Propos recueillis par Pierre Fort et Jean-Philippe Card
Jai appris les attentats avant de partir chanter à Berlin. Cest
très douloureux. Jai le souvenir des bruits, des inquiétudes de
la guerre. Normalement, lennemi est au dehors. Cette fois-ci, il
nest ni un occupant ni un soldat : cest un assassin qui vit avec
nous. Ce nest pas une vraie guerre. On vit avec nos tueurs. La
culture et la jeunesse sont clairement visées. Cest la pire des
choses.
Depuis toute petite, jai une passion pour le théâtre. Comme
jétais mutique, jai dabord voulu être danseuse. Cela me
paraissait la meilleure façon de tout dire. Puis jai découvert la
tragédie. Je misolais dans le jardin, et je déclamais Hermione.
Ces personnages exprimaient tout ce que javais envie de dire.
La meilleure manière que javais de signifier mes sentiments
était demprunter le langage des autres.
Jallais à la Comédie-Française, aux matinées enfantines. Ma
première expérience de music-hall fut un choc qui ma donné
envie de faire du spectacle. Avec ma mère, nous étions allées
voir « Trois valses », avec Yvonne Printemps.
Jai toujours été proche de la famille du théâtre. À ma sortie de
prison, jai été recueillie par Hélène Duc, qui était à lOdéon.
Cétait une grande résistante, en plus dêtre une magnifique
comédienne. Je lui dois tout et cest elle qui ma poussée à
présenter une scène d« Andromaque » au concours du
Conservatoire en novembre 1943.
« Bonheur, impair et passe », de Sagan, a été un four
retentissant malgré des comédiens exceptionnels, comme Jean-
Louis Trintignant. Françoise avait voulu faire la mise en scène.
Ce fut un désastre ! Claude Régy a bien essayé de donner un
coup de main, mais avec Françoise, c’était peine perdue… Cette
pièce reste une aventure complètement dingue. Les répétitions
étaient très arrosées et ce nétait pas triste. Seule Alice Cocéa
avait une haine féroce pour moi et me donnait de grands coups
de poing dans le dos avant dentrer en scène. Elle provoquait en
moi un dégoût intense : elle passait son temps à manger des
sucreries, nourrissant secrètement la tête du ténia quelle avait
fait venir dAmérique pour ne pas grossir !
Je nai pas beaucoup joué au théâtre, mais mon métier ma
comblée : une bonne chanson, cest une courte pièce de théâtre.
Retrouvez linterview intégrale de Juliette Gréco en
décembre sur notre site web.
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