entre les générations. Dans le cas de la capitalisation, le pari
fait sur le rendement des actifs financiers est soumis à des aléas que la collectivité ne maîtrise
pas. Enfin il faut noter que l’épargne capitalisée risque de créer un effet d’éviction sur les
cotisations et de mettre en péril le système par répartition.
Autrement dit le passage à la capitalisation risque de provoquer une rupture macroéconomique103. Cette rupture traduit le fait qu’il est impossible, au plan de l’économie globale,
de transférer du pouvoir d’achat dans le temps. On ne peut consommer au cours d’une année
que ce qui a été produit dans la même année. Il ne suffit pas d’acheter des actifs réels ou
financiers aujourd’hui et de les revendre demain, avec l’argent ainsi obtenu, acquérir les biens
et les services « mis de côté » trente ans plus tôt. Stocker un billet de banque et le ressortir
trente ans plus tard procurera certes un pouvoir d’achat à celui qui effectue l’opération mais
en retirera à tous les autres du fait de l’inflation qu’elle ne manquera pas de générer. Le
pouvoir d’achat ne peut pas se stocker, le recours à la capitalisation se heurte à cette contrainte
inéluctable. L’économie monétaire ne permet pas d’échapper à la règle des sociétés
traditionnelles : il faut des enfants pour nourrir les vieillards104. De plus il faut relativiser le
principe selon lequel plus d’épargne conduit à plus de richesses. Ce n’est pas parce que les
particuliers épargnent plus que les entreprises investiront plus aisément. On ne voit pas
pourquoi cette hausse de l’investissement aurait lieu. Une hausse de l’épargne des ménages,
c’est à dire une baisse de la consommation, entraînerait une diminution de la demande, donc
des profits des entreprises, qui provoquerait une baisse plutôt qu’un essor de l’investissement.
Au lieu de stimuler l’investissement, les efforts d’épargne consécutifs au développement de la
103
104
CASSANDRE (J.), « Retraites : le mirage de la capitalisation », Droit social, n°6, juin 1991, pp. 518-521.
CASSANDRE (J.), op. cit., supra note n° 103, p. 521.
83
capitalisation aboutiront à une baisse de l’épargne globale. Le problème à l’heure actuelle
n’est pas un manque d’épargne mais plutôt un manque d’investissement : l’accumulation des
réserves aurait dans ces conditions un effet récessif certain. Ce qui amène plusieurs
économistes à penser que la capitalisation n’est qu’un mythe105.
Soulignons que le rapport Charpin sur l’avenir des régimes de retraite précisait qu’on
ne pourrait pas à la fois constituer des réserves dans les régimes par répartition et constituer
des fonds de pension.
Si le recours à la capitalisation peut être une solution au problème du financement des
retraites, celle-ci n’est pas la seule hypothèse d’évolution possible. La transformation du
système en est une autre (§2).
§2. La transformation du système par répartition
Dans le cadre de la transformation, tout changement n’entraîne pas en lui même
modification du système basé sur la répartition. Les scénarios de transformation sont
nombreux et comprennent plusieurs sous-hypothèses, il est cependant possible de faire une
distinction entre ce qui relève d’une transformation en profondeur du système (A) et ce qui
relève d’une simple transformation (B) correspondant plus à une logique d’aménagement.
A) Une transformation en profondeur : la modification du mode de calcul des pensions
Il est possible tout en restant à l’intérieur d’un système reposant sur la solidarité entre
générations et la technique de la répartition, de le transformer en profondeur. Cette
transformation en profondeur du système peut emprunter une voie originale : la modification
du mode de calcul des pensions. Ceci revient à transformer les régimes en annuités en régimes
en points.
Le régime général et les régimes spéciaux utilisent la technique de l’annuité. Les droits
du retraité y sont exprimés en pourcentage du salaire d’activité. Un pourcentage maximum est
acquis comme nous l’avons déjà vu lorsque sont réunies les conditions tenant soit à la durée
d’assurance, soit à l’âge. Le système par points est en vigueur au sein des régimes
complémentaires de salariés et de non-salariés, mais aussi de certains régimes de base des
non-salariés. Les droits des retraités y sont exprimés en points. Chaque année les régimes
105
Ibid.
84
définissent le prix d’achat du point, les cotisations versées ouvrent droit en fonction de ce prix
à un nombre de points. Au moment de prendre sa retraite, la personne a accumulé tout au long
de sa vie active un nombre total de points qui, multiplié par la valeur du point défini par le
régime à ce moment, donne le montant de sa retraite.
Ce système agit donc à trois niveaux, permettant d’ajuster :

Les recettes sur les dépenses, en agissant sur le niveau du taux de cotisation,

La distribution des droits, en régulant le prix d’achat du point,

Le niveau des prestations à verser, en indexant l’évolution de la valeur du point
sur celle des salaires nets.
Le principal avantage d’un tel système réside, on le voit bien, dans sa souplesse de
gestion. Les régimes par points seraient en mesure d’équilibrer beaucoup plus finement leurs
charges sur le moyen et long terme. Ils autoriseraient sur le long terme une meilleure maîtrise
de l’évolution des dépenses et permettrait donc aux régimes de faire face de manière plus
adaptée aux défis socio-démographiques qu’ils ont à relever.
Ces avantages plaident en faveur de la conversion de l’ensemble du système de retraite
français à la technique des points, pour autant il convient de relativiser ces propos. A la
différence d’un régime en annuité, un régime en points n’apporte pas de garantie quant au
taux de remplacement qu’assurera la retraite par rapport au salaire. A taux de rendement
inchangé106, le changement de technique ne modifie en rien les besoins de financement du
régime. Les régime par point, qui prennent en compte les salaires de carrière, ne fixent pas de
limite à l’acquisition des droits alors que celle-ci peut être limitée dans les régimes par
annuité. Alors qu’on n’acquiert pas de droit après 150 trimestres d’assurance au régime
général, on en acquiert dans les régimes complémentaires. La conversion du régime général en
régime en points pourrait de ce fait contribuer à alourdir ces charges.
A côté du scénario de transformation en profondeur, il existe des scénarios qui ne
constituent qu’une simple transformation du système, qu’un simple aménagement (B).
B) L’aménagement progressif du système
106
le rendement exprime le rapport entre la cotisation versée et les droits à pension générés par cette cotisation.
85
Pour faire face aux défis que les retraites rencontrent, l’aménagement progressif des
régimes en répartition peut-être une autre solution. Ils ne s’agit pas ici de faire l’état de tous
les moyens envisageables pour réformer les retraites progressivement mais d’en mentionner
les principaux. Ainsi est-il bon de s’intéresser aux principaux instruments d’aménagement
progressif du système (1), puis de voir les principales pistes de réforme retenues par les
différents rapports (2).
1. Les principaux instruments d’aménagement progressif du système
Ils sont au nombre de quatre107 :

Allonger la durée de cotisation : cette mesure permet en fait de réduire
significativement les besoins de financement des régimes à l’horizon 2040.
Elle engendre une hausse de la population active, une croissance économique
plus forte et des créations d’emplois. Cette mesure paraît d’autant justifiée que
l’allongement de l’espérance de vie entraîne une retraite plus longue et donc un
coût supplémentaire. L’amélioration de l’état de santé de la population et une
entrée plus tardive permettent de travailler plus longtemps. Cette mesure
implique néanmoins qu’un certain nombre de conditions soient réunies : une
politique économique favorable à la croissance et à l’emploi, un effort pour
éviter les préretraites, une montée en charge progressive et valable pour
l’ensemble des régimes et une prise en compte des périodes d’inactivité et de
pénibilité du travail.

