Bon usage des inhibiteurs de la pompe a` protons : étude

Bon usage des inhibiteurs de la pompe a
`protons :
e
´tude observationnelle des prescriptions en milieu hospitalier
Rational use of proton pump inhibitors: observational study of hospital prescriptions
M. VILLIET
1
, L. GIRAUDON
1
, C. COMBESCURE
2
, S. HANSEL-ESTELLER
1
1
CHRU Montpellier, Pharmacie Lapeyronie-ADV, Hôpital Lapeyronie, Montpellier
2
Institut universitaire de recherche clinique, Faculté de médecine de Montpellier, Université Montpellier I, Montpellier
Re
´sume
´.
Les inhibiteurs de la pompe a
`protons (IPP), largement utilise
´s en ville et a
`l’ho
ˆpital, sont responsables de for-
tes de
´penses pour l’assurance-maladie. L’objectif de notre e
´tude est de mesurer la conformite
´a
`l’AMM des traite-
ments par IPP mis en place ou poursuivis au CHRU de Montpellier, et d’estimer si ces traitements e
´taient re
´e
´value
´sa
`
la faveur de l’hospitalisation. Nous avons re
´alise
´une enque
ˆte prospective et observationnelle sur 1 mois dans les prin-
cipaux services prescripteurs d’IPP per os du CHRU de Montpellier, et nous avons mesure
´la conformite
´de ces traite-
ments, durant l’hospitalisation et en sortie d’hospitalisation. Nous avons suivi les traitements de 269 patients. Les pres-
criptions e
´taient conside
´re
´es comme non conformes dans 82 % des cas. Durant la pe
´riode d’hospitalisation e
´tudie
´e,
34 % des traitements ont e
´te
´initie
´set62%e
´taient poursuivis a
`l’ho
ˆpital (avec respectivement 89 % et 78 % de traite-
ments non conformes). Les traitements non conformes, initie
´s ou poursuivis en hospitalisation, e
´taient majoritairement
reconduits a
`la sortie. Au moins 20 % des patients traite
´s par IPP avant hospitalisation ont vu leurs traitements modifie
´s
et sont sortis avec des prescriptions d’e
´some
´prazole, IPP le plus one
´reux pour l’assurance-maladie. Le me
´susage des
IPP est important. Les traitements initie
´sa
`l’ho
ˆpital, qui pourraient se limiter a
`la pe
´riode d’hospitalisation, sont pour-
suivis a
`la sortie. Les traitements initie
´s avant l’hospitalisation sont reconduits, sans re
´e
´valuation par les e
´quipes me
´di-
cales. De plus, avec l’exemple de l’e
´some
´prazole, il semble que les prescriptions hospitalie
`res peuvent avoir une
influence sur les prescriptions en ville. Une meilleure coordination entre le secteur hospitalier et le secteur ambulatoire
devrait permettre d’assurer le bon usage global de ces me
´dicaments.
Mots cle
´s:
inhibiteurs de la pompe a
`protons, bon usage, conformite
´, impact hospitalier
Abstract.
The proton pump inhibitors (PPI), widely used in ambulatory and at the hospital, are responsible for strong
expenses for French healthcare system. The purpose of our study is the measure of the PPI treatments conformity, ini-
tiated or continued in Montpellier teaching hospital, and the assessment of the PPI treatments reevaluation through
the hospitalization. We realized a prospective and observationnal study during 1 month, in the main prescriptors
units of oral PPI in Montpellier teaching hospital, and we measured the conformity of these treatments, during the hos-
pitalization and at the hospital discharge. We have studied the treatments of 269 patients. The prescriptions were
considered inappropriate in 82% of cases. During the hospitalization, 34% of treatments were introduced and 62%
were pursued to the hospital (respectively inappropriate in 89% and 78% of cases). The unconformed treatments,
introduced or continued in hospital, persist after the end of the hospitalization. More than 20% of patients treated by
PPI different of esomeprazole before hospitalisation were discharged with prescriptions of esomeprazole, the most
expensive PPI for French heath insurance. The misuse of the PPI is important. Treatments initiated in hospitalization,
who might be limited, are continued after hospitalization. The treatments started before hospitalization aren’t reeva-
luated by the hospital medical teams. With the esomeprazole example, we pointed that the hospital prescriptions
seem to have repercussions in general practice. A best coordination between hospital and ambulatory sectors seems
to be important for assured the rational use of these drugs.
