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La lettre de l’hépato-gastroentérologue - no2 - vol. IV - avril 2001
de la radiothérapie externe avec des doses parfois élevées (jusqu’à
72 grays en conformationnel dans une étude de phase II) a été
rapporté (13-16). La radiothérapie peropératoire au cours d’une
chirurgie de décompression semble aussi donner de bons résul-
tats (17).
LES TECHNIQUES DE NEUROLYSE
L’innervation émanant du pancréas peut recevoir des stimuli noci-
ceptifs et transmettre ces informations au plexus cœliaque. Le
plexus cœliaque est rétropéritonéal, en arrière du pancréas et de
l’estomac, et au contact du tronc cœliaque. Les nerfs splanch-
niques partent du plexus cœliaque passent à travers le diaphragme
et gagnent la moelle épinière. De là, le message est véhiculé au
thalamus et au cortex cérébral où l’information est analysée
comme douleur. La neurolyse chimique du plexus cœliaque (ou
bloc cœliaque) et la splanchnicectomie chirurgicale peuvent inter-
rompre les stimuli nociceptifs émanant du pancréas. La neuro-
lyse chimique peut être réalisée par voie percutanée sous contrôle
radiologique (échographique, scanographique ou scopique). Un
test thérapeutique préalable avec le plus souvent de la lidocaïne
à 0,5 % est systématique. En cas de test positif, la neurolyse est
effectuée avec du phénol ou de l’alcool à 50 %. Un traceur iodé
mélangé à l’agent neurolytique permet de suivre sa diffusion au
cours de l’injection. L’adjonction d’anesthésique local (Lido-
caïne
®
par exemple), évite les douleurs solaires souvent obser-
vées après le geste. L’effet antalgique dure environ 2 à 4 mois.
Une méta-analyse de 24 articles (1 145 malades dont 722 can-
cers du pancréas) a montré que ce traitement était efficace chez
près de 90 % des patients traités et que l’analgésie persistait
jusqu’au décès des patients dans 70 à 90 % des cas selon la tech-
nique employée (18). Le bloc cœliaque réduit significativement
la consommation de morphine comparé à celle des patients trai-
tés par anti-inflammatoires et morphine seuls (9). Une étude a
défini trois critères de bonne réponse à la neurolyse : début des
douleurs datant de moins de 2 mois avant le traitement, localisa-
tion élective de la douleur à la région cœliaque et efficacité ini-
tiale des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les complications
sont le plus souvent mineures. Cependant, des cas de paraplé-
gies, parfois définitives, ont été rapportés en particulier lorsque
l’abord du plexus est postérieur, car il existe un risque d’isché-
mie de la moelle épinière en rapport avec une thrombose ou un
spasme de l’artère d’Adamkiewicz, mais aussi lorsque l’alcool
est injecté accidentellement dans l’espace sous-arachnoïdien, en
épidural ou au sein des nerfs somatiques (10, 19-21).
La splanchnicectomie chimique chirurgicale peut se faire par voie
abdominale. Elle peut être réalisée à titre prophylactique au cours
d’une laparotomie pour dérivation bilio-digestive +/- gastro-jéju-
nale (22). La splanchnicectomie bilatérale par voie transhiatale
ou par voie thoracique sous thoracoscopie donnent de bons résul-
tats (23, 24).
L’écho-endoscopie linéaire électronique ou rotative à ponction
permet de repérer le plexus cœliaque à l’origine du tronc cœliaque
et de l’alcooliser (alcool absolu à 95°). Les taux de succès dépas-
sent 80 %. Les complications sont mineures essentiellement mar-
quées par une diarrhée ou une hypotension observées dans 38 et
44 % des cas respectivement (25). Ce traitement peut être réalisé
au cours du bilan écho-endoscopique loco-régional de la tumeur.
TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE
L’hyperpression endo-canalaire par obstruction tumorale avec
dilatation canalaire d’amont peut s’accompagner de douleurs. Ce
mécanisme intéresserait environ 15 % des malades atteints de
cancer du pancréas (26). L’insertion de prothèse au sein du canal
de Wirsung par voie endoscopique permet dans certains cas de
lever l’hyperpression et de réduire significativement l’intensité
de la douleur. L’efficacité de ce traitement est médiocre lorsque
les douleurs sont permanentes (27, 28).
CONCLUSION
Les possibilités thérapeutiques permettant de lutter contre la dou-
leur au cours du cancer du pancréas sont peu nombreuses. Ces
traitements doivent cependant être au mieux utilisés, en particu-
lier lorsqu’il s’agit d’un traitement palliatif. La neurolyse
cœliaque donne de bons résultats surtout chez les patients répon-
dant au traitement par AINS. Dans ce cas, elle doit être réalisée
précocement soit par voie radiologique ou écho-endoscopique
par des praticiens expérimentés, soit par voie chirurgicale notam-
ment au cours d’une chirurgie de décompression. Les traitements
par morphine au long cours ou par radiothérapie pourraient être
réservés aux échecs de la neurolyse (29, 30). La décompression
canalaire par prothèse donne de bons résultats chez certains
patients. ■
Mots clés. Analgésiques oraux – Anti-inflammatoires non
stéroïdiens – Chimiothérapie – Radiothérapie – Neurolyse.
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