Le syndrome chinois (décembre)

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W ILLIAM S TERLING
S TRATÈGE M ONDIAL
Le syndrome chinois
Plus tôt cette année, beaucoup d’experts financiers prédisaient une déflation et s’inquiétaient de
voir les États-Unis revivre l’expérience connue par le Japon dans les années 80. D’aucuns se sont
maintenant ravisés, à en croire un article du Wall Street Journal intitulé « Certains craignent un
retour imminent de l’inflation ».
Y a-t-il un élément de vérité dans ces deux
peurs? La confusion viendrait-elle de ce que
certains secteurs de l’économie mondiale
subissent encore d’intenses pressions déflationnistes, tandis que d’autres vivent une
résoudre des problèmes de plomberie, vous ne
risquez pas d’appeler au Sri Lanka.
Inflation et déflation
Par contre, les prix des biens n’ont pas progressé
depuis dix ans. Ou plutôt : ils ont augmenté
légèrement pendant sept ans et diminué constamment depuis trois ans. Pensez aux lecteurs
de DVD qui se vendent à moins de 60 $. Pensez
aux ordinateurs bradés à moins de 600 $. Pensez
à tous les articles bon marché de votre Wal-Mart
local. Pensez : « Made in China ».
Commençons par ce que nous appellerons le
tableau du syndrome chinois (tableau 1). Il
illustre l’évolution des deux principaux
moteurs de l’inflation aux États-Unis, les prix
des services de base et ceux des biens de base.
« De base »… même si les indices excluent
les composantes volatiles comme les denrées
alimentaires et l’énergie. Nous savons bien
que tous consomment de l’énergie et mangent tous les jours – mais soyez indulgents.
LE SYNDROME CHINOIS
Prix à la consommation aux États-Unis
Biens de base / Services de base
140
Services
130
1994 =100
joyeuse relance ? Et qu’est-ce que cela veut
dire pour l’investisseur ?
120
Alors, qu’est-ce à dire ? Vivons-nous dans
un monde d’inflation ? De déflation ? Ou
les deux ?
110
Biens
100
90
1994
Source : FactSet
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
ANNÉE
Tableau 1 : L’inflation, c’est peut-être une question de point de vue. L’inflation
des prix des services est restée relativement constante, à 3 %, mais les prix
des biens ont chuté en raison de l’intense concurrence mondiale.
Le tableau montre une augmentation constante des prix des services, année après année.
Oublions les récessions ou les cycles boursiers,
les prix des services semblent être sur le pilote
automatique. De nombreux secteurs de services sont entièrement nationaux, c’est-à-dire
qu’ils n’ont pas à soutenir une concurrence
internationale intense. Par exemple, pour
Rien de surprenant si investisseurs et responsables des politiques économiques sont tout
aussi confus les uns que les autres. La Réserve
fédérale américaine a audacieusement assoupli ses politiques ces dernières années, faisant
chuter le taux des fonds fédéraux à 1 %
(voir tableau 2). Mais l’économie n’a créé
aucun emploi – jusqu’à tout récemment.
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PA G E 3
Le syndrome chinois (suite)
Ou peut-être quelques millions d’emplois –
en Chine, qui, en passant, doit créer
22 millions de nouveaux emplois chaque année
pour absorber les migrants ruraux. Avec
pareille toile de fond, de sincères craintes de
déflation sont nées chez ceux qui se souciaient
principalement de la baisse des prix des biens
manufacturés et des pertes d’emplois massives
dans le secteur manufacturier.
Le boom présidentiel de M. Bush ?
Maintenant, de nombreux rapports économiques laissent toutefois entendre que
l’économie mondiale reprend enfin vie.
L’économie américaine, en particulier, a
connu un impressionnant taux de croissance
STIMULUS - ASSOUPLISSEMENT MAJEUR DE LA
POLITIQUE MONÉTAIRE DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE
Taux des fonds fédéraux américains (%)
10
8
6
4
2
0
88
90
92
94
96
98
00
02
ANNÉE
Source : FactSet
Tableau 2 : La politique monétaire a fourni un stimulus économique majeur,
notamment pour les secteurs plus sensibles aux taux d’intérêt comme la
construction domiciliaire.
de 8,3 % au troisième trimestre et les bénéfices
ont crû de 30 % par rapport à l’année précédente. Or, ce type de chiffres est généralement
associé aux marchés émergents, non à une
économie de 11 billions $. Même le secteur
manufacturier essoufflé a apparemment réussi
un retour, car le très surveillé indice manufacturier de l’ISM a augmenté en novembre à
62,8, sa plus haute valeur depuis deux décennies (voir tableau 3). Le président Bush en est
sûrement très heureux.