Key words:
protons pump inhibitors, rational use, conformity, hospital impact
ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE
J Pharm Clin 2009 ; 28 (3) : 135-40
doi: 10.1684/jpc.2009.0122
*Correspondance et tire
´sa
`part : M. Villiet
J Pharm Clin, vol. 28, n
o
3, juillet-aou
ˆt-septembre 2009 135
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) constituent
une classe thérapeutique efficace, largement utilisée
en ville comme à lhôpital. Leurs propriétés thérapeu-
tiques, associées à un très bon profil de tolérance, en font
les médicaments de choix des traitements préventifs et
curatifs de nombreuses affections œsophagiennes et
gastro-intestinales.
En France, 5 molécules appartenant à cette classe médica-
menteuse sont commercialisées : oméprazole (Mopral
®
et
Zoltum
®
), pantoprazole (Eupantol
®
et Inipomp
®
), lanso-
prazole (Lanzor
®
et Ogast
®
), rabéprazole (Pariet
®
) et éso-
méprazole (Inexium
®
). Les différentes indications, donnant
lieu à des Autorisations de mise sur le marché (AMM) sont
rappelées dans le tableau 1.
Depuis août 2005, la mise en place du Contrat de bon
usage vise notamment à améliorer et à sécuriser le circuit
du médicament. Les molécules onéreuses et innovantes
doivent faire lobjet dune utilisation raisonnée et protoco-
lisée. Il nous a semblé intéressant de mener une réflexion
similaire sur les IPP, molécules moins onéreuses pour
lhôpital mais dont lutilisation fréquente, notamment en
ambulatoire, représente une forte dépense pour notre
société, en terme de remboursement pour lassurance-
maladie. En 2005, les remboursements liés aux prescrip-
tions doméprazole représentaient 272 millions deuros,
152 millions deuros pour lansoprazole et 122 millions
deuros pour pantoprazole [1], ce qui positionne la classe
des IPP au 3
e
rang des classes médicamenteuses les plus
coûteuses pour lassurance-maladie et la situation na pas
évolué en 2007 [2].
Afin de développer une approche en adéquation avec le
Contrat de bon usage, nous avons étudié lutilisation des
IPP au sein de notre établissement de santé, ainsi que
limpact de lhospitalisation sur les prescriptions de sortie
dIPP.
Lobjectif principal de notre étude est de mesurer la confor-
mité à lAMM des traitements par IPP mis en place ou pour-
suivis au CHRU de Montpellier.
En objectif secondaire, nous avons évalué limpact de
lhôpital, et notamment de ses structures décisionnelles tel-
les que la Commission des médicaments et des dispositifs
médicaux stériles (Comedims), sur lutilisation globale des
IPP dans la prise en charge dun patient.
Mate
´riel et me
´thodes
Nous avons réalisé dans 7 services du CHRU de Montpel-
lier une étude observationnelle sur des patients traités par
IPP per os entre mai et juillet 2006. Le recueil de données
sest déroulé pendant 1 mois dans les principaux services
prescripteurs dIPP par voie orale : immuno-rhumatologie,
endocrinologie, néphrologie, médecine interne, cardiolo-
gie, pneumologie et hépato-gastro-entérologie. Le recueil
de données a été exhaustif dans les services considérés sur
la période de recueil. Les ré-hospitalisations de patients
déjà inclus, que ce soit dans leur service dorigine ou
dans un autre service étudié, nont pas été prises en
compte.
Les données ont été recueillies dans les dossiers médicaux
des patients à laide dune grille de recueil standardisée et
anonymisée. Le recueil a été effectué par un interne en
pharmacie, aidé par 3 étudiants en 5
e
année hospitalo-
universitaire (AHU).
La grille de recueil a permis de colliger les informations
suivantes :
les caractéristiques des patients : âge, service daffecta-
tion, durée de séjour, antécédents médicochirurgicaux et
facteurs de risque de complication gastro-duodénale ;
lorigine du traitement par IPP : instauré ou poursuivi lors
de lhospitalisation ;
les IPP prescrits : molécule et posologie quotidienne ;
les IPP délivrés : molécules (parfois différentes de la pres-
cription selon le référencement de lhôpital) ;
lindication du traitement par IPP (lorsque le motif de
traitement par IPP nétait pas renseigné au dossier médi-
cal, lindication était considérée comme non renseignée) ;
la conformité de la prescription dIPP par rapport à
lAMM (tableau 1). Les situations hors AMM correspondent
soit aux traitements dont lindication est hors AMM, soit
Tableau 1. Indications AMM des différents IPP commercialisés en France en 2008 (selon le Vidal 2008).
