Bronchopneumopathie chronique obstructive: Diagnostic et

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C U R R I C U LU M
Forum Med Suisse No 8 20 février 2002
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Bronchopneumopathie
chronique obstructive
Diagnostic et traitement
E. W. Russi, O. Brändlia, K. E. Bloch
Introduction
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO, ou COPD: «chronic obstructive pulmonary disease») est une pathologie pulmonaire caractérisée par un trouble ventilatoire
obstructif dans lequel le degré d’obstruction
mesuré par spirométrie est largement non réversible. Cela ne joue aucun rôle de savoir si
l’obstruction résulte d’une constriction et d’une
obstruction inflammatoire des grosses et petites voies respiratoires, c.-à-d. par une bronchite et une bronchiolite, ou d’un emphysème
pulmonaire plus ou moins prononcé, pratiquement toujours présent dans les cas évolués.
Epidémiologie et diagnostic
a
Centre pulmonaire
et thoracique,
Hôpital universitaire Zurich
et Clinique zurichoise d’altitude,
Wald
Correspondance:
Prof. Dr E. W. Russi
Service de Pneumologie,
Département de
Médecine interne
Hôpital universitaire
Rämistrasse 100
CH-8091 Zurich
[email protected]
Le facteur de risque majeur de BPCO est la
fumée de cigarettes. Environ 85% des patients
présentant une BPCO ont été ou sont fumeurs.
Environ 15% des fumeurs évoluent vers une
BPCO. En Suisse, près du tiers des adultes sont
fumeurs. Ce qui permet d’évaluer à 5% la proportion de personnes souffrant d’une BPCO
dans notre pays. Un pourcentage minime de
patients BPCO n’a jamais fumé. Certains fumeurs souffrent à 40 ans déjà des conséquences d’un emphysème pulmonaire à un
stade avancé. Il est évident que des facteurs génétiques jouent un rôle décisif dans l’évolution
de cette maladie. Mais seul le déficit en α-antitrypsine est actuellement clairement reconnu
comme facteur de risque. Un déficit en α-antitrypsine homozygote, facteur prédisposant à
l’emphysème particulièrement important chez
les fumeurs, ne se voit cependant que chez 1%
environ des patients BPCO.
Les patients ayant une BPCO présentent généralement les symptômes d’une bronchite chronique, c.-à-d. qu’ils toussent et ont des expectorations pendant au moins 3 mois par an et
sur 2 années consécutives. Et comme ce problème ventilatoire obstructif évolue lentement
sur plusieurs années, ces patients ne ressentent
une restriction fonctionnelle qu’à un stade déjà
fort avancé, par une dyspnée d’effort.
Le diagnostic de BPCO est facile à poser. Il faut
pour cela un spiromètre. Si le quotient volume
expiratoire maximal seconde (VEMS ou FEV1)
sur capacité vitale (CV) est inférieur à 70%, il y
a un trouble ventilatoire obstructif. Dans la
BPCO et contrairement à l’asthme, dans lequel
la bronchoconstriction se résout spontanément
ou suite au traitement, le VEMS augmente de
moins de 12–15% de sa valeur initiale après
2 semaines d’administration systémique de stéroïdes («steroid-trial») et après inhalation d’un
bêta-adrénergique. La gravité d’une BPCO est
donnée par le VEMS en pour-cent de sa valeur
théorique, surtout pour juger de l’invalidité médicale théorique. Il existe actuellement des spiromètres pratiques, fiables, faciles à utiliser et
pas très chers permettant de mesurer la fonction pulmonaire («office spirometry»). L’indication à la spirométrie doit être posée très généreusement, à la moindre suspicion de BPCO,
surtout chez les fumeurs.
La diminution du VEMS avec l’âge est plus rapide
chez les patients présentant une BPCO. Le seul
moyen ayant fait la preuve de freiner la progression d’une BPCO est l’arrêt de la fumée. Ce qu’a
confirmé de manière impressionnante la «Lung
Health Study» chez des patients présentant une
BPCO discrète. Les patients étant parvenus à se
désaccoutumer de la fumée de cigarettes, et restés non-fumeurs, ont vu leur VEMS diminuer nettement plus lentement que ceux qui ont continué
à fumer (en 5 ans: 72 ml contre 301 ml).
Prévention
La désaccoutumance à la nicotine est le seul
moyen capable de freiner la progression de la
BPCO. De nombreux adultes dépendant de la
nicotine souhaitent se débarrasser de leur toxicomanie. Seuls 2% y parviennent de leur propre
initiative. Une brève consultation médicale fait
monter cette proportion à 5%. Les substituts nicotiniques, éventuellement complétés par le bupropion (Zyban), peuvent faire passer ce chiffre
à plus de 10%. Et les résultats sont encore
meilleurs si tout cela est accompagné d’une
prise en charge psychologique.
