Encyclopédie Médico-Chirurgicale 14-038-A-10 14-038-A-10 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus E Vandenbussche D Huten Résumé. – Les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus sont très fréquentes et touchent préférentiellement les sujets âgés. Il en existe de nombreuses variétés, de pronostic et de traitement très différents. Ce dernier va de la simple immobilisation à l’arthroplastie humérale, en passant par de nombreuses techniques d’ostéosynthèse. Le premier problème est diagnostique. Il nécessite l’identification des traits et des déplacements, suivie du classement de la fracture. Plusieurs classifications ont été proposées décrivant les mêmes fractures sous des appellations différentes. Celle que nous utiliserons oppose les fractures extra-articulaires aux fractures articulaires, dominées par les fractures céphalotuberculaires ou « à quatre fragments ». Des radiographies standards adaptées permettent de reconnaître la plupart des fractures, surtout extra-articulaires. Mais pour certaines fractures, parfois qualifiées de complexes ou comminutives, et notamment pour les fractures articulaires ou associées à une luxation, une tomodensitométrie (TDM) peut être nécessaire. Le second problème est thérapeutique. L’indication repose d’abord sur l’importance du déplacement. Les fractures peu ou pas déplacées ne nécessitent qu’un traitement orthopédique alors que les fractures déplacées nécessitent un traitement chirurgical. Il s’agit en règle d’une ostéosynthèse dans les fractures extraarticulaires. Dans les fractures articulaires, le choix entre ostéosynthèse et arthroplastie humérale est discuté et dépend du type de fracture, de l’importance du déplacement et de la solidité osseuse, souvent moindre chez le sujet âgé. Le troisième problème est pronostique. Toutes ces fractures peuvent compromettre la fonction de l’épaule par le biais de douleurs, d’une raideur et d’une diminution de la force. Le pronostic des fractures extra-articulaires est néanmoins plus favorable que celui des fractures articulaires, menacées de cal vicieux et surtout de nécrose céphalique. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Rappel anatomique A 1 Déport combiné médial et postérieur de la tête humérale en raison de l’excentration du centre de la sphère épiphysaire par rapport à l’axe de la diaphyse humérale. A : axe diaphysaire ; B : verticale passant par le centre de la tête. Arr : en arrière ; AV : en avant ; Dh : dehors ; Dd : dedans. B Des travaux récents ont apporté d’importantes précisions sur l’anatomie de l’épiphyse humérale et sur sa vascularisation. ANATOMIE DE L’ÉPIPHYSE HUMÉRALE ¶ Sphéricité La tête humérale est classiquement assimilée au tiers d’une sphère de 22,5 à 30 mm de rayon. En fait, cette sphéricité n’existe qu’au centre de la surface articulaire qui est elliptique en périphérie. La tête est légèrement aplatie d’avant en arrière avec un rayon de courbure horizontale plus petit de 0 à 2 mm que le rayon de courbure verticale. ¶ Déport médial et postérieur de la tête humérale B A Arr Dh Dd Av Le centre de la tête humérale n’est pas situé sur l’axe du cylindre diaphysaire mais en dedans (déport médial) et le plus souvent en arrière (déport postérieur) de lui (fig 1). Le déport médial est Éric Vandenbussche : Chirurgien des Hôpitaux, service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Rothschild, 33, boulevard de Picpus, 75012 Paris, France. Denis Huten : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux, service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Bichat-Claude Bernard, 46, Rue Henri-Huchard, 75877 Paris, France. relativement constant d’environ 5 mm. Le déport postérieur est très variable, de 12 mm en arrière à 3 mm en avant, avec une moyenne voisine de 5 mm. La distance moyenne entre le centre de la tête humérale et l’axe diaphysaire constitue le déport combiné médial et postérieur. Toute référence à cet article doit porter la mention : Vandenbussche E et Huten D. Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Appareil locomoteur, 14-038-A-10, 2000, 20 p. Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 2 * A A. L’angle cervicodiaphysaire est variable de 125° à 140°. B. Le trochiter est situé dans le plan frontal sous le sommet de la tête humérale de 5 à 10 mm en moyenne, avec des valeurs extrêmes de 3 à 20 mm. 3 Branche antéroexterne issue de l’artère circonflexe humérale antérieure se continuant par sa portion intraosseuse ou artère arquée responsable de la majeure partie de la vascularisation céphalique. Selon le trajet (a) ou (b) d’un trait de fracture passant par le col anatomique, la vascularisation céphalique provenant du pédicule postéro-interne est respectée (b) ou non (a). 1. Artère antéroexterne ; 2. artère circonflexe antérieure ; 3. pédicule postéro-interne ; 4. artère circonflexe postérieure. * B ¶ Angle cervicodiaphysaire Si cet angle avoisine classiquement 130°, il est en fait variable d’un sujet à l’autre, de 125° à 140° (fig 2A). ¶ Hauteur du trochiter La distance verticale entre le sommet de la tête humérale et le sommet du trochiter est en moyenne de 8 mm (3 mm, avec des extrêmes de 3 à 20 mm) (fig 2B). Le trochiter n’est jamais au-dessus du sommet de la tête humérale. Pour restituer la longueur humérale lors d’une ostéosynthèse ou d’une arthroplastie, il convient de rétablir la hauteur exacte du trochiter, en se basant sur les repères de réduction avec la diaphyse et la tête humérale (ou prothétique) et lorsqu’ils font défaut sur la hauteur du trochiter opposé appréciée en préopératoire sur un cliché de face en rotation neutre. ¶ Rétroversion humérale Pour les anatomistes, la valeur moyenne de la rétroversion humérale, angle entre l’axe de la surface articulaire et la ligne épicondyle-épitrochlée, est de 20° à 25°. Elle est beaucoup plus faible que la valeur de rétroversion souvent conseillée dans la littérature pour une arthroplastie humérale, qui est de 30°, voire 45°. L’explication de cette discordance réside dans le fait que la rétroversion humérale est fonction des plans de référence choisis, tant à l’extrémité supérieure de l’humérus (orientation de la surface articulaire ou orientation du col anatomique) qu’à l’extrémité inférieure de l’humérus (ligne épicondyle-épitrochlée, axe de flexion du coude, tangente à la surface articulaire antérieure du coude, ou perpendiculaire à l’axe de l’avant-bras). La rétroversion humérale est en fait sujette à de très importantes variations de 0° à 55°, d’un sujet à l’autre et même d’une épaule à l’autre chez un même sujet, avec une rétroversion un peu plus importante de 5° à 7° du côté dominant. Au cours d’une arthroplastie humérale, il faut en principe reproduire la rétroversion humérale. En cas de fracture, on ne devrait théoriquement se baser que sur celle de l’épaule controlatérale, mesurée par TDM, et la corriger en fonction du côté dominant du patient. Il faut également tenir compte de l’existence ou non d’une luxation associée. VASCULARISATION CÉPHALIQUE Les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus peuvent compromettre la vascularisation