pièce jointe - Collège Henri Dunant

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Art, créations, cultures
Art, espace,
temps
Arts, états
et pouvoir
Arts, mythes et
religions
Arts, techniques,
expressions
Arts, rupture,
continuité
De l’Antiquité
Au IXe s.
La Rose et le Réséda1
(le poème et son interprétation)
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Du IXes. à la fin du
XVIIe s.
A le plus triste grabat
35 Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
40 Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
45 Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
50 Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
55 Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
60 Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
XVIIIe et XIXe s.
1 Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
5 Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
10 Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle3
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
15 Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
20 Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur du commun combat
25 Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle4
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
30 L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison lequel
2
Louis Aragon, La Diane française,
© Editions Seghers, 1946.
Le réséda : plante touffue à fleurs blanches ou jaunes qui retombent en grappes vers le sol ; alors que le rosier
est une plante grimpante.
Quatre résistants, deux communistes, probablement athées (Péri et Môquet) et deux catholiques (Estienne
d’Orves et Dru), tous arrêtés et exécutés par les Allemands pendant la guerre (Guy Môcquet n’avait que 17 ans
lorsqu’il fut fusillé comme otage le 22 octobre 1941).
La chapelle : lieu de culte catholique, petite église.
La citadelle : forteresse qui commande une ville.
Le grabat : lit misérable.
Le glas : son d’une cloche spéciale qui annonce la mort ou les obsèques d’une personne.
Passer de vie à trépas : mourir (le mot a donné le verbe : trépasser).
Le XXe siècle et
notre époque
1943/ 1944/ 1946
À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môcquet et Gilbert Dru
Arts de l’espace
Arts du langage
Poésie
Arts du quotidien
Arts du son
Arts du spectacle vivant
Arts du visuel
Interprétation du poème d’Aragon
par le groupe « La Tordue »
Brève biographie de Louis Aragon :
Louis Aragon, de son vrai nom Louis Andrieux (1897 -1982) commence des études de médecine et rencontre,
en 1917, à l’hôpital du Val-de-Grâce, André Breton. En 1919, il fonde la revue Littérature avec Philippe Soupault
et André Breton. Louis Aragon est un membre du mouvement Dada et du mouvement surréaliste. En 1927, il
adhère au parti communiste. Il devient par ailleurs journaliste à L’Humanité. En 1928, il rencontre Elsa Triolet
et rompt avec les surréalistes en 1932.En 1940, il s’engage dans la Résistance. De cette période naissent ses plus
belles poésies, notamment Cantique à Elsa(1942), Les Yeux d’Elsa (1942) et La Diane française (1945), dans
laquelle la maîtrise de la forme lyrique lui permet d’assimiler l’amour de la femme avec l’amour du pays et de célébrer la lutte
contre les Allemands. C’est ainsi qu’à la Libération, fort de l'influence qu'il a gagnée dans la Résistance, Louis Aragon s’impose
comme l’écrivain communiste majeur et incontesté, défenseur d'une ligne politique. Il continue à publier de la poésie dans les années
1950 et 1960 ainsi que des romans.
Brève biographie du groupe La Tordue:
La Tordue est un groupe français de chansons poétiques et engagées qui a existé entre 1989 et 2003. Le groupe s’est formé
à Paris en 1989 avec Benoît Morel , le chanteur, et Pierre Payan. Puis très vite est arrivé Eric Philippon, et enfin Mathieu Morel pour
leur dernier album. En 1994, ils sont lauréats du tremplin du festival Chorus des Hauts de Seine. La Tordue s'est séparé en
décembre 2003.
Discographie : Ils ont sorti 5 albums entre 1995 et 2002 « La rose et le réséda » appartient à leur premier album : « Les
choses de rien » sorti en 1995
Contexte (historique, social, artistique …) :
« La Rose et le Réséda », c’est le dernier poème qu’Aragon signa de son vrai nom et publia avant de rentrer dans la clandestinité. Il
parait d'abord le 1er mars 1941 dans Le Mot d'ordre, un journal marseillais. Il est ensuite largement copié et diffusé clandestinement
par tracts anonymes. En décembre 1944, Aragon le publie au sein du recueil de poésie La Diane française dont le thème est
la Résistance, en ajoutant la dédicace aux quatre résistants : Guy Môquet, Gabriel Péri, Honoré d'Estienne d'Orves et Gilbert Dru.
Analyse de l’œuvre
1.
LE SENS GLOBAL DE L’ŒUVRE
a) Le thème du poème :
Ce poème parle de deux personnages : deux résistants arrêtés, probablement pendant une action de résistance puis exécutés pendant
la Seconde Guerre mondiale.
b) Le « refrain » : deux personnages opposés mais unis :
La présentation des deux personnages principaux est reprise (10 fois dans le poème, 9 fois dans la chanson). Cette périphrase
désigne le croyant et l’athée qui ne sont pas des personnages précis mais des personnages symboliques qui représentent tous les
martyrs de la résistance. D’ailleurs, ils ne sont opposés qu’en apparence puisqu’ils se battent ensemble jusqu’à la mort pour la
même cause (v3) « Tous deux adoraient la belle... ».
En effet, face au danger, il faudrait être stupide pour se battre entre nous, croyants ou incroyants : « Fou qui fait le délicat / Fou qui