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Traitement
Les traitements médicamenteux et non médicamenteux atténuent les symptômes des patients, mais ne changent rien à l’évolution de la
BPCO.
Bronchodilatateurs en inhalation
Les bêta-adrénergiques et anticholinergiques,
seuls ou en association, ont un effet bénéfique
sur les symptômes d’une BPCO en exacerbation
ou stable.
Les anticholinergiques bloquent la contraction
des cellules musculaires lisses et la sécrétion
des glandes bronchiques par inhibition de la
stimulation vagale de l’arbre bronchique. Ils
sont de puissants bronchodilatateurs en cas de
crise. Ils sont pratiquement dépourvus d’effets
indésirables systémiques et ne provoquent pas
d’accoutumance. Les β2-mimétiques dilatent
les bronches, améliorent la clairance mucociliaire et diminuent l’hyperinflation pulmonaire
plus marquée à l’effort. Les β2-mimétiques à
brève durée d’action s’utilisent pour le traitement aigu de la dyspnée, du fait de leur entrée
en action rapide. Certaines études montrent
que l’association d’ipratropium, un anticholinergique, à un bêta-adrénergique est plus efficace que chacune de ces substances en monothérapie.
Les β2-agonistes à longue durée d’action (salmétérol, formotérol), à raison de 2 inhalations
par jour seulement, sont indiqués pour le traitement d’entretien symptomatique. Les premières études cliniques avec le tiatropium,
anticholinergique à longue durée d’action, à
n’inhaler plus qu’une seule fois par jour, confirment son intérêt.
Le type d’inhalation – nébuliseur à poudre,
aérosol-doseur (avec ou sans chambre d’expansion), pulvérisateur – est essentiellement
fonction des meilleures expériences faites par
le patient. Les effets sont les mêmes, pour
autant que l’utilisation et la dose soient correctes. La prescription d’un bronchodilatateur
ne dépend pas de l’augmentation du VEMS à la
spirométrie après inhalation. Il s’est en effet
avéré que l’inhalation d’un bronchodilatateur
permet d’améliorer la dyspnée d’effort et les
performances physiques même si le VEMS ne
bouge pas. Seuls les patients ressentant une
amélioration de leur symptomatologie après les
inhalations méritent de recevoir un tel traitement à long terme.
Théophyllines
Les théophyllines n’ont pas qu’un effet bronchodilatateur, mais aussi des effets cliniquement plus ou moins marqués sur la musculature respiratoire, le centre respiratoire et la circulation pulmonaire. La marge thérapeutique
des théophyllines est étroite. Leur métabolisme
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hépatique est modifié par plusieurs facteurs, et
notamment plusieurs médicaments, ce qui favorise à leurs effets indésirables tels que tremor, palpitations et problèmes digestifs. Pour
prévenir de tels effets indésirables sans recourir aux dosages des concentrations sériques,
seules des doses faibles (400–600 mg par jour)
sous forme retard sont actuellement prescrites.
Les théophyllines ne sont aujourd’hui plus des
médicaments de première intention dans le
traitement de la BPCO. Elles ne sont pas
meilleures que les médicaments en inhalation
et ne présentent pratiquement aucun avantage
comme médicaments d’appoint.
Stéroïdes
Les stéroïdes, en inhalation surtout, jouent un
rôle majeur comme traitement anti-inflammatoire de base de l’asthme. Seul un petit groupe
de patients BPCO par contre profite de l’inhalation chronique de stéroïdes. L’administration
systémique brève, soit pendant 2 semaines, de
cortisone («steroid-trial») est recommandée
chez tout patient BPCO symptomatique. Si le
VEMS augmente de 12–15%, nous parlons d’un
«steroid-trial» positif; ceci qui ne sera le cas que
chez 10% de ces patients. Chez certains patients, ce n’est que le «steroid-trial» qui permettra de faire la distinction entre asthme et
BPCO. Chez d’autres, une composante asthmatiforme peut masquer la BPCO. Ces derniers
profiteront d’un traitement chronique par stéroïdes topiques. Un «steroid-trial» n’a de valeur
que s’il est effectué au cours d’une phase stable
de la maladie. Il est bien documenté que dans
les exacerbations, l’administration systémique
à court terme de stéroïdes accélère le retour de
la fonction pulmonaire aux valeurs de la phase
de stabilité de la maladie. Cet effet n’est pas
comparable à un «steroid-trial» positif, et ne
permet pas non plus de qualifier tel ou tel
patient pour un traitement à long terme par
stéroïdes en inhalation.
