© S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
Culture Théâtre
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La Libre Belgique - vendredi 3 juin 2016
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vendredi 3 juin 2016 - La Libre Belgique
Le théâtre doit poser des questions
d’aujourd’hui
Quelle est la place pour la jeunesse?
Dans mon programme, il n’y a pas de
jeunisme. Je tiens plutôt à mettre l’ac-
cent sur des écritures émergentes
comme peuvent l’être celles de créa-
teurs aussi expérimentés que Françoise
Bloch, ou Claude Régy, qui a tout de
même 90 ans. Il y aura aussi une pré-
sence du National aux Rencontres
jeune public de Huy. Il faut faire con-
fiance à de grands spectacles pour les
enfants.
Par ailleurs, il faut créer une nouvelle
catégorie d’âge – de 27 à 35 ans – dans
les prix des tickets.
Pour la première fois, les générations
suivantes sont moins bien loties que les
précédentes. Les jeunes d’aujourd’hui
sont sacrifiés, ne trouvent que des CDD,
peinent à acquérir un logement. Une
soirée théâtre leur coûte cher, surtout
s’ils viennent en couple, doivent pren-
dre une baby-sitter et boivent un verre
après.
A quoi sert le théâtre?
Il doit poser des questions
d’aujourd’hui. La culture est un espace
poétique nécessaire entre la place pu-
blique et le monde des décideurs. Le
théâtre est là pour poser des questions
politiques et esthétiques dont les ci-
toyens peuvent s’emparer pour les ren-
voyer aux politiques. Ce qui fonde une
démocratie, c’est la capacité d’opposi-
tion. Notre rôle n’est pas de conforter
les gens là où ils sont ni de donner des
réponses, mais de poser des ques-
tions. Il va de soi que les choix de ces
questions n’est pas innocent.
Un spectacle peut demander un effort du
spectateur?
Le théâtre, en questionnant le monde,
exige un travail, un effort d’imagina-
tion, de la part des spectateurs pour en-
trer dans certaines formes esthétiques.
Le théâtre est une forme de divertisse-
ment mais il n’est pas une distraction. Il
ne peut pas distraire du monde. C’est
aussi, disait Claude Régy, le dernier en-
droit où des gens sont encore en face
d’autres gens. Et cela durera longtemps.
Comment justifier une subvention au théâ-
tre alors qu’il y a tant de besoins sociaux
urgents?
Il faut pouvoir parler à cette jeunesse
dont certains se sont fait sauter dans le
métro. Beaucoup de jeunes ne se recon-
naissent plus dans les institutions.
L’éducation et la culture sont alors es-
sentielles pour renouer ce contact. Le
metteur en scène allemand Thomas Os-
termeier a dit qu’ouvrir un théâtre est
aussi important qu’ouvrir un hôpital.
Nous traversons une crise sociétale qui
est la conséquence de la dynamique
dans laquelle on est plongé. Des mou-
vements comme Tout Autre Chose
(dont mon frère est porte-parole) ou
Nuit Debout, en France, veulent mon-
trer que des alternatives existent. Le
théâtre peut trouer un peu le ciel
plombé, permettre de penser le monde.
Il rassemble les gens et propose un es-
pace temps, “l’ici et maintenant” qu’on
ne trouve plus ailleurs.
Comment tout a commencé
Entretien Laurence Bertels,
Guy Duplat et Marie-Anne Georges
Depuis l’annonce de sa nomination (LLB
24/5), Fabrice Murgia rencontre les équi-
pes du National et discute de son plan.
Le personnel, qui avait voté à 80 % pour lui,
semble ravi. Nous l’y retrouvons pour évo-
quer d’abord ses tout débuts.
Vos origines sont loin du théâtre…
Je ne viens pas d’un milieu prédestiné pour le théâ-
tre. Mon père d’origine italienne était plafonneur et
ma mère, d’origine espagnole, coiffeuse. Si
aujourd’hui, ils aiment et vont au théâtre, c’est mon
frère David (NdlR : également comédien et metteur
en scène) et moi-même qui leur en avons donné le
goût. C’est une forme de transmission culturelle in-
versée. Dans ma jeunesse, on était une bande à Sou-
magne, un lieu pas spécialement connu pour ses
théâtres. Mais j’ai eu la chance d’avoir un professeur
de morale dégourdi qui m’a transmis sa passion pour
le théâtre. Ce fut d’abord la rencontre avec les grands
textes. On allait au centre culturel. Mon inconscient
collectif d’alors –on est dans les années 80 – était éga-
lement forgé par les films de Lucas et Spielberg dont
la poésie et la manière de raconter des histoires
m’ont influencé.
