Chapitre III. Espaces vectoriels de dimension finie. Marc de Crisenoy Convention: dans tout le cours, K désigne un corps commutatif. (En pratique K = Q, R ou C). § Trois résultats préparatoires. Résultat 1. Soit E un K-ev. Soit n ∈ N∗ . Soient x1 , . . . , xn ∈ E. a) Soient y1 , . . . , yn+1 ∈ Vect{x1 , . . . , xn }. Alors (y1 , . . . , yn+1 ) est lié. b) Soit m ∈ N∗ . Soient y1 , . . . , ym ∈ Vect{x1 , . . . , xn }. On suppose que (y1 , . . . , ym ) est libre. Alors m ≤ n. Indications pour a). On raisonne par récurrence. 1) Traiter le cas n = 1. 2) Soit n ≥ 2. On suppose le résultat au rang n − 1. Soient x1 , . . . , xn ∈ E. Soient y1 , . . . , yn+1 ∈ Vect{x1 , . . . , xn }. On souhaite montrer que (y1 , . . . , yn+1 ) est lié. Traiter le cas yn+1 = 0. On suppose désormais que yn+1 6= 0. i) Montrer qu’il existe k ∈ {1, . . . , n} tel que xk ∈ Vect(yn+1 , x1 , . . . , xk−1 , xk+1 , . . . , xn ). On note F = Vect(yn+1 , x1 , . . . , xk−1 , xk+1 , . . . , xn ). ii) Justifier que Vect{x1 , . . . , xn } ⊂ F . iii) En déduire que ∀i ∈ {1, . . . , n} yi ∈ F . iv) Montrer que ∀i ∈ {1, . . . , n} ∃αi ∈ K tq yi − αi yn+1 ∈ Vect(x1 , . . . , xk−1 , xk+1 , . . . , xn ). v) Conclure. Résultat 2. Soit E un K-ev. Soit n ∈ N∗ . Soient e1 , . . . , en ∈ E. On suppose que (e1 , . . . , en ) est libre. a) Soit x ∈ E. On suppose que (e1 , . . . , en , x) est lié. Alors x ∈ Vect(e1 , . . . , en ). b) On suppose que pour tout x ∈ E (e1 , . . . , en , x) est lié. Alors (e1 , . . . , en ) est une base de E. Résultat 3. Soit E un K-ev. Soit n ∈ N∗ . Soient e1 , . . . , en ∈ E. On suppose que (e1 , . . . , en ) engendre E et que ∀i ∈ {1, . . . , n} (e1 , . . . , ei−1 , ei+1 , . . . , en ) n’engendre pas E. Alors (e1 , . . . , en ) est une base de E. Indications. On va montrer la contraposée. On suppose que (e1 , . . . , en ) n’est pas une base de E. (e1 , . . . , en ) est liée, en déduire qu’il existe i ∈ {1, . . . , n} tel que ei ∈ Vect{e1 , . . . , ei−1 , ei+1 , . . . , en }. Remarquer que {e1 , . . . , en } ⊂ Vect{e1 , . . . , ei−1 , ei+1 , . . . , en }. En déduire que (e1 , . . . , ei−1 , ei+1 , . . . , en ) engendre E. § Notion de dimension. Déf. 1. Un K-ev est dit de dimension finie s’il possède une partie génératrice finie. Théo. 2. Soit E un K-ev de dimension finie. Alors E possède une base. 1 Indications. On suppose que E 6= {0E }. Puisque E est de dimension finie, il existe n ∈ N∗ et x1 , . . . , xn ∈ E tels que E = Vect{x1 , . . . , xn }. Soit A = {m ∈ N∗ | ∃y1 , . . . , ym ∈ E tels que (y1 , . . . , ym ) est libre}. Justifier que A possède un plus grand élément. On le note M . Justifier qu’il existe e1 , . . . , eM ∈ E tels que (e1 , . . . , eM ) est libre. Justifier que pour tout x ∈ E (e1 , . . . , eM , x) est lié. Conclure. Théo. 3. Soit E un K-ev de dimension finie. Soit n ∈ N∗ . Soient e1 , . . . , en ∈ E. On suppose que (e1 , . . . , en ) est une base de E. Soit m ∈ N∗ . Soient f1 , . . . , fm ∈ E. On suppose que (f1 , . . . , fm ) est une base de E. Alors n = m. Indications. Montrer que m ≥ n et que m ≤ n. Déf. 4. Soit E un K-ev de dimension finie. On suppose E non nul. Alors E possède au moins une base et les bases de E ont un cardinal commun. Cet entier naturel est appelé dimension de l’ev E et est noté dim E. Déf. 5. On définit la dimension d’un K-ev nul, comme étant 0. Rq. 6. Soit