Evolution des comités de protection des personnes (CPP)

Inspection générale
des affaires sociales
Evolution des comités de protection des
personnes (CPP) évaluant les projets de
recherches impliquant la personne humaine,
après la loi "Jardé" du 5 mars 2012
Établi par
RAPPORT
- Janvier 2014-
2013-103R
Christian CAHUT Muriel DAHAN Philippe COSTE
Conseillers généraux des établissements de santé
2 IGAS, RAPPORT N°2013-103R
IGAS, RAPPORT N°2013-103R 3
SYNTHESE
L’attractivité de notre pays pour la recherche clinique est un enjeu dont la priorité est
aujourd’hui encore réaffirmée, au travers des stratégies nationales de santé et de recherche, ainsi
que des objectifs du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) et du Comité stratégique
de filière Industries et technologies de santé (CSF). La place de la France dans ce domaine sur la
scène internationale dépend bien sûr de la qualité des équipes et de leurs pratiques, mais aussi de
la fluidité des évaluations permettant à un projet d’être effectivement mis en œuvre, par des
inclusions de patients, dans des délais les plus réduits possible. L’Europe, consciente que ses
objectifs de simplification n’ont pas été favorisés par les règlementations antérieures, a pris
l’initiative de l’élaboration d’un Règlement, dont l’adoption est prévue pour le printemps 2014.
Cette démarche vise à réduire les contraintes et, de façon drastique, les délais, avec une obligation
de résultat au travers d’une mesure d’autorisation tacite en l’absence de réponse dans le délai.
En France, la loi Jardé du 5 mars 2012 vise à clarifier le champ de la recherche sur la
personne humaine, plus large que celui des recherches biomédicales encadrées par la loi
HURIET-SERUSCLAT de 1988 et ses modifications ultérieures, considérant trois catégories :
interventionnelles (stade 1), interventionnelles à risques et contraintes minimes (stade 2) et non
interventionnelles (stade 3). La loi Jardé, sans revenir sur les procédures d’autorisation par
l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) pour les essais
cliniques ou par la Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) pour les
collections d’échantillons biologiques, tente notamment de simplifier les circuits de recueil des
avis de comités d’éthique. Ces derniers sont en effet indispensables pour démarrer les recherches
de stade 1 et 2, mais aussi pour la publication des résultats de toute recherche dans des revues
scientifiques internationales appliquant les recommandations de Vancouver.
La loi fait des comités de protection des personnes (CPP), aujourd’hui reconnus comme
étant les comités d’éthique de la recherche en France, un guichet unique de soumission par les
promoteurs de projets entrant dans les trois catégories. En particulier, il est prévu que les
recherches non interventionnelles (stade 3) soient soumises aux CPP, alors qu’elles étaient en
grande partie évaluées sur leurs aspects protection des données personnelles par le Comité
consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la
santé (CCTIRS) du Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, dont l’avis est
sollicité avant autorisation de la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL). La loi
vise par ailleurs à diminuer l’hétérogénéité des actuels 39 CPP répartis sur le territoire, en créant
une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, et à améliorer la
transparence et la gestion des éventuels conflits d’intérêts, en instaurant une désignation par tirage
au sort du CPP chargé de l’évaluation d’un projet.
Les dispositions prévues par la loi Jardé ne pourront être mises en œuvre avant la
publication des textes d’application (un long décret et plus d’une centaine d’arrêtés) dont la loi
prévoit qu’elle doit intervenir avant le 1er juillet 2014. Or, les travaux en cours sur le Règlement
européen (RE) relatif aux essais interventionnels sur les médicaments, qui sera suivi de deux
glements sur les dispositifs médicaux et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DM et
DM-DIV), doivent être pris en compte pour éviter de publier des textes dont les dispositions ne
seraient pas compatibles avec la future législation européenne. Cette dernière s’appliquera sans
transposition, avec un délai d’application probable de deux ans. Certaines dispositions de la loi
Jar elle-même pourraient devoir être modifiées par ordonnance une fois le RE adopté.