de l’épiphyse humérale supérieure et un taux élevé de nécrose ischémique a été rapporté en cas de fracture articulaire à grand déplacement. La connaissance de la vascularisation de l’épiphyse humérale supérieure est un préalable indispensable à l’appréciation du risque de nécrose céphalique post-traumatique. De plus, elle permet de ne pas aggraver les lésions vasculaires par un abord ne respectant pas les vaisseaux nourriciers de la tête humérale. Les classiques travaux anatomiques ont montré l’importance de l’artère antéroexterne issue de l’artère circonflexe antérieure. Des études récentes, utilisant 2 Appareil locomoteur également des injections cadavériques intra-artérielles sélectives, ont permis de quantifier la contribution des différentes branches émanant de l’anneau artériel formé par les circonflexes antérieure et postérieure à l’état normal [10, 32, 33, 35] et au cours de fractures expérimentales [4]. Plus récemment encore, des artériographies sélectives pratiquées dans des fractures récentes ont apporté leur contribution [6]. Il ressort de ces études le rôle prépondérant de la branche antéroexterne issue de l’artère circonflexe humérale antérieure (fig 3). Cette artère croise la gouttière bicipitale sous le tendon du long biceps, monte accolée au périoste sur la berge externe de la gouttière bicipitale, passe sous le ligament transverse de Brodie, puis pénètre dans l’épiphyse humérale à l’extrémité supérieure de la gouttière bicipitale. Dans l’épiphyse, elle prend une direction postéro-interne avec un trajet arciforme expliquant son nom d’artère arquée, le plus souvent unique, parfois multiple. Pour Gerber [10], elle vascularise à elle seule pratiquement toute l’épiphyse humérale. Brooks [4], en revanche, a démontré après interruption de l’artère antéroexterne, la possibilité de revascularisation céphalique à partir du pédicule postéromédial issu de l’artère circonflexe postérieure. Ainsi, les traits de fracture du col anatomique, qui passent en dedans à distance du cartilage et respectent ce pédicule, laissent espérer la préservation de la vitalité céphalique. Le rôle des artères venant de la coiffe des rotateurs est douteux car les classiques anastomoses entre le système vasculaire céphalique et celui de la coiffe n’ont pas été retrouvées dans les travaux récents. En fait, les variations anatomiques sont très fréquentes. Celles-ci rendent illusoire une systématisation précise de la cartographie vasculaire de l’épiphyse humérale supérieure. Elles expliquent les difficultés d’interprétation des injections cadavériques intraartérielles sélectives et des artériographies obtenues dans les fractures complexes. Elles ne permettent pas de déterminer avec certitude le pronostic vasculaire des fractures. Quoi qu’il en soit, l’abord et les manœuvres de réduction doivent respecter la vascularisation pour ne pas aggraver le risque de nécrose. L’artère antéroexterne, qui joue très fréquemment un rôle essentiel, apparaît particulièrement menacée en raison de son trajet. Épidémiologie Les études épidémiologiques récentes sont rares, notamment en France [35], et dominées par les études scandinaves et américaines. L’étude suédoise de Horak [15] sur 729 fractures considérait I’ostéoporose comme un dénominateur commun aux fractures du poignet, de l’extrémité supérieure du fémur et de l’humérus proximal. Il existait également une corrélation significative entre le déplacement des fractures de l’extrémité proximale de l’humérus et l’âge. La fréquence de ces fractures est en augmentation, ce que confirme une seconde étude suédoise de Bengner [1] : leur taux s’est multiplié par trois dans les tranches d’âge au-delà de 60 ans au cours des 30 dernières années, probablement en raison de l’allongement de la durée de vie. L’étude danoise de Lind [24] comptait, sur 730 fractures, 553 fractures chez la femme (75,8 %), 177 chez l’homme (24,2 %), soit un sex-ratio Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 de 3/1 avec une moyenne d’âge de 65,6 ans. L’incidence annuelle globale, excluant les fractures-luxations (8,6 %), était de 73/100 000 avec un maximum de 409/100 000 chez la femme. L’étiologie habituelle était la simple chute dans 79 % des cas. Parmi les 28 % des patients hospitalisés, 75 % avaient plus de 60 ans et 75 % étaient des femmes. Environ 80 % des fractures de l’humérus proximal étaient peu ou pas dépIacées et ne nécessitaient qu’un traitement orthopédique, ce qui rejoint très exactement les constatations de Neer [27]. L’étude américaine de Rose [31] montrait, sur 274 fractures proximales de l’humérus, une incidence annuelle chez l’homme de 30,5/100 000 contre 63,3/100 000 chez la femme. Elle confirmait l’incidence croissante avec l’âge chez la femme après 50 ans, atteignant un pic de 439,4 fractures pour 100 000 à l’âge de 80 ans avec un sex-ratio de 2,1/1. col anatomique, les fractures céphalotuberculaires et les fractures issues des encoches céphaliques dues aux luxations. Muller a proposé, en 1987 [26], la classification de l’AO/ASIF qui définit trois grands groupes A, B et C selon que le trait est extracapsulaire, partiellement ou totalement intracapsulaire. Le risque de nécrose augmente considérablement du groupe A au groupe C. Chaque groupe est lui-même divisé en trois sous-groupes de gravité croissante, selon un codage alphanumérique permettant un classement informatique. Cette classification isole les fractures céphalotuberculaires engrenées en valgus, ignorées par Neer, en raison de leur déplacement souvent peu important. Elle est difficilement utilisable. En 1989, Habermeyer et Schweiberer [11] ont proposé leur propre classification en trois groupes, inspirée de la classification de Neer et de l’AO : Anatomopathologie – groupe A : fractures extracapsulaires de deux à quatre fragments non déplacées ; De très nombreuses classifications ont été proposées selon le siège des traits par rapport à la surface articulaire et aux tubérosités, le nombre de fragments, le déplacement, l’association ou non à une luxation glénohumérale. Neer [28] a été le premier, en 1953, à démembrer les diverses variétés de fractures articulaires, jusqu’alors qualifiées de comminutives et parfois associées à une luxation, et a proposé le terme de fractures « à quatre fragments ». Cette classification repose sur les travaux de Codman [5] qui a distingué, en 1934, quatre structures que Neer a ensuite intitulées « segments », séparées par les lignes de calcification des cartilages de conjugaison : la tête humérale, le trochiter ou tubercule majeur, le trochin ou tubercule mineur et la diaphyse. Codman avait observé que les traits de fracture suivent fréquemment les anciens cartilages de croissance et avait individualisé des fractures à deux, trois ou quatre fragments dans lesquelles chaque fragment portait, selon la fracture, une, deux ou trois des quatre structures. Neer a précisé en 1970 sa classification dite « des quatre segments », en tenant compte de la situation des traits, du nombre de fragments et de leur déplacement. Il avait individualisé six groupes, le groupe I étant celui des