La mort ou l`échec de la défense européenne dans les Balkans

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la mort ou léchec de la défense européenne
dans les balkans?
Général (cr) Henri PARIS
Président de Démocraties
P     de cette très courte étude à l’interrogatif revient à
y répondre. Non seulement il n’y a pas eu de défense européenne dans les Balkans
durant les guerres qu’ils ont subies dans la décennie 1990, mais, de fait, l’Europe
institutionnelle a été à peu près absente du conflit, a fortiori, de son appareil de
défense. Qu’il y ait échec, assurément donc ! Mort peut-être pas, parce que, si mort
ou inexistence il y a, de toute défense européenne durant les guerres balkaniques,
ce qui est un constat, en revanche, la leçon d’une nécessité de bâtir cette défense
aurait pu être tirée.
À cet effet, est dressé un bilan de ce qu’il en est en 2011, en préalable.
L’historique des guerres balkaniques, plusieurs fois retracé, n’offre pour la dé-
marche que l’intérêt d’une analyse des raisons de l’inaction, voire de l’absence de
tout système de forces armées européennes et plus largement de l’Europe institu-
tionnelle. C’est pourquoi l’examen s’attache uniquement à cette analyse et non à un
historique déjà maintes fois entrepris. La démarche porte, de fait, sur les relations
entre l’ONU, l’OTAN et l’Union européenne. Interviennent des constantes dont
l’examen démontre bien que ce ne sont pas des cas fortuits et dont l’Europe, en tant
que telle, est irrémédiablement absente.
Les mafias, sans être une spécificité balkanique, sont un facteur prospérant, peu
pris en compte par l’Europe.
Une prospective s’efforcera, par ailleurs, de déterminer l’avantage que peut pro-
curer une défense européenne.
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La démocratie en afrique subsaharienne
Général (cr) Henri PARIS
Président de DÉMOCRATIES
En regard des découvertes scientifiques les plus récentes,
effectuées au début du troisième millénaire, l’Afrique se révèle être le berceau de
l’humanité. Cela ne l’empêche pas d’être la grande oubliée des temps et du progrès.
C’est ainsi qu’elle est le siège d’une accumulation sans pareille de pandémies, de
pauvreté, d’inégalités, d’injustices, de rivalités internes et entre grandes puissances,
ainsi que de conflits multiples entrecroisés, ethniques, économiques et frontaliers.
L’Afrique est un continent, certes. Cependant, il y a lieu de distinguer une
Afrique du Nord, située au nord du tropique du Cancer et, dans sa partie est, au
nord de l’équateur, profondément marquée par l’Islam qui lui donne une unité,
peut-être la seule. Au sud de ce même tropique du Cancer et au sud de l’équa-
teur, l’Afrique subsaharienne possède une autre unité, celle d’un peuplement noir,
tout autant de façade qui l’a amené à être appelée l’Afrique noire. Communément,
l’Afrique du Nord reçoit l’appellation de Maghreb à l’ouest et de Machrek à l’est
ou encore d’Afrique islamique pour la discriminer du Proche et du Moyen-Orient.
L’Afrique subsaharienne, en plus d’être le sous-continent noir, possède une
autre identité commune : elle a été colonisée dans son ensemble par les puis-
sances européennes jusqu’au milieu de la décennie 1960, encore que l’Angola et le
Mozambique ont obtenu leur indépendance respectivement en 1975 et en 1978.
Le colonisateur européen, à son départ, laissa aux pays noirs des frontières issues
de la colonisation et la démocratie comme modèle affirmé de régime politique.
Tous les Etats africains subsahariens se réclament de la démocratie, mais qu’en est-il
réellement ?
La démocratie, et il faut ajouter la démocratie parlementaire, serait la clé du dé-
veloppement culturel, économique et scientifique en permettant l’épanouissement
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Bilan de l’action de défense européenne en 2011
L’Europe militaire ne s’est guère signalée durant les guerres balkaniques. Comme
fait significatif, il est possible de relever la prise en charge par une administration
européenne, le 23 juillet 1994, de la ville de Mostar en Bosnie-Herzégovine, ravagée
par la guerre. Les administrateurs ont pu faire procéder à la reconstruction de la ville,
après l’accord de Dayton, et arriver à sa réunification alors qu’elle était partagée entre
musulmans et Croates.
Il a fallu attendre le 1
er
janvier 2003 pour que la Mission de police en Bosnie
(MPUE) remplace le groupe international de police des Nations unies. La MPUE est
la première opération de gestion civile d’une crise menée par l’Union dans le cadre
de la politique de sécurité et de défense. Elle est prévue pour durer jusqu’au 31 dé-
cembre 2011. Parallèlement, les forces de l’OTAN en Bosnie (SFOR) doivent être
progressivement relevées par des contingents européens sous administration de l’UE.