4 IGAS, RAPPORT N°2013-103R
Dans ce contexte, auquel s’ajoute la mise en œuvre des dispositions de la loi relative au
renforcement de la sécurité sanitaire du médicament du 29 décembre 2011 qui, en modifiant le
mode de financement de l’ANSM, a imposé un passage en comptabilité publique des CPP, la
ministre des affaires sociales et de la santé a souhaité que l’Inspection générale des affaires
sociales (IGAS) :
1. Etudie les différentes modalités possibles d’organisation du recours aux CPP, notamment
selon trois hypothèses, en tenant compte d’exemples européens existants : tirage au sort
national, tirage au sort régional, création d’une instance unique en remplacement des actuels
39 CPP (en en précisant les modalités de fonctionnement) ;
2. Précise la nature de l’évaluation confiée au(x) CPP : aujourd’hui, ces instances évaluent tant
la pertinence scientifique et la méthodologie de la recherche que la protection des données et
des personnes (les questions de sécurité relevant quant à elles de l’ANSM) ;
3. Fasse des propositions visant à optimiser les délais d’évaluation des projets de recherche.
La mission désignée par le chef de l’IGAS, composée de Muriel DAHAN, Christian
CAHUT et Philippe COSTE, a consulté une abondante documentation, à commencer par le
précédent rapport de l’IGAS de 2005 sur le sujet. Elle a réalisé deux enquêtes, l’une auprès des
CPP, l’autre à vocation de comparaisons internationales auprès des conseillers des affaires
sociales des pays en disposant. Elle a conduit plus d’une cinquantaine d’entretiens, a rencontré les
acteurs européens, a visité six CPP, et a ainsi recueilli les éclairages d’une diversité très
importante d’intervenants.
Le principal constat a été celui d’une grande complexité d’un sujet que les réformes
successives ont toutes voulu simplifier. Le rapport de 2005 soulignait déjà à quel point les
difficultés des démarches d’évaluation des recherches biomédicales s’étaient amplifiées avec le
temps, et malgré la constitution depuis d’un « guichet unique » de soumission pour autorisation
des recherches sur les produits de santé et hors produits de santé (ces dernières étant
précédemment autorisées par la Direction générale de la santé DGS)1, le paysage n’a fait que
devenir de plus en plus touffu.
Aussi, la première ambition du présent rapport a été de décrire le plus clairement possible
une situation liant intimement les aspects règlementaires, scientifiques et les enjeux nationaux et
internationaux, concernant les recherches à promotion industrielle et institutionnelle, en prenant
en compte les exigences d’efficience et les perspectives de progrès et de développement majeur
attendu du recours à des bases de données.
La première question posée à la mission l’a conduite à étudier un par un les différents
scénarios possibles d’évolution de l’organisation du recours aux CPP, que l’actuel projet de
décret, voire les éventuels besoins de modifications législatives liés à l’adoption future des RE,
pourraient permettre juridiquement.
L’hypothèse proposée par la lettre de mission de la fusion des 39 CPP actuels en un
comité unique professionnalisé relève d’une logique de rationalisation pouvant paraître a priori
pertinente, au regard de la nécessité d’harmoniser les évaluations des CPP, et d’optimiser leurs
coûts de gestion. L’analyse détaillée réalisée par la mission conduit à l’exclure, en premier lieu en
raison du surcoût très important induit par la professionnalisation de fonctions aujourd’hui
assumées par des acteurs bénévoles (plus de 20M€ uniquement pour les ressources humaines,
versus 3,1M€ actuellement consacrés à l’ensemble du fonctionnement de tous les CPP), mais
également pour de multiples raisons tenant tant aux principes fondateurs de ces comités qu’aux
conditions de fonctionnement d’un tel comité.