Augmenter le taux des cotisations sociales : cette mesure tout comme
l’allongement de la durée de cotisation permet de réduire significativement les
besoins de financement des régimes. Cependant cette hausse présente plusieurs
risques. Elle entraîne une augmentation du coût du travail, une perte de
compétitivité, une baisse de l’emploi et, donc du nombre de cotisants. Elle a
également pour effet de freiner l’épargne et l’investissement, donc la
production et le progrès technique. Les agents économiques peuvent
107
Problèmes économiques, La documentation Française, n°2659, 5 avril 2000.
86
contourner la hausse des cotisations sociales en recourant au travail au noir ou
en délocalisant leurs activités à l’étranger. Il est toutefois difficile de
déterminer le niveau à partir duquel une hausse des cotisations sociales
produira des effets négatifs. Le salarié peut chercher à travailler davantage pour
compenser la hausse. La capacité à supporter une hausse des cotisations
dépendra du pouvoir d’achat qui est lui-même fonction du gain de productivité.
Elle dépendra également de la confiance de la population envers les versements
effectifs des prestations futures.

Augmenter la croissance économique : la relance de la croissance économique
aura des conséquences positives sur l’équilibre financier des retraites. Elle
favorise la création d’emplois et donc le nombre de cotisants. Elle limite le
nombre d’exclus du monde du travail et réduit donc le poids des prestations
sociales. Lorsque l’on abaisse le chômage les jeunes entrent plus vite sur le
marché du travail et les salariés les plus âgés partent moins vite en retraite. Il
en résulte une augmentation des actifs. Cependant il existe une limite
importante, le taux de croissance économique devrait être de 3,5% par an d’ici
à 2040 pour stabiliser le poids des retraites dans le PIB. Il faudrait retrouver le
niveau de croissance des Trente Glorieuses soit à peu près 5% compte tenu du
fait que celui-ci n’a été en moyenne que de 2,8% par an entre 1972 et 1978, et
de 1,97% par an entre 1983 et 1999.

« Retraite à la carte » ou retraite choisie et progressive : offrir de plus grandes
marges de choix semble bien correspondre au souhait de beaucoup d’assurés.
Elle donnerait un nouveau souffle à la seconde partie de leur carrière. La
retraite choisie et progressive diffère le départ en retraite des salariés les plus
âgés. Enfin, l’accroissement du nombre d’années de cotisation évite une baisse
du taux des pensions. Cependant elle nécessite une croissance économique à
fort contenu en emplois et impose de résoudre le problème de l’employabilité
des actifs âgés. Rien ne dit que les employeurs souhaiteront garder au sein de
leur effectif des salariés âgés et qu’ils ne les mettront pas d’office à la retraite
dès l’âge de 60 ans à partir du moment où ils ont acquis le droit à une pension
vieillesse à taux plein.
87
Parmi les autres instruments d’aménagement progressif des régimes en répartition, on
trouve la création de fonds de réserve ou le développement de l’épargne salariale, ces deux
instruments ont déjà fait l’objet de développement.
En somme une chose est sûre : jouer sur une seule variable aboutit à une situation
insupportable ; aucune d’entre elles prise isolément, n’est en mesure d’apporter une solution
satisfaisante aux défis soulevés. Elles ne doivent pas plus être additionnées ou juxtaposées. La
réforme nécessitera un juste dosage. Les différents rapports rendus esquissent les principales
pistes de réforme (2).
2. Les principales pistes de réforme esquissées par les rapports
Les rapports rendus visent à assurer la sauvegarde des régimes par répartition tout en
les préparant à faire face, dans des conditions satisfaisantes, aux évolutions démographiques
ultérieures. Trois rapports méritent d’être présentés : le rapport Charpin (a), le rapport Teulade
(b) et le rapport Taddei (c).
a) Le rapport Charpin
Les principales pistes de réforme esquissées par le rapport Charpin108 pour assurer le
maintien d’un régime par répartiton sont :

la poursuite à l’horizon 2019 de l’allongement progressif de la durée
d’assurance requise pour percevoir une retraite à taux plein, dans la lignée de
1993. Cette mesure doit toutefois, selon le rapport, laisser aux assurés la liberté
de choix en termes de date de liquidation de leur retraite sans pour autant qu’un
départ anticipé ne soit pénalisé, en modifiant notamment le système
d’abattement.

la définition de règles précises, en matière d’alimentation et de gestion du
fonds de réserve pour les retraites (FRR).

l’élargissement de l’assiette du financement des régimes à d’autres revenus des
ménages, dont la substitution d’assiette de CSG à des points de cotisation
vieillesse.
88

l’aménagement de certains dispositifs en vue de favoriser la cohésion sociale
(ex : prise en compte de la pénibilité du travail…).
Ce rapport a suscité de nombreuses réactions. Beaucoup ont fustigé les silences du
rapport sur certains points cruciaux comme l’existence d’alternatives à l’allongement de la
durée de cotisation.
b) Le rapport Teulade
Ce rapport109 repousse l’une des principales pistes de réforme suggérées par le rapport
Charpin, à savoir l’allongement de la durée de cotisation, qui ne constitue pas aujourd’hui une
réponse pertinente à la question des systèmes de retraite et il mise sur la croissance
économique pour dégager les ressources nécessaires au financement des régimes.
Il propose quant à lui :

l’augmentation du taux d’emploi de la population active potentielle.

mettre en adéquation et mieux articuler les différents temps de la vie : en
permettant notamment un maintien des salariés les plus âgés sur le marché du
travail, en validant les périodes de formation, de RMI…

assurer une juste substitution de la retraite au salaire, notamment en stoppant la
baisse du taux de remplacement et en ne pénalisant pas les départs anticipés
librement choisis.