Mais il n’y a pas que nos voisins du Sud –
la reprise semble mondiale. Nous venons
d’apprendre d’un analyste japonais qu’au
cours des derniers mois, la production industrielle nippone a crû à un taux annualisé de
près de 20 % surtout grâce aux exportations
vers la Chine. Bien qu’il faille peut-être
tempérer légèrement ces statistiques, il
convient de noter que le cycle commercial
mondial est maintenant si fort que même un
Japon autrefois moribond affiche d’intéressants résultats. Bien entendu, la Chine a
connu un formidable essor cette année,
comme de nombreux autres pays asiatiques
en voie de développement qui ont profité de
l’importante baisse des taux d’intérêt et de la
reprise du commerce international.
Même l’Europe, qui traînait quelque peu de
l’arrière, montre des signes d’activité
économique plus solide. L’indice IFO du climat des affaires en Allemagne, par exemple, a
nettement augmenté depuis avril, dénotant
un redressement de la confiance chez les
dirigeants d’entreprise allemands. Au RoyaumeUni, la conjoncture semble assez bonne pour
que la Banque d’Angleterre juge opportun de
hausser les taux d’intérêt.
L’attaque du monstre de l’inflation aux 50
tentacules
Comme c’était à prévoir, les investisseurs
inquiets devant l’éventualité d’une déflation,
il y a quelques mois, craignent aujourd’hui
le retour de l’inflation. Certes, les marchés
financiers ont connu des « transactions
de relance ». Les actions ont surclassé les
obligations et le rendement des obligations est
en hausse depuis le début de l’année. Le
cours des produits de base augmente et les
« devises fondées sur les produits de base »
comme le dollar australien, le dollar canadien
et le rand sud-africain ont monté en flèche.
Les actions cycliques ont également remonté.
Nous croyons que les transactions de relance
auront encore la faveur des investisseurs pendant une bonne partie de 2004, mais pas
nécessairement autant qu’en 2003. Malgré
une croissance bien plus solide, la Réserve
fédérale a indiqué clairement qu’elle n’était
pas pressée de relever les taux d’intérêt pour
l’avenir prévisible. Beaucoup de capacité reste
encore inexploitée dans le monde et le
marché du travail des États-Unis commence à
peine à se rétablir. Préconisant un taux d’inflation de base annuel d’à peine 1,3 %, la
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PA G E 4
Le syndrome chinois (suite)
Réserve fédérale s’inquiétait à juste titre que
l’économie puisse glisser vers la déflation au
moindre choc boursier.
Pourquoi risquer un dérapage du côté d’une
déflation de type japonais, qui pourrait être
très complexe à renverser ? Si l’inflation s’accélérait quelque peu, la Réserve fédérale est
convaincue de savoir comment y faire face
par la suite. Son message implicite aux
investisseurs est donc le suivant : C’est la fête !
Prenez des risques et la Réserve fédérale
protégera vos arrières pendant très longtemps
avec de faibles taux d’intérêt.
La politique de la Réserve fédérale a eu des
effets secondaires désagréables pour les
RÉPONSE - SOLIDE CROISSANCE
Indice manufacturier de I'ISM
64
60
56
investisseurs étrangers en suscitant une baisse
du dollar américain sur les marchés des devises. Le recul de 20 % de la valeur relative du
billet vert par rapport au dollar canadien cette
année en est un exemple (voir le tableau 4).
Bien que cette baisse ait déçu les investisseurs,
elle semble être un effet collatéral inévitable
de la politique de relance de la Réserve
fédérale – qui paraît avoir réussi à rétablir la
croissance mondiale.
La montée soudaine du dollar canadien et
d’autres devises fondées sur les produits de
base témoigne également du « syndrome
chinois ». D’une part, l’essor de la Chine a
généré de fortes pressions déflationnistes et
des pertes d’emploi dans d’importants
secteurs comme le secteur manufacturier,
surtout aux États-Unis, dont le marché est
particulièrement ouvert aux importations
chinoises à bas prix. Une partie de la faiblesse
du dollar est donc attribuable aux faibles taux
d’intérêt auxquels la Réserve fédérale a été
contrainte de faire appel dans sa stratégie de
lutte contre la déflation.
aux ressources naturelles à l’autre – le pays en
sort doublement gagnant : le cours des
ressources naturelles y gagne en raison de la
hausse subite du cours des produits de base
tandis que les actions financières y gagnent
dans un environnement de faibles taux
d’intérêt. Et ce climat semble s’être installé
pour quelque temps – du moins tant que la
Chine et les États-Unis ne commenceront pas
tous deux à resserrer simultanément leurs
politiques monétaires pour de bon.
