ASSEMBLÉE RÉGIONALE DE LA COCTI RAPPORT D’UN PARTICIPANT (Nairobi, 5-6 novembre 2010) Introduction Du 5 au 6 novembre 2010 a eu lieu à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Est (Nairobi, Kenya) l’assemblée de la Conference of Catholic Theological Institutions – Section Afrique. Le thème de cette rencontre était : La pratique de la théologie dans le contexte de l’interculturalité. Défis et Perspectives. Parmi les participants, on notait la présence du coordinateur pour l’Afrique de la COCTI, Léonard Santedi (Université Catholique du Congo), des représentants de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Est (Nairobi, Kenya), l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (Abidjan, Côte d’Ivoire), l’École Théologique Saint Cyprien (Yaoundé, Cameroun), l’Institut Saint Augustin (Kinshasa, RDC), l’Institut Saint Eugène de Mazenod (Kinshasa, RDC), Chemchemi Institute (Nairobi, Kenya), Tangaza College (Nairobi, Kenya), Hekima College (Nairobi, Kenya), Catholic Institute of West Africa (Port Hartcourt, Nigéria), l’Université Catholique du Congo (Kinshasa, RDC), et l’Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus (Abidjan, Côte d’Ivoire). Le président de la COCTI, Philippe Bordeyne (Institut Catholique de Paris) n’a pu prendre part à cette réunion, ainsi que le doyen de la faculté de théologie de l’Université Catholique de l’Afrique Centrale. L cérémonie d’ouverture a lieu en présence du Prof. J. C. Maviiri, vice-chancelier de l’Université. L’assemblée était organisée en présentations des différentes institutions sur le thème de référence. Les participants se sont aussi répartis en groupes linguistiques pour des carrefours de discussion dans l’après-midi du premier jour. L’assemblée régionale de Nairobi La cérémonie d’ouverture Placée sous la présence effective du Prof. J. C. Maviiri, la cérémonie d’ouverture a surtout consisté en une présentation mutuelle des participants et à l’expression des attentes de cette assemblée. En souhaitant la bienvenue aux participants, le vicechancelier de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Est a souhaité que cette rencontre puisse faire de l’unité de nos institutions une réalité effective. Après lui, la parole fut donnée au Prof. N. Soede, directeur exécutif de l’Association des Théologiens Africains. Il a également exprimé la particularité de cette rencontre. Au nom de l’ATA, il a souhaité plein succès à nos travaux. Au cours de cette même cérémonie, lecture fut donnée de la lettre du Prof. P. Bordeyne qui, pour des raisons de calendrier, n’a pu venir à Nairobi. Quant au Prof. L. Santedi, 1 coordinateur COCTI-Section Afrique, il a souligné le caractère inédit de cette assemblée régionale dont l’enjeu justifie l’expérience fondamentale de nos institutions respectives. Autour du thème de l’interculturalité, nous avons une riche perspective pour notre vivre-ensemble. Mais l’interculturalité demeure un défi car nos sociétés sont des compositions complexes. Nous devons, pour cela, nous poser des questions essentielles : quelle perspective éthique pouvons-nous donner à l’interculturalité ? Qu’est-ce qui est nouveau dans notre approche ? Comment vivre dans un contexte d’interculturalité tout en respectant les valeurs de chaque culture ? Autant de questions qui devraient nourrir la réflexion théologique. Les Conférences Les présentations venues des différents conférenciers ont abordé le thème de l’interculturalité sous plusieurs aspects. Tous ont reconnu l’importance du thème de notre rencontre. Il a semblé nécessaire à tous d’articuler le contexte de notre pratique de la théologique avec l’exigence d’une réflexion qui soit adéquate avec la culture. 1)- Catholic University of Eastern Africa (Clement Majawa). Après avoir présenté son institution, C. Majawa a relevé 4 grands défis de la pratique de la théologie à partir des dimensions informative, formative, performative et transformative. Du point de pratique, cela signifie que la pratique de la théologie doit répondre au souci d’annoncer les valeurs chrétiennes ainsi que nos propres valeurs, de dénoncer les structures du mal, de renoncer au péché et à l’immoralité, de renouveler toute la personne humaine. Pour lui, l’interculturalité doit inclure une part d’interspiritualité et d’internationalité. Comme dynamique d’un projet pédagogique, l’interculturalité doit tenir compte de l’itinéraire qui part de la tête, passe par le cœur, et arrive à la société. Une telle perspective permet de garder l’identité catholique de notre université. 