Mole
´cule Ome
´prazole Esome
´prazole Lansoprazole Pantoprazole Rabe
´prazole
Dosage (mg) 10 mg 20 mg 20 mg 40 mg 15 mg 30 mg 20 mg 40 mg 10 mg 20 mg
TraitementsymptomatiqueduRGO XXXXXX
Traitement symptomatique de l’œsophagite par RGO X X X X X X X X
TraitementdentretiendelœsophagiteparRGOXXXXXXX
Traitement pre
´ventif des re
´cidives de l’œsophagite
par RGO
XXX
Traitement symptomatique de l’ulce
`re gastrique X X X X X
Traitement symptomatique de l’ulce
`re duode
´nal X X X X X
Traitement d’entretien de l’ulce
`re duode
´nal X X X
Traitement curatif des le
´sions gastroduode
´nales
induites par les AINS
XX X
Pre
´vention des le
´sions gastroduode
´nales induites
par les AINS
XXXX
E
´radication d’Helicobacter pylori en cas d’ulce
`re
gastroduode
´nal
XX X XXX
Traitement symptomatique du syndrome de
Zo¨llinger-Ellison
XXXXXXX
M. Villiet, et al.
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aux traitements dont la molécule ne possède pas dAMM
pour lindication relevée, soit aux traitements dont la justifi-
cation nétait pas retrouvée dans le dossier médical ;
lexistence ou non dune prescription dIPP à la sortie de
lhôpital.
Lanalyse descriptive a été réalisée en calculant la
médiane et létendue pour les variables quantitatives, et
pour les variables qualitatives en calculant les fréquences
sur lensemble de léchantillon, puis dans les différents
groupes. Les variables de cette étude sont principalement
qualitatives et le lien entre les variables qualitatives a été
analysé avec le test de χ
2
ou de Fisher exact selon les effec-
tifs des groupes.
Re
´sultats
Durant lenquête, 269 patients ont été recrutés. Les carac-
téristiques de la population sont récapitulées dans le
tableau 2.
Il est à noter que les patients traités par plusieurs AINS ou
par AINS et aspirine sont très peu nombreux (n = 4), tout
comme les patients présentant des prélèvements Helico-
bacter pylori positifs (Hp+) (n = 2).
Les caractéristiques des traitements étudiés sont présentées
dans le tableau 3. La majeure partie des patients étudiés
était déjà traitée par IPP avant lentrée à lhôpital (62 %).
Quel que soit le moment de linstauration des IPP, lomé-
prazole et son isomère lésoméprazole représentent près
de 90 % des prescriptions.
Nous avons relevé 18 % de traitements AMM et 82 % de
traitements hors AMM. Ces derniers englobent les pres-
criptions dont le motif exact na pas été retrouvé dans le
dossier médical, classées comme non renseignées, qui
représentent 55 % des prescriptions totales.
En ce qui concerne les prescriptions à motif renseigné
(45 % des cas), nous avons distingué 46 prescriptions en
accord avec lAMM (38 %) et 69 prescriptions hors AMM
(57 %). Si lon considère les IPP comme defficacité équi-
valente et que lon ne sintéresse quà la conformité de
lindication, 70 traitements étaient en accord avec
lAMM (58 %) et 51 étaient hors AMM (42 %). Les traite-
ments mis en place en prévention de lulcère de stress sont
majoritairement initiés en milieu hospitalier (11 % versus
3,6 %). Enfin, les traitements initiés lors de lhospitalisation
Tableau 2. Caractéristiques des patients traités par IPP.