trouver des sources de financement complémentaires, en amplifiant en
particulier le mouvement d’alimentation du fonds de réserve.

poser les conditions d’un niveau de croissance économique à même de
contrebalancer efficacement l’évolution défavorable du rapport actifs/retraités.
Ce rapport a fait l’objet de nombreuses critiques de la part des spécialistes qui lui ont
reproché notamment un surcroît d’optimisme : les tendances économiques actuelles devraient
permettre de se dispenser d’un allongement de la durée de cotisation. Le démographe Alain
Parant parlait même « de foi du charbonnier »110.
109
TEULADE (R.), L’avenir des systèmes de retraite, Avis et conseils du Conseil économique et social, Editions
des Journaux officiels, Paris, 2000.
110
PARANT (A.), « Retraites : la confusion organisée. Le débat sur l’avenir des retraites en France », Futuribles,
n°252, avril 2000, pp. 5-22.
89
c) Le rapport Taddei
Ce rapport111 à la différence du rapport Charpin juge inopportun l’allongement de la
durée d’assurance. Une telle mesure, selon son rapporteur, n’est pas à conseiller au vue de la
situation économique actuelle marquée par un chômage de masse, le retour au plein emploi
n’étant envisageable au mieux que dans une décennie. Il convient pour lui de privilégier plutôt
l’accroissement de la population active, notamment par le recours à l’immigration. Il présente
plus encore que le rapport Teulade la particularité se sortir de la problématique strictement
comptable pour replacer l’individu au centre du débat. Il vise à concilier le maintien des
salariés les plus âgés dans le milieu du travail, leur faculté de choisir le moment de leur départ
et l’intérêt des entreprises. Or les dispositifs de départ anticipé, dont usent et abusent les
employeurs pressés de se débarrasser de salariés considérés comme inemployables, sont à
bannir au profit de dispositifs leur permettant de travailler à temps partiel pendant leurs
dernières années de carrière tout en percevant une fraction de leur retraite.
Quoi qu’il en soit si la logique d’aménagement du système était retenue par le
gouvernement, il serait nécessaire d’envisager l’alignement des conditions des régimes du
secteur public sur celles en vigueur dans le secteur privé ne serait ce déjà que dans un souci
d’équité.
Il appartient à partir de là au gouvernement au vue des différentes hypothèses
d’évolution possibles de faire un choix (section 2) dans la perspective de la réforme qu’il a
engagée.
Section 2. La piste retenue : le maintien de la répartition
Depuis le début de l’année 2003 le gouvernement a engagé une vaste concertation avec
les syndicats en vue de réformer le système de retraite français. Au début du mois de juin,
après de nombreuses discussions avec les syndicats, un projet de loi composé de 81 articles a
été présenté à l’Assemblée nationale. Au terme de 18 jours de débats un texte a été voté par
les députés, il n’a été que très peu amendé au regard du projet soumis. Transmis au Sénat et
après quelques légères modifications le texte est revenu devant l’Assemblée nationale qui a
adopté définitivement le projet de loi Fillon le 24 juillet 2003. Cette loi vise à consolider
111
TADDEI (D.), Retraites choisies et progressives, Les rapports du Conseil d’analyse économique, n°21, La
documentation Française, Paris, 2000.
90
l’avenir des régimes de retraite. Elle enclenche un processus dynamique, permettant un
pilotage régulier et continu de notre système. Par son ampleur et en raison de son champ, il
s’agit de la réforme la plus importante menée depuis 1945 dans le domaine de l’assurance
vieillesse. Elle n’a pas pour unique but de garantir le financement des retraites à l’horizon
2020.Au delà de la question de l’adaptation globale du système de retraites, elle pose des
questions de justice et de liberté de choix individuel. Elle s’attache à préserver l’équité et la
justice sociale de nos régimes de retraite, à permettre à chacun de construire sa retraite, en
donnant davantage de souplesse et de liberté de choix, et à assurer un haut niveau de retraite,
par l’allongement de la durée d’activité et de la durée d’assurance. Ainsi il convient de
présenter dans les grandes lignes la loi Fillon (§1).
Si cette réforme permet d’assurer l’architecture générale de nos systèmes de retraite,
organisée autour du principe de répartition, gage de solidarité et fruit de notre histoire sociale ;
on est en droit de se demander si actuellement un tel dispositif n’est pas remis en cause au
niveau européen (§2).
§1. Les grandes lignes de la loi Fillon
La réforme des retraites votée le 24 juillet 2003 à l’Assemblée nationale est une
réforme majeure, par un effort progressif elle assurera en théorie la pérennité de nos régimes
de retraites par répartition. Le gouvernement a réaffirmé le choix de la répartition rejetant
toute introduction d’une dose de capitalisation112. François Fillon avait précisé à la suite de
son tour des capitales européennes, qu’une telle option n’était pas le choix envisagé par la
France. Sur ce point, le Chef de l’Etat avait précisé, lors de ces vœux aux forces vives de la
Nation, que le choix de la capitalisation ne serait qu’un mécanisme d’appoint, un système par
capitalisation n’étant pas assez équitable. Il convient de présenter les mesures d’équité (A) qui
ont pour but de renforcer la répartition qui est au cœur de notre pacte social, puis les mesures
visant à garantir le financement des retraites d’ici 2020 (B).
A) Les mesures d’équité de la loi Fillon
112
Article 1er de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
91
Préserver l’équité et l’esprit de justice sociale de nos régimes de retraites est l’une des
orientations que s’était fixé le gouvernement. Il fallait réduire les inégalités présentes et à
venir devant la retraite, retrouver en quelques sortes l’esprit de 1945.
La loi prévoit ainsi notamment de supprimer les inégalités pesant sur les pluripensionnés et les non-salariés. Pour les pensionnés relevant de
plusieurs régimes, les
meilleures années seront prises en compte au prorata de la durée d’assurance dans chaque
régime : cette mesure, qui sera prise par voie réglementaire, mettra fin à une inégalité de
traitement devenue aujourd’hui insupportable. Pour les non-salariés un véritable régime
complémentaire obligatoire est crée
Elle vise aussi à donner des garanties supplémentaires aux salariés les plus modestes, à
travers un objectif de pension comprenant les régimes de base et les régimes
complémentaires, égal en 2008 à 85% du SMIC net lors de la liquidation après carrière
complète. Afin d’atteindre cette objectif, le minimum contributif sera revalorisé et réformé,
afin de mieux prendre en compte les durées réellement cotisées. Lors de la négociation avec
les partenaires sociaux, le Gouvernement a pris l’engagement d’une triple augmentation de
