D’après P. Robert (Poitiers), le rôle des bactéries anaérobies
au cours des pneumopathies nosocomiales, survenant en parti-
culier chez les patients de réanimation ventilés artificiellement,
est sous-estimé. En effet, chez de tels patients, le développe-
ment d’une pneumopathie autour du ballonnet de la sonde d’in-
tubation est lié à des micro-inhalations de sécrétions pharyn-
gées particulièrement riches en anaérobies. Une étude réalisée
à Poitiers dans des conditions techniques appropriées a mon-
tré que les anaérobies peuvent être isolés dans 24 % des pneu-
mopathies survenues chez des patients ventilés artificiellement.
Les bactéries les plus souvent isolées appartiennent aux genres
Prevotella (fréquemment productrices de bêtalactamases),
Fusobacterium et Peptostreptococcus. Plusieurs éléments,
facteurs de virulence, infections expérimentales, réponse immu-
nitaire spécifique, arguments cliniques (indice de gravité plus
élevé et mortalité plus précoce) plaident en faveur du rôle patho-
gène de ces anaérobies. Les anaérobies sont présents lors des
pneumopathies précoces et tardives, mais plus souvent chez des
patients intubés par voie orotrachéale que par voie nasotra-
chéale. Ainsi, ces bactéries anaérobies doivent être prises en
compte dans le choix du traitement antibiotique des pneumo-
pathies nosocomiales, surtout en cas d’échec du traitement
initial.
G. Grollier, Poitiers
Infections de la sphère ORL
J.M. Klossek (Poitiers) a souligné la difficulté d’isoler des
anaérobies lors d’infections ORL diagnostiquées en ville. La
présence de ces bactéries est souvent détectée par l’odeur nau-
séabonde d’un foyer abcédé. Une enquête effectuée auprès de
dix ORL de ville a montré que des anaérobies étaient plus sou-
vent isolés lors des pathologies chroniques, otites et sinusites,
vues en consultation à l’hôpital.
G. Lamas (Paris) a indiqué qu’en réanimation, toute fièvre
inexpliquée doit faire suspecter une infection sinusienne. Des
ponctions systématiques des sinus sphénoïdaux ont été réali-
sées chez trente-sept malades. L’étude de ces prélèvements a
montré qu’ils n’étaient jamais polymicrobiens. Dix bactéries
aéro-anaérobies facultatives ont été isolées, principalement sta-
phylocoques et entérobactéries. Aucun anaérobie n’a été isolé
en culture. Ces résultats bactériologiques étonnants peuvent
être expliqués par le caractère systématique de ces prélève-
ments, réalisés en cours d’antibiothérapie. Ces prélèvements
ont souvent été effectués par lavage des sinus, provoquant ainsi
une dilution des bactéries éventuellement présentes.
G. Grollier (Poitiers) a présenté une étude rétrospective des
prélèvements sinusiens effectués chez 127 patients hospitali-
sés : 70 en chirurgie ORL et médecine (groupe 1) et 57 patients
de réanimation médicale et chirurgicale (groupe 2). Les cul-
tures étaient positives chez 97 patients (76 %). Des anaérobies
ont été isolés chez 52 patients (41 %), mais significativement
moins fréquemment dans le groupe 1 (23/70) que dans le
groupe 2 (29/57) [p = 0,04]. Les anaérobies les plus fréquents
appartenaient aux genres Prevotella et Fusobacterium. La plus
grande fréquence des anaérobies dans le groupe 2 permet de
penser que la sonde d’intubation favorise l’ensemencement des
sinus à partir de la cavité buccale.
P. Gehanno (Paris) a rappelé la constante participation des anaé-
robies dans les cellulites cervico-médiastinales. Leur présence
est évoquée par l’odeur nauséabonde. Une multitude d’espèces
anaérobies a été identifiée sans qu’aucune prédominance ne
ressorte. Ces infections restent grevées d’une mortalité de 25 %
malgré une chirurgie réalisée en urgence et des soins intensifs.
Au cours des cellulites cervico-médiastinales, un traitement anti-
anaérobie est justifié.
Dans les otites moyennes chroniques, des bactéries anaérobies
strictes sont présentes dans 40 % des cas. Aussi, lorsqu’il y a
échec de l’antibiothérapie initiale, l’adjonction de métronidazole
s’impose.
F. Mory, Nancy
INFECTIONS OSSEUSES
Les bactéries anaérobies strictes en pathologie osseuse
Les bactéries anaérobies sont souvent impliquées dans les infec-
tions ostéo-articulaires, mais leur mise en évidence est large-
ment sous-estimée. Le défaut d’études prospectives et le
manque d’intérêt pour ces germes font que ces pathologies sont
encore mal gérées, comme l’explique N. Desplaces (Paris).
Les anaérobies peuvent contaminer tous les os du squelette par
des mécanismes divers : inoculation directe (post-traumatique
ou post-chirurgicale), extension locale d’infection par conti-
guïté, la dissémination par la voie hématogène restant peu fré-
quente. Quelques éléments peuvent déjà faire suspecter la pré-
sence de germes anaérobies, comme l’odeur nauséabonde d’un
écoulement purulent, la visualisation de bulles in situ, l’exis-
tence d’une flore polymicrobienne ou l’absence de bactérie
visible à l’examen direct, associée à la présence de nombreux
polynucléaires (PN). De même, en absence de toute antibio-
thérapie préalable, la recherche des anaérobies doit être systé-
matique en présence de PN et de cultures stériles en aérobiose.
N. Desplaces (Paris) a insisté tout particulièrement sur la
nécessité d’obtenir des prélèvements ostéo-articulaires satis-
faisants, c’est-à-dire forts en profondeur (au minimum 3), chez
des patients n’ayant pas reçu d’antibiothérapie depuis plus de
15 jours, et après une désinfection cutanée minutieuse (ponc-
tion articulaire, biopsie osseuse, prélèvement peropératoire,
aspiration profonde et jamais de prélèvement de fistule). Ces
prélèvements profonds doivent être transportés et ensemencés
rapidement sur milieux gélosés et liquides riches, réduits et
adaptés. L’incubation doit toujours être prolongée : au moins
une semaine, voire quinze jours.
L’interprétation des résultats, quant à elle, est parfois délicate.
En effet, si le rôle pathogène des anaérobies n’est pas discuté
lorsque les cultures du prélèvement sont rapidement et abon-
damment positives, il est plus difficile d’apprécier le rôle patho-
gène de bactéries anaérobies isolées tardivement, en petite quan-
tité, voir à partir d’un seul milieu d’enrichissement. Ces
difficultés soulignent l’importance de prélèvements multiples.
Peuvent être isolés, seuls ou en association à d’autres germes :
– Propionibacterium acnes résistant à la phagocytose, produc-
teur d’acides gras et d’enzymes, dans les ostéomyélites, spon-
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 1 - janvier 2000
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