Université de Strasbourg – Faculté de Philosophie – J-L Petit – cours 2010/11, 2
ème
sem. Licence 3
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4. Hua X, XXIX: „Gewiss, es war so gut wie selbstverständlich, dass Edith Stein bemüht war, nach
Möglichkeit zweifellos gewonnene Ergebnisse der Forschungen Husserls zugänglich zu machen, diese sorgfältig
trennend von dem, was problematisch war und blieb… Einerseits kommt in der Veröffentlichung von 1928 das
wahrhaft Problematische nicht eigens zur Sprache, andererseits bleibt das, was zur Sprache kommt, infolge einer
Vernachlässigung dieser Problematik selber in gewisser Hinsicht abstrakt, und endlich werden in dieser Abstraktion
unfassliche Inkohärenzen möglich.“ Boehm met le doigt sur une pareille incohérence, entre :
1) le passage (remontant au MS des leçons de 1905) où Husserl reproche à Brentano de ne pas avoir
suffisamment pris au sérieux la distinction acte – contenu dans la mesure où les actes n’apportent pas pour lui de
différences aux contenus ;
2) la remarque (en note dans l’édition de 1928, Hua X, p. 7) : „Aber dieser ganze Unterschied [sensuell – anders
als sensuell Empfunden] bleibt am besten beiseite; nicht jede Konstitution hat das Schema Auffassungsinhalt –
Auffassung“
5. La phénoménologie rattrapée par son propre psychisme.
En tant que phénoménologue, je n’ai pas à prendre position sur la réalité ou l’irréalité, l’effectivité ou l’ineffectivité de
choses transcendantes correspondant aux suites d’apparences concordantes qui se profilent dans mon vécu. Partant du
même principe, je n’ai pas non plus à prendre position sur la réalité d’un individu humain doté de facultés mentales
que je désigne comme « Moi ». Une description des phénomènes externes peut être poursuivie fort loin – peut-être
indéfiniment – sans qu’on soit obligé de rapporter les situations, propriétés ou états de choses décrits à des entités
métaphysiques du type « choses ». De même devrait-on pouvoir décrire et enchaîner les vécus dans le cours d’une
expérience consciente (ou de plusieurs) sans être obligé de rattacher à chaque fois ces vécus à l’individu particulier
dont ils composent les moments de la vie psychique. Parce que l’existence d’un être humain particulier n’est pas
moins transcendante par rapport au plan des phénomènes que la réalité physique des choses apparaissantes. Du moins
en principe. Au pôle objet, l’application d’un tel principe conduit à une abstraction des propriétés concrètes des objets
temporels au bénéfice des aspects logico-formels de leur individuation : un son, observe Ricœur, tend à être réduit à sa
propre unicité : un son. Au pôle subjectif, la description des vécus, se poursuivant avec une accentuation exclusive sur
leur stratification sans fin et leur dynamisme ininterrompu, tend à se maintenir dans une étrange lévitation au-dessus
d’un vide psychologique. La conscience constituante du temps se refuse à la détermination d’elle-même comme entité
temporelle existant dans un certain laps de temps. Au moins les vicissitudes de l’individu que je suis en dehors du fait
que je peux réfléchir la structure génératrice de temporalité qui règne au cœur de mon vécu, est-elle censée ne pas
interférer avec ce que cette réflexion dévoile. Bien plus, il ne faut pas hésiter à affirmer que les caractères temporels
de cet être individuel, à commencer par la possibilité de son individuation, tombent obligatoirement sous la juridiction
de la même conscience temporalisante. Cette assertion est-elle soutenable ?
6. L’héritage psychologique de la conceptualité.
On peut dans une certaine mesure s’enfoncer dans la description directe des exemples d’objets temporels (un son, un
mouvement) en cherchant à dériver des seuls aspects manifestes de l’objet considéré les structures essentielles
(eidétiques) de la possibilité de son extraction du contexte et de son maintien comme centre d’intérêt. Le prix à payer
pour cette option méthodologique n’est déjà pas négligeable : un son est dépouillé de ses caractéristiques habituelles :
intensité, hauteur (un do, un si bémol), timbre (son du violon ou de la voix humaine). À quel prix sera la mise hors
circuit de l’ancrage des opérations de la conscience constituante du temps dans l’activité mentale d’un individu
humain ? Le criblage de cette activité en ses étapes ou moments caractéristiques, tel qu’il est assumé dans la littérature
psychologique contemporaine, sera frappé de non pertinence. De stimulus (Reiz), d’impression (Empfindung),
d’appréhension (Auffassung), de perception (Wahrnehmung), enfin de jugement (Urteil) il ne pourra plus être
question. Toutes ces catégories renvoient à des propriétés naturelles, donc temporelles, de l’être naturel qu’est
l’individu humain. Vouées à la qualification d’un objet temporellement constitué, elles sont dépourvues de fonction
(transcendantale) constituante. Sauf qu’un son provoqué par aucune stimulation de l’organe auditif, n’éveillant aucune
impression auditive, objet d’aucune saisie attentive, dont on n’a nulle représentation perceptive et qu’on ne reconnait
pas comme le son de tel instrument, est un non-être ! La question est : quelle contribution implicite la psychologie du
temps a-t-elle à la phénoménologie de la constitution subjective du temps ?