3% d’ici 2008. Enfin, les salaires annuels de très faible montant, qui ne valident pas de
trimestres au regard de leur durée d’assurance, seront exclus du calcul du salaire annuel
moyen.
Pour les très longues durées de carrière, il sera possible pour les salariés ayant
commencé à travailler avant l’âge de 17 ans d’ouvrir leur droit à la retraite avant 60 ans sous
la double condition d’une durée d’assurance et d’une durée effectivement cotisé ( avoir cotisé
de 40 à 42 ans).
Les partenaires sociaux sont incités à négocier sur la pénibilité du travail, à la fois pour
définir les métiers pénibles justifiant d’une cessation anticipée et pour s’efforcer de réduire la
pénibilité. On peur reprocher par contre que la loi ne tienne pas compte de l’espérance de vie
dans le versement de la pension.
La loi prévoit d’améliorer significativement la situation des conjoints survivants. Dans
les régimes de la fonction publique, les pensions de réversion des hommes seront alignées sur
celle des femmes. Dans le régime général et les régimes alignés, la pension de réversion sera
désormais attribuée sans condition d’âge.
92
Enfin, la loi prévoit la création d’un régime additionnel de retraite pour les
fonctionnaires par répartition, permettant de mieux de prendre en compte leurs éléments de
rémunération exclus du calcul de leur retraite. Ce régime par points sera obligatoire et géré
paritairement.
Mais surtout, à côté de ces mesures visant à préserver l’équité, la loi met en place tout
un dispositif visant à garantir le financement des retraites à l’horizon 2020 (B). Ces mesures
visant à assurer la pérennité du système de retraite sont le fondement principal de la réforme
actuelle.
B) Les mesures visant à garantir l’équilibre financier
La réforme des retraites ne concerne pas les régimes spéciaux, les salariés notamment
de la SNCF ou de la RATP ne sont donc pas touchés par ces mesures. Elle ne trouve à
s’appliquer que dans le régime général et le régime des fonctionnaires. Un tel choix peut être
déploré car malgré les rééquilibrages proposés, ceux-ci ne permettront d’assurer le
financement qu’à hauteur de la moitié des déficits prévus pour 2020. De plus il pose bien
évidemment la question de l’équité devant la retraite. Il est cependant fort à parier que
prochainement ces régimes feront l’objet d’une réforme tout comme a fait l’objet d’une
réforme celui des fonctionnaires. Il convient de présenter les différentes mesures visant à
assurer l’équilibre financier des retraites (1), pour ensuite voir les critiques apportées à cette
réforme (2).
1. Présentation des différentes mesures
La première grande mesure réside dans l’allongement de la durée de cotisation113. Dans
le privé, la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein sera
maintenue à 40 ans jusqu’en 2008. Pour les fonctionnaires, elle sera relevée de 150 à 160
trimestres d’ici à 2008 à raison de deux trimestres par an. A partir de 2009, la durée de
cotisation sera majorée dans le public comme dans le privé d’un trimestre chaque année pour
atteindre 41 annuités en 2012 et, éventuellement, 42 annuités en 2020. Le gouvernement
93
fixera ensuite tous les quatre ans les durées d’assurance, en tenant compte de l’augmentation
de l’espérance de vie.
La deuxième mesure réside, quant à elle, dans l’augmentation des cotisations. A
compter du 1er janvier 2006, la cotisation vieillesse du régime général sera majorée de 0,2
point.
La troisième mesure vise à favoriser le maintien en activité des salariés âgés114, la
France connaît en effet un taux d’activité des 55-64 ans très faible. Dans un délai de cinq ans,
le gouvernement devra remettre un rapport au Parlement présentant les mesures législatives et
réglementaires prises pour favoriser le maintien en activité des salariés âgés. Le principe de
l’interdiction de l’utilisation de critères d’âge dans les offres d’emploi sera introduit dans le
Code du travail. Dans le public comme dans le privé les salariés qui décident de continuer à
travailler au-delà de 60 ans bénéficieront d’une bonification de 3% par année travaillée, et ce
dès le 1er janvier 2004, à condition d’avoir déjà la durée de cotisation requise pour une retraite
à taux plein complète. Le bonus maximal ne pourra excéder 15%. Ceux qui choisiront de
liquider leur retraite en ayant une durée de cotisation incomplète se verront appliquer une
décote. Celle-ci actuellement de 10% par an dans le régime général, sera maintenu jusqu’en
2004 puis progressivement ramené à 5% d’ici à 2013. La décote prévue dans la fonction
publique sera instituée au 1er janvier 2006 et sera progressivement portée à 5% par an : 2,5%
en 2006, 5% en 2015115. Par ailleurs dans le privé comme dans le public, ce malus s’annulera
pour les travailleurs ayant atteint la limite d’âge. Dans le public le dépassement de la limite
d’âge sera possible, dans la limite de 2,5 ans maximum, après accord de la hiérarchie. Afin de
développer l’activité des séniors, dans le secteur privé, il sera désormais impossible pour un
employeur de mettre à la retraite d’office à 60 ans une personne, si celui-ci remplit les
conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein. La loi repousse donc à l’âge de 65 ans la
possibilité de mise à la retraite du salarié par l’employeur. Les sénateurs ont introduit la
possibilité de départ à un âge inférieur, en cas d’accord collectif ou de convention pré-retraite.
Dans le même souci de favoriser l’activité des salariés âgés, la loi décourage le recours
aux préretraites d’entreprise, dites également « préretraites maison », en les assujettissant à
une contribution spécifique à la charge des employeurs. Le produit de cette contribution sera
affecté au Fonds de réserve pour les retraites. En vue de contribuer à l’accès et au maintien
114
115
Liaisons sociales quotidien, Lundi 7 juillet 2003, n°13926, p. 1.
Cf. “www.fonction-publique.retraites.gouv.fr”.
94
dans l’emploi ainsi qu’à la mobilité des salariés âgés, la loi exonère l’employeur de la
contribution mise à sa charge en cas de licenciement d’un salarié qui était âgé d’au moins 45
ans lors de son embauche, au lieu de 50 ans précédemment. Il supprime en outre, pour le
bénéfice de l’exonération, la condition d’inscription préalable de l’intéressé en qualité de
demandeur d’emploi.
La loi assouplie les règles en matière de cumul emploi-retraite, un tel dispositif est
aujourd’hui très limité et peu attractif du fait de règles trop rigides. Le dispositif de retraite
progressive permet de cumuler une activité à temps partiel avec une faction de pension, ces
règles sont assouplis. La loi dispose dorénavant que la liquidation de la pension dans le cadre
de la retraite progressive a un caractère provisoire, l’assuré pourra ainsi améliorer ses droits à
pension à raison de la poursuite de son activité à temps partiel. Un retraité du privé pourra
occuper un emploi si le total des deux revenus reste inférieur à son dernier salaire. Six mois