2)- Hekima College (Marcel Uwineza, S.J.). Le représentant du « Dean of studies » de Hekima College a abordé la question de l’interculturalité par se demander si nous pouvons identifier les impacts du travail d’inculturation. A son avis, l’inculturation exige une compréhension intellectuelle de la doctrine de l’Église. Le rapport entre l’Évangile et la culture conduit à définir chaque fois les lieux d’application de l’interculturalité. En prenant en compte les défis de l’interculturalité, plusieurs domaines doivent être explorés : la famille africaine, le mariage coutumier, le sacrement des malades, la liturgie. 3)- École théologique saint Cyprien (Elvis Elengabeka, C.S.Sp). Une constatation s’impose. Au niveau de cette école, l’interculturalité est un fait. La diversité des cultures d’origine des étudiants et des enseignants. Il importe d’intégrer cette constatation dans la pratique de la théologie. Cela signifie que l’on tienne compte de l’héritage des études antérieures pour mieux intégrer l’étude de la théologie dans la vie sociale. La contribution de la réflexion théologique dans la résolution des 2 conflits interculturels doit trouver une dimension pratique. A la lumière de cette pratique, l’on constate une influence réciproque entre théologie et interculturalité. 4)- Institut saint Augustin (Valentin Ntumba). La question de l’interculturalité a été abordée sous l’angle de l’analogie entre l’époque de Paul (1 Co 8-10) et notre époque. Une herméneutique interculturelle nous conduit à ne pas confondre interculturalité et multiculturalité. L’une est une voie d’interaction, l’autre est une constatation. L’interprétation de ce passage de Paul est une invitation à appliquer l’interculturalité comme un nouveau paradigme de l’annonce de l’Évangile et de la mission dans le respect et l’ouverture des peuples à évangéliser. 5)- Institute of Catechetics and Pastoral Ministry (Sr Veronica Odera). La diversité d’origine de plusieurs étudiants implique la prise en compte des identités culturelles. C’est tout à la fois un défi et une bénédiction. L’ICAPAMI forme ses étudiants à comprendre vrai sens de l’inculturation. Voilà pourquoi le programme de formation insiste sur la théologie de l’inculturation, la spiritualité africaine, l’anthropologie humaine, l’analyse théologique et les guérisons en Afrique, etc. Étant une école de catéchèse, l’ICAPAMI travaille à proposer une catéchèse inculturée dans une atmosphère d’ouverture, d’écoute, et de dialogue. 6)- Tangaza School of Theology (Guido Oliana). La dimension de l’interculturalité est présente dans l’organisation du programme des cours. La question qui guide cette organisation est la suivante : comment promouvoir une pratique de la théologie qui aborde de façon critique et méthodique le thème de l’interculturalité ? Une première réponse viendrait de la perspective contextuelle de Tangaza School of Theology. La seconde soulignerait l’orientation du département de Mission Studies. Même s’il n’y a pas une réflexion sur une méthode théologique qui ferait de l’interculturalité le point essentiel, un choix de cours éléctifs indique les thèmes d’étude en lien avec le contexte africain. Même si l’interculturalité n’est pas l’expression d’une vision commune de cet établissement, on peut noter quelques principes méthodologiques qui intègrent bien la préoccupation des enseignements : l’herméneutique des sources théologiques telles les Écritures, la liturgie, le magistère), la théologie contextuelle, la corrélation interdisciplinaire entre la philosophie, les sciences humaines et naturelles, et la théologie, le développement de la théologie liturgique systématique, la promotion d’une théologie africaine rigoureuse. 7)- Faculté de Théologie de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (Joseph Koumaglo). Même si l’inculturation a toujours été une option fondamentale de la pratique de la théologie à l’UCCAO, le contexte actuel de la modernité et de la mondialisation conduit à considérer l’interculturalité comme une chance pour la théologie. Voilà pourquoi l’interculturalité doit être plus qu’une réalité physique. Sa nécessité trouve sa racine déjà dans les Écritures qui en montrent tout l’enrichissement (Lc 2, 23-24). La théologie doit aller vers les cultures car il n’existe pas une culture unique qui puisse rendre compte du donné révélé. La pratique de 3 l’interculturalité doit reposer sur trois : identité (l’unité doit être soulignée entre l’être africain et le message chrétien), relativité (une vision de Dieu ne peut être absolue), réciprocité (les prophètes apportent un plus dans la compréhension de Dieu). La mise en œuvre de ces principes passe par l’organisation des séminaires et des travaux de recherche. 