fractures dites peu ou pas déplacées, dans lesquelles aucun segment ne présente un déplacement angulaire de plus de 45° ou linéaire de plus de 1 cm. Le traitement de ces fractures, qualifiées de fractures « en une partie » (ou « à un fragment ») est orthopédique et leur pronostic en règle favorable, car elles ne comportent pratiquement pas de risque de nécrose. Neer a modifié en 1975 cette classification qui ne considère plus que les fractures déplacées. Les fractures « à deux fragments » comprennent les fractures du col anatomique, du col chirurgical, du trochiter ou du trochin. Les fractures « à trois fragments » associent une fracture du col chirurgical à une fracture d’une tubérosité. Les fractures « à quatre fragments » détachent la tête et les deux tubérosités. Toutes ces fractures peuvent être associées à une luxation de l’épaule et il existe en outre de rares fractures de la surface articulaire (par impaction ou cisaillement). Fracturesluxations et fractures de la surface articulaire forment le groupe VI de l’ancienne classification. Chaque « partie » (ou « fragment ») peut donc porter un ou plusieurs segments. En outre, les traits de fractures ne suivent pas exactement les anciens cartilages de croissance et traversent parfois un segment qui est ainsi situé sur deux fragments. Fragments et segments ne sont donc pas équivalents. Duparc a proposé une classification reposant sur une terminologie anatomopathologique en introduisant le terme explicite de fractures céphalotuberculaires pour les fractures articulaires séparant tête humérale, diaphyse et tubérosités, équivalent des fractures « à quatre fragments » de Neer. La classification actuelle de Bichat [17] oppose les fractures extra-articulaires aux fractures articulaires. Elle distingue, parmi les fractures extra-articulaires, les fractures isolées des tubercules intéressant le trochin ou le trochiter et les fractures sous-tuberculaires, isolées ou associées à une fracture d’un des tubercules. Les fractures articulaires comprennent les fractures du – groupe B : fractures extracapsulaires de deux à quatre fragments avec luxation ; – groupe C : fractures intracapsulaires avec ou sans luxation. Plus récemment, Gerber [9] a insisté sur un facteur important, négligé dans toutes les classifications qui n’incluent que des critères morphologiques : la fragilité osseuse, qui n’est pas toujours superposable à l’âge. Il s’agit en effet d’un facteur essentiel de l’indication, car il permet d’envisager ou non la possibilité d’une ostéosynthèse. La même fracture chez un sujet à l’os solide et chez un sujet ostéoporotique ne devrait pas être classée de la même manière tant elle est différente sur les plans thérapeutique et pronostique. Tous s’accordent sur la nécessité de classer ces fractures afin d’améliorer leur prise en charge et de pouvoir comparer les résultats des séries. Toutes les classifications décrivent à peu près les mêmes fractures et des équivalences peuvent être établies entre les classifications de Neer et de Duparc et, à un moindre degré, de l’AO (tableau I). Cependant, l’unanimité ne s’est pas faite sur le choix d’une classification commune. La classification de Neer est celle qu’utilisent les Anglo-Saxons et elle est celle le plus largement diffusée. Ceux qui l’utilisent confondent volontiers les termes de « fragments » et « segments », ce qui est à l’origine d’erreurs d’interprétation. On peut faire quelques reproches à cette classification : – une fracture céphalotubérositaire détachant trois fragments, le segment céphalique, la diaphyse et un fragment portant le trochiter et le trochin est inclassable ; – certaines fractures « non déplacées » pour Neer peuvent néanmoins faire discuter un traitement chirurgical : fracture déplacée du trochin, fracture déplacée de 5 à 10 mm du trochiter, fracture céphalotubérositaire engrenée en valgus ; – les fractures issues des encoches des luxations ne sont pratiquement pas décrites ; – une fracture céphalotubérositaire peu ou pas déplacée paraît bénigne alors qu’elle peut se compliquer de nécrose céphalique dans un pourcentage de cas non négligeable. La classification de l’AO/ASIF, bien qu’assez exhaustive, nous paraît complexe, peu évocatrice et d’un usage peu aisé, car elle nécessite pour étiqueter une fracture d’avoir sous les yeux l’ensemble de la classification en raison du nombre important de sous-groupes. Nous n’avons pas l’expérience de l’usage de la classification d’Habermeyer. La reproductibilité de ces classifications a été évaluée et est médiocre. Toutes les classifications peuvent donner lieu à des interprétations différentes selon les chirurgiens lors de la lecture des mêmes clichés et même par le même chirurgien lors de deux lectures différentes. Le problème n’est pas tant de classer les fractures que de préciser la situation des traits par rapport aux quatre segments, d’identifier les 3 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 Appareil locomoteur Tableau I. – Équivalences de la classification de Duparc vers les classifications de Neer et de l’AO. Classifications Duparc Fractures extra-articulaires Neer Fractures des tubérosités Tubercule majeur (trochiter) avec ou sans luxation antérieure Two-part GT Tubercule mineur (trochin) avec ou sans luxation postérieure Two-part LT A1 Fractures sous-tubérositaires (col chirurgical) Two-part SN A3 engrenées ou désengrenées Fractures sous-tubérositaires (col chirurgical) et d’une tubérosité Tubercule majeur (trochiter) Three-part GT B 1-1 Three-part LT B 1-2 Tubercule mineur (trochin) Fractures articulaires AO Fractures céphaliques (col anatomique) Two-part AN C 1-3 Fractures céphalotubérositaires - de type I Four-part C 1-1 engrenées, non déplacées - de type II Four-part C2 engrenées, déplacées - de type III Four-part désengrenées - de type IV Four-part avec luxation antérieure engrenée ou désengrenée avec luxation postérieure engrenée ou désengrenée Fractures céphalométaphysaires issues - des encoches postérieures des luxations antérieures avec ou sans fracture du trochiter Anterior ou posterior two, three- ou four-part C3 B 3-1 B 3-2 - des encoches antérieures des luxations postérieures avec ou sans fracture du trochin GT : greater tuberosity ; LT : lesser tuberosity ; SN : surgical neck ; AN : anatomical neck. divers fragments osseux et de préciser leur déplacement, ce qui suppose une imagerie de qualité. Or celle-ci fait souvent défaut, ce qui explique au moins en partie les différences d’interprétation. Quoi qu’il en soit, toute méta-analyse est sujette à caution car il est plus que probable que des fractures classées de la même manière ne sont pas des fractures identiques et ne sont donc pas comparables. De même, il est très vraisemblable que de nombreuses séries de fractures d’un type donné comportent en fait des fractures d’autres types, ce qui pourrait expliquer des différences entre les résultats, notamment entre les taux de nécrose céphalique. Nous sommes restés fidèles à la classification de Duparc, dont la terminologie est logique et facile à retenir et qui individualise tous les types fracturaires. Elle