minimum après leur départ, les retraités pourront reprendre une activité chez leur dernier
employeur. Un fonctionnaire pourra cumuler sa pension avec un emploi dans le public, à
condition que le revenu qu’il tire de son activité n’excède par le tiers de sa pension. Le cumul
intégral peut être exceptionnellement autorisé, notamment pour les militaires non-officiers
ayant moins de 25 ans de service.
Dans la fonction publique sont mises en place des dispositifs incitatifs de deuxième
carrière. Les enseignants pourront prétendre accéder à une 2e carrière dans la fonction
publique. La cessation progressive d’activité est encouragée. En fin de carrière les agents
pourront alléger leur temps de travail afin d’atténuer le recul de la date de départ en retraite,
tout en continuant à accumuler des annuités. Souple le système permet à l’agent de choisir une
réduction de travail progressive ou fixe. Le fonctionnaire est ainsi incité à prolonger son
activité malgré le recul de la date de départ en retraite, il cotise et donc assure des ressources
au système de retraite.
Enfin dernière mesure, l’instauration de plan d’épargne individuelle pour la retraite
(PEIR) dans le secteur privé116. Comme la Préfon pour les fonctionnaires, les salariés du privé
pourront souscrire un produit d’épargne individuelle avec sortie en rente afin de compléter
leur pension. Le PEIR est un contrat d’assurance souscrit par un groupement d’épargne
individuelle auprès d’une entreprise d’assurance, d’une institution de prévoyance ou d’une
116
Liaisons sociales quotidien, Vendredi 4 juillet 2003, n°13925, p. 1.
95
mutuelle. De plus, les plan Fabius d’épargne salariale seront aménagés avec sortie en rente ou
en capital.
Au vue de ces mesures, le gouvernement mentionne que le financement des retraites
est garanti d’ici 2020. La réforme est présentée comme équilibrée : l’augmentation des
cotisations vieillesse, dans le régime général, qui pourra être compensée par une diminution
des cotisations chômage , et l’effort accru des employeurs publics, en ce qui concerne les
régimes de la fonction publique, permettront selon lui d’équilibrer notre système de retraite.
Cependant il faut noter que le solde net de la réforme est évalué à 17,3 milliards d’euros, ce
qui ne représente que 40% des besoins de financement ; cette réforme n’est pas exempt de
toutes critiques (2).
2. Les critiques envers la réforme
Cette réforme fait l’objet de nombreuses critiques. La première comme nous venons de
le voir tient au fait que ces mesures n’assurent pas pleinement l’équilibre financier. Elles ne
couvrent que 40% des besoins de financement. Pour trouver la moitié restante, François Fillon
fait un pari qui repose sur des hypothèses économiques très optimistes, il table sue une baisse
du chômage de 9,3% à 4,5% avant 2010 soit un niveau jamais atteint depuis 25 ans. Certains
pensent que l’allongement de la durée de cotisations n’est pas suffisant, il faudrait élargir
l’assiette des cotisations pour prendre en compte les bénéfices et les produits financiers117.
Mesures certes intéressantes, à la condition, de le faire avec parcimonie pour éviter de ne trop
pénaliser la rentabilité des entreprises. En outre ces nouveaux financements posent un
problème de fond : la retraite ne serait plus assise sur les salaires, ce qui remettrait en question
le principe de la répartition. Pour Henri Sterdyniak, il faut augmenter plus encore les
cotisations, c’est « la seule manière de ne pas rogner sur les retraites en créant une classe de
retraités pauvres. Cette augmentation ne devrait selon lui pas trop peser : la part des retraites
dans le PIB est aujourd’hui de 12,5% et l’on sait qu’il faudrait une augmentation de 6 points
sur 40 ans pour maintenir le niveau actuel des retraites. C’est finalement très peu ». Le
programme du gouvernement consistant à reculer l’âge de départ pose problème car « un tel
facteur ne peut être maîtrisé : il dépend des entreprises, de la conjoncture ». « La plupart des
entreprises ne gardent pas leurs employés après 50 ans . L’Etat lui même reproduit ces
pratiques. On peut donc relever l’âge de la retraite, cela n’aura aucune influence pour
96
l’instant, car les travailleurs ne pourront pas rester. C’est une conséquence du chômage de
masse et de la croissance ralentie. Les entreprises se débarrassent des salariés âgés pour en
embaucher de plus jeunes. Le taux d’activité est très bas entre 55 et 60 ans. On a donc recours
à des dispositifs palliatifs. Supprimer brutalement ces dispositifs créerait de nombreux
chômeurs sans droits ». Il faudrait alors peut-être pour que la politique, en faveur du maintien
des salariés âgés en activité soit réellement efficace, instaurer une loi interdisant le
licenciement des personnes âgées. Mais une telle mesure est-elle véritablement envisageable
dans une économie de marché ? On en doute.
En dehors de ces considérations financières, il faut noter que les pensions risqueront
certainement de baisser à la différence de ce qu’avance le gouvernement118. L’allongement de
la durée de cotisation au lieu d’assurer un haut niveau de retraite risque de pénaliser les
carrières incomplètes. Les inégalités public-privé ne vont pas disparaître même si la loi Fillon
réduit l’inégalité la plus emblématique : la durée de cotisation. S’ils existent des points de
convergence : la durée de cotisation, décote en cas de carrière incomplète, indexation des
retraites sur les prix et non plus les salaires, plusieurs différences perdurent. Alors que la
pension des salariés du privé est calculée sur la base des 25 meilleures années de salaire, celle
des fonctionnaires ne prend en compte que les six derniers mois. Les cotisations salariales
restent inchangées : 7,85% dans le public contre 10,35% dans le privé.
Il est fort à parier que le gouvernement ne pourra rester silencieux devant toutes ces
questions et, que le choix d’une dynamique des réformes invite tout particulièrement à revoir
certains points.
La France a réaffirmé ouvertement le choix de la répartition dans le domaine de la
retraite, ce choix est directement en cohérence avec le principe de solidarité nationale posé par
l’article L. 111-1 du Code de la sécurité sociale, mais une telle voie ne risque-t-elle pas d’être
remise en cause au niveau européen (§2) ?
§2. L’actuelle remise en cause au niveau européen
L’Union européenne tend à considérer la vieillesse comme un coût insupportable pour
l’économie. D’où la volonté politique d’en réduire la charge sociale en remettant en vigueur
118
CROISSANDEAU (M.), « Retraites : l’info et l’intox », Le nouvel observateur, 5-11 juin 2003, n° 2013, p.
52-53.
97
les vieilles techniques, de l’épargne individuelle et de la capitalisation sous l’impulsion
notamment du modèle communautaire de la convergence des systèmes nationaux de sécurité
sociale dit des trois piliers. Ces trois piliers sont :