On est encore loin du “politique” ?
Mon intérêt pour les conditions sociales est venu plus
tard, au moment charnière pour tout jeune qui doit
faire le choix de son métier. Que faire de sa vie ? Je me
souviens de ces messieurs envoyés par le Rotary pour
nous expliquer leurs professions. Cela m’a marqué.
J’avais le sentiment d’être très démuni face à mon en-
vie de changer un peu le monde. J’ai donc choisi le
théâtre et le Conservatoire de Liège. Mes parents ont
été formidables. Ils ont accepté ce choix même s’il re-
présentait pour eux une douleur car ils craignaient que
je prenne un chemin difficile alors qu’ils rêvaient, pour
leurs fils, d’une vie meilleure que la leur.
La rencontre décisive, ce fut le Groupov ?
Au Conservatoire de Liège, je fais la rencontre détermi-
nante avec le Groupov : c’était une manière de vivre,
une classe très internationale avec des acteurs venus de
partout et un homme formidable, Max Parfondry. Le
Groupov m’a conforté dans l’envie de devenir acteur
car je me disais que c’était là que je pouvais participer
au monde et le changer. J’ai rapidement joué dans des
choses radicalement différentes. A 21 ans, j’étais à Avi-
gnon parmi les figurants d’“Anathème” de Jacques Del-
cuvellerie et je jouais dans le film “Odette Toulemonde”
d’Eric-Emmanuel Schmitt. Je découvrais ainsi des ma-
nières très variées d’envisager le théâtre et les guerres
intestines entre les familles théâtrales. Très vite, j’ai eu
un enfant tout en ne voulant pas devenir adulte, car je
me suis toujours dit que se déconnecter des problèmes
des jeunes adultes serait la mort des idées. Il fallait aussi
que je reste attaché au monde de l’enfance, cette pé-
riode durant laquelle l’imaginaire se forme.
Puis, il y eut le “miracle” du “Chagrin des ogres”…
Je ne voulais plus seulement me fondre dans le tempo
d’un metteur en scène mais entraîner d’autres artistes
dans le mien. Ce fut l’aventure du “Chagrin des ogres”,
mon premier spectacle, celui qui m’a fait connaître.
Jacques Delcuvellerie m’a accueilli pour le préparer et
je travaillais le soir pour payer les acteurs. Mais le CAPT
(Conseil d’aide aux projets théâtraux) nous avait refusé
tout subside, assortissant son refus d’une critique très
dure. Malgré cela, nous avons organisé un “show case”
où, hélas, presque personne n’est venu. Nous avons
alors replié notre décor. Je roulais dans Liège avec Max
qui, tout à coup, au feu rouge, me montre et salue, dans
la voiture d’à côté, Jean-Louis Colinet, que je ne con-
naissais pas. Lui, par contre, me reconnaît et me dit :
“Fabrice, je viens voir ton spectacle demain”. On a vite
remonté le décor ! Jean-Louis prend le risque de le pro-
grammer au Festival de Liège. C’est un succès qui ne se
dément plus depuis. On le joue encore aujourd’hui. A
25 ans, j’étais papa, j’avais réalisé un spectacle et je de-
venais artiste associé au Théâtre National. Ensuite, tout
s’est enchaîné extrêmement vite.
Fabrice Murgia,
une jeunesse
d’avance
Voici dix jours, Fabrice
Murgia, 32 ans à peine,
était nommé directeur
du Théâtre national.
Un choix audacieux
pour la plus grande scène
de la Communauté française.
Nous l’avons longuement
rencontré pour mieux
connaître ses débuts,
sa philosophie et les
grandes lignes de son projet.
Fabrice Murgia, l’enfant prodige de la scène théâtrale,
dans la grande salle du Théâtre National
ALEXIS HAULOT
“C’est le Groupov qui
m’a conforté dans
l’envie de devenir
acteur car je me disais
que c’était là que je
pouvais participer au
monde et le changer.”
“Il faut créer une
nouvelle catégorie
d’âge – de 27 à 35 ans
– pour les prix
des tickets.”
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Le théâtre doit poser des questions
d’aujourd’hui
Quelle est la place pour la jeunesse?