Ce sera le seul engagement de contingents européens fournis par les États membres,
chacun pour soi. Il ne sera pas constitué de force européenne en tant que telle.
Toujours dans la même année, l’UE inaugurait la première opération mili-
taire de son histoire, Concordia, en prenant la succession des forces de l’OTAN en
Macédoine. Après le retrait de Concordia en décembre 2003, une mission de police
Proxima, suivie d’une autre, Eupat en Macédoine, ont assuune présence euro-
péenne jusqu’en juillet 2006.
Après que ce qui a été appelé la guerre du Kosovo a été réglé par l’OTAN, c’est-
à-dire essentiellement par l’aviation américaine, une force au sol, la KFOR, a achevé
la conquête de la gion. La KFOR comprenait bien des contingents européens,
mais sous commandement américain. Alors, des contingents européens restèrent
présents au Kosovo, se prolongea la plus large mission (EUMM) civile jamais
menée dans les domaines de la police, de la justice et de l’administration. Le mandat
de l’EUMM, arrivé à échéance le 14 juin 2010, a été prorogé. De fait, le Kosovo est
sous tutelle, sans laquelle la lutte entre Serbes et Albanais reprendrait.
Ces missions de police, s’appuyant sur une présence armée, ont toutes pour rôle
essentiel de former une force de police professionnelle et multiethnique. L’UE a
l’ambition d’engager cette force contre la criminalité organisée au premier chef.
Le bilan est donc mince. Les faibles résultats concernent particulièrement les
missions civiles de police. À remarquer, cependant, que leur sphère de compétences
n’est jamais très éloignée d’un maintien de l’ordre par des moyens militaires.
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Complexités balkaniques
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L’ONU, l’OTAN et l’Union européenne
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la géostratégie américaine eut
pour dessein affiché de déterminer les trois théâtres intéressant au plus haut chef ses
intérêts et de les assujettir à sa suprématie : l’Europe, le Proche- et le Moyen-Orient,
et l’Extrême-Orient.
La guerre froide conduisit à donner au théâtre européen une importance pré-
pondérante, qu’illustrent l’Alliance atlantique et son organisation militaire intégra-
tionniste, l’OTAN. À la fin de la guerre froide, la position américaine n’avait pas
changé. Mieux, Washington obtint que l’OTAN soit considérée comme le bras
armé de l’ONU et autorisée à intervenir en dehors de l’aire géographique délimitée
par son traité fondateur.
C’est ainsi que l’OTAN, entre autres, opéra en Afghanistan à partir de 2001 et
avant dans les Balkans qui, contrairement à l’Afghanistan, correspondaient à l’aire
couverte par le traité.
La décennie 1990 s’ouvrit avec le conflit balkanique. L’Europe, en tant qu’ac-
teur international, n’était qu’une velléité qu’allait concrétiser le traité de Maastricht
de 1992, au niveau des principes, mais certainement pas au-delà et notamment
d’une réalité tangible. Les progrès ne se firent que lentement, très et trop lentement
sentir. Donc, toute politique de défense européenne, même dans les limbes, et par
conséquent toute force militaire européenne constituée étaient inexistantes, lorsque
s’amorça le conflit balkanique.
Une réalité s’impose d’emblée. Les guerres balkaniques s’annoncent par une
crise latente qui monte en tension avec la mort de Tito, le 4 mai 1980. La crise
prend un tour violent en mars-avril 1981, lors d’émeutes provoquant une répres-
sion sanglante au Kosovo, des dizaines de milliers de manifestants albanophones
réclament le statut de république et non plus de province autonome, ce qui n’est
qu’un prélude à une revendication indépendantiste. Le début de la guerre dans les
Balkans peut être daté de la proclamation d’indépendance de la Slovénie et de la
Croatie, le 25 juin 1991. Ces faits, notamment leur maturation, sont antérieurs
à la signature du traité de Maastricht et encore plus de son entrée en vigueur, qui
n’intervient qu’en 1993.
Il en résulte tout naturellement que l’Europe, face à la crise balkanique, était
incapable d’avoir une politique commune bien définie et encore moins une force
armée pour mettre en œuvre un concept de prévention, et encore moins de gestion
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de la crise. Il est alors d’une logique absolue que le Conseil de sécurité de l’ONU
ait confié à l’OTAN la tâche d’appliquer les résolutions qu’il avait votées, après que
l’ONU, en soi, eut fait preuve de son impéritie sur le terrain.
Dans le souci de faire accepter par la Russie l’élargissement de l’OTAN,
Washington accepta, par les accords signés à Paris le 27 mai 1997, que la Russie
soit, elle aussi, partie prenante au règlement balkanique. Ce faisant, le rôle de l’Eu-
rope institutionnelle s’amoindrissait d’autant. Les accords, sur une base principale,
organisaient une coopération entre l’OTAN et la Russie. L’absence de l’Europe
dans la crise balkanique ou ses velléités, traduites par des échecs, s’expliquent dans
une rigoureuse logique. L’Europe n’a rien fait parce qu’elle n’existait qu’à l’état de
schéma virtuel, sans aucun moyen. À sa charge, elle tergiversait, de plus, à se les
donner, ces moyens !
