L’ultime symphonie
Lundi 13 mars 2017, par Catherine Sokolowski
Dans un hôtel de province, ultime rencontre après une séparation. Cela fait trois ans qu’ils ne se
sont plus vus. Ils essayent de comprendre, lui aimerait reprendre. Elle sait que ce n’est pas
possible. Anne-Marie Roche (Catherine Salée) et Michel Nollet (Yoann Blanc), “35 ans ou plus”,
ont été très amoureux. Leur histoire pourrait être celle de n’importe qui : une union qui fonctionnait,
mais dans certaines conditions. A l’hôtel, ils s’aimaient, plus tard dans la maison qu’ils avaient
acquise, ce n’était plus la même chose. Les deux acteurs de “La trêve” se retrouvent sur la scène
d’un théâtre, endossant des costumes diamétralement opposés à ceux qu’ils avaient revêtus pour
la série. Brillants à l’écran, éblouissants sur les planches.
Comme pour “L’amant”, prix Goncourt en 1984, qui sera réécrit en 1991 sous le titre “L’amant de la
Chine du nord”, Marguerite Duras, achève “La Musica”, vingt ans plus tard sous le titre “La Musica
Deuxième”, en 1985. Dans les deux cas, l’analyse est peaufinée. Les histoires d’amour paraissent
simples mais elles ne le sont pas. La mise en scène de cette pièce non plus. Les mots sont
importants, essentiels, comme la langue, les phrases, leur rythme. La mise en scène de
Guillemette Laurent intègre subtilement ces ingrédients. D’une simple lecture au départ, les
éléments évoluent. La lumière, qui devient plus intime, l’espace qui s’agrandit, le son, amplifié par
des micros. Michel se met à danser.
Les spectateurs interprètent le 3ième rôle de la pièce, c’est à eux que l’on s’adresse. A moins qu’ils
ne soient chef d’orchestre de cette élégante partition. Car c’est un peu de cela qu’il s’agit : de
musique, comme souvent chez Marguerite Duras. Parfois, surtout dans la première partie, les
acteurs citent les didascalies et se vouvoient. Ensuite, les échanges deviennent plus intimes. Elle
fréquentait les bars, il voyait cela comme une félonie mais elle en avait besoin. “Elle a voulu mourir
quand il a demandé le divorce”.
Trois ans ont passé. Anne-Marie se remarie au mois d’août et ira vivre en Amérique, lui, également
en couple, semble plus indécis. Force et finesse, profondeur et humour, rythme et élégance, le
texte coule comme les larmes qu’il suggère. Avec une conclusion, qui s’impose : “Nous allons
aimer moins maintenant les autres gens”. Et nous, encore un peu plus, le théâtre. A ne pas
manquer.