Bronchopneumopathie chronique obstructive: Diagnostic et

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Le diagnostic de BPCO est facile à poser. Il faut
pour cela un spiromètre. Si le quotient volume
expiratoire maximal seconde (VEMS ou FEV1)
sur capacité vitale (CV) est inférieur à 70%, il y
a un trouble ventilatoire obstructif. Dans la
BPCO et contrairement à l’asthme, dans lequel
la bronchoconstriction se résout spontanément
ou suite au traitement, le VEMS augmente de
moins de 12–15% de sa valeur initiale après
2 semaines d’administration systémique de sté-
roïdes («steroid-trial») et après inhalation d’un
bêta-adrénergique. La gravité d’une BPCO est
donnée par le VEMS en pour-cent de sa valeur
théorique, surtout pour juger de l’invalidité mé-
dicale théorique. Il existe actuellement des spi-
romètres pratiques, fiables, faciles à utiliser et
pas très chers permettant de mesurer la fonc-
tion pulmonaire («office spirometry»). L’indica-
tion à la spirométrie doit être posée très géné-
reusement, à la moindre suspicion de BPCO,
surtout chez les fumeurs.
La diminution du VEMS avec l’âge est plus rapide
chez les patients présentant une BPCO. Le seul
moyen ayant fait la preuve de freiner la progres-
sion d’une BPCO est l’arrêt de la fumée. Ce qu’a
confirmé de manière impressionnante la «Lung
Health Study» chez des patients présentant une
BPCO discrète. Les patients étant parvenus à se
désaccoutumer de la fumée de cigarettes, et res-
tés non-fumeurs, ont vu leur VEMS diminuer net-
tement plus lentement que ceux qui ont continué
à fumer (en 5 ans: 72 ml contre 301 ml).
Prévention
La désaccoutumance à la nicotine est le seul
moyen capable de freiner la progression de la
BPCO. De nombreux adultes dépendant de la
nicotine souhaitent se débarrasser de leur toxi-
comanie. Seuls 2% y parviennent de leur propre
initiative. Une brève consultation médicale fait
monter cette proportion à 5%. Les substituts ni-
cotiniques, éventuellement complétés par le bu-
propion (Zyban), peuvent faire passer ce chiffre
à plus de 10%. Et les résultats sont encore
meilleurs si tout cela est accompagné d’une
prise en charge psychologique.
Bronchopneumopathie
chronique obstructive
Diagnostic et traitement
E. W. Russi, O. Brändlia, K. E. Bloch
aCentre pulmonaire
et thoracique,
Hôpital universitaire Zurich
et Clinique zurichoise d’altitude,
Wald
Correspondance:
Prof. Dr E. W. Russi
Service de Pneumologie,
Département de
Médecine interne
Hôpital universitaire
Rämistrasse 100
CH-8091 Zurich
Introduction
La bronchopneumopathie chronique obstruc-
tive (BPCO, ou COPD: «chronic obstructive pul-
monary disease») est une pathologie pulmo-
naire caractérisée par un trouble ventilatoire
obstructif dans lequel le degré d’obstruction
mesuré par spirométrie est largement non ré-
versible. Cela ne joue aucun rôle de savoir si
l’obstruction résulte d’une constriction et d’une
obstruction inflammatoire des grosses et pe-
tites voies respiratoires, c.-à-d. par une bron-
chite et une bronchiolite, ou d’un emphysème
pulmonaire plus ou moins prononcé, pratique-
ment toujours présent dans les cas évolués.
Epidémiologie et diagnostic
Le facteur de risque majeur de BPCO est la
fumée de cigarettes. Environ 85% des patients
présentant une BPCO ont été ou sont fumeurs.
Environ 15% des fumeurs évoluent vers une
BPCO. En Suisse, près du tiers des adultes sont
fumeurs. Ce qui permet d’évaluer à 5% la pro-
portion de personnes souffrant d’une BPCO
dans notre pays. Un pourcentage minime de
patients BPCO n’a jamais fumé. Certains fu-
meurs souffrent à 40 ans déjà des consé-
quences d’un emphysème pulmonaire à un
stade avancé. Il est évident que des facteurs gé-
nétiques jouent un rôle décisif dans l’évolution
de cette maladie. Mais seul le déficit en α-anti-
trypsine est actuellement clairement reconnu
comme facteur de risque. Un déficit en α-anti-
trypsine homozygote, facteur prédisposant à
l’emphysème particulièrement important chez
les fumeurs, ne se voit cependant que chez 1%
environ des patients BPCO.
