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1. Problématique et hypothèses
Il est constaté que l'espérance de vie des Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) prises en
charge précocement devient similaire à celle de la population générale même si leur vie reste
marquée par l’expression de nombreuses co-morbidités justifiant prévention et soins curatifs.
Cette prise en charge et le suivi précoces limitent également le risque de transmission du VIH
à d'autres personnes ; en effet les personnes dont l’infection par le VIH est diagnostiquée
pourraient avoir été à l’origine de 40% des nouvelles contaminations (Supervie, 2012).
Aujourd’hui le TasP (Treatment As Prevention) permet d’éviter qu’une personne infectée
transmette le VIH à son (ses) partenaire. Il est donc important que la prise en charge privilégie
tant les personnes dépistées qui ne sont pas encore rentrées dans le soin, que des personnes
rentrées dans le soin mais qui en sont sorties (Morlat, 2013). C’est pourquoi notre étude
qualitative s’intéresse à ces personnes qui tardent à rentrer dans le soin et à celles en rupture
du parcours de soins.
Le parcours de soins des personnes vivant avec le VIH qui se matérialise par une prise en
charge globale de l’infection (thérapeutique, psychologique, etc.) sur le long terme – le VIH
étant une maladie chronique dans les pays occidentaux (Belche, 2015) – se compose de
plusieurs séquences (centre de dépistage et de diagnostic, médecin traitant) mais s’effectue
encore essentiellement dans les centres hospitaliers. En effet, « l’équipe hospitalière,
spécialisée dans la prise en charge de l’infection par le VIH est impliquée dans l’indication, la
prescription initiale, le suivi et la modification du traitement antirétroviral » (HAS 2007), le
médecin traitant étant également impliqué dans l’indication et le suivi du traitement
antirétroviral. Or, la littérature scientifique souligne que la prise en charge « classique », à
travers le modèle de suivi médical « hospitalo-centré », n’est pas toujours homogène
(Jacomet, 2014). Malgré un parcours de soins jalonné d’acteurs médicaux compétents, les
trajectoires des patients semblent encore hétérogènes. Il existe des écarts de parcours de
soins, plus précisément de suivi, entre les PVVIH, mais également une inobservance du
traitement, qui peuvent avoir des conséquences à la fois pour et au-delà du patient, puisque
le VIH fait courir un risque vital si le traitement n’est pas correctement pris, et qu’il comporte
des risques de transmission par le sang, rapports sexuels non protégés, transmission materno-
fœtale (grossesse, accouchement, allaitement). Plusieurs études qualitatives se sont
intéressées au parcours de soins, mais elles concernent essentiellement les pays du sud en
développement où les difficultés d'accès au soin (aux établissements comme aux
médicaments) restent un facteur prépondérant de rupture et d'inobservance. En France, les
populations en rupture de parcours de soins font l’objet d’études majoritairement
quantitatives visant à estimer l'évolution de ce phénomène, et décrire les facteurs de risque
liés aux ruptures de suivi (Lebouché et al., 2006 ; Brinkhof et al., 2008 ; Lanoy et al., 2009).
Toutefois, l’approche descriptive et prédictive occulte les raisons et les motivations des
individus. Les approches qualitatives qui visent à comprendre et expliquer les processus en
jeu sont, quant à elles, plus rares (Mills et al., 2006).
Ainsi, l’étude du COREVIH Aquitaine sur les ruptures du parcours de soins chez les PVVIH en
Aquitaine, vise à élargir les connaissances et la compréhension de la rupture du parcours de
soins chez ces personnes, problématique essentielle à analyser sur les "territoires français"
afin de limiter l'épidémie, éviter une situation potentiellement source de morbi-mortalité,
améliorer la qualité de vie des personnes atteintes, et ainsi la prise en charge globale des
PVVIH.