Claude Régy est un metteur en scène toujours posté aux confins de
l’inconscient, à l’écoute des vibrations de l’âme, de la naïveté des
origines, des lumières confuses de l’autre côté des frontières de la raison.
Il est un éveilleur de conscience. Toute son esthétique théâtrale, depuis
plus de soixante ans, est au service de la spiritualité avec des moyens
épurés à l’extrême.
Il s’intéresse aux personnages hésitants, au vide apparent de la
simplicité, de la fausse immobilité apparente des choses et des êtres
dont il veut faire percevoir les vibrations intimes, presque invisibles. Car
Claude Régy avec le manteau de l’écriture fait un théâtre de l’invisible,
mais qui se refuse à tout prix à séparer l’esprit du corps. C’est un
invisible charnel, car son théâtre est aussi un théâtre érotique autant
qu’onirique.
Le théâtre de Régy est un théâtre des magies obscures, des
frémissements, des morts qui reviennent. Il n’est pas un prestidigitateur
voulant envoûter le spectateur. Il parle à des adultes, des citoyens de la
vie. Il ne les subjugue point, il leur ouvre seulement des portes
jusqu’alors cachées, brouillées par le bruit chaotique du monde actuel.
Claude Régy ne narre pas, ne décrit pas, il habite les mots, l’espace.
Son théâtre semble venir du lointain, comme ayant déjà existé avant,
depuis longtemps, à la lisière de nos intimes. Il est délesté de tous les
poids inutiles, du plomb écrasant des déchets polluants du réel. Il lutte
contre l‘anéantissement de la culture.
Quand on feuillette la très longue liste des mises en scène de Claude
Régy, plus de soixante, on repère une familiarité avec l’opéra ou la
musique de Wagner, Janacek, Berio, Honegger, facilité selon lui qu’il va
assez vite abandonner, la trouvant trop spectaculaire et éloignée de ce
travail vers l’épuration qu’il recherche maintenant, mettant souvent en
scène des solos d’acteur dans des décors minimalistes avec des
lumières qui nimbent émises par des ampoules Led, indiscernables.
Aussi on retrouve ses auteurs favoris, qu’il a souvent été le premier à
présenter en France : Marguerite Duras, son ami Nathalie Sarraute,
Edward Bond, Jon Fosse, Harold Pinter, Sarah Kane, Henri Meschonnic,
Peter Handke, Botho Strauss… Il veut faire connaître des auteurs à
découvrir, et souvent il fut le premier à les donner à entendre et à voir.
Pour lui les textes doivent être contemporains et essentiels, ce qui ne
veut pas dire actuels, L’Ecclésiaste et les Psaumes sont pour lui
contemporains.
Delphine Seyrig, Michel Lonsdale, Isabelle Huppert, mais aussi des
comédiens peu connus, ont été mis en lévitation poétique par cet
immense metteur en scène à rebours des normes du théâtre habituel, de
ses poncifs brechtiens des années 70. Il dérange et il subjugue. Il est la