Comment évaluer l’influence de la précharge, de la postcharge et de la contrac-
tilité sur la pompe cardiaque ? Comment évaluer le travail cardiaque ?
Le diagramme pression-volume intraventriculaires (gauches ou droites) ou dia-
gramme P-V est une autre représentation du fonctionnement de la pompe cardiaque
qui consiste à éliminer le temps entre les courbes de la pression et du volume intra-
ventriculaires de la Figure 4-10. Sur un tel diagramme, il est facile d’observer les
effets d’une modification, par exemple, de la précharge, de la postcharge ou de la
contractilité. De plus, le travail ventriculaire est immédiatement visualisé.
DÉFINITIONS
La contraction d’un muscle strié est caractérisée par deux paramètres essentiels : la
force (appelée improprement tension) qu’il développe et ses variations de longueur.
Si la contraction s’effectue à force constante, elle est appelée isotonique. Si elle se
réalise à longueur constante, elle est dite isométrique . Mais en général, force et lon-
gueur varient : on dit que la contraction est auxotonique.
Dans le cas du cœur, la pression et le volume intraventriculaires sont les paramètres
équivalents à la force et à la longueur. La pression est mesurée à l’aide d’un capteur
de pression placé à l’extrémité d’un cathéter introduit dans le ventricule; le volume
intraventriculaire peut être évalué par radiographie. On définit une contraction iso-
barique dans laquelle la pression reste inchangée, une contraction isovolumique qui
s’effectue avec un volume intraventriculaire constant et une contraction auxobarique
quand la pression et le volume intraventriculaires varient simultanément.
Le volume de sang que contient le ventricule en fin de diastole, appelé volume télédiasto-
lique, représente la précharge. Au moment de l’ouverture de la valve aortique, alors que la
précharge diminue en raison de l’éjection du sang, une nouvelle charge apparaît, représentée
par l ’impédance d’entrée de l’aorte (ou de l’artère pulmonaire) : on l’appelle la postcharge1 .
6DIAGRAMMES
PRESSION-VOLUME
INTRAVENTRICULAIRES
1. Précharge et postcharge sont parfois définies comme étant représentées par la tension pariétale diasto-
lique et systolique.
L’élastance définit l’élasticité, c’est-à-dire la propriété pour un corps déformable
allongé ou comprimé par une force de retourner à son état initial. L’élastance car-
diaque passive est due aux propriétés élastiques du muscle cardiaque au repos.
L’élastance activereprésente une élastance supplémentaire provoquée par l’augmen-
tation, lors de la contraction, du nombre des ponts actine-myosine des myofilaments
contenus dans les cellules cardiaques.
ÉTABLISSEMENT DU DIAGRAMME P-V
Si en coordonnées cartésiennes on porte les variations de la pression intraventricu-
laire P en ordonnées et du volume intraventriculaire V en abscisses du ventricule
gauche par exemple, durant tout un cycle cardiaque, on obtient une boucle fermée
appelée diagramme P-V (Figure 6-1). Les quatre côtés du diagramme P-V corres-
pondent aux quatre phases du cycle cardiaque.
Phase I
AB représente la phase de remplissage. Les coordonnées de A définissent la pression
et le volume au début du remplissage; celles de B la pression et le volume de fin de
remplissage ou pression et volume télédiastoliques (fin de diastole) désignés par PED
et V ED (E : end ;D:diastole).
D’après plusieurs auteurs (Maugham et al. 1979, Suga et al. 1974, etc.), la pression
du début de remplissage ventriculaire est négative : le point A se trouverait ainsi en
dessous de l’axe des volumes. Cela confirme l’effet d’aspiration responsable en
partie du remplissage ventriculaire.
Phase II
Le segment BC correspond à la contraction isovolumique.
38 COMPRENDRE LA PHYSIOLOGIE CARDIOVASCULAIRE
Figure 6-1 Diagramme P-V.
P
C
AB
V
D
Phase III
Lorsque la pression intraventriculaire dépasse la valeur de la pression aortique, la
valve aortique s’ouvre (point C) et la phase d’éjection commence. Pendant cette
phase, le volume diminue (C à D) tandis que la pression continue d’augmenter, passe
par un maximum puis diminue. Il s’agit donc d’une contraction auxobarique. Le
point D définit la pression P ES et le volume V ES télésystoliques (fin de systole).
Phase IV
Le segment DA correspond au relâchement isovolumique.
La différence entre les volumes intraventriculaires télésystolique V ES (volume résiduel)
et télédiastolique V ED (volume de remplissage) donne le volume d’éjection systolique Vs.
Les phases II et III constituent la systole, les phases I et IV la diastole.
HISTORIQUE
Le premier diagramme P-V fut donné par Frank en 1898, puis complété par Sulzer et
Reichel dans les années 1930 (Figure 6-2). Ces auteurs ont défini trois courbes,
conditions limites de la contraction.
— La courbe 1, courbe réelle, est le lieu des points qui correspondent aux pressions
passives (en l’absence de contraction) enregistrées au cours du remplissage, avec
différentes valeurs de précharge. La courbe 1 est le lieu des points B (B est le
début de la phase II : contraction isovolumique), aussi généralement l’appelle-t-on
courbe des pressions minimales en contraction isovolumique, en abrégé courbe
des minima isovolumiques. Elle est aussi appelée courbe des pressions passives.