Nombre de patients 269 (100 %)
Hommes 149 (55 %)
Femmes 120 (45 %)
A
ˆge me
´dian 62 ans [15 ; 100 ans]
Dure
´eme
´diane de se
´jour 8 j [1 ; 123 j]
Re
´partition des patients par service
Ne
´phrologie 59 (23 %)
Endocrinologie 28 (10 %)
Me
´decine interne 30 (11 %)
He
´pato-gastro-ente
´rologie 30 (11 %)
Cardiologie 46 (17 %)
Pneumologie 39 (14 %)
Immuno-rhumatologie 37 (14 %)
Facteurs de risque de complication gastro-intestinale
Anticoagulant concomitant 96 (35,7 %)
Corticoı
¨de concomitant 92 (34,2 %)
Anti-agre
´gant plaquettaire 86 (32 %)
Tabac 60 (22,3 %)
AINS a
`haute dose 27 (10 %)
Tableau 3. Caractéristiques des traitements par IPP.
n%
Nombre de traitements 269 100
Origine
Initiation hospitalie
`re 91 33,8
Initiation avant hospitalisation 167 62,1
Inconnue 11 4,1
Mole
´cules prescrites
Ome
´prazole 10 mg 7 2,6
Ome
´prazole 20 mg 89 33,1
Esome
´prazole 20 mg 89 33,1
Esome
´prazole 40 mg 55 20,4
Autres 29 10,8
Indications
Non renseigne
´es 148 55
Renseigne
´es 121 45
Epigastralgies 24 8,9
Ulce
`re gastroduode
´nal 22 8,2
Reflux gastro-œsophagien 16 5,9
Pre
´vention des le
´sions gastroduode
´nalesinduitesparAINS 16 5,9
Pre
´vention de l’ulce
`re de stress 16 5,9
Œsophagite par reflux gastro-œsophagien 10 3,7
Inflammation (gastrite, duode
´nite...) 6 2,2
Le
´sions gastroduode
´nales induites par AINS 5 1,9
Autres* 4 1,5
E
´radication d’Helicobacter pylori 10,4
Ulce
`re de stress 1 0,4
Conformite
´globale
AMM 49 18,2
Hors AMM 220 81,8
Conformite
´des traitements a
`indication renseigne
´e
Nombre de traitements 121 100
AMM 46 38
Initiation hospitalie
`re 10 8,3
Initiation avant hospitalisation 36 29,8
Hors AMM 69 57
Initiation hospitalie
`re 26 21,5
Initiation avant hospitalisation 43 35,5
Manque de donne
´es 6 5
Conformite
´selon origine des traitements
Traitements initie
´s en hospitalisation 91 33,8
AMM 10 3,7
Hors AMM 81 30,1
Traitements poursuivis en hospitalisation 167 62,1
AMM 37 13,8
Hors AMM 130 48,3
Manque de donne
´es 11 4,1
* 1 prévention de linflammation laryngée chez un patient porteur dune
néoplasie du larynx, 1 lymphome gastrique, 1 troubles digestifs type
occlusion, 1 prévention de saignement digestif lors dun surdosage en
AVK
Bon usage des inhibiteurs de la pompe a
`protons
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étaient hors AMM à 89 % et les traitements instaurés avant
hospitalisation étaient hors AMM à 78 %.
Nous avons pu relever les traitements de sortie de 184
patients (68,5 %). Un traitement par IPP était reconduit à
la sortie de lhôpital pour 157 patients (60,4 %), arrêté
pour 27 patients (10,4 %) et les prescriptions de sortie
de 76 patients (29,2 %) nont pas pu être relevées.
Nous nous sommes intéressés à lévolution des prescrip-
tions entre lentrée et la sortie hospitalière. Un traitement
par IPP était débuté avant lhospitalisation pour 167
patients. Après leur hospitalisation, 131 sont sortis avec
une prescription dIPP (78,4 %) et le traitement de sortie
était inconnu pour 34 patients (20,3 %). Seulement 2
patients ont arrêté leur traitement avant de sortir de lhôpi-
tal. La conformité des traitements par IPP était peu modifiée
par le passage hospitalier avec 3 % de modification de
conformité de prescription.
Un traitement par IPP a été instauré à lhôpital chez 91
patients. Seuls les traitements de 54 patients (59,3 %) ont
été renseignés à la sortie de lhôpital. Un traitement par IPP
a été poursuivi chez 29 patients et arrêté chez 25 patients.
Nous nous sommes intéressés aux traitements hors AMM
initiés à lhôpital (n = 81). Ils sont répartis en 26 prescrip-
tions renseignées et 55 prescriptions non renseignées
(tableau 4).