un service public de retraite destiné à garantir à chaque individu, une pension
minimum financée par l’impôt.

Un système complémentaire d’entreprise ou professionnel alimenté par des
cotisations prélevées sur les salaires fonctionnant selon le système de la
capitalisation sous la forme de fonds de retraite d’entreprise, comme il en
existe dans la plupart des pays communautaires.

un système purement libéral ou chacun choisit, sur le marché de l’assurance
vie, les divers produits de capitalisation de l’épargne en fonction de sa
situation de fortune.
On constate peu à peu que notre pays s’enfonce de plus en plus dans la perspective
communautaire piler par pilier :

Trois mesures prises dans le cadre du programme gouvernemental de
redressement économique et social du 10 mai 1993 amorcent un recul sensible
de l’assurance vieillesse à savoir :
o La création d’un fonds de solidarité vieillesse alimenté par l’impôt et
destiné à financer les avantages vieillesse non contributifs. La création
de ce fonds est le prémisse du premier pilier en matière d’assurance
vieillesse.
o la référence aux prix à la consommation au lieu de l’évolution des
salaires, pour l’indexation des pensions de vieillesse.
o La modification du mode de calcul des pensions vieillesse consistant : à
porter à 40 unités et maintenant même 42,5 unités, le montant du
nombre d’annuités exigées pour une obtenir une pension au taux plein
de 50% et, à déterminer le salaire annuel moyen à partir des 25
meilleures années au lieu des 10 meilleures années précédemment.

L’institution à titre facultatif de fonds de retraite par capitalisation (les PER
institués par la loi Thomas aujourd’hui abrogés), de tels fonds sont
98
difficilement
compatible
avec
des
caisses
complémentaires
gérées
paritairement par les représentants des syndicats de salariés et du patronnant et,
fonctionnant selon la technique de la répartition : sauf à vouloir « torpiller à
terme cette exception française »119.