a été utilisée en 1997 pour le symposium de la Sofcot sur le traitement conservateur des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus [35]. Elle individualise deux grands groupes de fractures extra- et intra-articulaires. * A * B 4 FRACTURES EXTRA-ARTICULAIRES Extracapsulaires, elles comprennent les fractures des tubercules et les fractures sous-tuberculaires, isolées ou associées à une fracture d’un des deux tubercules. * C Fracture du trochiter. A. Parcellaire. B. Totale non déplacée. C. Totale déplacée. D. Associée à une luxation antérointerne. ¶ Fractures tuberculaires Fractures du tubercule majeur ou trochiter Ces fractures peuvent être la conséquence d’un choc direct ou d’une contraction musculaire violente. Elles sont associées, dans 16 à 66 % des cas selon les séries [35], à une luxation antéro-interne qu’elles peuvent rendre incoercible. Dans cette éventualité, elles peuvent être la propagation d’une encoche postérosupérieure située à la jonction de la tête et du tubercule majeur, souvent mieux visible après réduction de la luxation sur le cliché de face en rotation interne. Les fractures parcellaires détachent l’insertion d’un ou deux muscles, le supraspinatus, parfois le supra- et l’infraspinatus, plus rarement l’infraspinatus et le teres minor, exceptionnellement l’infraspinatus. Les fractures totales emportent les insertions des trois muscles (fig 4). Olivier a ainsi proposé de distinguer quatre types lésionnels selon la localisation et l’importance du fragment osseux et a précisé leur répartition sur 40 cas [29] : 4 * D – type I : ce sont les fractures du sommet du trochiter ou de l’insertion du supraspinatus (15 %) ; le diagnostic peut être difficile lorsque le fragment détaché est très petit (fracture operculaire) ; – type II : ce sont les fractures respectant le sommet mais intéressant la partie postérosupérieure du trochiter et correspondant à l’insertion de l’infraspinatus (5 %) ; Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 – type III : ce sont les fractures détachant les deux tiers supérieurs du trochiter emportant à la fois les insertions du supra- et de l’infraspinatus (50 %) ; – type IV : ce sont les fractures emportant tout le massif trochitérien (30 %). Intéressante sur le plan didactique, cette classification est difficilement utilisable en pratique car la distinction entre les types III et IV emportant ou non l’insertion du teres minor est difficile et l’identification des rares fractures du type II est problématique. Il est plus aisé de distinguer les fractures dites totales, supposées emporter les surfaces d’insertion des trois muscles (ou au moins de deux) en raison de la taille importante du fragment, et les fractures partielles intéressant au moins le supraspinatus et qui se caractérisent par leur déplacement supéromédial. Le récent symposium de la Sofcot a également montré l’intérêt de distinguer les fractures détachant un fragment unique, « monobloc », et celles, plus fréquentes, détachant un fragment refendu qui se prêtent mal à un vissage [35]. Le déplacement dépend de la direction des muscles insérés sur le fragment. Dans les fractures détachant l’insertion du supraspinatus, le déplacement est caractéristique, avec migration supéromédiale du fragment, venant s’interposer entre la tête humérale et l’acromion. Dans les fractures détachant l’insertion des supra- et infraspinatus, le fragment se déplace en dedans. Dans les fractures totales, le fragment se déplace en arrière et en dedans du fait de la direction divergente des trois muscles qui s’y insèrent [29]. Sur le plan fonctionnel, une fracture déplacée du trochiter peut altérer la mobilité de l’épaule tant active que passive : active, car cette fracture est l’équivalent d’une rupture de la coiffe des rotateurs ; passive, car le déplacement supérieur du fragment osseux en haut risque d’entraîner un conflit sous-acromial en élévation et son déplacement postérieur un conflit avec la glène en rotation externe. Une fracture même peu déplacée du trochiter peut être exceptionnellement associée à une rupture tendineuse de la coiffe. La taille du fragment, souvent petite, ne préjuge pas de l’étendue de la rupture. Il s’agit en fait d’une solution de continuité de la coiffe essentiellement tendineuse et en faible partie osseuse. La fracture est la partie radiologiquement visible de la rupture. Il faut distinguer ces ruptures des déchirures longitudinales associées aux fractures du trochiter déplacées, habituellement situées entre le supraspinatus et le subscapularis et qu’il convient de suturer. Fractures du tubercule mineur ou trochin Beaucoup plus rares que les précédentes, elles détachent l’insertion du muscle subscapularis et parfois une partie de la surface articulaire. Elles se déplacent en dedans sous l’effet de la contraction musculaire. Elles intéressent la berge externe de la coulisse du tendon bicipital qui peut se subluxer ou se luxer lorsque la fracture est déplacée et secondairement devenir inflammatoire, voire se rompre en cas de conflit avec des irrégularités du plancher de la coulisse [35]. Elles peuvent être isolées ou associées à une luxation postérieure qu’elles rendent volontiers incoercible (fig 5). Elles sont souvent méconnues car le fragment détaché se superpose avec le reste de l’épiphyse humérale sur le cliché de face. Leur diagnostic nécessite un cliché de face en rotation externe (qui risque de déplacer la fracture ou d’aggraver son déplacement) ou mieux en rotation interne, et surtout un cliché de profil axillaire ou une TDM, qui permettent en outre de mesurer le déplacement médial. Fractures sous-tuberculaires Classiques fractures du col chirurgical, ce sont les plus fréquentes des fractures humérales supérieures. Elles peuvent être isolées ou associées à une fracture du tubercule majeur ou plus rarement mineur. • Fractures sous-tuberculaires isolées Elles représentent à elles seules près des deux tiers des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus. Elles surviennent fréquemment 5 Fracture du trochin. A. Isolée. B. Associée à une luxation postérieure. * A * B 6 Fracture sous-tuberculaire isolée. A. Basse. B. Haute. * A * B chez les sujets âgés à l’os fragile, à la suite d’une chute sur l’épaule. Chez les sujets jeunes, elles sont dues à un traumatisme violent et peuvent être associées à d’autres lésions traumatiques, notamment thoraciques. Le trait, situé par définition sous les tubercules, est donc toujours extracapsulaire. Il est néanmoins plus ou moins haut situé et on peut distinguer des sous-tuberculaires basses et hautes (fig 6). Dans celles-ci, le trait se rapproche du col anatomique et le fragment proximal est de petite taille, offrant peu de prise aux matériaux d’ostéosynthèse. La fracture peut être simple ou comminutive, avec des difficultés de réduction. Le déplacement, élément essentiel de la décision thérapeutique, est variable. La fracture peut être engrenée, avec un contact plus ou moins important entre les deux fragments, ou désengrenée. Le fragment proximal se déplace en rotation externe et élévation sous l’effet de la