Dans mon programme, il n’y a pas de
jeunisme. Je tiens plutôt à mettre l’ac-
cent sur des écritures émergentes
comme peuvent l’être celles de créa-
teurs aussi expérimentés que Françoise
Bloch, ou Claude Régy, qui a tout de
même 90 ans. Il y aura aussi une pré-
sence du National aux Rencontres
jeune public de Huy. Il faut faire con-
fiance à de grands spectacles pour les
enfants.
Par ailleurs, il faut créer une nouvelle
catégorie d’âge – de 27 à 35 ans – dans
les prix des tickets.
Pour la première fois, les générations
suivantes sont moins bien loties que les
précédentes. Les jeunes d’aujourd’hui
sont sacrifiés, ne trouvent que des CDD,
peinent à acquérir un logement. Une
soirée théâtre leur coûte cher, surtout
s’ils viennent en couple, doivent pren-
dre une baby-sitter et boivent un verre
après.
A quoi sert le théâtre?
Il doit poser des questions
d’aujourd’hui. La culture est un espace
poétique nécessaire entre la place pu-
blique et le monde des décideurs. Le
théâtre est là pour poser des questions
politiques et esthétiques dont les ci-
toyens peuvent s’emparer pour les ren-
voyer aux politiques. Ce qui fonde une
démocratie, c’est la capacité d’opposi-
tion. Notre rôle n’est pas de conforter
les gens là où ils sont ni de donner des
réponses, mais de poser des ques-
tions. Il va de soi que les choix de ces
questions n’est pas innocent.
Un spectacle peut demander un effort du
spectateur?
Le théâtre, en questionnant le monde,
exige un travail, un effort d’imagina-
tion, de la part des spectateurs pour en-
trer dans certaines formes esthétiques.
Le théâtre est une forme de divertisse-
ment mais il n’est pas une distraction. Il
ne peut pas distraire du monde. C’est
aussi, disait Claude Régy, le dernier en-
droit où des gens sont encore en face
d’autres gens. Et cela durera longtemps.
Comment justifier une subvention au théâ-
tre alors qu’il y a tant de besoins sociaux
urgents?
Il faut pouvoir parler à cette jeunesse
dont certains se sont fait sauter dans le
métro. Beaucoup de jeunes ne se recon-
naissent plus dans les institutions.
L’éducation et la culture sont alors es-
sentielles pour renouer ce contact. Le
metteur en scène allemand Thomas Os-
termeier a dit qu’ouvrir un théâtre est
aussi important qu’ouvrir un hôpital.
Nous traversons une crise sociétale qui
est la conséquence de la dynamique
dans laquelle on est plongé. Des mou-
vements comme Tout Autre Chose
(dont mon frère est porte-parole) ou
Nuit Debout, en France, veulent mon-
trer que des alternatives existent. Le
théâtre peut trouer un peu le ciel
plombé, permettre de penser le monde.
Il rassemble les gens et propose un es-
pace temps, “l’ici et maintenant” qu’on
ne trouve plus ailleurs.
ALEXIS HAULOT
“C’est le Groupov qui
m’a conforté dans
l’envie de devenir
acteur car je me disais
que c’était là que je
pouvais participer au
monde et le changer.”
“Il faut créer une
nouvelle catégorie
d’âge – de 27 à 35 ans
– pour les prix
des tickets.”
© S.A. IPM 2016. Toute représentation ou reproduction, même partielle, de la présente publication, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans autorisation préalable et écrite de l'éditeur ou de ses ayants droit.
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vendredi 3 juin 2016 - La Libre Belgique
“Blackened
Cities”,
une perle
signée
De Biasio
Jazz La Belge, consacrée par la
critique depuis “No Deal”, sort
un nouvel opus... d’un seul titre.
Rencontre Sophie Lebrun
H
ors format, fantomatique, in-
classable, non-radiophonique
mais ô combien habité et ma-
gnifique, “Blackened Cities” est un
disque phare de 2016. Il ne contient
qu’une pièce, longue de 24 minutes,
conçue dans ce jazz-blues-trip-hop
stellaire caractéristique de Melanie De
Biasio. Où le silence importe autant
que les notes, où le chant soyeux glisse
subtilement sur les instruments (flûte,
piano, batterie, synthé, contrebasse).
L’auditeur est invité à fermer les yeux,
à respirer profondément.
