Virus de la grippe: deux pistes pour de nouveaux traitements

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6.3.2009
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actualité, info
Virus de la grippe : deux pistes
pour de nouveaux traitements
L
a pandémie de grippe à virus
H5N1 n’a beau rester qu’une menace, ce virus continue à faire des
victimes, en Asie principalement, et les
épidémies saisonnières de grippe tuent
toujours des milliers de personnes dans
le monde. Deux nouvelles voies viennent de s’ouvrir pour améliorer les traitements contre la grippe. La première
est de bloquer les mécanismes précoces d’entrée du virus dans les cellules
humaines, en dirigeant des anticorps vers
une cible déjà classique : l’hémagglutinine. La seconde vise quant à elle les
virus ayant déjà pénétré à l’intérieur des
cellules, en les empêchant de détourner la machinerie de la cellule-hôte pour
se multiplier. Ces nouvelles pistes apparaissent au moment où les Centres
américains pour la surveillance et le
contrôle des maladies annoncent que
sur les 325 virus H1N1 testés provenant de la saison de grippe 2008-2009
aux Etats-Unis, 321 (98,8%) étaient résistants à l’oseltamivir (Tamiflu).1
Découverte d’anticorps à large
spectre
La difficulté de mettre au point un
vaccin durablement efficace contre la
grippe est liée à la variabilité des
hémagglutinines présentes à la surface
des virus. Ces protéines sont nécessaires à la reconnaissance des cellules
et à l’endocytose du génome viral dans
le cytoplasme cellulaire grâce à la fusion des membranes virale et cellulaire.
Des chercheurs américains dirigés par
Wayne Marasco, du Département de
médecine de la Harvard Medical School,
ont isolé à partir de dizaines de millions
d’anticorps monoclonaux humains une
petite famille de protéines capables de
contrer les quatre souches majeures
de H5N1 et tous les virus de la grippe
de type A, dont celui de la grippe espagnole et des grippes saisonnières
(H1N1).2 Ils ont ensuite déterminé la
structure atomique de la zone où se
fixent les anticorps: il s’agit d’une poche
située à la base des hémagglutinines
au niveau du peptide de fusion, dont la
séquence est très conservée entre les
virus. Lorsque les anticorps se fixent à
cette poche, les virus ne peuvent changer de forme, une étape requise pour la
fusion membranaire qui est alors inhibée. In vivo, des souris infectées par
des doses létales de virus ont survécu
grâce à l’injection de ces anticorps. Ces
découvertes pourraient ainsi permettre
de rediriger la réponse immunitaire des
vaccins, qui ciblent jusqu’à présent la
tête des hémagglutinines en constante
mutation, pour obtenir une immunité définitive.
Si l’on sait que c’est la sous-unité
PB2 qui reconnaît la coiffe à subtiliser
et s’y fixe, on supposait que soit PB1,
soit PB2 permettait de la cliver. C’est
en fait la sous-unité PA qui joue ce rôle
endonucléasique, comme l’ont notamment démontré des études biochimiques
menées au sein du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL)
de Grenoble.3 L’obtention de la structure tridimensionnelle de cette sous-
La technique du vol de coiffe élucidée
Le mécanisme par lequel le virus de
la grippe se réplique à l’intérieur des
cellules est bien connu : la polymérase
du virus de la grippe, composée de trois
chaînes PA, PB1 et PB2, réplique dans
le cytoplasme de la cellule hôte les huit
fragments d’ARN qui composent le génome du virus. C’est également elle qui
initie la traduction de l’ARN viral en protéines : elle coupe les coiffes des ARN
messagers de la cellule hôte, un mécanisme littéralement appelé «cap-snatching» ou «vol de coiffe», et en revêt les
ARN viraux. Leurrée, la machinerie cellulaire reconnaît les coiffes et synthétise
les protéines virales.
Représentation 3D de la polymérase du virus de la grippe
unité a permis de repérer le site actif de
cette sous-unité, qui est conservé chez
les trois souches virales utilisées, dont
deux humaines (Victoria et Johannesburg) et une aviaire. «PA est une cible
thérapeutique antivirale prometteuse.
L’inhibition du clivage de la coiffe est
un moyen efficace d’enrayer l’infection
car dans ce cas, le virus n’est plus en
mesure de se multiplier. Nous savons
désormais où concentrer nos efforts en
matière de développement de médicaments», précise Stephen Cusack, responsable de l’EMBL et qui a participé à
l’une des études.
Hémagglutinine
Neuraminidase
Marina Casselyn
Site de liaison
aux récepteurs
cellulaires
Génome viral (ARN)
et protéines
M1
M2
Membrane
lipidique
Peptide
de fusion
Structure du virus de la grippe
A droite : un des trois monomères de l’hémagglutinine
Crédit :Wang T. et Palese P., Nat Struct Mol Biol 2009, édition en ligne du 22 février
0
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 12 janvier 2008
1 www.cdc.gov/flu/weekly/
2 Sui J, Hwang W, Perez S, et al. Structural and functional bases for broad-spectrum neutralization of avian and
human influenza A viruses. Nat Struct Mol Biol 2009;
édition en ligne du 22 février.
3 Dias A, Bouvier D, Crépin T, et al. The cap-snatching
endonuclease of influenza virus polymerase resides in
the PA subunit. Nature 2008; édition en ligne du 4 février.
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 11 mars 2009
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