contraction des muscles de la coiffe tandis que le fragment distal se déplace en dedans et en arrière, sous l’effet de la traction du pectoralis major. Dans les fractures engrenées, l’impaction est donc postérieure. Les termes de fracture en abduction ou en adduction doivent être abandonnés car une même fracture peut se déplacer dans les deux sens selon la position donnée au bras au moment de la radiographie et peut même, pour une position donnée du bras, paraître déplacée en adduction ou en abduction selon que l’épaule est en rotation externe ou interne. Les fractures déplacées peuvent être irréductibles en cas d’interposition du long biceps dans le foyer de fracture ou lorsque le fragment proximal embroche le deltoïde. Les fractures à grand déplacement peuvent se compliquer de lésions vasculonerveuses. L’association d’une fracture sous-tubérositaire isolée à une véritable luxation glénohumérale est possible mais d’une grande rareté [35] . Le pronostic est bon puisque la tête humérale garde ses insertions capsulaires et reste solidaire des deux segments tuberculaires. • Fractures sous-tuberculaires avec fracture du tubercule majeur ou mineur Ce sont les fractures « à trois fragments » de Neer [27]. – Fractures sous-tuberculaires et du tubercule majeur Ce sont les fractures cervicotrochitériennes de Kocher associant un trait sous-tubérositaire plus ou moins haut situé à un refend détachant la totalité du tubercule majeur (fig 7). Chacune des deux fractures est plus ou moins déplacée. La fracture du tubercule 5 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 7 8 Fracture sous-tuberculaire et du tubercule majeur. Fracture sous-tuberculaire et du tubercule mineur. majeur peut être méconnue lorsqu’elle est peu ou pas déplacée. En cas de déplacement, la tête humérale bascule sous l’effet de la traction exercée par le subscapularis et sa surface articulaire regarde en arrière. Lorsque le trait sous-tuberculaire est haut situé et se rapproche du col anatomique, il est difficile d’affirmer que le tubercule mineur est situé sur le même fragment que la tête humérale et la confusion est possible avec une fracture céphalotuberculaire à quatre fragments. L’association à une luxation antérieure est peu connue, responsable d’une confusion diagnostique avec les fractures céphalotuberculaires avec luxation antérieure. Quoi qu’il en soit, l’apport vasculaire de la tête humérale s’amoindrit car elle n’est plus solidaire que du segment trochinien. En outre, le trait de refend passe à proximité de l’artère ascendante antéroexterne qui pourrait être lésée par le traumatisme et d’éventuelles manœuvres chirurgicales. Le risque de nécrose n’est pas négligeable et justifie, pour les auteurs anglo-saxons, la prothèse humérale chez les sujets âgés à l’os fragile. – Fractures sous-tuberculaires et du tubercule mineur Elles sont beaucoup plus rares (fig 8). La fracture du tubercule mineur peut être méconnue car celui-ci se projette sur l’épiphyse sur la radiographie de face. Lorsqu’il est déplacé, la tête humérale bascule sous l’effet non contrarié de la traction exercée par les muscles insérés sur le tubercule majeur et sa surface articulaire regarde en avant. Ces fractures peuvent se compliquer de luxation postérieure. L’apport vasculaire de la tête humérale est amoindri mais le trait de refend tubérositaire passe à distance de l’artère antéroexterne. Ces fractures sont trop rares pour que le risque de nécrose céphalique puisse être apprécié. FRACTURES ARTICULAIRES Elles sont largement dominées par les fractures céphalotuberculaires. Les fractures du col anatomique sont exceptionnelles et les fractures issues des encoches céphaliques dues aux luxations sont beaucoup plus rares. Ce sont des fractures en partie ou en totalité intracaspulaires. ¶ Fractures du col anatomique Il s’agit d’exceptionnelles fractures dont le trait est situé au niveau du col anatomique, réalisant une véritable décapitation de 6 9 Appareil locomoteur Fracture du col anatomique. l’extrémité supérieure de l’humérus. Les tubérosités sont intactes et solidaires de la diaphyse (fig 9). La fracture peut être engrenée ou non. Dans les fractures engrenées, le fragment céphalique se déplace en bas et en dedans, avec un aspect de tubercule majeur saillant. La fracture peut s’associer à une luxation postérieure ou une luxation antérieure. Le risque de nécrose céphalique est majeur. En effet, l’artère nourricière de la tête humérale est interrompue là où elle pénètre dans la tête [10, 35] et celle-ci, séparée de la diaphyse et des tubérosités, n’est au mieux irriguée que par quelques attaches capsulopériostées. Lorsque le trait de fracture passe en dedans à plus de 1 cm du cartilage, les afférences vasculaires provenant du pédicule postérointerne sont respectées et le risque de nécrose est moins important [4, 30] . Le risque de nécrose, en revanche, est sans doute accru dans les fractures désengrenées et a fortiori en cas de luxation, par le biais de lésions capsulaires associées. Quoi qu’il en soit, cette fracture est le dénominateur commun à toutes les fractures céphalotuberculaires. ¶ Fractures céphalotuberculaires Les fractures céphalotuberculaires selon Duparc ou « à quatre fragments » selon Neer sont les fractures articulaires les plus fréquentes. Elles frappent parfois l’adulte jeune à la suite d’un traumatisme violent mais beaucoup plus fréquemment le sujet âgé à l’os ostéoporotique fragile. Elles comportent un fragment céphalique, un fragment diaphysaire et un ou plus souvent deux fragments tuberculaires. Il s’agit donc de fractures comportant habituellement quatre fragments, mais parfois trois seulement lorsque le trochiter et le trochin sont situés sur un même fragment. Dans cette éventualité, le terme de fracture « à quatre fragments » de Neer n’est donc pas adapté. Néanmoins, les conséquences pour la vascularisation céphalique sont identiques, que les deux tubérosités soient séparées l’une de l’autre ou non. Le trait de fracture détachant la tête humérale passe en effet par le col anatomique. Il peut plus rarement passer dans le cartilage, la partie externe de la tête restant solidaire du tubercule majeur ou la partie antérieure solidaire du tubercule mineur. Ces variétés transcéphaliques correspondent vraisemblablement aux headsplitting fractures de Neer [28]. Elles se caractérisent par un double contour céphalique sur les radiographies. Le risque de nécrose du fragment céphalique est le même que dans les fractures du col anatomique. La partie basse des fractures tuberculaires réalise une solution de continuité, passant cette fois par le col chirurgical. Le segment osseux métaphysaire interne et postérieur situé entre les deux cols est donc minime et parfois absent en cas d’impaction importante. Dans cette éventualité, les deux cols paraissent confondus l’un avec l’autre. Il existe le plus souvent deux fragments tuberculaires, séparés par un trait vertical passant rarement par la gouttière bicipitale ou plus souvent un peu en dehors d’elle, laissant le trochin emporter la coulisse bicipitale et le long biceps. La fracture