1
Fidélité
« Dans mes rêves dans la nuit noire, et à la lumière du jour dans
mon cœur, j’ai pensé à tout le bien que vous m’aviez fait », dit le
jeune Gengis Khan à l’homme qui lui avait sauvé la vie. Il lui
est resté fidèle et plus tard, une fois devenu le grand maître de
l’Asie Centrale, il lui a montré sa loyauté en le récompensant.
Dans l’immense steppe d’Asie, au XIIe siècle, la fideélité à un
chef était une vertu prisée. Un homme faisait preuve
d’allégeance à un chef, mais sa loyauté pouvait s’évaporer en
vue d’un autre chef plus puissant. Des alliances se forgeaient en
permanence et le manque de loyauté pouvait changer la donne. C’est ainsi que des
conquêtes pleines d’audace étaient rendues possibles. Pour Gengis Khan, et pour tant
d’autres gradns chefs, la loyauté était valeur fondamentale, valeur aussi précieuse que
l’or : rare, difficile à gagner, facile à perdre.
Orphelin de père, il comprit très tôt que la loyauté se cultivait, et encore très jeune, il
investit une année entière à travailler les liens, à créer des loyautés, pour pouvoir
s’ériger en chef. « L’Histoire Secrète », narration de la vie du peuple Mongol et de ce
grand conquérant, revue et corrigée par Gengis Khan lui-même, permet de voir à quel
point cet homme valorisait la loyauté. Sur cette base, il a modifié la société tribal et
pastorale dans laquelle il vivait, donnant une place prépondérante à son cercle de
fidèles, ce qui lui permit de faire toujours des nouvelles conquêtes.
Une oeuvre parallèle dans le temps, le Traité de l'amitié spirituelle (1163)*, signale que la
présence du Christ est déterminante dans l'union de deux âmes ; par son sacrifice il a
donné l'ultime mesure de ce qu'on peut attendre d'un ami. Ainsi, l’amitié est habitée par
la notion de fidélité. Cette vertu est exclusive et s’oppose de par son essence même à
toutes formes de désunion, d'abandon, et surtout d'indiscrétion. La discrétion suppose
de savoir garder des secrets, des confidences, qui, on le voit, deviennent une composante
majeure de la fidélité.
Aujourd’hui, les politiques forgent des alliances, se battent, recherchent sans cesse des
alliés, des relations fidèles. Des amitiés se nouent sur cette base et aussi se trahissent. On
est fidèle à un idéal, toute sa vie, un certain temps, et un historien est fidèle – ou non - à
la réalité. Malgré les multiples relations auxquelles ce mot s’applique, on parle
aujourd’hui surtout de fidélité dans le couple, comme si la variété du mot et des fidélités
possibles avaient été éclipsées par la seule relation amoureuse.
Phenomène d’époque ? Une rapide recherche Internet sur le mot « fidélité » va nous
livrer des dizaines de pages, presque toutes en relation au couple. Le Laroussse nous