40 Nº 48 MARS 2016
Revue Lamy de la concurrence
choix de B et que le prix choisi est supérieur au prix choisi
par B, alors A ne vendra aucun bien et son profit sera nul,
tandis que B fournira tous les consommateurs. Ainsi, l’en-
treprise A est contrainte de tenir compte des choix de B
lorsqu’elle cherche à maximiser son profit. Cet exemple
très simple montre qu’une entreprise doit prendre en
compte les décisions de ses concurrents lorsqu’elle choi-
sit ses prix. La modélisation de la formation des prix d’une
entreprise doit donc refléter cet aspect.
En pratique, lorsqu’un petit nombre d’entreprises se fait
concurrence sur un marché en proposant des biens dif-
férenciés, on considère, d’une part, que les entreprises
choisissent leurs prix simultanément, d’autre part, que le
prix choisi par chaque entreprise maximise son profit en
fonction, entre autres, du prix optimal de ses rivaux(6). On
dit alors que les entreprises se font concurrence en prix.
D’autres modèles de concurrence permettent de modéli-
ser des situations où les biens produits par les entreprises
sont identiques ou lorsque les entreprises maximisent
leurs profits en choisissant la quantité à produire en fonc-
tion des quantités choisies par leurs concurrents(7).
L’important pour la formalisation du modèle de concur-
rence entre les entreprises du marché est d’identifier les
caractéristiques clés de la concurrence sur le marché afin
de les prendre en compte. Il faut pour cela effectuer une
analyse approfondie du marché et se demander quelle est
la variable stratégique (prix ou quantité), si les prix sont
fréquemment modifiés, si les investissements sont impor-
tants, etc.
Le modèle de concurrence permet d’obtenir l’expression
mathématique du prix qui maximise le profit de chaque
entreprise en fonction des choix des concurrents en
termes de prix et quantité, de la sensibilité aux prix des
consommateurs (les élasticités-prix estimées précédem-
ment) et des coûts de production.
Étape 3 : la vérification du modèle
Avant d’utiliser le modèle pour simuler la concentration, il
convient de vérifier qu’il reflète bien le comportement des
consommateurs et la concurrence entre les entreprises
avant la fusion. Pour cela, il faut vérifier que la relation
entre les facteurs-clés obtenue grâce au modèle permet
de retrouver les marges observées avant la fusion ou les
élasticités-prix estimées dans la première étape.
En pratique, on peut effectuer deux types de vérifications.
La première consiste à remplacer dans le modèle, d’une
(6) Voir par exemple le modèle de Bertrand dans une industrie de biens
différenciés dans l’article de Shaked, A. & J. Sutton (1982). Relaxing
Price Competition through Product Differentiation, Review of Econo-
mic Studies 49: 3-13.
(7) Voir Cournot, A. (1838). Recherches sur les principes mathéma-
tiques de la théorie des richesses. Hachette.
part, les prix et les quantités observés sur le marché,
d’autre part, les paramètres traduisant la sensibilité aux
prix des consommateurs et d’en déduire les marges(8) pré-
dites par le modèle avant la fusion. Une autre possibilité
consiste à remplacer dans le modèle les coûts marginaux(9)
(lorsqu’ils sont disponibles), les prix et les quantités et à
calculer les élasticités-prix correspondantes.
Si on ne retrouve pas les marges observées dans le pre-
mier cas ou les élasticités-prix estimées précédemment
dans le second cas, le modèle choisi est certainement
inadapté et il convient de modéliser la concurrence ou la
fonction de demande différemment. Si dans cette étape
de vérification on retrouve les marges observées ou les
élasticités estimées, le modèle peut être utilisé pour si-
muler la fusion.
Que change la concentration ?
Une concentration entre deux entreprises modifie le
nombre d’entreprises sur le marché et les coûts de pro-
duction de ces entreprises.
La fusion de deux entreprises A et B aboutit à la création
d’une nouvelle entreprise unique. Cela équivaut à une si-
tuation dans laquelle A et B maximiseraient leurs profits
comme une seule entité et ne seraient plus en concur-
rence. On dit en termes économiques qu’elles maximi-
seraient leurs profits joints, alors qu’avant la fusion elles
maximisaient leurs profits séparément. A et B opérant sur
le même marché, une hausse du prix de A provoque une
baisse des ventes de A et une hausse des ventes de B et
vice versa. En maximisant ses profits joints, la nouvelle
entité prend en compte l’effet positif d’une hausse de
prix d’un produit sur les ventes de l’autre produit, ce qui
lui permet d’augmenter ses prix. Les entreprises du mar-
ché qui ne participent pas à la fusion altèrent également
leurs choix puisqu’elles prennent leurs décisions en tenant
compte des choix des concurrents.
En outre, une concentration crée généralement des sy-
nergies qui peuvent faire baisser les coûts de production
des parties à la concentration et, par conséquent, les prix
de vente. Par exemple, deux entreprises spécialisées dans
la vente au détail pourraient réduire leur coût unitaire en
mettant en commun leurs réseaux de distribution. Ces
baisses de coûts sont appelées gains d’efficacité.
Les prix optimaux qui découlent du processus de formation
des prix décrit dans la partie précédente sont modifiés par
la concentration qui réduit le nombre d’entreprises sur le
(8) La marge correspond à la marge sur coûts marginaux donnée par la
formule suivante : m = (prix – coût marginal) / prix. En pratique, elle
est rarement disponible et est approximée par la marge sur coûts
variables moyens.
(9) Le coût marginal est le coût de production additionnel induit par la
dernière unité produite.