Cet univers singulier, révélé sur l’al-
bum “No Deal” (2013), a déjà valu à
l’auteur-compositrice-interprète et
flûtiste carolorégienne (bruxelloise
d’adoption) une nuée d’éloges, de Pa-
ris à New York en passant par Londres.
Ce disque, écoulé à 70 000 exemplai-
res, inspira aussi un album de remixes
dirigé par le Londonien Gilles Peter-
son (“No Deal Remixed”).
Créations “poreuses au présent”
Les yeux noisette de Melanie De Bia-
sio brillent quand on évoque ces trois
années intenses. Elle s’est produite
dans les grands festivals, en première
partie de Eels au Royal Albert Hall et
la première Belge en vingt ans– dans
la célèbre émission de la BBC “Later
with Jools Holland”. Elle a empoché
un (second) Octave, un Worldwide
Award et un European Border Breaker
Award, a joué au Japon, a prêté sa voix
aux B.O. des films de David Lynch à
Bozar… Il y eut aussi la rencontre avec
le songwriter Damien Rice, en marge
de l’émission “Other Voices” (le “Later
with Jools Holland” irlandais), souli-
gne-t-elle. “On s’est retrouvés par ha-
sard dans le même pub. On a passé une
soirée magnifique. On garde contact.La
rencontre avec John Parish, par
ailleurs, musicien et producteur an-
glais renommé, qui se dit grand fan de
“No Deal” et “Blackened Cities”. Tout
comme Philip Selway, batteur de Ra-
diohead, pour qui “No Deal” fut l’al-
bum de l’année 2014. “C’est super, ces
retours d’artistes, indique Melanie De
Biasio. Mais mes plus grands moments
sont les concerts, le partage avec le pu-
blic. C’est à, chaque fois, une nouvelle
histoire réinventée. Une création instan-
tanée, poreuse au présent.”
Une perle née “par accident”
L’expression pourrait s’appliquer à
“Blackened Cities”, une petite perle
musicale aux reflets changeants, “née
par accident”, raconte la chanteuse.
“On était en studio pour préparer un
concert. On n’a pas l’habitude de répéter
mais je m’étais dit : au moins on va enre-
gistrer les répétitions pour pouvoir réé-
couter, analyser… Mais le pire arriva : la
magie se barrait. Alors j’ai dit aux gars :
j’ai un nouveau morceau, que pensez-
vous de l’écouter puis créer ensemble un
long développement, avec un début et
une fin, comme on le fait en live ? Ils ont
flashé sur le morceau (qui faisait 3 minu-
tes 30), et là, sur le fil, on en a fait deux
longues versions.” C’est
l’une de ces deux im-
provisations collectives
qui, plus tard, sera gra-
vée sur CD. “Je réécoutais
les répétitions, en roulant
à vélo dans la ville comme
j’ai coutume de le faire, et
je suis retombée sur cet
instant.” La pièce de 24
minutes s’avéra pré-
cieuse: “Elle me faisait un
bien fou, me nettoyait de tout. Je la réé-
coutais, la réécoutais… J’ai pensé que son
destin n’était pas de rester dans mon
iPod.”
Il restait à affiner ce joyau brut, le do-
ter d’un subtil mixage. “J’ai rencontré
l’orfèvre à New York : David Baron, pia-
niste et claviériste qui fut longtemps le
collaborateur de Lenny Kravitz.”.
Chercheurs d’or “noirs de monde”
Un vibrant cliché noir et blanc du
photographe Stephan Vanfleteren
orne la pochette de l’album: une vue
du Charleroi industriel sous un ciel
presque mystique. “J’ai vu en cette
photo tout l’éclat et l’obscur, le contraste
que je sens dans cette ville. Les terrils qui
fument encore, ce sont de petits volcans
qui dégagent une énergie –qui peut être
destructrice ou porteuse”, confie Mela-
nie De Biasio. Cela dit, le disque n’est
pas inspiré de sa cité natale en particu-
lier, mais de toutes ces grandes villes
parcourues en tournée, “où on est à la
fois condensés en un même lieu, et tous
en quête de quelque
chose, en quête d’or (des
‘goldjunkies’ dit la chan-
son), que ce soit l’argent,
la reconnaissance, le
foyer, la chaleur, le feu, la
coke... Ce sont aussi nos
‘villes’ intérieures que
j’évoque. Quand Bas-
hung chante ‘Je suis noir
de monde’, ça me parle.”