Plusieurs grandes études ont montré que l’inhalation de stéroïdes topiques ne change rien à
l’évolution à long terme de la BPCO, c.-à-d. à la
diminution du VEMS avec le temps. Ce n’est que
chez les patients ayant une BPCO au moins modérée (VEMS <50% VT) que l’incidence des exacerbations à répétition peut être légèrement
diminuée. Mais cet effet n’est obtenu qu’à des
doses élevées de stéroïdes topiques. En tenant
compte de ces éléments actuels, nous pouvons
épargner à de nombreux patients un traitement
par inhalation à long terme aussi inefficace et
cher que superflu.
N-acétylcystéine
Ce médicament, auparavant utilisé comme mucolytique avec un effet contesté, a fait la preuve
de diminuer la fréquence des exacerbations.
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Vaccins
Alimentation
La vaccination antigrippale, à renouveler
chaque automne, diminue l’incidence des
graves états grippaux et des décès. La vaccination antipneumococcique des patients BPCO
diminue les septicémies à pneumocoques.
La maigreur des patients souffrant d’une BPCO
grave est associée à une plus grande mortalité.
Bien qu’une amélioration quantitative et qualitative de l’alimentation semble logique, il n’y a
pas suffisamment de données scientifiques
prouvant que cela améliore les performances et
la survie des patients. Les obèses ressentent
une dyspnée à l’effort plus marquée que les
patients ayant un poids normal. Il faut donc les
encourager à perdre du poids.
Réadaptation
La BPCO est une maladie systémique, qui non
seulement touche les voies respiratoires et le
parenchyme pulmonaire, mais entraîne altération de l’état général, faiblesse musculaire,
perte de poids, isolement social et dépression.
Une réadaptation interdisciplinaire, comportant entraînement physique régulier en plus
d’une formation et d’une information du patient, peut améliorer ses performances, sa dyspnée et sa qualité de vie. La clef du succès est
le fait qu’un patient bien informé est motivé à
poursuivre seul ses exercices après une réadaptation hospitalière ou ambulatoire.
Un entraînement de routine de la musculature
respiratoire à lui seul n’a jamais fait la preuve
d’un quelconque intérêt clinique.
Quintessence
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO ou COPD) est sans
aucun doute l’une des pathologies les plus fréquentes, et l’une des causes
majeures d’invalidité prématurée et d’espérance de vie abrégée.
Le facteur de risque le plus important de la BPCO est l’inhalation de la
fumée du tabac.
Le seul moyen pouvant influencer favorablement la progression de la BPCO
est l’arrêt de la fumée, cela est bien prouvé.
L’inhalation de bronchodilatateurs a un effet favorable sur les symptômes
Oxygénothérapie à long terme
Il est prouvé que l’inhalation d’O2 à long terme,
pendant un minimum de 15–18 heures chaque
jour, prolonge la survie des patients dont la
PaO2 au repos est égale ou inférieur à 7,3 kPa
(55 mm Hg) malgré un traitement dans les
règles de l’art. Si la PaO2 se situe entre 7,3 kPa
(55 mm Hg) et 8,0 kPa (59 mm Hg), et en présence de symptômes ou signes de décompensation cardiaque droite et d’une polyglobulie,
l’indication à une oxygénothérapie à long terme
est également donnée. Ce traitement exige une
parfaite observance. L’oxygène, soit produit par
un générateur soit sous forme liquide en bonbonne fixe à domicile ou transportable, peut
s’administrer par une lunette nasale ou par une
sonde transtrachéale.
Ventilation assistée
La ventilation assistée au masque, non invasive, en temps utile, permet souvent de contourner l’intubation d’un patient en décompensation aiguë, ce qui contribue à abaisser la mortalité. L’intérêt d’une ventilation assistée non
invasive dans la BPCO stable avec hypercapnie
n’est pas encore définitivement établi, et l’indication doit être donnée cas par cas.
de la BPCO stable ou en phase d’exacerbation, mais aucune influence sur
la progression de la maladie, pas plus que celle de stéroïdes.
Références
– Anthonisen NR, Connett JE, Kiley JP,
Altose MD, Bailey WC, Buist AS, et al.
Effects of smoking intervention and
the use of an inhaled anticholinergic
bronchodilator on the rate of decline
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Jenkins CR, Hurd SS. Global strategy
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summary. Am J Respir Crit Care Med
2001;163:1256–76.
– van Grunsven PM, van Schayck CP,
Derenne JP, Kerstjens HA, Renkema
TE, Postma DS, et al. Long term
effects of inhaled corticosteroids in
chronic obstructive pulmonary disease: a meta-analysis. Thorax 1999;
54:7–14.
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