E un K-ev. Alors dim E = 0 ssi E = {0E }. Lemme 7. Soit E un K-ev. Alors les assertions suivantes sont équivalentes: i) E est une droite, ii) E est de dimension finie et dim E = 1. Déf. 8. Soit E un K-ev. On dit que E est un plan si E est de dimension finie et si dim E = 2. Prop. et déf. 9. Soit n ∈ N∗ . a) Pour tout i ∈ {1, . . . , n} on note ei = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0) ∈ Kn (le 1 est en i-ème position). Alors (e1 , . . . , en ) est une base de Kn . On l’appelle base canonique de Kn . b) Kn est de dimension finie et dim(Kn ) = n. Théo. 10. Soient E et F deux K-ev de dimensions finies. Alors E et F sont isomorphes ssi dim E = dim F . Indications. Utiliser la proposition précédente et les compléments du chapitre précédent. § Familles libres, famille génératrices en dimension finie. Prop. 11. Soit E un K-ev de dimension finie. On note n = dim E. Soit k ∈ N∗ . Soient e1 , . . . , ek ∈ E. On suppose que (e1 , . . . , ek ) est libre. Alors: a) k ≤ n. b) (e1 , . . . , ek ) est une base de E ssi k = n. c) La famille libre (e1 , . . . , ek ) peut être ”complétée” en une base de E: il existe ek+1 , . . . , en ∈ E tels que (e1 , . . . , en ) soit une base de E. 2 Indications. b) sens ⇐=: On suppose que k = n. Justifier que pour tout x ∈ E (e1 , . . . , en , x) est lié. Conclure. c) par récurence sur k. Prop. 12. Soit E un K-ev de dimension finie. On note n = dim E. Soit p ∈ N∗ . Soient e1 , . . . , ep ∈ E. On suppose que (e1 , . . . , ep ) engendre E. Alors: a) p ≥ n. b) (e1 , . . . , ep ) est une base de E ssi p = n. c) De la famille génératrice (e1 , . . . , ep ) on peut ”extraire” une base de E: il existe i1 , . . . , in ∈ {1, . . . , p} deux à deux distincts tels que (ei1 , . . . , ein ) est une base de E. Indications. b) sens ⇐=: on suppose que p = n. Justifier que ∀i ∈ {1, . . . , n} (e1 , . . . , ei−1 , ei+1 , . . . , en ) n’engendre pas E. Conclure. c) On suppose que E 6= {0E }. Soit B = {m ∈ N∗ | ∃i1 , . . . , im ∈ {1, . . . , p} tq (ei1 , . . . , eim ) est libre}. Justifier que B a un plus grand élément. On le note M . Justifier qu’il existe i1 , . . . , iM ∈ {1, . . . , p} tq (ei1 , . . . , eiM ) est libre. Soit i ∈ {1 . . . , p}. Justifier que (ei1 , . . . , eiM , ei ) est lié. En déduire que ei ∈ Vect(ei1 , . . . , eiM ). En déduire que Vect(ei1 , . . . , eiM ) = E. Justifier que (ei1 , . . . , eiM ) est une base de E. Conclure. Prop. 13. Soit E un K-ev de dimension finie. Soit F un sev de E. Alors F est de dimension finie et dim F ≤ dim E. Indications. On peut supposer F 6= {0E }. On pose P = {m ∈ N∗ | ∃f1 , . . . , fm ∈ F tq (f1 , . . . , fm ) est libre}. Montrer que P est majorée par dim E. Justifier que P possède un plus grand élément. On note M le plus grand élément de P . Justifier qu’il existe f1 , . . . , fM ∈ F tels que (f1 , . . . , fM ) est libre. Montrer que pour tout x ∈ F , (f1 , . . . , fM , x) est liée. En déduire que (f1 , . . . , fM ) est une base de F . Conclure. Prop. 14. Soit E un K-ev de dimension finie. Soit F un sev de E. Alors F = E ssi dim F = dim E. Indications pour le sens ⇐=. On suppose que dim F = dim E. On note m = dim F . Il existe une base (f1 , . . . , fm ) de F . Montrer que (f1 , . . . , fm ) est une base de E. Conclure. Cor. 15. Soit E un K-ev de dimension finie. Soient F et G des sev de E. Alors les