Vingt-six prescriptions renseignées étaient non conformes.
Pour 5 dentre elles, la non conformité portait sur le choix
de la molécule, celle-ci ne possédant pas dAMM pour
lindication retenue (tableau 1) et pour les 21 restantes,
la non conformité portait sur lindication. Sur ces 21 indi-
cations hors AMM (prévention de lulcère de stress, épi-
gastralgies), 9 patients ont poursuivi leur traitement à la
sortie et 3 patients lont arrêté. Pour 9 patients, nous
navons pas eu accès à cette donnée. On peut estimer,
au minimum, que 43 % des prescriptions renseignées
hors AMM (9/21) ont été poursuivies à la sortie de lhôpi-
tal, et il sagit principalement de traitements préventifs de
lulcère de stress. Les traitements par IPP pour des indica-
tions liées à lhospitalisation ont donc été poursuivis en
ambulatoire dans près dun cas sur deux.
Concernant les prescriptions dont lindication nest pas
renseignée, nous observons un arrêt du traitement à la sor-
tie chez 12 patients (22 %) et une poursuite chez 21
patients (38 %). Nous navons pas pu savoir si un IPP
était prescrit en sortie dhospitalisation pour 22 patients
(40 %).
Nous nous sommes intéressés aux prescriptions qui repré-
sentaient les dépenses les plus importantes pour
lassurance-maladie une fois le patient sorti de lhôpital.
Pour cela, nous avons suivi les patients qui nétaient pas
traités par de lésoméprazole à leur arrivée à lhôpital
pour lesquels un traitement a été reconduit à la sortie
(n = 77). Après hospitalisation, 8 patients (10,4 %) sont
sortis avec une prescription désoméprazole 20 mg/j et
6 patients (7,8 %) avec une prescription désoméprazole
40 mg/j. Il y a donc près dun patient sur cinq qui change
de molécule pour de lésoméprazole lors de son passage
hospitalier.
Discussion
Les résultats correspondent à un recueil exhaustif sur
1 mois des données des patients hospitalisés dans 7 servi-
ces parmi les plus grands consommateurs dIPP de notre
hôpital. Nous avons relevé 18 % de traitements par IPP
conformes à lAMM et 82 % de traitements hors AMM.
Ces données se rapprochent des résultats dune étude
menée sur 152 patients dun service de médecine interne
avec un recrutement très varié, où 89,5 % des patients
étaient traités par IPP pour des indications inappropriées
[3]. Lindication des traitements par IPP des patients de
notre étude nétait pas renseignée dans 55 % des cas. Si
lon ne prend en compte que les patients dont le motif de
prescription était connu, 40 % des traitements étaient
conformes à lAMM et les 60 % restants étaient hors
AMM en accord avec la majorité des études qui ont été
publiées sur lutilisation des IPP chez des patients hospita-
lisés retrouvant entre 60 et 68 % des prescriptions non jus-
tifiées [3-7]. Parente [4] a évalué les prescriptions dIPP
dans des services médicaux et chirurgicaux pendant
1 mois par service. Il décrit 68 % de traitements inappro-
priés. Cependant, 40 % des indications acceptables sont
représentées par des préventions dulcères de stress chez
des patients à haut risque de complications gastro-
intestinales, probablement hospitalisés dans des secteurs
de soins intensifs. Ce type de service na volontairement
pas été intégré dans notre travail, afin de se limiter aux
patients traités par IPP per os représentatifs de la popula-
tion générale suivie en ambulatoire.
En ce qui concerne les prescriptions hors AMM rensei-
gnées de notre étude, elles sont effectuées lors dépigas-
tralgies non documentées (18,3 %), en prévention
dulcère de stress (14,6 %) ou lors de gastrites ou de duo-
dénites (4,6 %). Les IPP, grâce à leur puissante action anti-
sécrétoire, représentent une thérapeutique intéressante en
prévention de lulcère de stress dont le développement et
les complications peuvent savérer graves [8]. Néanmoins
lulcère de stress est principalement rencontré chez les
patients en situation critique, dans les unités de soins inten-
sifs exclues lors de notre étude. Les prescriptions analysées
pendant notre enquête ont été instaurées chez des patients
angoissés ou exposés à des situations hospitalières répu-
tées stressantes (examens lourds, traitements douloureux,
attente de résultats). Mais les traitements par IPP qui pré-
sentent des profils defficacité et de tolérance attractifs
nont jamais été évalués de manière fiable dans ces situa-
tions à risque hémorragique, certes faible mais aux consé-
quences potentiellement graves.