Le pilonnage fait autour des divers produits d’épargne retraite par capitalisation
ouvrant droit à des avantages fiscaux dans le souci primordial de drainer
l’épargne vers les marchés boursiers.
Selon M. Saint-Jours, si « cette politique d’inspiration communautaire ne se heurte pas
à un refus de l’opinion, une ou deux générations risquent d’en subir les graves conséquences,
le temps d’un retour du balancier à l’horloge de l’Histoire ».
CONCLUSION
Les difficultés à venir en terme financier pour les retraites, nous venons de le voir, ne
sont pas négligeables. Mais n’insiste-t-on pas nous trop exclusivement sur cette crise
financière ? N’y a-t-il pas plus important encore ? La définition même du contrat social relatif
aux retraites n’est-il pas un enjeu encore plus fondamental120 ? Les citoyens ont besoin de
savoir ce qu’est un droit à la retraite121, quels sont leurs devoirs, leurs obligations en tant que
cotisants, et quels sont leurs droits en tant que retraités ou futurs retraités. Une démocratie
moderne comme la nôtre ne peut pas continuer à laisser dans le flou les conventions par
lesquelles ses membres se lient les uns aux autres dans un pacte tontinier122 et viager. Elle ne
119
SAINT-JOURS (Y.), « La genèse des retraites en France », Droit ouvrier, nov. 1993, p. 407-408.
BICHOT (J.), « Retraites : durée de cotisation ou neutralité actuarielle ? », Droit social, n°4, avril 2001,
pp.428-433.
121
La qualification juridique des droits constitués sur une caisse de retraite est floue, ce n’est pas un droit de
propriété, les tribunaux le qualifie de droit de tirage, mais qu’est-ce que cela recouvre.
122
La tontine est un acte par lequel un ensemble de personnes conviennent de faire des apports qui seront perdus
pour les héritiers de ceux qui décèderont avant une certaine échéance, si bien que les survivants en profiteront.
Les retraites par répartition sont des tontines pour les cotisants : en cas de décès avant liquidation de la retraite,
les héritiers n’ont rien, ce qui permet à ceux qui atteignent l’âge de la retraite d’obtenir des pensions plus
substantielles. Les travaux sur les retraites n’analysent pas généralement ce phénomène.
120
99
peut pas davantage laisser dans l’ombre le contrat implicite qui lie les générations successives.
Le droit social français est désespérément muet sur les règles communes que devraient suivre
tous les régimes de retraite par répartition, il consiste en une accumulation de dispositions
hétéroclites relatives à des catégories spécifiques.
Les retraites ont besoin de clarté encore plus que d’argent. Cette clarification et cette
modernisation des règles du jeu sont de la responsabilité des pouvoirs publics. Le sort de la
démocratie future ne se joue pas forcément dans l’accumulation de milliards, mais repose sur
le remplacement de concepts archaïques. Après le renouvellement du contrat social qui a fait
suite à la réforme, le temps est au renouveau du contrat social.
Bibliographie
OUVRAGES GENERAUX
CHAUCHARD (J-P), Droit de le sécurité sociale, LGDJ, Paris, 3ème éd., 2001.
DUPEYROUX (J-J.), Droit de la sécurité sociale , Dalloz, Paris,14ème éd., 2001.
Mémento pratique Francis Lefebvre, Social, 1999.
OUVRAGES SPECIAUX
BICHOT (J.), Quelles retraites en l’an 2000 ?, Armand Colin, Paris, 1993.
BICHOT (J.), Retraites en péril, coll. « Bibliothèque du citoyen », Presses de Sciences Po,
Paris, 1999.
100
BREUGNOT (B.), Le discours de la retraite au XVII e siècle. Loin du monde et du bruit ,
coll. Perspectives littéraires , PUF, Paris, 1996.
COCHEME (B.) et LEGROS (F.), Les retraites : Genèse, acteurs, enjeux, Armand Colin,
Paris, 1995.
DUMONS (B.) et POLLET (G.), L’Etat et les retraites : Genèse d’une politique, Belin,
Paris, 1994.
DUPONT (G.) et STERDYNIAK (H.), Quel avenir pour nos retraites ?, coll. Repères, La
Découverte, Paris, 2000.
GAULLIER (X.), Le temps des retraites : les mutations de la société salariale, La république
des idées et du Seuil, février 2003.
GRECIANO (P-A), Les retraites en France: quel avenir?, coll. les études de La
documentation Française, Paris, 2002.
MAUDRUX (G.), Retraites : Le mensonge permanent, Les Belles Lettres, 2ème éd., Paris,
2003.
PALIER (B.), La réforme des retraites, coll. que sais-je ?, PUF, Paris, 2003.
REYNAUD (E.), Les retraites en France. Le rôle des régimes complémentaires , coll. Les
études , La documentation Française, Paris, 1994.
ETUDES, CHRONIQUES ET ARTICLES
BICHOT (J.), « Retraites : durée de cotisation ou neutralité actuarielle ? », Droit social, n°4,
avril 2001, pp.428-433.
101
BORDELOUP (J.), « La réforme des régimes de retraite : une ardente obligation », Droit
social, n°4, avril 1992, p. 404.
BRIET (R.), « Retraites : réflexions sur 2015 et au-delà », Droit Social, n°9/10, Sept-Oct
1995, p 800.
BRUSLERIE de la (H.), Le journal des finances, 18 août 2001.
CASSANDRE (J.), « Retraites : le mirage de la capitalisation », Droit social, n°6, juin 1991,
pp. 518-521.
CHADELAT (J-F.), « Le fonds de réserve français », La lettre de l’Observatoire des retraites,
n°12, mars 2001, p. 9-12.
CONCIALDI (P.), « Le débat sur les retraites : l’alibi de la démographie », Problèmes
économiques, n°2536, 1er octobre 1997.
CROISSANDEAU (M.), « Les fonctionnaires sous le choc », Le nouvel observateur, n°2009,
du 8 au 14 mai 2003, p.54.
CROISSANDEAU (M.), « Retraites : l’info et l’intox », Le nouvel observateur, 5-11 juin
2003, n° 2013, p. 52-53.
GAUDEMET (J-P.), « Un point sur le financement de la retraite », Revue d’économie
financière, numéro spécial : Systèmes de retraite : structures, défis et perspectives, n°40,
Mars 1997, p 55-58.
HUSSON (M.), « La menace démographique est-elle fondée ? », Problèmes économiques, n°
2608, 17 mars 1999.
102
JEAN (D.), « PREFON-RETRAITE : Le régime de retraite complémentaire facultatif des
fonctionnaires. », Revue d’économie financière, numéro spécial : Systèmes de retraite :
structures, défis et perspectives, n°40, Mars 1997, pp. 273-276.
LAIGRE (P.), « Les plans d’épargne retraite : la main visible du marché », Droit social, n°5,
mai 1997, pp. 482-492.
LENSEIGNE (F.), « Contraintes futures et avenir des régimes de retraite en France », Revue
d’économie financière, numéro spécial : Systèmes de retraite : structures, défis et
perspectives, n°40, Mars 1997, p 85.
Le Monde 2, « Vive les vieux! », juin 2003,n°30.
Le Parisien, « La réforme des retraites adoptée » Jeudi 24 juillet 2003, p.6.
Liaisons sociales magazine, « Pourquoi la France va dans le mur ? », septembre 2001, p. 1630.
Liaisons sociales quotidien, Vendredi 4 juillet 2003, n°13925, p. 1.
Liaisons sociales quotidien, Lundi 7 juillet 2003, n°13926, p. 1.
LYON-CAEN (G.), « Une vieillesse sans Droit », Dalloz, 1991, chron. 21., pp. 111-115.
Marianne, « Pourquoi vos retraites vont baisser de 20% », 28 avril- 4 mai 2003, n° 314, pp
30-39.
MONIOLLE (C.) et KESSLER (F.), « L’avenir des retraites des fonctionnaires », JCP, Ed G.,
2003, n°14, I -123, pp. 605-612.
PARANT (A.), « Retraites : la confusion organisée. Le débat sur l’avenir des retraites en
France », Futuribles, n°252, avril 2000, pp. 5-22.
103
Problèmes économiques, La documentation Française, n°2659, 5 avril 2000.
REY (F.), « Ma pension, la réforme et moi », La vie financière, n°3027, 13-19 juin 2003, pp.
60-88.
REYNAUD (E.), « Les fonds de pension et l’avenir des retraites en France », Dr. Soc., Septoct 1995, p. 801.
RUELLAN (R.), « Retraites : l’impossible réforme est-elle achevée ? », Droit social, n°12,
décembre 1993, p.907-929.
SAINT-JOURS (Y.), « La genèse des retraites en France » , Droit ouvrier, nov. 1993, p.405.
SAINT-JOURS (Y.), « A propos d’éventuels plans d’épargne-retraite d’entreprise », Droit
ouvrier, avril 1999, pp. 145-147.
SCHWARTZ (J.), « L’immigration est-elle une solution pour la retraite ? », Problèmes
économiques, n°2608, 17 mars 1999, pp. 27-28.
Synthèses du rapport de commissariat général du plan « Perspectives à long terme des
retraites », Revue d’économie financière, numéro spécial : Systèmes de retraite : structures,
défis et perspectives, n°40, Mars 1997, pp 59-64.
RAPPORTS OFFICIELS
CHARPIN (J-M.), L’avenir de nos retraites, Collection des rapports officiels, La
documentation Française, Paris, 1999.
104
Commissariat Général du Plan, Livre Blanc sur les retraites : garantir dans l’équité les
retraites de demain, préface de Michel Rocard, Collection des rapports officiels, La
documentation Française, Paris, 1991.
Commissariat Général du Plan, Perspectives à long terme des retraites, La documentation
Française, Paris, 1995.
Premier rapport du Conseil d’orientation des retraites, Retraites : renouveler le contrat social
entre les générations, orientations et débats, La documentation Française, Paris, 2001.
TADDEI (D.), Retraites choisies et progressives, Les rapports du Conseil d’analyse
économique, n°21, La documentation Française, Paris, 2000.
TEULADE (R.), L’avenir des systèmes de retraite, Avis et conseils du Conseil économique et
social, Editions des Journaux officiels, Paris, 2000.
INTERNET
WWW.RETRAITES.GOUV.FR
WWW.FONCTION-PUBLIQUE.RETRAITES.GOUV.FR
105
Table des matières
SOMMAIRE……………………………………..……………………………………………4
JE REMERCIE, NATALIE P. POUR SON IMMUABLE SOUTIEN, M. BOSSU POUR
M’AVOIR GUIDÉ ET CONSEILLÉ DANS L’ÉLABORATION DE CE MÉMOIRE,
MES PARENTS ET MA SŒUR POUR M’AVOIR SUPPORTÉ...................................... 2
INTRODUCTION.....................................................................................................................5
1ER PARTIE : LA MISE EN ÉVIDENCE D’UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DU SYSTÈME.................................14
Chapitre 1 : Présentation du système de retraite français...............................................14
Section 1. Le premier étage : les régimes de base.........................................................16
§1. Le régime de base des salariés............................................................................ 16
A)Les salariés du régime général.......................................................................... 16
1. Présentation de la CNAV et de la MSA........................................................17
2. Fonctionnement du régime de base des salariés du secteur privé................. 18
B)Les salariés des régimes spéciaux..................................................................... 20
1. Le régime des agents de la Fonction publique.............................................. 21
a)Le régime des fonctionnaires de l’Etat.......................................................21
b)Les autres agents de la Fonction publique................................................. 22
2. Le régime de base des employés des grandes entreprises publiques et des