assertions suivantes sont équivalentes: i) F = G, ii) F ⊂ G et dim F = dim G. Prop. 16. Soit E un K-ev de dimension finie. Soit k ∈ N∗ . Soient F1 , . . . , Fk des sev de E. On suppose que F1 , . . . , Fk sont en somme directe. Alors dim(F1 + . . . + Fk ) = dim F1 + . . . + dim Fk . Prop. 17. Soit E un K-ev de dimension finie. Soit F un sev de E. Alors: 3 a) F possède (au moins) un supplémentaire dans E, b) pour tout supplémentaire G de F dans E, on a dim G = dim E − dim F . Indications pour a). On note n = dim E et m = dim F . Il existe une base (f1 , . . . , fm ) de F . Justifier qu’il existe fm+1 , . . . , fn ∈ E tels que (f1 , . . . , fn ) est une base de E. On pose G = Vect(fm+1 , . . . , fn ). Montrer que G est un supplémentaire de F dans E. Théo. 18. Soient E et F deux K-ev de dimensions finies. On suppose que dim E = dim F . Soit u : E → F linéaire. Alors les assertions suivantes sont équivalentes: i) u est un isomorphisme, ii) u est surjectif, iii) u est injectif. Indications. On note n = dim E. Il existe une base (e1 , . . . , en ) de E. ii) =⇒ iii). On suppose que u est surjectif. En utilisant éventuellement les compléments du chapitre précédent, montrer que (u(e1 ), . . . , u(en )) est une base de F . Conclure. iii) =⇒ ii). On suppose que u est injectif. En utilisant éventuellement les compléments du chapitre précédent, montrer que (u(e1 ), . . . , u(en )) est une base de F . Conclure. Cor. 19. Soit E un K-ev de dimension finie. Soit u un endomorphisme de E. Alors les assertions suivantes sont équivalentes: i) u est un automorphisme, ii) u est surjectif, iii) u est injectif. Déf. et notation 20. Soient E et F deux K-ev de dimensions finies. Soit u : E → F linéaire. On appelle rang de u la dimension de l’image de u. Le rang de u est noté rg(u). Théo. 21. (théorème du rang). Soient E et F deux K-ev de dimensions finies. Soit u : E → F linéaire. Alors dim Ker(u) + rg(u) = dim E. Indications. Il existe un supplémentaire S de Ker(u) dans E. On considère l’application v : S → Im(u) définie par v(x) = u(x). a)i) Vérifier que v est linéaire. ii) Montrer que v est injective. iii) Montrer que v est surjective. b) Conclure. Le théorème du rang permet de retrouver le résultat suivant: Théo. Soient E et F deux K-ev de dimensions finies. On suppose que dim E = dim F . Soit u : E → F linéaire. Alors les assertions suivantes sont équivalentes: i) u est un isomorphisme, ii) u est surjectif, iii) u est injectif. Prop. 22. Soient E et F deux K-ev de dimensions finies. Alors E × F est de dimension finie et sa dimension est dim E + dim F . Cor. 23. Soit k ∈ N∗ . Soient E1 , . . . , Ek des K-ev de dimensions finies. Alors E1 × . . . × Ek est de dimension finie et sa dimension est dim E1 + . . . + dim Ek . 4 Théo. 24. Soit E un K-ev de dimension finie. Soient F et G deux sev de E. Alors dim(F + G) + dim(F ∩ G) = dim F + dim G. Indications. On propose 2 preuves différentes. A] 1ère preuve. Soit F 0 (resp. G0 ) un supplémentaire de F ∩ G dans F (resp. G). Montrer que F + G = (F ∩ G) ⊕ F 0 ⊕ G0 . Conclure. B] 2ère preuve. Soit ϕ l’application de F × G à valeurs dans E qui à (f, g) associe f + g. Vérifier que ϕ est linéaire. Quelle l’image de ϕ? Vérifier que ∀x ∈ F ∩ G (x, −x) ∈ Ker(ϕ). Soit ψ l’application de F ∩ G dans Ker(ϕ) qui à x associe (x, −x). Montrer que ψ est un isomorphisme. Conclure. 5