Que nous prenions en compte lensemble des patients
inclus ou bien uniquement ceux dont lindication était pré-
cisée dans le dossier médical, nos résultats se rapprochent
des données de la littérature. Nous avons mis en évidence
une large utilisation des IPP qui ne correspond pas aux
Tableau 4. Devenir des prescriptions dIPP hors AMM initiées à
lhôpital.
Sortie Prescriptions
hors AMM
renseigne
´es*
Prescriptions
non renseigne
´es
Total de
prescriptions
hors AMM
Poursuite 12 12 24 (29,6 %)
Arre
ˆt 3 21 24 (29,6 %)
Non renseigne
´11 22 33 (40,7 %)
Total 26 (32 %) 55 (68 %) 81 (100 %)
* Prescriptions hors AMM dont le motif de prescription est connu
M. Villiet, et al.
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recommandations thérapeutiques en vigueur. Ces médica-
ments sont le plus souvent disponibles en dotation dans les
services de soins et les prescriptions ne sont donc pas vali-
dées par la pharmacie. Il semble donc important que des
recommandations claires soient définies concernant les
indications appropriées des IPP tout comme les indications
inappropriées et quelles soient diffusées, puis évaluées de
manière efficace. Il pourrait donc être intéressant pour la
classe thérapeutique des IPP délaborer des fiches de bon
usage sur le modèle des molécules onéreuses pour lhôpi-
tal : AMM (groupe I), situations temporairement accepta-
bles donnant lieu à des protocoles thérapeutiques
temporaires (groupe II), les situations non acceptables
(groupe III) et situations ni acceptables ni non acceptables
(groupe IV). La réalisation de ces recommandations de
bon usage entre dans le champ de compétence de la
Comedims qui ne se limiterait pas à un rôle dexpert
pour le choix des molécules et pour les achats hospitaliers
sur ce type de médicaments.
Il pourrait aussi être intéressant que ces recommandations
soient élaborées au niveau régional afin dharmoniser
lusage des IPP à lensemble dun territoire de santé, par
le biais des Omedit. A léchelon local, la Comedims aurait
en charge la diffusion et lévaluation de ladhésion des
professionnels de santé. Ces recommandations de traite-
ment clarifiées amélioreraient limpact pédagogique sur
les internes, futurs prescripteurs en ville comme à lhôpital,
et les travaux menés par la Comedims pourraient faire
lobjet dévaluation de pratiques professionnelles (EPP).
Dautre part, nous nous sommes intéressés à linfluence de
lhôpital sur les traitements par IPP. Les traitements initiés à
lhôpital semblent majoritairement hors AMM par rapport
aux traitements poursuivis lors de lhospitalisation (89 %
versus 78 %). Ces chiffres sont difficilement comparables
avec des profils de patients certainement différents, mais
cette tendance est retrouvée dans la littérature. Parente [4]
a montré que 72,6 % des traitements initiés à lhôpital et
58,7 % des traitements poursuivis à lhôpital étaient inap-
propriés. Dans létude de Nardino [6], 75 % des traite-
ments initiés à lhôpital étaient inappropriés, alors que ce
taux était de 54 % pour les traitements poursuivis à lhôpi-
tal. De plus, 67 % des traitements initiés à lhôpital hors
AMM étaient poursuivis à la sortie.
Dans notre étude, 91 traitements ont été initiés à lhôpital.
Un grand nombre de traitements de sortie nétaient pas
renseignés (n = 37). Des traitements limités à la durée
dhospitalisation ont été retrouvés chez 25 patients, à
96 % hors AMM, ce qui est comparable aux données
décrites par Nardino (88 %). Les traitements de 29
patients ont été reconduits à la sortie de lhôpital, à
82,7 % hors AMM. Le bon profil de tolérance à court
terme pourrait expliquer des prescriptions dans la préven-
tion de lulcère de stress qui devraient être limitées à la
durée dhospitalisation mais qui semblent être poursuivies
à la sortie de façon non négligeable. Il y a peu de rééva-
luation des traitements prescrits dans un contexte hospita-
lier et souvent injustifiés en ambulatoire, ce qui conduit à
des reconductions trop souvent systématiques des pres-
criptions hospitalières.
