J.-L. Senon
et al.
L’Encéphale, 2006 ;
32 :
547-52, cahier 2
S 548
C’est la notion de faute qui fonde de la responsabilité civile
et il appartient donc de ce fait à la victime d’apporter la
preuve de la faute de l’auteur du dommage. Le droit civil
oppose responsabilité civile délictuelle, et responsabilité
quasi délictuelle. Le délit civil est un fait commis avec la
volonté de causer un dommage : il y a alors intentionnalité
et on parle de responsabilité civile délictuelle. Dans le cas
d’un « quasi-délit », il n’est constaté qu’un fait domma-
geable non intentionnel : le droit civil considère qu’il s’agit
là de la responsabilité quasi délictuelle de la personne,
l’intention de nuire n’ayant pas été constatée au moment
où est commis l’acte. La responsabilité contractuelle est
régie par les articles 1134 à 1155 du code civil. Elle ne
peut être mise en œuvre que si le dommage subi par l’un
des contractants résulte de l’inexécution d’une obligation
contractuelle (2). Nous retrouvons donc ici dans le cas où
un patient bipolaire engage sa responsabilité dans la
mesure où il a signé un contrat, contrat qui a connu une
inexécution ou une mauvaise exécution, et ce, alors qu’un
préjudice a pu être constaté et démontré par le cocontrac-
tant, préjudice directement imputable au patient bipolaire.
Cela peut être le cas, du fait des troubles bipolaires, en
droit du travail ou en droit des assurances mais aussi en
droit des associations. C’est par exemple le cas quand un
bipolaire s’engage au décours d’un accès hypomaniaque
ou maniaque et qu’il n’a plus les moyens, en période
dépressive, de remplir les engagements du contrat qu’il a
signé.
L’auteur d’un acte qui a causé un dommage à autrui
doit en droit civil réparation quand il a engagé sa respon-
sabilité personnelle (8). Il faut dans ce cas qu’un lien de
causalité soit établi entre le dommage causé et l’acte com-
mis, mais aussi que celui-ci soit un acte fautif, telle qu’une
négligence, une imprudence notoire, la non-observation
d’un règlement ou encore une inattention. En phase hypo-
maniaque, la bipolarité peut exposer à l’imprudence ou à
la non-observation d’un règlement. En phase dépressive,
la négligence ou l’inattention peuvent être à l’origine d’un
dommage causé à autrui. Dans d’autres cas, la respon-
sabilité civile d’un malade bipolaire peut être retenue,
même sans faute, quand un lien de causalité indiscutable
est retrouvé entre l’acte qu’il a commis et un dommage
documenté. Dans le domaine civil, l’étude de la respon-
sabilité du patient n’a pour seul objectif que d’apporter
réparation à la victime, sans chercher à établir la culpabi-
lité ou l’imputabilité du patient. Il s’agit de répondre aux
obligations de l’article 489-2 du Code civil qui prévoit que
celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous
l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à
réparation. Les actes dommageables commis par un
patient bipolaire au décours d’un accès maniaque ou
mélancolique engagent sa responsabilité civile indivi-
duelle et l’obligent à réparation.
Les troubles bipolaires, le divorce et la garde des enfants
Les troubles bipolaires sont très souvent à l’origine
d’une de dislocation des relations conjugales et les pro-
blèmes du divorce comme celui de la séparation du couple
de concubins et de la garde des enfants se posent très
souvent au psychiatre (4). La bipolarité plus encore que
toute pathologie psychiatrique met à l’épreuve les couples
et est souvent à l’origine de séparation et de divorce. Nous
savons bien que plus d’un tiers des couples mariés divorce
et que la plupart de ces situations sont en rapport avec
une incompatibilité entre les deux partenaires du couple.
On peut imaginer la forte incidence des oscillations thy-
miques sur les rapports intraconjugaux. Depuis la loi du
11 juillet 1975, le Code civil a introduit le divorce par con-
sentement mutuel et le divorce pour rupture de la vie con-
nue en plus du divorce pour faute qui était la règle avant
1975. En France plus de 120 000 divorces sont prononcés
par an. La nouvelle loi française sur le divorce, qui s’appli-
que depuis le 1
er
janvier 2005, vise à simplifier et à dédra-
matiser le divorce en proposant un assouplissement des
procédures comme une réduction des délais. Elle con-
firme la distinction faite entre le couple conjugal et le cou-
ple parental. La loi applicable à partir du 1
er
janvier 2005
ne s’intéresse qu’à la conjugalité ; il n’a pas de consé-
quences
a priori
sur la garde des enfants. L’évolution juri-
dique prône le déplacement progressif du principe d’indis-
solubilité du mariage à celui d’indissolubilité de la filiation,
conçue comme une interdiction de divorcer de ses
enfants.
Le divorce par consentement mutuel suppose l’accord
des deux époux et leur volonté conjointe. Le consente-
ment doit être libre, réel et persistant. Devant une per-
sonne présentant un trouble bipolaire, le magistrat devra
avoir la sagesse de constater la stabilité de l’état thymique
du demandeur pour éviter que la décision ne soit prise au
décours de l’élation d’un accès maniaque ou de la déva-
lorisation de la période mélancolique. La liberté du con-
sentement des deux contractants doit être exempte de vio-
lence ou d’erreurs pouvant être reliées à l’incapacité
transitoire à discerner en période maniaque ou mélanco-
lique. Le psychiatre doit savoir que la loi prévoit que si l’un
des deux époux est placé sous sauvegarde de justice, la
demande de divorce ne peut être examinée qu’après la
mise en place d’une curatelle ou d’une tutelle. Le divorce
par double aveu est une innovation de la loi de 1975. Il se
fait autour d’un mémoire établi par chacun des deux par-
tenaires proposant une description objective de la situa-
tion conjugale et des faits qui rendent impossible le main-
tien de la vie commune. Cette modalité de divorce ne va
dans le sens de la recherche d’une conciliation, le juge
occupant alors le rôle de conciliateur. Le divorce pour faute
devrait devenir l’exception après avoir représenté la quasi-
totalité des divorces avant 1975. Il s’appuie sur la notion
de violation grave ou renouvelée des devoirs du mariage :
fidélité, secours et assistance… il avance le maintien
devenu intolérable de la vie commune. Il s’agissait d’une
condition souvent avancée par le conjoint du bipolaire,
excédé par les oscillations thymiques et les hospitalisa-
tions en rafale du fait de la maladie.
Il apparaît souvent que le partenaire du malade bipo-
laire présente l’argument de l’intolérance au maintien de
la vie commune pour obtenir un divorce. L’aide de l’équipe
psychiatrique est importante dans ces situations, en tant