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différentes théories, et c’est ce qui
fait tout l’intérêt des deux recueils :
on voit à l’œuvre un vrai philosophe,
toujours soucieux d’évaluer ce qui
reste actuel dans les théories pas-
sées, et ce qui, à l’inverse, trahit une
méconnaissance de dimensions fon-
damentales du social.
Si les deux recueils possèdent
de larges points communs, ils se dis-
tinguent cependant sur un point cru-
cial. Alors que la confrontation avec
les auteurs français se fait toujours
avec une relative distance, les
articles consacrés à Marx et aux
auteurs de la tradition de l’école de
Francfort sont beaucoup plus enga-
gés. Dans ces textes, Honneth tente
manifestement de se poser en héritier
de cette tradition et cherche dans les
échecs de ses prédécesseurs une
leçon pour le présent ; l’alternance
entre critique violente et fidélité réaf-
firmée donne à ces textes une tona-
lité très personnelle.
Les deux ouvrages possèdent
ainsi une réelle cohérence grâce à
l’omniprésence des convictions théo-
riques de Honneth ; cependant, les
deux livres regroupant des textes éta-
lés sur une trentaine d’années, les
articles peuvent apparaître parfois
légèrement disparates. Certains
textes, notamment ceux consacrés à
Claude Lévi-Strauss ou à Maurice
Merleau-Ponty dans le Déchirement
du social, semblent ainsi davantage
des écrits de circonstances que des
commentaires réellement liés aux
thèmes privilégiés par Honneth, et
détonnent par rapport au caractère
souvent très personnel des autres
articles. De même, le lecteur pourra
reconnaître des tensions, des hésita-
tions ou des changements d’intérêt,
parfois soulignés par Honneth lui-
même, entre des textes espacés de
vingt ou trente ans. Ce léger manque
d’unité ne constitue cependant pas
un obstacle important pour l’appré-
ciation des deux ouvrages, qui restent
remarquables en tant que témoins
de la confrontation des théories d’un
philosophe contemporain avec les
grands auteurs du passé.
Aurélien Allard
Didier Fassin (sous la dir.)
Juger, réprimer,
accompagner.
Essai sur la morale de l’État
Paris, Le Seuil, 2013, 416 p., 24 €
Qu’y a-t-il de commun entre une
audience au tribunal administratif,
un entretien avec une conseillère de
mission locale et une commission
disciplinaire en prison ? À première
vue, ce sont des activités de peu d’in-
térêt, souvent routinières. L’exercice
du pouvoir qui les caractérise est
strictement réglementé. Le plus sou-
vent d’ailleurs, ces activités sont
opaques. On n’en retient qu’un résul-
tat, non la manière d’y parvenir.
Or la plongée dans le réel opérée
par la méthode ethnographique
change totalement la perspective.
Nous entrons dans l’activité de l’État
par une approche transversale et
concrète. Nous voyons par cet effet de
loupe ce que font réellement ses
agents, qu’ils soient juges, éduca-
teurs ou gardiens. Le maître mot de
cette démarche, écrit Didier Fassin,
est la notion d’« économie morale »,
qui représente « la production, la
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