songe à ses querelles / Au cœur du commun combat ». Il faut au contraire s’unir dans un « commun combat » contre
l’envahisseur.
Le titre reprend l’opposition entre ces deux types de résistants : « La Rose » est une plante grimpante : elle symbolise donc ici le
chrétien qui cherche à s’élever vers Dieu. À l’opposé, « le Réséda » est une plante dont les fleurs retombent en grappes vers le sol :
il symbolise donc les communistes pour qui seul le réel compte. De même, l’alouette est un oiseau qui fait son nid au sol, alors que
l’hirondelle niche en hauteur, sous les toits. « L’alouette », c’est donc l’athée, et « l’hirondelle » symbolise le croyant. On identifie
aussi la « flûte » au son doux et léger que l’on assimile au croyant alors que le « violoncelle » au son grave renvoie à l’humain, à
l’athée.
c) La cause commune :
Cette « belle prisonnière », c’est une allégorie de la France (Marianne). Les « soldats » qui la retiennent prisonnière sont les
Allemands qui occupent le territoire français.
C’est à elle que les deux résistants sont « fidèles » jusqu’à la mort. Ils lui souhaitent de « vivre », c’est à dire de se libérer du joug
nazi. Et ils y croient fermement comme en témoigne le proverbe : « qui vivra verra », proverbe que l’on dit lorsqu’on est sûr de
soi !
2. LA STRUCTURE MUSICALE QUI SUIT LA STRUCTURE POETIQUE
Le poète laisse au lecteur le soin de rétablir le rythme du poème en rétablissant, à la lecture, les signes de ponctuation. De même, on
pourrait facilement diviser ce poème en trois strophes en suivant la structure du récit qui nous est fait :
a) V 1à 24 : La résistance : présentation des personnages
Les deux résistants sont présentés ainsi que le contexte historique de la Seconde Guerre mondiale. Le symbole « Quand les
blés sont sous la grêle » représente l’Occupation nazie, les destructions, le rationnement, les privations. Les temps verbaux utilisés
dans cette première partie sont principalement ceux du passé (imparfait et passé simple de l’indicatif).
Cette 1ère partie commence dans le calme par la guitare sèche qui accompagne la voix en picking. Après quelques accords,
apparait le thème du refrain « celui qui croyait.... » Il est chanté par une voix d’homme en soliste puis toujours en duo avec une
autre voix d’homme par la suite. Cette présentation des personnages est soutenue par un chœur d’hommes qui chante
l’accompagnement harmonique en notes longues et tenues, ce qui donne un sentiment de recueillement, renforcés par des
silences entre certains vers (exemples : après le vers12).
b) V 27 à 46 : La mort ou l’emprisonnement : Une tension en crescendo
L’arrestation, l’emprisonnement et la mort des résistants sont présentées en grande partie au présent de l’indicatif. Ainsi, le
poète donne au lecteur d’assister à l’événement.
Dans cette 2ème partie, c’est tout l’environnement musical qui est bousculé : le rythme s’intensifie et la tension s’installe....
tout est joué ou chanté plus fort......la mort arrive. Cela débute après le mot combat, avec les accords rythmiques de la guitare
joués forte. Ces accords s’accentuent à partir du V27 et sont de plus en plus présents, renforcés rythmiquement par le tambour
« l’autre tombe et qui mourra » et « passent de vie à trépas ».
c) V 47 à 64 : Message d’espoir pour l’avenir : la montée vers l’apaisement
On assiste à un mélange des temps verbaux (passé, présent et futur), mais la volonté du poète est de transmettre un message
d’espoir : le sang des fusillés fertilise la terre (métaphore), « Pour qu’à la saison nouvelle / Mûrisse un raisin Muscat » (vers 54),
c'est-à-dire rouge grenat, comme un sang vigoureux, synonyme de courage, celui des autres résistants qui se lèveront pour chasser
l’occupant hors de France.
C’est alors que « Le grillon rechantera », indiquant le renouveau, c’est -à-dire la libération de la France, la paix retrouvée (le grillon
ne chante qu’à l’approche des chaleurs, en printemps ou en été ; et c’est le symbole populaire de la paix au foyer).
Enfin cette dernière partie est un éclaircissement musical. La mélodie du refrain monte en marches harmoniques au vers
43, et le mode majeur s’installe au vers 55, ce qui apporte légèreté et apaisement. L’espoir est repris dans l’interprétation, avec les
sifflements et la mélodie du refrain interprétée sans ponctuation comme une ritournelle du vers 55 à 59. C’est a cappella que le
titre est chanté au dernier vers, un peu comme une signature.
3. LA MUSIQUE DES MOTS
Tous les vers sont des heptasyllabes ce qui en fait un poème en vers réguliers, à l’ancienne ; mais aussi très moderne, car il n’a
aucune ponctuation.
Toute la chanson est chantée de façon syllabique (1note/syllabe) pour permettre la bonne compréhension du texte, avec de
nombreux figuralismes musicaux qui renforcent le sens des mots et l’émotion du texte.
a) Celui qui croyait au ciel / celui qui n’y croyait pas…
Il y a seulement deux rimes alternées (ABABAB...) dans les 64 vers :
 un son clair, aérien, (la voix monte dans les aigus en le prononçant), le son [el].
 un son lourd, pesant, (la voix chute dans les graves en le prononçant), le son [a].
La même opposition se retrouve dans la mélodie :
 Celui qui est croyant, qui s’élève vers Dieu = la mélodie monte : « croyait au ciel » vers 1 et 7
 Celui qui croit aux choses réelles, sur la Terre = la mélodie descend « n’y croyait pas » vers 8 et 20
De plus, on peut remarquer la note tenue sur le mot vie = durée de la vie vers 42

