Page 2 - & théologie n°3 - Janvier 2015
exorbitante d’un pareil Narcisse. Mais si nous étions appelés à comprendre cette phrase tout
autrement ? Si elle pouvait signifier que “Dieu” n’est que le prête-nom d’un pur excès – vain
en effet, exorbitant en effet – du monde et de l’existence sur eux-mêmes ? d’un pur et simple
rapport infini à l’infini ? »
Jean-Luc Nancy, L’Adoration. Déconstruction du christianisme 2, Paris, Éditions Galilée,
2010, p.31-32.
Lecture.
Le beau livre de Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être (Paris, Gallimard, nrf/essais,
2011) traverse toutes les disciplines enseignées à la faculté en invitant chacun à redécouvrir ce
qu’il sait pour l’avoir expérimenté, fût-ce fugitivement, et, trop souvent, oublié : il n’y a pas
d’un côté la lecture et de l’autre, la vie. Les formes littéraires qui se proposent dans la lecture
sont des formes de vie. Témoin de cette idée rectrice, cet extrait :
« Toute configuration littéraire indique ainsi quelque chose comme une piste à suivre, un
phrasé dans l’existant. Pour saisir cette dynamique, il faut considérer la lecture comme une
conduite, un comportement plutôt qu’un déchiffrement. Une conduite “dans” les livres :
question d’attention, de perception et d’expérience, cheminement mental, physique et affectif
à l’intérieur d’une forme de langage. Mais aussi conduite “avec” les livres, et même une
conduite “par” les livres, dans une vie guidée par eux : question d’interprétation, d’usage,
d’application de la lecture aux formes individuelles. La notion esthétique de “conduite”
permet justement de tenir ensemble une phénoménologie de l’expérience des œuvres et une
pragmatique du rapport à soi, car c’est précisément ce qui relève de l’expérience lectrice qui a
un avenir dans la grammaire de l’existence. Considérons donc la lecture comme un exemple
de conduite esthétique intégrée, qui se déploie sur un arc existentiel complet. Intégrée, c’est-à-
dire : non isolé des autres moments d’une esthétique de la vie quotidienne, de toutes les autres
conduites qui s’y trouvent mises en jeu. Loin des modèles sémiotiques ou narratologiques (qui
ont tendance à décrire l’activité de lecture comme une opération close sur elle-même, aussi
valorisée qu’elle est séparée, et qui peinent donc à faire entrer ensuite la lecture dans la vie),
l’expérience littéraire s’aligne ainsi sur les autres arts et sur tous les moments pratiques dont
elle est concrètement solidaire dans nos vies » (op. cit., p. 15).
Éléments bibliographiques.
Le principe d’une nouvelle collection d’ouvrages intitulée « Philosophie de la Religion » a été
accepté par le conseil de publication de l’Université de Strasbourg. Philippe Capelle-Dumont
et Yannick Courtel en sont les directeurs. Le premier volume, Religion et liberté, paraîtra au
début de l’année 2015.
Les lecteurs voulant approfondir la question de la relation entre philosophie et théologie
pourront se référer aux articles suivants de Philippe Capelle-Dumont : « Enseigner la
philosophie dans les Facultés ecclésiastiques et les Séminaires », Revue Seminarium, a. LII
(2012), n.2-3, p.461-471 ; « Pour une métaphysique de l’alliance. Penser le christianisme »
Annuario filosopfico, n° 29 (settembre 2014) Pisa/Milano ; « Que devient la phénoménologie