neuse (trinitrine ou nésiritide) sur une courte période présen-
tent une mortalité intrahospitalière significativement plus basse
(4,7 à 7,1 %) que celle des patients traités par inotrope positif
(dobutamine ou milrinone) (14 %). Au sein du groupe traité par
vasodilatateur, il n’apparaît pas de différence entre nésiritide et
trinitrine. Ces données sont confortées par les résultats prove-
nant de l’étude OPTIME-CHF (11), comparant la milrinone
intraveineuse au placebo chez des patients en insuffisance car-
diaque décompensée. Dans cette étude, l’administration de mil-
rinone augmente le risque d’échec précoce du traitement, de
survenue d’une hypotension soutenue et de troubles du rythme
supraventriculaire. Il y a aussi une tendance significative à une
mortalité hospitalière accrue (3,8 % versus 3,2 %, NS) ainsi
qu’une mortalité à 60 jours plus élevée. Cela semble plutôt
concerner les patients avec cardiopathie ischémique que ceux
avec étiologie non ischémique (11,6 % versus 7,5 % ; p = 0,03)
(17). De même, la morbimortalité (décès ou réhospitalisations)
est plus élevée avec la milrinone en cas de cardiopathie isché-
mique qu’avec le placebo (42 % versus 35 % ; p = 0,01).
La dobutamine a été comparée à un vasodilatateur intraveineux,
le nésiritide (18). Il apparaît une tendance à un plus faible taux
de réadmissions hospitalières sous nésiritide. Aucune différence
n’existe dans la durée d’hospitalisation. Mais le taux de morta-
lité à 6 mois est plus bas dans le groupe nésiritide à faible dose
(18 %) que dans le groupe dobutamine (31 %).
Nouveaux inotropes
Ainsi, une prescription de faible durée de drogues inotropes posi-
tives semble augmenter le risque global des patients après la sor-
tie d’hospitalisation comparativement aux agents vasodilatateurs
intraveineux. De ce fait, beaucoup d’espoirs reposaient sur les
nouveaux inotropes, et tout particulièrement le lévosimendan,
sensibilisateur au calcium et activateur des canaux potassiques
ATP-dépendants. Ce double mécanisme d’action est responsable
à la fois d’un renforcement de la contractilité et d’une améliora-
tion du flux sanguin (19). Le lévosimendan présente donc les
effets de chacune des deux grandes classes médicamenteuses uti-
lisées dans l’insuffisance cardiaque aiguë avec des mécanismes
d’action originaux. Comparativement aux inotropes positifs habi-
tuels qui nécessitent une quantité de calcium accrue dans les cel-
lules cardiaques, le lévosimendan agit en améliorant l’utilisation
du calcium par ses cellules. Plusieurs études ont testé le lévosi-
mendan dans l’insuffisance cardiaque (20,21). Elles ont pu fixer
les bases d’un intérêt pour ce nouveau produit, montrant notam-
ment une tendance à une supériorité en termes de réduction de
la morbimortalité par rapport à la dobutamine. L’étude SURVIVE
vient d’être présentée lors du dernier congrès de l’American Heart
Association (2005). Elle avait pour but de démontrer la supério-
rité du lévosimendan par rapport à la dobutamine dans la réduc-
tion de la mortalité globale à 6 mois de patients avec insuffisance
cardiaque aiguë décompensée. Malgré des effets plus favorables
attribués au lévosimendan, notamment une réduction plus impor-
tante des taux de Brain Natriuretic Peptide et une mortalité
moindre à 1 mois, le taux de mortalité à 6 mois apparaît stricte-
ment similaire pour les deux produits, tempérant ainsi fortement
les espoirs placés dans ce nouveau type d’agent inotrope.
Quels sont les arguments pour l’utilisation des agents
inotropes positifs ?
Il ne faut toutefois pas considérer les inotropes positifs comme
inintéressants dans l’insuffisance cardiaque aiguë et privilégier
uniquement les vasodilatateurs. En effet, bien que leur utilisa-
tion en routine se doive d’être prudente, les médicaments
inotropes positifs apparaissent particulièrement efficaces
lorsque l’insuffisance cardiaque aiguë s’accompagne d’un état
de choc cardiogénique avec collapsus hémodynamique. Les
patients ne répondent souvent qu’aux inotropes positifs, avec
un gain en termes de mortalité que l’on ne peut pas espérer avec
des vasodilatateurs seuls (5, 22).
L’étude ADHERE (16) concerne surtout des patients avec pres-
sions de remplissage élevées et perfusion tissulaire relativement
préservée. Les patients avec hypoperfusion sont souvent inca-
pables de tolérer les vasodilatateurs intraveineux et tirent plu-
tôt bénéfice des inotropes positifs, notamment des nouvelles
classes telles que le lévosimendan, qui ne nécessite pas d’ac-
croissement du calcium intracellulaire. D’autre part, lorsque les
inotropes positifs sont comparés à des vasodilatateurs dans des
registres tels que ADHERE, ils sont souvent employés dans les
cas extrêmes où la décompensation aiguë ne répond pas ou mal
aux thérapeutiques plus conventionnelles et considérées comme
moins agressives. Ainsi, dans ADHERE (16), le délai moyen
de début du traitement avec les inotropes positifs (dobutamine
ou milrinone) est deux à trois fois supérieur à celui des vaso-
dilatateurs, confirmant ainsi le recours à ces drogues inotropes
dans des conditions ultimes. De ce fait, il n’est pas impensable
que le pronostic des patients du groupe inotrope positif en soit
aggravé artificiellement comparativement à celui du groupe vaso-
dilatateur (22).
Y A-T-IL UNE PLACE POUR UN TRAITEMENT
CHRONIQUE ?
Traitement oral
L’utilisation des drogues inotropes positives en traitement chro-
nique oral a été abandonnée (15, 23). Tous les essais ont entraîné
une surmortalité. Seule la digoxine a démontré un effet neutre
sur la mortalité dans l’étude DIG (24), avec un petit avantage en
termes de morbidité dans les cardiopathies non ischémiques. Les
essais récents (études ESSENTIAL I et II) ont testé des inotropes
positifs administrés oralement à l’ère du blocage neurohormonal
sans plus de succès et avec un résultat strictement négatif en
termes de morbimortalité.
Traitement en cures intermittentes
Des perfusions intermittentes de drogues inotropes positives ont
été proposées en administration à domicile ou en ambulatoire à
l’hôpital. Des résultats divergents ont été montrés, avec parfois
une réduction des symptômes et des réhospitalisations, mais
aussi parfois une importante surmortalité précoce (15, 25, 26).
Il n’est donc pas certain qu’un réel bénéfice puisse être attendu
avec de telles stratégies. Toutefois, celles-ci sont encore prati-
quées chez des patients en attente de transplantation, ou comme
La Lettre du Cardiologue - n° 393 - mars 2006
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