De même, seuls 6 traitements ont été arrêtés durant le
séjour des patients à lhôpital (3,6 %) soulignant la faible
influence du passage hospitalier sur la réévaluation des
traitements déjà débutés pour ce type de médicaments.
De plus, les patients déjà traités changent parfois de molé-
cules durant leur hospitalisation, ce qui peut entraîner un
surcoût de remboursement en ambulatoire. Dans notre
enquête, au moins 1/5 des patients traités par un IPP
autre que lésoméprazole avant lhospitalisation sont sortis
avec des prescriptions désoméprazole qui est la princi-
pale molécule retenue par la Comedims du CHRU de
Montpellier, et lIPP le plus récent et le plus coûteux à ce
jour [9].
Bien que les effectifs que nous avons observés soient faibles
et que notre recueil de données ne concerne que les patients
hospitalisés sur un mois au sein du CHRU de Montpellier,
linfluence des prescriptions hospitalières, telles que la pour-
suite de traitements inappropriés ou le changement de
molécule, est visible sur les dépenses de lassurance-
maladie en ambulatoire. Dans une démarche de bon
usage, il est difficile de ne pas avoir une perspective glo-
bale du parcours de soins dun patient, prenant en compte
les traitements hospitaliers et ambulatoires, ainsi que
linfluence des uns sur les autres. À prestations égales, les
choix hospitaliers de référencement sont effectués en vue de
dépenses minimales. Ces choix répondent aux exigences
du code des marchés publics [10], mais aussi dune habi-
tude de raisonnement uniquement hospitalier daccès aux
nouvelles molécules. Lexemple des IPP illustre bien ce para-
doxe car si leur impact économique est faible à lhôpital,
leur utilisation en ambulatoire représente de fortes dépenses
en frais de remboursements. Ce phénomène est amplifié
par la stratégie des laboratoires pharmaceutiques qui
concèdent de gros rabais sur le prix des médicaments en
hospitalisation en espérant voir les patients sortir avec des
prescriptions de leurs nouvelles mocules. Afin dencoura-
ger une politique de santé publique plus cohérente, il appa-
raît nécessaire que lors du référencement dune nouvelle
molécule dans une classe médicamenteuse telle que les
IPP, un établissement de santé (par lintermédiaire de sa
Comedims) ait une approche plus globale dépassant le
cadre de lhospitalisation comme lorganisation mise en
place pour les antibiotiques [11].
Cette étude a été réalisée sans intervention pharmaceu-
tique. Notre recueil de données sest donc limité au dos-
sier médical des patients afin duniformiser le recueil
dinformations. Ce choix méthodologique a été effectué
afin dobtenir le reflet le plus proche possible de la réalité
sur le plan de la prescription médicale. Nous avons été
confrontés à un nombre important de données non rensei-
gnées, reflet du manque dinformations contenues dans le
dossier médical des patients. En vue de la certification
V2010, rendant prioritaire la bonne gestion du dossier
patient, ce manque de données (motifs de prescriptions,
traitements de sortie) incite à mener une action de sensi-
bilisation du corps médical, notamment en CME. Le choix
méthodologique de considérer les prescriptions non ren-
seignées comme des prescriptions hors AMM a peut-être
induit quelques erreurs, avec une surévaluation du taux de
traitements inappropriés. Les patients concernés par ces
prescriptions étaient majoritairement porteurs de facteurs
de risque de complications gastro-intestinales, essentielle-
ment des prises concomitantes de corticoïdes, danti-
coagulants ou danti-agrégants plaquettaires. Létude de
Pham [3] a détaillé ce type de traitements de manière un
peu plus précise : la prophylaxie de lulcère de stress
(16,8 %), lutilisation de corticoïdes (21,2 %), les antécé-
dents de RGO datant de plus de 3 mois (23,4 %) étaient à
lorigine dun traitement par antisécrétoire, et dans près de
Bon usage des inhibiteurs de la pompe a
`protons
J Pharm Clin, vol. 28, n
o
3, juillet-aou
ˆt-septembre 2009 139
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Bon usage des inhibiteurs de la pompe a` protons : étude

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