1 Dont toutefois, comme indiqué précédemment, les collections d’échantillons biologiques restent exclus, puisque
relevant toujours d’une autorisation de la DGRI
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En effet, l’avis de personnes bénévoles non professionnelles, issues de la société civile,
sur la qualité et l’intelligibilité des protocoles de recherche demeure une garantie importante
d’indépendance et d’ancrage avec le terrain pour la protection des personnes qui se prêtent aux
recherches. L’absence de faisabilité technique, politique, matérielle, dans le respect de délais
contraints et la distorsion dans l’esprit ayant fondé les avis des CPP depuis la loi Huriet de 1988
conduisent à exclure l’option d’un comité national unique. Plusieurs autres hypothèses (un comité
unique pour les essais cliniques sur les médicaments, un comité par interrégion, quatre pargion)
s’avèrent également devoir être rejetées.
Avant d’envisager les scénarios à retenir, deux recommandations fondamentales sont
formulées par le rapport :
L’urgence de la construction d’un portail de soumission et de traitement des dossiers,
commun à tous les intervenants, qui doivent tous contribuer selon les circuits possibles à son
financement. La mission a sollicité l’ASIP, qui lui a confirmé la faisabilité du projet et en
chiffre les coûts prévisionnels de construction entre 800 000€ et 1,5M€. L’ANSM, en tant
qu’instance destinataire des projets déposés sur le portail européen prévu par le RE, ainsi que
de tous les projets qu’elle doit autoriser, devra recevoir les moyens adéquats pour assumer la
maîtrise d’ouvrage de ce portail, qui sera utile à tous les intervenants (les CPP n’étant qu’un
des maillons de la chaîne). Les sources de financement devront en conséquence être
multiples.
La neutralisation des potentiels conflits d’intérêts par la gestion des déclarations
publiques d’inrêts (DPI) et la désignation aléatoire2, à travers le portail, du CPP chargé de
l’évaluation du projet, avec des paramètres d’exclusion notamment du CPP implanté dans le
CHU de l’investigateur principal/coordonateur et/ou ayant été éventuellement sollicité en
amont pour conseil.
La mission retient ensuite un scénario principal à mettre en œuvre rapidement, devant être
opérationnel d’ici deux ans, lorsque le Règlement Européen sera applicable, et comportant :
La reconnaissance du service rendu par les comités et leurs membres, bénévoles et
permanents, et de la qualité des travaux qu’ils réalisent dans leur grande majorité, conduisant
à recommander la prudence quant aux réformes trop brutales et susceptibles de détruire un
équilibre fragile ;
L’évolution des CPP actuels et de leurs relations avec les ARS, leur répartition optimale
et les modalités de leur renouvellement faisant l’objet d’une réflexion commune ARS-CPP ;
La réorganisation progressive du réseau en fonction des besoins ;
Le rapport évoque également l’éventualité de la gestion du réseau par l’ANSM, par
analogie avec le réseau des centres régionaux de pharmacovigilance, mais cette option paraît
difficile à envisager dans l’immédiat et doit être discutée au sein du groupe de travail évoqué
ci-dessous ;
Le maintien d’un financement national, la mission appelant toutefois l’attention sur la
redistribution impérative des budgets des comités susceptibles de disparaître aux autres
comités, qui verront de ce fait leur charge de travail augmentée en conséquence ;
Le maintien d’une part d’évaluation scientifique par les comités, indissociable de
l’évaluation éthique, aucune frontière claire ne pouvant être tracée entre scientifique et
éthique. La répartition des rôles entre CPP et ANSM sera fonction des nouvelles procédures
imposées par le futur RE. Des échanges réguliers en cours de process d’évaluation des
« parties I et II » devront être instaurés et formalisés pour éviter de formuler des avis
contradictoires ;
2 Sans en faire une recommandation explicite, la mission évoque les options de tirage au sort : régional, interrégional,
national, l’option lui apparaissant la plus adéquate étant un tirage « Nord-Sud »
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