All we do is work/All
day long” susurre la petite voix de
“Blackened Cities”, tout en refusant de
se laisse enfermer (“No you won’t find
me trapped in this jail”)...
C’est sur scène, à présent, que Mela-
nie De Biasio et ses talentueux compè-
res (Pascal Mohy, Pascal Paulus, Dre
Pallemaerts et Sam Gerstmans) remo-
dèlent ces “Blackened Cities” et
d’autres titres au gré de leur envies et
de l’atmosphère du moment. A décou-
vrir à Flagey ce samedi (complet), mais
aussi en festival cet été.
U
“Blackened Cities”, Pias. A Flagey le
4/6 (complet), au Jazz Midelheim le 14/8,
aux Feeërieën (Parc de Bruxelles) le 22/8.
Melanie De Biasio reprend la route des festivals
cet été, en Belgique et au-delà.
DAVID HAESAERT
Melanie De Biasio
Naît le 12 juillet 1978
àCharleroi.
Suit des cours de danse
classique, puis de solfège,
flûte traversière et
déclamation durant
l’enfance. Elle joue dans une
harmonie et dans des
groupes rock, funk et jazz.
Etudie le chant (jazz)
au Conservatoire royal
de Bruxelles.
Publie son premier album
A Stomach Is Burning”
(Igloo) en 2007 et le second
“No Deal” (Pias) en 2013,
tous deux récompensés
d’un Octave de la musique.
Le mini-album (un titre)
“Blackened Cities” paraît
le 20 mai 2016.
Bio express
“Quand Bashung
chante ‘Je suis
noir de monde’,
cela me parle”
MELANIE DE BIASIO
“Ce sont nos mondes fertiles,
intérieurs” qu’évoque
“Blackened Cities”, dit-elle.
Son projet
pour le National
Vous avez appelé votre projet “Studio
National” ?
Le Studio est le centre de mon projet.
C’est historiquement une salle de ré-
pétition faite sur mesure pour le Na-
tional et qui est en lien avec tous les
métiers du théâtre qu’on trouve au
National et que je veux faire mieux
connaître et mieux exploiter en-
core au profit des compagnies. On in-
vitera chaque année, cinq compagnies
à monter des spectacles dans le studio
avec nos équipes. Le mot “compagnie”
est le mot fort de mon projet. Il veut
répondre au malaise actuel où les mai-
sons de théâtre prennent le pas sur les
compagnies. Il est significatif qu’il n’y
a eu longtemps qu’une chambre pa-
tronale de théâtre et pas de chambre
de défense des compagnies.
C’est “L’artiste au centre” ?
J’ai présidé les débats de la coupole
“L’artiste au centre” voulue par la mi-
nistre Joëlle Milquet. Je veux aider à
rendre les institutions aux compa-
gnies et aux artistes. Les artistes doi-
vent ‘challenger’ les institutions qui, à
leur tour, doivent ‘challenger’ les artis-
tes. Dans les cinq créations annuelles,
il n’y aura pas nécessairement une
création de ma compagnie Artara mais
il devrait y avoir une compagnie
étrangère travaillant avec des acteurs
belges et deux créations plus spéciale-
ment destinées à tourner dans les cen-
tres culturels. J’attends maintenant les
projets des compagnies. Qu’elles me
les envoient !
Vous allez mettre le National en “ré-
seau” ?
J’indique clairement ma famille théâ-
trale. On y retrouvera Vincent Henne-
bicq par exemple ou Milo Rau qui de-
vrait rejouer “Five easy pieces” pré-
senté au Kunsten et peut-être créer un
autre spectacle. Il y aura aussi plus de
danse (Peeping Tom, Michèle Noiret),
de l’acrobatie. Je voudrais garder les
liens aussi avec le Festival de Liège, le
Toneelhuis d’Anvers et des maisons à
l’étranger que j’ai appris à connaître
comme Avignon, la Biennale de Ve-
nise, le théâtre de Gérone. Devenu di-
recteur du National, j’ai arrêté par con-
tre ma collaboration avec Franco Dra-
gone pour la construction d’un théâtre
à Dubaï même si je reste conseiller.
Il y a le projet Brusselles/Babel dont
vous devez encore vérifier la faisabilité
avec le budget du Théâtre National ?