Autre raison, et non des moindres, à l’inexistence de toute prévention de la
série de guerres qui ont secoué les Balkans, s’ajoutait la méconnaissance globale du
problème par les Américains détenant la toute-puissance impériale dans la région.
Alors, les conflits armés se sont enchaînés. Quant aux Européens, ils n’avaient qu’à
contempler le désastre. Ils auraient pu en tirer une leçon, mais fallait-il encore qu’ils
le veuillent !
La question primordiale et vitale était de déterminer s’il s’agissait de la préven-
tion ou de la gestion d’une crise que la communauté internationale n’a pas su parer,
au risque d’une dégénérescence aboutissant à un conflit armé, dont on ne peut plus
prévoir l’ampleur et l’extension.
De prime abord, faut-il encore s’entendre sur ce que l’on entend par com-
munauté internationale et la définir. En effet, les 192 États représentés à l’ONU
ne constituent certainement pas la communauté internationale engagée dans les
Balkans. Se sont retrouvés impliqués dans les affaires balkaniques six États : États-
Unis, Grande-Bretagne, France, Italie, Allemagne et Russie. Quatre de ces États
sont membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU qui en compte un
cinquième, la Chine, géographiquement, politiquement et économiquement pas
toujours intéressée par les Balkans, encore que l’Histoire porte la trace d’une étroite
alliance sino-albanaise du temps de la guerre froide. L’Allemagne et l’Italie s’ins-
crivent dans un rapport de voisinage historique ancien et récent avec les Balkans,
et peuvent très légitimement revendiquer un rôle dans la région en s’appuyant sur
des moyens bien réels. Donc, la communauté internationale, apte à agir dans les
Balkans, compte moins d’une dizaine d’États, faute de l’Union européenne.
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Que l’ONU, par la voix de son Conseil de sécurité, ne puisse avoir une action
autre que de donner de la voix, sous forme d’une résolution, suivie d’effet ou non,
est un point acquis depuis plus d’un demi-siècle. L’ONU, contrairement à sa charte
fondatrice, ne dispose pas de force armée ni d’un état-major, autrement, en ce qui
concerne seulement ce dernier, qu’en filigrane. En revanche, le Conseil de sécurité
peut mandater un État ou un groupe d’États pour faire appliquer une solution. Il
est évident que l’entité étatique mandatée est censée mener son mandat jusqu’au ré-
sultat choisi ou jusqu’au temps prescrit. L’État ou les États peuvent aussi se passer d’un
mandat de l’ONU, en excipant de l’article 51 de la charte. C’est ce qui s’est produit,
entre autres, lors de l’attaque par les Américains et leurs alliés contre l’Irak en 2003.
La prévention d’une crise est une opération préférable à sa gestion. Mais qui va
prévenir et comment ? Si le problème est de déterminer les acteurs de la prévention,
il y a renvoi immédiat sur le problème précédent déjà traité de la communauté
internationale. Les modalités d’action comprennent des pressions diplomatiques
mais aussi coercitives sous formes économique ou militaire, au moins leurs me-
naces. Alors, qui dit prévention sous-entend ingérence et droit d’ingérence. Or, ce
droit n’existe pas ! L’expression est une invention à l’état pur. Cette prétention à
couvrir d’un manteau légal une intervention militaire est une voie ouverte à tous
les débordements et surtout un prétexte offert à toutes les agressions. Finalement,
en septembre 1939, que faisait le III
e
Reich, sinon utiliser le droit d’ingérence, en
envahissant la Pologne pour trouver une solution au problème de Dantzig ?
Les constantes balkaniques
Se retrouvent des constantes immuables. L’Allemagne éternelle, alliée de la
Croatie au long des âges, quels que soient leurs régimes sociopolitiques respectifs et
à travers la tradition héritée des Habsbourg, reconnaît l’indépendance croate auto-
proclamée, sans attendre l’assentiment des autres membres de l’UE.
Ce sera le signal des guerres balkaniques. De fait, la situation, à l’origine, est
encore dominée par la question de la négociation du traité de Maastricht, signé
le 7 février 1992. La France délaisse la charte sociale, tandis que le Royaume-Uni
dépasse ses réticences et s’aligne sur l’Allemagne. La France a agi ainsi, y voyant avec
perspicacité un moyen d’échange vis-à-vis d’un abandon des réserves allemandes,
surtout à l’égard du projet d’union monétaire européenne.
L’indépendance croate entraîne la poursuite du conflit serbo-croate et l’écla-
tement de la Yougoslavie. L’extension du conflit à la Bosnie en 1992 est dans une
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