intertuberculaire est plus ou moins déplacée, avec parfois une continuité périostée entre les deux fragments. Chaque tubercule peut être lui-même refendu en plusieurs fragments réunis par des connexions périostées. On peut penser que la fracture est due à un impact brutal de la tête sur la voûte ostéoligamentaire Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus Appareil locomoteur 10 14-038-A-10 12 Fracture céphalotuberculaire peu ou pas déplacée ou de type I. Fracture céphalotuberculaire désengrenée ou de type III. 11 Fracture céphalotuberculaire déplacée engrenée ou de type II. * A acromiocoracoïdienne, lors d’une chute sur la main dans une position d’élévation et de rotation variable du bras. Le fragment céphalique s’impacte sur la diaphyse en écartant les deux tubercules. Le tubercule mineur est en outre attiré en dedans par le subscapulaire et le tubercule majeur en arrière par les autres muscles de la coiffe. Duparc distingue quatre types selon l’importance du déplacement [20]. – Dans le type I, la fracture est peu ou pas déplacée (fig 10). – Dans le type II, il existe un déplacement mais la tête reste engrenée (fig 11). Le fragment céphalique s’impacte sur la diaphyse avec une pénétration plus importante en arrière et en dehors, ce qui l’horizontalise. Ce sont les fractures « à quatre fragments » impactées en valgus, décrites par Jakob [22]. Une fois l’énergie du traumatisme épuisée, la diaphyse reprend sa position anatomique et l’horizontalisation céphalique se traduit par un élargissement de la partie supérieure de l’interligne glénohuméral, caractéristique. Le tubercule majeur paraît ascensionné alors qu’il est peu ou pas déplacé : il s’agit d’une ascension relative par rapport à la tête impactée sur la diaphyse. Lorsque le trait est transcéphalique, la partie de la tête solidaire du tubercule majeur (ou du tubercule mineur) réalise un éperon arciforme qui forme, avec le reste de la tête humérale, un double contour articulaire de face (ou de profil). Nous avons observé des fractures engrenées en varus [35] qui pourraient être en fait des fractures initialement engrenées en valgus et se déplaçant secondairement en varus. Leur pronostic semble particulièrement mauvais. – Dans le type III, la fracture est désengrenée mais le fragment céphalique reste intracapsulaire (fig 12). – Dans le type IV, la tête luxée est énucléée en dehors de la cavité articulaire à travers une brèche ou une désinsertion capsulaire (fig 13) : il s’agit d’une fracture-luxation céphalotuberculaire. La * B 13 Fracture céphalotuberculaire avec luxation ou de type IV, ou fracture-luxation céphalotuberculaire. A. Avec luxation antérieure désengrenée ou engrenée. B. Avec luxation postérieure désengrenée ou engrenée. luxation peut être antérieure (type IV A) ou postérieure (type IV B). La fracture du col anatomique peut être engrenée ou non. Ces fractures posent d’importants problèmes diagnostiques. – Les fractures engrenées des types I et II peuvent être confondues avec une fracture sous-tuberculaire haute et du tubercule majeur qui peut simuler parfaitement une fracture de type II engrenée en valgus sur le cliché de face. La différence réside dans le fragment du tubercule mineur qui n’est plus ici solidaire de la tête humérale. – La fracture-luxation céphalotuberculaire engrenée peut être confondue avec une luxation antéro-interne avec fracture du tubercule majeur, car la fracture céphalique, engrenée et peu visible, n’est parfois révélée qu’après la tentative de réduction qui la désengrène. Il faut en faire le diagnostic avant la réduction, devant l’horizontalisation de la tête humérale sur la diaphyse, 7 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 Appareil locomoteur * A * A * B * B 14 Fracture céphalométaphysaire issue de l’encoche céphalique secondaire à une luxation antérieure. A. Détachant la tête humérale avec un éperon cortical métaphysodiaphysaire interne. B. Détachant la tête humérale et le trochiter. caractéristique des fractures céphalotuberculaires engrenées. Il faut en fait la suspecter devant toute luxation antérieure avec fracture du tubercule majeur. – La fracture-luxation céphalotuberculaire antérieure désengrenée peut être confondue avec une fracture sous-tuberculaire et du tubercule majeur associée à une luxation antérieure et la fractureluxation céphalotuberculaire postérieure désengrenée avec une fracture issue de l’encoche antérieure d’une luxation postérieure (cf infra). C’est la fracture sous-tuberculaire et du tubercule majeur que l’on peut le plus facilement confondre avec la fracture soustuberculaire. Or, leur pronostic et leur traitement sont très différents. Le risque de nécrose céphalique augmente du type I au type IV, par le biais du désengrènement de la fracture, des lésions capsulaires et parfois vasculaires associées. ¶ Fractures issues des encoches céphaliques Duparc a été le premier à bien individualiser ce type de fractures, surtout dans leur variété issue de l’encoche postérieure des luxations antérieures. Elles représentent une entité anatomopathologique particulière. Elles résultent en effet de l’impact de la tête humérale sur le rebord glénoïdien. Il s’agit de fractures partiellement intracapsulaires. Duparc leur a donné le nom de « fractures céphalométaphysaires ». Elles sont l’équivalent des impression fractures de Neer [28]. Muller les a dénommées « fractures verticales cervicométaphysaires », mais les a curieusement classées dans les fractures extra-articulaires [26]. Fractures céphalométaphysaires secondaires aux luxations antérieures Au cours d’une luxation antérieure, la tête humérale peut s’impacter sur le bord antérieur de la glène qui s’enfonce comme un coin dans l’épiphyse, créant une encoche plus ou moins profonde. Cette encoche, appelée fracture de Malgaigne (1847) ou lésion de HillSachs (1940) pour les Anglo-Saxons, est située à la face postérieure de la jonction du tubercule majeur et de la tête humérale ou, plus en dedans, au niveau de la tête elle-même. Il s’agit d’une fracturetassement céphalique qui peut se poursuivre vers l’avant et détacher le tubercule majeur, la tête humérale ou les deux. Le trait de fracture céphalique est vertical et détache avec la tête un éperon cortical métaphysodiaphysaire interne, sur lequel la capsule reste insérée (fig 14). Toutefois, l’éperon est d’autant moins important et le trait d’autant plus proche du col anatomique que le bras est plus en abduction lors du traumatisme. Le tubercule mineur reste solidaire 8 * C * D 15 Fracture céphalométaphysaire issue de l’encoche céphalique secondaire à une luxation postérieure. A. Encoche antérieure d’une luxation postérieure simple. B. Fracture issue de l’encoche détachant la tête humérale. C. Fracture issue de l’encoche détachant la tête humérale et le trochin. D. Fracture issue de l’encoche détachant la tête humérale et associée à une fracture du col. du fragment céphalique et le tubercule majeur de la diaphyse, à moins qu’il ne soit lui-même fracturé. La fracture céphalométaphysaire peut en effet être isolée ou associée à une fracture du trochiter. Dans les deux