Cependant, toute la question est là, comme le
disait un article du Wall Street Journal sur les
craintes d’une inflation, accompagné d’une
caricature de « L’attaque du monstre de
l’inflation aux 50 tentacules » : L’inflation
mondiale risque-t-elle d’augmenter soudainement en raison des importations massives de
cuivre et d’acier en Chine ? Ou l’afflux de ces
produits de base finira-t-il par être compensé
par le bassin apparemment inépuisable de
main-d’œuvre chinoise à 0,60 $/heure qui
permettra d’inonder les marchés mondiaux
avec davantage de produits peu coûteux ?
52
48
44
40
36
88
90
92
94
96
98
00
02
ANNÉE
Source : FactSet
Tableau 3 : Malgré les craintes d’une déflation plus tôt cette année, de récents
rapports économiques allant du rapport du PIB à l’indice manufacturier de l’ISM
dénotent une solide reprise en cours.
D’autre part, l’essor de la Chine a aussi causé
une flambée des cours de nombreux produits
de base. C’est un grand atout pour un pays
comme le Canada qui regorge de ressources
naturelles et qui peut ainsi bénéficier directement de pareilles hausses. En effet, si l’on se
représente le marché boursier canadien
comme un « haltère » – avec les actions
financières à une extrémité et les actions liées
Les puces et la Chine
Notre vision est assez simple. Pour comprendre la dynamique de l’inflation, cessez de surveiller le cours des produits de base à toutes
les dix minutes et jetez un coup d’œil aux
données sur les coûts de main-d’œuvre une
fois par trimestre. En gros, la main-d’œuvre
représente près du deux tiers des coûts de
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Le syndrome chinois (suite)
production et devrait continuer à subir
certaines pressions pendant quelque temps en
raison du syndrome chinois, du syndrome
indien et d’autres forces de mondialisation
intenses.
Ils peuvent servir pendant des années et, dans
le cas des sociétés aériennes, commencent à
remplacer des agents aéroportuaires payés
de 20 000 à 40 000 $ par année, avantages
sociaux et vacances en sus.
Oh, j’allais oublier la technologie. Nous
avons été intrigués récemment par un article
du New York Times sur l’accroissement
de l’acceptation par les clients des bornes
d’enregistrement automatisées des sociétés
aériennes aux aéroports et des caisses de sortie
de type guichet automatique de magasins
comme Home Dépôt. L’auteur soulignait que
l’installation de chacun de ces systèmes, dont
l’utilisation devenait sans cesse plus simple,
coûtait généralement quelque 10 000 $.
Un peu d’arithmétique. Supposons qu’un
système est utilisé 16 heures par jour, sept
jours sur sept, pendant quatre ans. Cela équivaut à 23 360 heures de travail pour 10 000 $.
Soit 0,43 $ l’heure – encore plus bas que le
salaire horaire moyen en Chine. Rien d’étonnant que les entreprises remplacent activement la main-d’œuvre par la technologie.
EFFETS SECONDAIRES - FAIBLESSE DU DOLLAR AMÉRICAIN
Valeur du dollar américain en dollars canadiens
1,7
1,6
Il n’y a peut-être pas que le syndrome chinois à
l’œuvre ici. Nous touchons à un thème plus
large, celui des « puces », comme dans « puces
informatiques », et celui de la « Chine »
comme dans Chine, Inde, Indonésie,
Pakistan, Amérique latine, Afrique et ainsi de
suite – environ cinq milliards de personnes qui
tentent simultanément de se tailler une place
dans l’économie mondiale.
1,5
1,4
1,3
1,2
1,1
88
90
92
94
96
98
00
02
ANNÉE
Source : FactSet
Tableau 4 : Pour l’investisseur canadien, un effet secondaire fâcheux des
stimulus monétaires américains a été l’important recul du dollar américain –
ainsi que les craintes reliées au maintien de cette tendance.
Ce qui ne veut pas dire que la Réserve fédérale
ne relèvera plus les taux. Comme nous l’expliquions le mois dernier, il y a de grandes
chances que Greenspan et compagnie doivent
abandonner leur politique de taux d’intérêt
ultra-faibles vers le milieu de 2004. Cependant,
étant donné le grand ralentissement de
l’économie mondiale et le maintien de
l’intense concurrence mondiale, nous ne
serions pas surpris que 2004 soit une année de
robuste croissance internationale et de faible
inflation soutenue.
Et pour les investisseurs, cela voudrait dire
une très Bonne Année.
Joyeuses Fêtes et meilleurs vœux de bonheur
et de prospérité pour le Nouvel An.
William Sterling,
Directeur des placements
Trilogy Advisors
D’une manière ou d’une autre, ça ne
ressemble plus à « L’attaque du monstre de
l’inflation aux 50 tentacules ». Il semble
plutôt que la Réserve fédérale a de très bonnes
raisons de ne pas se hâter à resserrer
énergiquement sa politique monétaire.
Et elle a de solides motifs d’encourager
l’avènement d’un boom pour veiller à ce que
le monde ne glisse pas accidentellement vers
la déflation.
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