8)- Institut Saint Eugène de Mazenod (Josée Ngalula). Selon la mission de l’Institut, l’interculturalité s’impose car la diversité culturelle des étudiants interroge la manière de faire la théologie et de l’enseigner. L’interculturalité, qui est la confirmation de l’internationalité, nous rappelle aussi que nous devons être humbles et modestes puisque les civilisations sont mortelles. Mais la découverte de l’autre ouvre à une meilleure conscience de soi. Plusieurs cycles de formation sont offerts pour marquer la dimension missionnaire des études : le cycle de 4 ans (pour les étudiants qui se préparent au sacerdoce), le cycle de 2 ans (pour les religieuses et religieux), le cycle de 6 mois (pour les missionnaires non-africains destinés à l’Afrique), le cycle de formation aux langues africaines, le cycle de formation permanente (pour les agents pastoraux). 9)- Catholic Institute of West Africa (Teresa Okure). La mission de CIWA est clairement orientée vers l’inculturation. Cette orientation trouve sa racine dans la théologie de l’incarnation. C’est une dynamique qui vise la transformation de la culture. A la lumière de ces présupposés, on comprend qu’il n’y a pas de conversion personnelle sans conversion culturelle. Contrairement à ce que beaucoup affirment, l’inculturation demeure le paradigme fondamental de la théologie de la libération. Il suffit de penser à la manière dont le dogme de l’Église est formulé : c’est bien une démarche d’inculturation. Et l’inculturation n’est pas une réalité qui existe en dehors de notre être en société. C’est un processus d’incarnation qui culmine en une réconciliation. 10)- Université Catholique du Congo (Rufin Mika). De sa longue expérience, la faculté de théologie de l’Université Catholique du Congo a pu tirer une dynamique de synthèse entre foi et culture. L’interculturalité se comprend donc comme une option méthodologique. Si l’inculturation demeure une priorité, l’interculturation n’est ni une théologie ni une nouvelle pratique. Elle est une mise à l’épreuve de nos sociétés. Notre avenir commun est bâti sur l’eau du baptême. Le travail qui se fait sur la base de l’interculturalité conduit à prendre conscience de la nécessité de revenir sur l’idée de l’identité. Celle-ci renferme le sentiment de la multiplicité d’appartenance et de la continuelle évolution. Dans cette complexité, il faut souligner le danger que représente la déculturation avec son corollaire qu’est l’affaiblissement de l’inculturation de la foi. 11)- Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus (Yvon Christian Elenga, S.J.). Le développement de la théologie a montré que la réinterprétation de la Bonne nouvelle demeure une tâche soumise à l’exigence de l’historicité des sociétés. Cette tâche a été caractéristique dans le christianisme des premiers siècles qui a trouvé, 4 dans la culture philosophique ambiante, le cadre d’une meilleure expression. Elle s’est poursuivie avec la même détermination au gré des tendances culturelles et des conditionnements historiques. Dans cette aventure, la formulation de la foi et l’approfondissement historique de ses énoncés n’ont pas détourné l’attention la conviction que traduit déjà la parole du Christ : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Mt 24, 35). En recevant le christianisme ainsi formalisé en ses énoncés, les terres lointaines recevaient en même temps une tradition ancienne, qui a été repris dans une tâche d’interprétation. Il s’agit là de la prise en compte d’une herméneutique de l’Évangile et de son annonce qui s’enracine profondément dans l’existence humaine. Celle-ci, quelque particulière qu’elle puisse être, s’inscrit dans la continuité de la mission de l’Église. Discussion et Recommandations des carrefours Des débats qui ont suivi chaque présentation, on doit retenir la nécessité de définir une méthode théologique pour approcher l’interculturalité. Il y a des préalables à cela. Du point de vue théorique, l’interdisciplinarité doit être affirmée. C’est elle qui permettra de mesurer l’importance de l’interculturalité dans sa dimension plurielle. La pratique de la théologie ne se réduit pas à l’enseignement. C’est un ministère quotidien qui détermine notre manière de vivre et notre manière de croire. Les deux carrefours, constitués en groupes