cas, l’intégrité du trochin et l’importance de l’éperon cervical préservent la vascularisation épiphysaire. Cette fracture peut poser un problème diagnostique avec la fracture céphalotubérositaire luxée en avant. La direction verticale du trait, l’existence d’un éperon cervical et d’une encoche postérieure permettent de l’en différencier. En cas de doute, une TDM peut être nécessaire pour préciser la situation du trochin, solidaire du segment céphalique. Confondre cette fracture avec une luxation-fracture céphalotubérositaire et proposer une prothèse serait une erreur. Un bilan lésionnel peropératoire soigneux permet néanmoins de la corriger, sous réserve que le subscapulaire ne soit pas sectionné en peropératoire. Fractures céphalométaphysaires secondaires aux luxations postérieures Elles sont encore plus rares que les précédentes. La luxation postérieure associée est malheureusement parfois méconnue. Il existe une filiation pathogénique connue entre luxation postérieure et fracture-luxation postérieure de l’épaule. Les luxations postérieures de l’épaule s’accompagnent d’une encoche antérointerne, décrite par Mac Laughlin, située juste en dedans du tubercule mineur, due à l’impaction de la tête sur le rebord glénoïdien postérieur. Lorsque l’énergie cinétique du traumatisme ne s’est pas totalement épuisée, une fracture peut survenir à partir du fond de cette encoche, faisant passer du stade simple de luxation postérieure, à celui plus complexe de fracture-luxation postérieure (fig 15). On peut donc considérer que les fractures-luxations postérieures sont des fractures de Mac Laughlin complétées. En cas d’encoche importante, celle-ci peut fracturer le trochin, soit en l’enfonçant dans le spongieux épiphysaire, soit en le détachant. Il est tentant de considérer que ces fractures-luxations réalisent un équivalent postérieur des fractures-luxations antérieures. Il existe en Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus effet une certaine analogie avec les fractures céphalométaphysaires issues de l’encoche postérieure. Néanmoins, il existe une troisième association lésionnelle possible : fracture céphalique et fracture du col chirurgical. Trois principaux types fracturaires peuvent être distingués [35] : – le premier groupe est le plus fréquent (42 %) ; l’encoche détache un fragment céphalique postérieur ; celui-ci comporte un éperon cortical plus ou moins important, mieux visible sur l’incidence de profil, rappelant l’éperon cortical des fractures-luxations antérieures ; le fragment céphalique postérieur est basculé vers l’arrière autour d’une charnière située à la partie postérieure du trochiter, un peu en avant de sa jonction avec le cartilage ; – le second groupe est le plus rare (25 %) ; la fracture verticale de la tête est associée à une fracture du trochin. Il est impossible de préciser les traits si on ne dispose pas d’une TDM ; – le troisième groupe, moins connu (33 %), avait été identifié par Vichard [38]. Il associe à la fracture verticale de la tête une fracture du col chirurgical ; nous n’avons pas rencontré cette association lésionnelle dans les fractures issues de l’encoche postérieure des luxations antérieures. Il ne faut pas confondre ces fractures avec les fractures céphalotuberculaires luxées en arrière, confusion d’autant plus facile qu’il existe probablement des formes de passage entre les deux. Les fractures issues de l’encoche antérieure s’en distinguent par l’existence de l’encoche, d’un éperon cortical d’autant plus important que le bras est plus en adduction lors du traumatisme, et par le fait que trochin et trochiter sont situés sur un même fragment, ce qui est possible mais peu fréquent dans les fractures céphalotuberculaires. Une TDM est toujours nécessaire. Cet examen nous paraît également indispensable dans toute luxation postérieure pour préciser l’importance de l’encoche, rechercher une fracture du trochin ou un trait de refend céphalique partant du fond de l’encoche et pouvant se compliquer de fracture déplacée lors d’une tentative de réduction de la luxation. Sur le plan vasculaire, la capsule reste insérée sur le fragment céphalométaphysaire mais les tubérosités ne sont pas solidaires du segment céphalique et le risque de nécrose est sans doute plus important que dans les fractures précédentes. FRACTURES-LUXATIONS Ce terme est à lui seul imprécis et insuffisant. Il est indispensable, avant d’envisager un traitement, de préciser le type de fracture d’une part et le sens de la luxation d’autre part. Nous nous sommes efforcés, lors du symposium de la Sofcot de 1997, de classer ces fractures-luxations dont il existe de nombreuse variétés [35]. Les fractures du tubercule majeur peuvent s’associer à une luxation antérieure et celles du trochin à une luxation postérieure. Les fractures sous-tuberculaires avec luxation sont rares alors que celles avec fracture du tubercule majeur et luxation antérieure ne sont pas exceptionnelles. La logique voudrait qu’une fracture soustubérositaire avec fracture du trochin puisse s’associer à une luxation postérieure, mais nous ne l’avons jamais observé. Les rares fractures du col anatomique peuvent se compliquer de luxation postérieure ou antérieure. Les fractures céphalotuberculaires du type IV sont, par définition, des fractures-luxations dont il existe divers types selon le sens de la luxation (antérieure ou postérieure) et le déplacement de la fracture (engrenée ou non). Les fractures issues des encoches, postérieure des luxations antérieures ou antérieure des luxations postérieures, sont, par définition, des fractures-luxations et il en existe divers types. Ces fracturesluxations posent des problèmes diagnostiques difficiles à résoudre que nous avons évoqués et des problèmes thérapeutiques spécifiques (cf infra). Clinique Les patients consultent habituellement pour une impotence fonctionnelle douloureuse de l’épaule et présentent l’attitude caractéristique des traumatisés du membre supérieur. 14-038-A-10 L’interrogatoire fait préciser l’âge, le côté dominant, les circonstances du traumatisme, d’éventuels antécédents locaux et les besoins fonctionnels professionnels ou sportifs. Il s’agit le plus souvent d’accidents de la voie publique ou même domestiques, parfois de traumatismes sportifs ou de polytraumatismes. Il faut s’efforcer de déterminer le mécanisme. Le traumatisme est souvent minime, notamment chez les sujets âgés et ostéoporotiques. À l’opposé, chez les sujets jeunes victimes de traumatismes à haute énergie, les fractures-luxations avec lésions nerveuses sont plus fréquentes. La notion de crises convulsives, d’électrocution, d’électrochoc est à elle seule évocatrice de luxation ou fracture-luxation postérieure de l’épaule, parfois même bilatérale. La douleur est le symptôme dominant. Elle peut être localisée mais elle est souvent diffuse, avec des irradiations cervicales et vers le bras. L’invalidité peut être totale, mais peut être parfois relative dans certaines fractures parcellaires ou non déplacées. La recherche d’antécédents, parfois signalés spontanément, doit être systématique (antécédents de