A. Les contours de l’action en cessation d’un trouble anormal de voisinage
C’est avant tout au propriétaire de l’immeuble que le BGB offre une protection
sous la forme d’une action en cessation, le § 1004 étant conçu comme le prolonge-
ment du droit de propriété. Celui-ci n’est cependant pas le seul titre juridique ou-
vrant droit à une telle protection contre les troubles de voisinage. Le § 862 al. 1er BGB
reconnaît en effet au locataire, au fermier et à tout autre occupant avec titre une ac-
tion identique tendant à l’élimination ou à la cessation du trouble à la possession
.
Quel que soit le cas de figure, le titulaire de l’action doit prouver qu’il souffre
d’un trouble à la possession ou à la propriété du bien immobilier. Il va de soi que
toute action (Einwirkung) sur un immeuble n’est pas nécessairement un trouble
(Beeinträchtigung
) au sens des §§ 862 et 1004 BGB. Le § 906 al. 1er BGB précise en effet
que pour intenter une action en cessation, le trouble ne doit pas créer une simple res-
triction « insignifiante », critère apprécié au cas par cas par les juges du fond. La ju-
risprudence accorde une importance particulière à l’appréciation objective du degré
de nuisance, méthode qui est mise en œuvre notamment pour les troubles liés au
bruit, à la pollution de l’air et aux trépidations
.
Par ailleurs, le trouble doit être le fait de l’homme et ne pas consister en une nui-
sance purement négative ou idéelle (negative oder ideelle Immissionen). Sont donc ex-
clues les privations de lumière, de soleil ou d’air, les perturbations de la réception de
radio ou de télévision, mais aussi les pollutions dites visuelles, telles que l’agression
d’une enseigne lumineuse, l’entretien insuffisant d’un terrain voisin ou l’implanta-
tion d’un sex-shop dans le voisinage. Dès 1911, le Tribunal de l’Empire a exclu cette
catégorie de nuisances du champ d’application des §§ 906 et 1004 BGB à propos
d’une affaire dans laquelle un particulier était gêné par la vision de baigneurs, en
partie dévêtus, dans la piscine en plein air qui se situait à proximité immédiate
.
Bien que critiquée par une partie de la doctrine
, l’exclusion des nuisances néga-
tives et idéelles a été confirmée par les juridictions civiles à de nombreuses reprises
.
Selon le texte, « lorsque le possesseur est troublé dans sa possession par une voie de fait interdite, il
peut exiger du perturbateur l’élimination de ce trouble. Si de nouveaux troubles sont à redouter, le
possesseur peut agir en justice pour empêcher qu’ils se reproduisent. »
S’agissant de la protection du possesseur, le BGB utilise le terme « Störung » qui s’interprète, dans la
terminologie du BGB, comme une forme particulière de Beeinträchtigung. Sur ces notions, v. D. JOOST,
in : Münchener Kommentar BGB, t. 6 : Sachenrecht, C. H. Beck, 6e éd. 2013, § 858, nos 3 et s.
Pour un aperçu assez complet de la casuistique développée par la jurisprudence, v. H. ROTH, in :
Staudinger BGB, §§ 905-924, Sellier/de Gruyter, 2009, § 906, n° 187 et s.
RG, 8 avril 1911, réf. V 328/10, RGZ 76, p. 130.
P. TIEDEMANN, « Vom Mythos der negativen Immissionen », MDR 1978, p. 272. Plus récemment, C.
BALDUS, in : Münchener Kommentar BGB, t. 6 : Sachenrecht, C. H. Beck, 6e éd. 2013, § 1004, n° 124 et s. –
Sur la question, v. aussi E. PICKER, « Deliktsrechtlicher Eigentumsschutz bei Störung der Energiever-
sorgung? – Die Stromkabel-Fälle als Prüfstein des modernen Deliktsrechts », in : Festschrift Helmut
Koziol zum 70. Geburtstag, J. Sramek Verlag, 2010, p. 813, spéc. p. 827 et s.