autres régimes spéciaux.....................................................................................23
a)Les employés des grandes entreprises publiques....................................... 23
b)Les employés des autres régimes spéciaux................................................ 24
§2. Le régime de base des professions non-salariées................................................ 27
A)Les professions non-salariées s’alignant sur le régime général........................ 27
106
1.Les exploitants agricoles................................................................................ 27
2.Les professions industrielles et commerciales............................................... 28
3.Les artisans.....................................................................................................29
B)Les professions non-salariées conservant leurs particularités...........................30
1.Les professions libérales................................................................................ 30
2.Le régime des avocats.................................................................................... 31
Section 2. Le second étage : les régimes complémentaires...........................................32
§1. Présentation du système de retraite complémentaire.......................................... 34
A)Les règles de fonctionnement........................................................................... 35
B)Les populations couvertes................................................................................. 36
1.Les salariés..................................................................................................... 36
2.Les non-salariés..............................................................................................37
§2. Les régimes complémentaires des fonctionnaires : les fonds de pension........... 38
A)Une existence liée à l’assiette de calcul de la pension......................................38
B)Les principales caractéristiques des régimes.....................................................39
Chapitre 2 : Les raisons d’une nécessaire réforme......................................................... 42
Section 1. Les principaux éléments du débat................................................................ 42
§1. La contrainte démographique..............................................................................43
A)Un vieillissement inéluctable............................................................................43
1.Les évolutions démographiques..................................................................... 43
a)L’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby-boom..................44
b)L’augmentation de l’espérance de vie....................................................... 44
c)Fécondité et mortalité.................................................................................44
2.Les taux d’activité et taux d’emploi...............................................................45
3.L’immigration est-elle une solution pour la retraite ?....................................46
B)Une contrainte démographique à relativiser ?...................................................47
§2. Les perspectives économiques............................................................................ 48
A)Les perspectives économiques : emploi, croissance, productivité....................48
B)Les besoins en financement du système............................................................50
Section 2. La prise en compte d’une nécessaire évolution............................................51
§1. Les réactions face à la montée des périls............................................................ 51
A)Les mesures du milieu des années 1990........................................................... 51
107
1.Les réformes de l’année 1993........................................................................ 52
a)La réforme du régime général et des régimes alignés................................ 52
b)Le Fonds de solidarité vieillesse................................................................ 53
2.Les réformes des régimes complémentaires...................................................53
3.Les plans d’épargne retraite (PER)................................................................ 53
B)Les mesures récentes (1998-2001).................................................................... 54
1.Le Fonds de réserve pour les retraites............................................................ 54
2.Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR).............................................. 55
§2. Les conséquences économiques et sociales en cas de non-évolution du système...
57
A)Des problèmes d’équité entre générations........................................................ 57
1.La modification du partage du revenu entre actifs et retraités....................... 57
2.Un risque pour l’avenir du contrat social.......................................................58
B)Des risques d’apparitions d’effets économiques néfastes................................. 58
1.Une dégradation de la compétitivité.............................................................. 59
2.Une désincitation à l’épargne et à l’activité................................................... 59
2ÈME PARTIE : COMMENT FAIRE ÉVOLUER LE SYSTÈME ?................................................................. 61
Chapitre 1 : Une évolution difficile mais possible........................................................... 61
Section 1. Pourquoi la réforme est-elle si difficile ?.....................................................62
§1. La nécessité d’un certain délai de maturation des esprits................................... 62
§2. La surestimation du risque politique et la recherche d’un consensus................. 63
A)La recherche d’un consensus............................................................................ 63
B)La surestimation du risque politique................................................................. 64
Section 2. Une évolution possible : les expériences étrangères.................................... 65
§1. Les exemples étrangers : l’Allemagne et la Suède..............................................65
A)L’exemple Allemand : une réforme en profondeur.......................................... 66
1.Radiographie du système de retraite.............................................................. 66
a)Présentation du système de retraite allemand............................................ 66
b)Les insuffisances du système..................................................................... 67
2.La réforme du système allemand....................................................................68
B)L’exemple Suédois : une réforme novatrice..................................................... 69
1.Radiographie de l’ancien système de retraite.................................................69
108
2.La réforme suédoise....................................................................................... 70
§2. Les enseignements des expériences étrangères................................................... 72
Chapitre 2 : Les pistes possibles d’évolution...................................................................73
Section 1. Les pistes de réflexion..................................................................................73
§1. Le scénario de rupture : le passage à la capitalisation.........................................73
A)Fonctionnement d’un système par capitalisation.............................................. 74
1.Une diversité des dispositifs.......................................................................... 74
2.Deux méthodes de préfinancement................................................................ 76
a)Les régimes à prestations définies..............................................................76
b)Les dispositifs à cotisations définies..........................................................77
3.La situation française..................................................................................... 78
a)L’épargne salariale..................................................................................... 78
b)Les mécanismes assurantiels..................................................................... 80
c)Les fonds de pension en tant que tel.......................................................... 80
d)Quel futur pour l’instauration des fonds de pension ?............................... 81
B)Les inconvénients de la capitalisation...............................................................81
1.Les conséquences d’une substitution en terme d’équité................................ 82
2.La vulnérabilité de la capitalisation............................................................... 82
§2. La transformation du système par répartition......................................................84
A)Une transformation en profondeur : la modification du mode de calcul des
pensions.................................................................................................................84
B)L’aménagement progressif du système............................................................. 85
1.Les principaux instruments d’aménagement progressif du système.............. 86
2.Les principales pistes de réforme esquissées par les rapports........................88
a)Le rapport Charpin..................................................................................... 88
b)Le rapport Teulade.....................................................................................89
c)Le rapport Taddei.......................................................................................90
Section 2. La piste retenue : le maintien de la répartition............................................. 90
§1. Les grandes lignes de la loi Fillon.......................................................................91
A)Les mesures d’équité de la loi Fillon................................................................ 91
B)Les mesures visant à garantir l’équilibre financier........................................... 93
1.Présentation des différentes mesures............................................................. 93
109
2.Les critiques envers la réforme...................................................................... 96
§2. L’actuelle remise en cause au niveau européen.................................................. 97
CONCLUSION........................................................................................................................99
110
Téléchargement