Psychoscope 4/2016 PSYCHOLOGIE DU SPORT
inhabituelles. Les sportifs doivent faire face à des
conditions souvent inédites et à l’inconnu.
Un « espace émotionnel » inhabituel
Le gigantisme : voila qui décrit bien les Jeux olym-
piques. Les sportifs qui y ont participé, ne serait-ce
qu’une seule fois, n’oublient jamais cette expérience.
L’ambiance y est électrique et les athlètes serrent la
main d’hommes politiques et de hauts représentants
du pays. Ils évoluent dans des bâtiments et sur des ter-
rains spécialement construits et réalisés pour les Jeux
olympiques, dans un brouhaha provoqué par des mil-
liers de délégués et d’athlètes venus du monde entier,
entourés par plusieurs centaines de journalistes et des
centaines de milliers de spectateurs. Cette atmosphère
incomparable crée un « espace émotionnel », qui n’est
égalé par aucun autre événement sportif de grande am-
pleur. Cela peut donner des ailes aux athlètes et se tra-
duire par des performances records ou, au contraire,
être complètement paralysant. Le risque est de perdre
de vue l’essentiel, de céder à la pression et, contre toute
attente, de s’eondrer.
Les JO et leur contexte spécial conduisent cer-
tains athlètes à agir eux aussi de façon particulière.
Ils passent soudain outre les rituels mis en place, ou
décident d’utiliser un nouvel équipement qui n’a pas
été susamment testé au préalable. Ils agissent par
impulsion et modifient leurs habitudes de manière
non réfléchie. Ces comportements peuvent conduire
au désastre, comme ce fut le cas pour une athlète de
taekwondo très douée aux Jeux olympiques de Pékin
en 2008. La jeune femme avait pourtant de l’expé-
rience et avait en poche plusieurs médailles rempor-
tées aux Championnats du monde. L’atmosphère par-
ticulière de Pékin l’a toutefois déstabilisée : « J’avais la
sensation que tout comptait encore plus. J’ai été totale-
ment submergée par l’euphorie des Jeux. Je me disais,
si tu échoues, alors... Le contexte m’a totalement para-
lysée et j’ai eu un blackout. » Pour prévenir ce genre de
réactions, il est impératif que les athlètes trouvent leur
place dans ce gigantesque événement que sont les Jeux.
Il s’agit de prendre la mesure de l’aspect particulier du
Août 2008, JO de Pékin. Pris dans une
spirale de pensées négatives, le gym-
naste Claudio Capelli ne parvient pas
à développer pleinement son poten-
tiel. Quatre ans plus tard, il décide de
ne pas sous-estimer une nouvelle fois
le dé mental que représentent les
Jeux olympiques.
JÖRG WETZEL
Le gymnaste bernois Claudio Capelli est l’un de mes
clients. Il me parle des Jeux olympiques de 2008 à
Pékin : « J’étais tout simplement épaté. Quand j’ai réa-
lisé que tout cela avait été construit pour nous, je me
suis dit : ‘Ce n’est pas le moment d’échouer !’ Quand
j’ai réalisé que je représentais la Suisse, le poids a été
si lourd que je n’ai pas pu exploiter mon potentiel. »
Claudio Capelli a été déstabilisé par une erreur
minime commise en début de compétition. Des pen-
sées ont alors commencé à tourner en boucle dans sa
tête : « Surtout ne pas faire une autre erreur ! », « Un
faux pas de plus serait vraiment embarrassant ! Quelle
honte pour la Suisse ! ». Une erreur succédant à l’autre,
les pensées négatives se sont enchaînées, soldées par
une performance qui ne reflétait pas le véritable po-
tentiel du gymnaste.
Après cet échec à la compétition la plus impor-
tante de sa carrière, Claudio Capelli rentre en Suisse
et poursuit l’entraînement pour oublier cet épisode
malheureux. Une blessure le contraint à une pause
forcée. Il lui faut un an pour réussir à revenir sur son
expérience aux Jeux olympiques de Pékin. Il regarde
en larmes l’enregistrement vidéo de la compétition. Il
peut alors enfin commencer à travailler sur son trau-
matisme, y compris professionnellement.
Le contexte particulier des JO
Les futurs Jeux olympiques de Rio de Janeiro seront
eux aussi éprouvants pour les athlètes participants.
Ce gigantesque événement multisports est synonyme
de challenges particuliers. Il est en eet le seul à réu-
nir l’élite des athlètes du monde entier dans tous les
sports. Le niveau habituel de chaque discipline y est
plus élevé : le cadre olympique met les athlètes à plus
rude épreuve que les autres grandes manifestations
sportives.
Les mesures de sécurité et les règles vestimen-
taires y sont notamment plus strictes. Les athlètes
sont hébergés ensemble dans le village olympique et
doivent parcourir des distances importantes pour se
rendre sur les lieux des entraînements et des compéti-
tions. Les conditions d’entraînement sont par ailleurs
Le contexte spécique
des JO conduit des
athlètes à agir de
façon particulière.
Le gymnaste Claudio Capelli a été
plusieurs fois champion de Suisse en
compétition individuelle. 13