Les patients ayant une BPCO présentent géné-
ralement les symptômes d’une bronchite chro-
nique, c.-à-d. qu’ils toussent et ont des expec-
torations pendant au moins 3 mois par an et
sur 2 années consécutives. Et comme ce pro-
blème ventilatoire obstructif évolue lentement
sur plusieurs années, ces patients ne ressentent
une restriction fonctionnelle qu’à un stade déjà
fort avancé, par une dyspnée d’effort.
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Traitement
Les traitements médicamenteux et non médi-
camenteux atténuent les symptômes des pa-
tients, mais ne changent rien à l’évolution de la
BPCO.
Bronchodilatateurs en inhalation
Les bêta-adrénergiques et anticholinergiques,
seuls ou en association, ont un effet bénéfique
sur les symptômes d’une BPCO en exacerbation
ou stable.
Les anticholinergiques bloquent la contraction
des cellules musculaires lisses et la sécrétion
des glandes bronchiques par inhibition de la
stimulation vagale de l’arbre bronchique. Ils
sont de puissants bronchodilatateurs en cas de
crise. Ils sont pratiquement dépourvus d’effets
indésirables systémiques et ne provoquent pas
d’accoutumance. Les β2-mimétiques dilatent
les bronches, améliorent la clairance mucoci-
liaire et diminuent l’hyperinflation pulmonaire
plus marquée à l’effort. Les β2-mimétiques à
brève durée d’action s’utilisent pour le traite-
ment aigu de la dyspnée, du fait de leur entrée
en action rapide. Certaines études montrent
que l’association d’ipratropium, un anticholi-
nergique, à un bêta-adrénergique est plus effi-
cace que chacune de ces substances en mono-
thérapie.
Les β2-agonistes à longue durée d’action (sal-
métérol, formotérol), à raison de 2 inhalations
par jour seulement, sont indiqués pour le trai-
tement d’entretien symptomatique. Les pre-
mières études cliniques avec le tiatropium,
anticholinergique à longue durée d’action, à
n’inhaler plus qu’une seule fois par jour, confir-
ment son intérêt.
Le type d’inhalation – nébuliseur à poudre,
aérosol-doseur (avec ou sans chambre d’ex-
pansion), pulvérisateur – est essentiellement
fonction des meilleures expériences faites par
le patient. Les effets sont les mêmes, pour
autant que l’utilisation et la dose soient cor-
rectes. La prescription d’un bronchodilatateur
ne dépend pas de l’augmentation du VEMS à la
spirométrie après inhalation. Il s’est en effet
avéré que l’inhalation d’un bronchodilatateur
permet d’améliorer la dyspnée d’effort et les
performances physiques même si le VEMS ne
bouge pas. Seuls les patients ressentant une
amélioration de leur symptomatologie après les
inhalations méritent de recevoir un tel traite-
ment à long terme.
Théophyllines
Les théophyllines n’ont pas qu’un effet bron-
chodilatateur, mais aussi des effets clinique-
ment plus ou moins marqués sur la muscula-
ture respiratoire, le centre respiratoire et la cir-
culation pulmonaire. La marge thérapeutique
des théophyllines est étroite. Leur métabolisme
hépatique est modifié par plusieurs facteurs, et
notamment plusieurs médicaments, ce qui fa-
vorise à leurs effets indésirables tels que tre-
mor, palpitations et problèmes digestifs. Pour
prévenir de tels effets indésirables sans recou-
rir aux dosages des concentrations sériques,
seules des doses faibles (400–600 mg par jour)
sous forme retard sont actuellement prescrites.
Les théophyllines ne sont aujourd’hui plus des
médicaments de première intention dans le
traitement de la BPCO. Elles ne sont pas
meilleures que les médicaments en inhalation
et ne présentent pratiquement aucun avantage
comme médicaments d’appoint.
Stéroïdes
Les stéroïdes, en inhalation surtout, jouent un
rôle majeur comme traitement anti-inflamma-
toire de base de l’asthme. Seul un petit groupe
de patients BPCO par contre profite de l’inha-
lation chronique de stéroïdes. L’administration
systémique brève, soit pendant 2 semaines, de
cortisone («steroid-trial») est recommandée
chez tout patient BPCO symptomatique. Si le
VEMS augmente de 12–15%, nous parlons d’un
«steroid-trial» positif; ceci qui ne sera le cas que
chez 10% de ces patients. Chez certains pa-
tients, ce n’est que le «steroid-trial» qui per-
mettra de faire la distinction entre asthme et
BPCO. Chez d’autres, une composante asthma-
tiforme peut masquer la BPCO. Ces derniers
profiteront d’un traitement chronique par sté-
roïdes topiques. Un «steroid-trial» n’a de valeur
que s’il est effectué au cours d’une phase stable
de la maladie. Il est bien documenté que dans
les exacerbations, l’administration systémique
à court terme de stéroïdes accélère le retour de
la fonction pulmonaire aux valeurs de la phase
de stabilité de la maladie. Cet effet n’est pas
comparable à un «steroid-trial» positif, et ne
permet pas non plus de qualifier tel ou tel
patient pour un traitement à long terme par
stéroïdes en inhalation.