La courbe 2est le lieu des points E qui correspondent aux pressions maximales en
contraction isovolumique (E est sur la droite BC). Cette courbe ne peut être obte-
DIAGRAMMES PRESSION- VOLUME INTRAVENTRICULAIRES 39
Figure 6-2 Diagramme P-V (Frank, Sulzer et Reichel, 1930).
nue qu’artificiellement en clampant l’aorte (ou l’artère pulmonaire) et en mesu-
rant la pression maximale atteinte lors de la contraction pour différentes valeurs
de précharge. Cette courbe de pressions maximales en contraction isovolumique
est généralement dénommée, en abrégé, courbe des maxima isovolumiques.
— La courbe 3est le lieu des points F qui correspondent aux volumes maximaux
d’éjection atteints lorsque pendant l’éjection on impose artificiellement une pres-
sion constante égale à la pression télédiastolique (point B), et ceci avec différentes
valeurs de précharge. Cette courbe des volumes maximaux d’éjection en contrac-
tion isobarique est généralement dénommée, en abrégé, courbe des maxima iso-
bariques.
Les points E et F constituent les limites du lieu du point D correspondant à la pression
et au volume télésystolique atteints en contraction auxobarique pour une précharge
donnée. Le point D est situé sur la courbe 4qui relie les points E et F. Les résultats
de Frank et d’autres auteurs, obtenus avec des ventricules de grenouille, montrent
que la courbe 4 est assimilable à un segment de droite.
DIAGRAMME P-V MODERNE
Dans les années soixante, il est devenu évident que ce diagramme pression-volume
devait être modifié pour un ventricule de mammifère. Ainsi (Figure 6-3) Monroe
et al. (1961), Suga et al. (1973), Weber et al. (1976) et Sagawa (1978), entre autres,
ont montré que contrairement au concept de Frank et Reichel, les courbes 2 et 3 et
par conséquent 4 étaient confondues.
Ces courbes pouvaient être représentées par une droite L (lieu des points D) dont la
pente représente l ’élastance active télésystolique E ES du ventricule ou élastance
maximale E max car sa valeur correspond à la valeur maximale de l’élastance atteinte
en fin d’éjection. Son équation est donnée par :
40 COMPRENDRE LA PHYSIOLOGIE CARDIOVASCULAIRE
Figure 6-3 Diagramme P-V (Sagawa, 1978).
P ES E ES (VES V d )
ou EES P ES/(VES V d )(1)
V d(d pour dead, mort), point où la droite L coupe l’axe des volumes, représente le
volume mort car ce volume ne contribue pas à engendrer une pression active pendant
la systole. La valeur de Vdvarie légèrement pendant le cycle cardiaque atteignant un
minimum à la fin de la systole. V dest différent de V uqui est le volume où la courbe 1
du diagramme P-V de Frank rejoint l’axe des volumes. Enfin, Vdest plus petit que Vu
(respectivement 5 à 8ml et 15 à 20 ml pour un chien de 20 kg).
Les expériences montrent que la droite L ne change pas lors des modifications de la
précharge ou de la postcharge. En revanche, un changement de contractilité se tra-
duit par un changement de pente de la droite Lmais avec une valeur de Vdqui reste
inchangée.
L’élastance active E varie au cours de la systole. L’équation (1) est généralisable à
toute la systole et s’écrit :
E (t)P (t)/(V (t)V d(t)) (2)
L’équation (2) montre que la courbe d’élastance peut être tracée si l’on connaît P (t),
V (t) et V d(t).
Les travaux de Little et al. (1988) réalisés sur des cœurs in situ de chien éveillés mon-
trent que la droite L présente en réalité une concavité dirigée vers l’axe des volumes.
Cependant, la relation entre PES et V ES (1) peut être considérée comme linéaire sur
une gamme de valeurs de PES comprise entre 30 et 60 mmHg.
INFLUENCE DE LA PRÉCHARGE, DE LA POSTCHARGE
ET DE LA CONTRACTILITÉ SUR LE DIAGRAMME P-V
Précharge
Une augmentation du volume de remplissage provoque une augmentation de la pré-
charge. Le point B du diagramme P-V se déplace vers la droite en B(Figure 6-4 (1)).
Le volume d’éjection Vs augmente (loi de Starling), et donc la pression aortique
moyenne augmente. Une plus grande pression intraventriculaire est nécessaire pour
ouvrir la valve aortique : le point C se déplace vers le haut en C. À contractilité égale,
la pression ventriculaire télésystolique est plus importante (point D). Malgré un
volume résiduel plus grand, le volume d’éjection Vs est augmenté : VsVs.
Ainsi une augmentation du volume télédiastolique provoque une augmentation du
volume d’éjection sans changement de contractilité, ce qui est en conformité avec la
loi de Starling. Une diminution de la précharge a un effet inverse.
DIAGRAMMES PRESSION- VOLUME INTRAVENTRICULAIRES 41
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