linguistiques, ont proposé les recommandations suivantes : a. Que dans nos institutions la réalité de l’interculturalité s’intègre mieux dans nos enseignements. b. Que l’on provoque une interaction entre professeurs et étudiants pour tirer profit de la diversité des origines représentées dans nos institutions. c. Que l’interculturalité devienne un paradigme de l’annonce de l’Évangile et de la mission dans le respect et l’ouverture aux autres. d. Que la diversité culturelle devienne un élément fédérateur dans la résolution des conflits de culture ; qu’elle nous forme aussi la critique de notre propre culture. e. Que nos institutions travaillent à une redéfinition des méthodologies en théologie pour mieux souligner les aspects informatif, formatif et transformatif de la pratique théologique. f. Que la formation interculturelle soit attentive aux problèmes liés à la superstition, le tribalisme, etc. g. Que la prise en compte de l’interculturalité conduise à l’élaboration des programmes pastoraux pour les catéchistes et les communautés ecclésiales de base. 5 h. Que la formation théologique sur l’interculturalité soit enrichie par des cours d’herméneutique biblique, de patristique, de théologie historique et d’inculturation transformative. i. Que les facultés de théologie élaborent un projet contextuel qui explore et développe un langage, des images et des expressions interculturels pour communiquer les valeurs de l’Évangile dans les différents contextes missionnaires. j. Qu’une collaboration entre théologiens et la hiérarchie, les prêtres et les chrétiens laïcs s’établisse sur la base d’un sensus fidelium qui permette de trouver des solutions aux problèmes de notre monde et de notre Église aujourd’hui. k. Qu’une dynamique s’établisse entre la catéchèse, l’interculturalité et l’interreligiosité. l. Que les théologiens africains trouvent des voies d’un dialogue avec des hommes politiques africains autour des questions de mauvaise gouvernance, de sous-développement, de droits de l’homme, justice et paix, corruption, éthique chrétienne. La collaboration entre institutions théologiques Le souhait a été exprimé de voir nos institutions collaborer plus efficacement. Cette collaboration prendra plusieurs formes. a. Des échanges de revues entre institutions qui publient un support de recherche doit être obligatoire. b. Une présence d’un relai de la COCTI-Afrique au niveau local est nécessaire. c. Un échange de professeurs est vivement souhaité. Missio et COCTI sont prêts à trouver des aides pour cela. d. Une circulation plus régulière des travaux de uns et des autres permettra une meilleure connaissance de ce qui paraît sur le continent. e. L’idée d’une lettre d’information entre des institutions théologies catholiques africaines a été accueillie avec enthousiasme. Conclusion : Préparation de la rencontre de Pune (Inde) en novembre 2011 Le dernier point discuté lors de la rencontre de Nairobi concerne des questions pratiques relatives à la COCTI et l’assemblée de Pune. Il a été demandé au coordinateur de la section Afrique de nous donner plus d’informations concernant 6 les critères d’adhésion à la COCTI, la nature des institutions (instituts affiliés ou non) pouvant en faire partie. Le coordinateur a promis d’établir un directoire des adresses de toutes les institutions et d’envoyer à chaque institution les statuts de la COCTI. A propos de la rencontre de Pune, les participants à l’assemblée régionale de Nairobi souhaitent avoir de plus amples informations à propos des structures d’accueil, du prix de la participation à la rencontre, etc. Yvon Christian Elenga, S.J. Annexe : Liste des participants -Lénoard Santedi (Coordinateur COCTI-Secion Africa) -Yvon Christian Elenga (Institut de Théologie de la Compagnie de Jésus, Abidjan – Côte d’Ivoire) -Elvis Elengabeka (Ecole Théologique Saint Cyprien (Yaoundé- Cameroun) -Joseph Koumaglo (Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest-Unité Universitaire d’Abidjan, Abidjan - Côte d’Ivoire) -Clement Majawa (Catholic University of Eastern Africa, Nairobi - Kenya) -Rufin Mika (Université Catholique du Congo, Kinshasa - RDC) -Josée Ngalula (Institut Saint Eugène de Mazenod (Kinshasa - RDC) -Valentin Ntumba (Institut Saint Augustin, Kinshasa - RDC) - Veronica Odera (Institute of Catechetics and Pastoral Ministry, Nairobi - Kenya) -Teresa Okure (Catholic Institute of West Africa, Port Harcourt - Nigéria) -Guido Oliana (Tangaza College, Nairobi - Kenya) -Marcel Uwineza (Hekima College, Nairobi - Kenya) 7