Plusieurs grandes études ont montré que l’in-
halation de stéroïdes topiques ne change rien à
l’évolution à long terme de la BPCO, c.-à-d. à la
diminution du VEMS avec le temps. Ce n’est que
chez les patients ayant une BPCO au moins mo-
dérée (VEMS <50% VT) que l’incidence des exa-
cerbations à répétition peut être légèrement
diminuée. Mais cet effet n’est obtenu qu’à des
doses élevées de stéroïdes topiques. En tenant
compte de ces éléments actuels, nous pouvons
épargner à de nombreux patients un traitement
par inhalation à long terme aussi inefficace et
cher que superflu.
N-acétylcystéine
Ce médicament, auparavant utilisé comme mu-
colytique avec un effet contesté, a fait la preuve
de diminuer la fréquence des exacerbations.
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Vaccins
La vaccination antigrippale, à renouveler
chaque automne, diminue l’incidence des
graves états grippaux et des décès. La vaccina-
tion antipneumococcique des patients BPCO
diminue les septicémies à pneumocoques.
Réadaptation
La BPCO est une maladie systémique, qui non
seulement touche les voies respiratoires et le
parenchyme pulmonaire, mais entraîne altéra-
tion de l’état général, faiblesse musculaire,
perte de poids, isolement social et dépression.
Une réadaptation interdisciplinaire, compor-
tant entraînement physique régulier en plus
d’une formation et d’une information du pa-
tient, peut améliorer ses performances, sa dys-
pnée et sa qualité de vie. La clef du succès est
le fait qu’un patient bien informé est motivé à
poursuivre seul ses exercices après une ré-
adaptation hospitalière ou ambulatoire.
Un entraînement de routine de la musculature
respiratoire à lui seul n’a jamais fait la preuve
d’un quelconque intérêt clinique.
Alimentation
La maigreur des patients souffrant d’une BPCO
grave est associée à une plus grande mortalité.
Bien qu’une amélioration quantitative et quali-
tative de l’alimentation semble logique, il n’y a
pas suffisamment de données scientifiques
prouvant que cela améliore les performances et
la survie des patients. Les obèses ressentent
une dyspnée à l’effort plus marquée que les
patients ayant un poids normal. Il faut donc les
encourager à perdre du poids.
Oxygénothérapie à long terme
Il est prouvé que l’inhalation d’O2à long terme,
pendant un minimum de 15–18 heures chaque
jour, prolonge la survie des patients dont la
PaO2au repos est égale ou inférieur à 7,3 kPa
(55 mm Hg) malgré un traitement dans les
règles de l’art. Si la PaO2se situe entre 7,3 kPa
(55 mm Hg) et 8,0 kPa (59 mm Hg), et en pré-
sence de symptômes ou signes de décompen-
sation cardiaque droite et d’une polyglobulie,
l’indication à une oxygénothérapie à long terme
est également donnée. Ce traitement exige une
parfaite observance. L’oxygène, soit produit par
un générateur soit sous forme liquide en bon-
bonne fixe à domicile ou transportable, peut
s’administrer par une lunette nasale ou par une
sonde transtrachéale.
Ventilation assistée
La ventilation assistée au masque, non inva-
sive, en temps utile, permet souvent de contour-
ner l’intubation d’un patient en décompensa-
tion aiguë, ce qui contribue à abaisser la mor-
talité. L’intérêt d’une ventilation assistée non
invasive dans la BPCO stable avec hypercapnie
n’est pas encore définitivement établi, et l’indi-
cation doit être donnée cas par cas.
Quintessence
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO ou COPD) est sans
aucun doute l’une des pathologies les plus fréquentes, et l’une des causes
majeures d’invalidité prématurée et d’espérance de vie abrégée.
Le facteur de risque le plus important de la BPCO est l’inhalation de la
fumée du tabac.
Le seul moyen pouvant influencer favorablement la progression de la BPCO
est l’arrêt de la fumée, cela est bien prouvé.
L’inhalation de bronchodilatateurs a un effet favorable sur les symptômes
de la BPCO stable ou en phase d’exacerbation, mais aucune influence sur
la progression de la maladie, pas plus que celle de stéroïdes.
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