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


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
b) Figuralisme dans l’orchestration :
La scie musicale = fait penser à un spectre = « et l’autre s’y dérobât » après le vers 12
L’accordéon = mélodie lancinante, mystérieuse = « vive et qui vivra verra » après vers 18 et de 21 à 24
La guitare = accords rythmiques joués forte = « commun combat » = dramatique après le vers 24
Le tambour = roulement joué piano = « ...et l’un chancelle » au vers 29
= rythme en crescendo, ressemble aux coups tirés en rafale = «...qui mourra » vers 30
= rythme en crescendo = dramatique, vers la mort = « passent de vie à trépas » vers 42
Le sifflement = la saison nouvelle = le chant du grillon = vers 53 et 60
La voix a cappella = pour entendre que les mots = « au cœur du commun combat » vers 24 et le dernier vers du poème
c) Autres procédés musicaux qui rythment ce poème :
D’autres procédés musicaux rythment ce poème :
 des répétitions de mots : « Un rebelle est un rebelle » vers 39, « Il coule il coule... » vers 51.
 des anaphores : « Fou qui... » vers 22 et 23, « Lequel... »  5 fois dans le poème.
 des assonances en [a], è], [é], [ou]...
 des allitérations en [l], [r], [z] [ss], [qu], [t]...

Autres chansons de résistance pendant la seconde guerre mondiale :

Le Chant des partisans ou Chant de la libération est l’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne
nationale-socialiste, pendant la Seconde Guerre mondiale. La musique fut composée en 1941 par Anna Marly, d'origine russe réfugiée
à Londres. Les paroles ont été écrites en 1943 par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon qui venaient tous deux de rejoindre
les Forces françaises libres.

Deux interprétations de « La rose et le réséda » : Juliette Gréco et Bernard Lavilliers .

Des chanteurs engagés : Renaud, le groupe Tryo ...........
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