Je voudrais organiser quatre festivals
annuels : le festival XS, le festival des li-
bertés et deux nouveautés : un festival
reprenant les succès publics de l’année
en Communauté française et un festi-
val international dédié à l’émergence,
aux premiers spectacles. Tous les deux
ans, je propose, en plus, à vérifier si le
budget du National le permet, un
grand spectacle/événement sur le pié-
tonnier bruxellois dont j’aime beau-
coup l’idée. A l’image de Karbon Kaba-
ret que j’ai mené à Liège. Bruxelles est
la deuxième ville la plus cosmopolite
du monde, j’habite Molenbeek, je
veux travailler avec l’associatif, les ar-
tistes bruxellois de toutes origines,
avec aussi l’exigence artistique. Un
spectacle en 22 tableaux, de rue, gra-
tuit, avec un metteur en scène qui ne
sera pas nécessairement moi. Je rêve
d’y voir Charlie Degotte travailler avec
Fabrizio Cassol, les chœurs d’enfants
de la Monnaie travailler avec un
groupe flamenco. Je suis aussi très en
phase avec Bruxelles laïque et son fes-
tival des libertés qui a le projet très
ambitieux de reprendre l’ex-cinéma
Variétés avec même une passerelle
d’Olivier Bastin nous reliant aux Va-
riétés.
“Le mot ‘compagnie’ est le mot fort de mon projet.
Il veut répondre au malaise actuel où les maisons
de théâtre prennent le pas sur les compagnies.”
FABRICE MURGIA
Nouveau directeur du Théâtre national, à 32 ans à peine.
ALEXIS HAULOT
DSK fait
condamner
Régis Jauffret
Justice. “La Ballade de Rikers
Island”est diffamatoire, juge le
tribunal correctionnel de Paris.
Dominique Strauss-Kahn a ob-
tenu jeudi la condamnation en
diffamation de l’auteur de “La
Ballade de Rikers Island”, roman sur
l’affaire du Sofitel qui a coûté sa car-
rière à l’ancien patron du FMI. Le tri-
bunal correctionnel de Paris a con-
damné Régis Jauffret à une amende
de 1500 euros avec sursis, ainsi qu’à
10000 euros de dommages et inté-
rêts au titre du préjudice moral. Il a
aussi interdit toute nouvelle édition
du roman comportant les passages
jugés diffamatoires (la scène du viol).
Tranchant entre liberté d’expres-
sion et protection de l’honneur, le tri-
bunal a jugé qu’“il ne saurait suffire,
pour prétendre échapper à toute con-
damnation, de s’abriter sous la qualifi-
cation expresse de roman”.
Le fait divers a pourtant souvent
inspiré les écrivains. Qu’on pense au
magnifique “De sang-froid” de Tru-
man Capote, qui raconte un crime
qui avait fait la Une des médias. Ou,
plus récemment, le roman d’Emma-
nuel Carrère “L’Adversaire”, tiré de
l’histoire de Jean-Claude Romand qui
avait assassiné sa famille quand le
mensonge sur sa vie allait éclater.
Transformer les faits en objet littéraire
Régis Jauffret en a fait sa marque.
Dans “Sévère” (2010), il s’emparait
de l’affaire Stern, le banquier re-
trouvé mort, tué par sa maîtresse. Il
remettait le couvert en 2012 avec
“Claustria”, qui racontait l’enfer vécu
par la fille de Josef Fritzl, enfermée
par son père dans une cave pendant
24 ans avec les enfants qu’il lui avait
faits.
Régis Jauffret a démontré qu’il pou-
vait transformer ces faits divers en
objets pleinement littéraires.
En 2014, l’écrivain envisageait déjà
une condamnation possible et nous
disait : “C’est surtout en France que les
juges sont restrictifs pour la liberté des
écrivains. On y a tendance à s’attaquer
aux artistes qui sont des gens faibles. On
ne risque pas grand-chose à se mettre
un écrivain à dos. Alors que s’attaquer
aux journaux et revues qui ont publié
des kilomètres de textes sur l’affaire eut
été bien plus dangereux. Un journal
peut avoir la rancune tenace. Ce livre
n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan
qui fut publié sur cette affaire. Une vie
d’homme ne suffirait pas pour voir tous
les documents diffusés. Mais curieuse-
ment, c’est à l’écrivain, à l’artiste, qu’on
demande de rendre des comptes mo-
raux et de s’expliquer.
Guy Duplat
3 juin 16
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