luxation récidivante glénohumérale, douleurs nocturnes ou mécaniques de l’épaule évoquant une atteinte de la coiffe des rotateurs). Un important hématome brachiothoracique d’apparition rapide doit faire rechercher une complication vasculaire. La classique ecchymose brachiothoracique de Hennequin apparaît fréquemment 24 à 48 heures après le traumatisme. Elle inquiète souvent les personnes âgées en raison de son ampleur et elle est parfois le motif qui les pousse à consulter. Elle se résorbe spontanément en 2 à 3 semaines sans aucune séquelle. Il est difficile de diagnostiquer les fracturesluxations en raison de l’hématome et l’œdème. Dans les fracturesluxations antérieures, il existe une saillie antérieure et la face postérieure de l’articulation est aplatie. À l’inverse, dans les fractures-luxations postérieures, il existe un aplatissement antérieur et une saillie postérieure. Un examen vasculonerveux soigneux doit être pratiqué systématiquement. Il existe en effet des lésions vasculonerveuses dans 5 à 30 % des fractures complexes de l’humérus en raison de la proximité du plexus brachial et de l’artère axillaire. Les lésions nerveuses et notamment du nerf axillaire ne sont souvent décelées que secondairement, ce qui pose le problème de savoir si la lésion préexistait au traumatisme ou est due au traitement (ostéosynthèse, manœuvres de réduction, immobilisation dans un appareillage). Ces lésions sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne l’imagine, surtout dans leurs formes purement électromyographiques. Chez les polytraumatisés, le traumatisme de I’épauIe peut même être totalement méconnu initialement. Imagerie Il existe de nombreuses incidences permettant d’étudier l’extrémité supérieure de l’humérus. Certaines nécessitent idéalement l’aide de la radioscopie. La face en double obliquité, le profil transthoracique, le profil dans le plan de l’omoplate, le profil axillaire et la vue apicale oblique sont parmi les incidences les plus utilisées (fig 16). La plupart prennent l’omoplate comme plan de référence afin d’enfiler l’interligne articulaire et de dégager l’humérus de la cage thoracique. Ainsi, le cliché de face stricte, le patient le dos contre la plaque et le rayon perpendiculaire à la plaque, n’a guère d’intérêt et favorise la méconnaissance d’une luxation postérieure. Il en est de même du profil transthoracique qui analyse l’épaule blessée à travers la cage thoracique sur un patient de profil dont le bras opposé est en élévation. Les superpositions sont nombreuses rendant l’interprétation difficile. Le cliché de face classique en double obliquité, obliquité de 20° du patient par rapport à la plaque (épaule opposée soulevée sur un patient en décubitus) et obliquité de 20° du rayon vers les pieds du patient pour enfiler la voûte acromiale, doit être pris en rotation neutre. Il peut être complété par des clichés en rotation interne puis en rotation externe. Il est plus difficile de choisir entre les nombreux profils. 9 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 Le cliché de profil de l’omoplate de Neer ou profil de Lamy enfile horizontalement l’écaille de l’omoplate. Il se distingue du profil de coiffe, plus approprié à la pathologie de la coiffe des rotateurs, obtenu sous scopie dont le rayon, également postéroantérieur, est incliné par rapport au plan horizontal de 15° en bas et en avant. Le cliché de profil axillaire est réalisé l’épaule en abduction, en position assise avec un rayon vertical ou en décubitus dorsal avec un rayon entrant par l’aisselle, horizontal et oblique, perpendiculaire à la plaque placée au-dessus du moignon de l’épaule. L’épaule traumatisée peut être mise en abduction beaucoup plus facilement qu’on ne le pense en écartant doucement et prudemment le bras du corps. L’importance des renseignements apportés par cette incidence, à tort peu pratiquée en urgence, suffit à justifier la présence du traumatologue en radiologie. Néanmoins, la douleur reste un obstacle et a fait proposer le cliché suivant. La vue apicale oblique, cliché dit « profil de Garth », repose sur le même principe que l’incidence de Velpeau. Tous les deux ont l’avantage de pouvoir être réalisés le bras en écharpe en rotation interne coude au corps. Pour le profil de Velpeau, l’incidence est verticale sur un patient ayant le tronc incliné en arrière de 45° vers une plaque horizontale. Pour le profil de Garth, le rayon est incliné de 45° vers le bas sur un patient debout vers une plaque verticale. Le profil glénoïdien de Bernageau, destiné à l’étude de la partie antéroinférieure de la glène, n’est pas utilisé dans les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus. Enfin, le cliché de profil de Bloom et Obata [2], réalisé avec un rayon ascendant de 35° et qui a été présenté comme l’incidence élective des luxations postérieures, n’est pratiquement plus utilisé. Dans la pratique quotidienne, les clichés demandés sont encore trop souvent une face et un profil transthoraciques d’intérêt médiocre, en dehors du cas particulier du polytraumatisé où ce sont parfois les seuls clichés réalisables. La série traumatologique de Neer a le mérite de comprendre plusieurs incidences orthogonales : une face vraie, un profil de Lamy et un profil axillaire [27]. Dans la majorité des cas, ces clichés standards bien réalisés permettent de poser un diagnostic précis. Mais il est des cas dans lesquels une imagerie standard de bonne qualité ne permet pas de conclure. L’étude de la Sofcot [35] nous a montré que son intérêt principal est de préciser l’état du trochin et d’analyser les luxationsfractures postérieures. La réalisation de coupes jointives ou l’acquisition hélicoïdale permettent d’obtenir des reconstructions biet tridimensionnelles dont la résolution s’améliore avec les progrès techniques de l’imagerie. La TDM, toutefois, ne doit en aucun cas se substituer à des clichés imparfaits, d’autant qu’elle ne pallie pas toutes les insuffisances de la radiographie standard. Elle se heurte à une difficulté qui rend son interprétation parfois délicate : les coupes sont réalisées dans le plan horizontal alors que les fragments ne sont pas en position anatomique. Il faut encore insister sur la fausse luxation inférieure, fréquemment observée sur les clichés précoces. Elle est le plus souvent due à la sidération musculaire liée à la fracture, tout comme une épaule normale présente sous anesthésie générale un certain degré de subluxation inférieure. Il s’agit d’un épiphénomène qui régresse toujours, plus ou moins rapidement, après rééducation des muscles longs. Elle ne nécessite aucun geste thérapeutique spécifique. Néanmoins, elle s’observe également en cas de paralysie circonflexe et son évolution dépend de la gravité de la lésion nerveuse. Traitement MÉTHODES THÉRAPEUTIQUES L’idéal est la restitution complète et indolore des amplitudes articulaires de l’épaule. Le risque de capsulite rétractile est particulièrement important et commun à toutes les fractures, incitant à la mobilisation la plus précoce possible. Les cals vicieux et les nécroses céphaliques ont la réputation d’être bien tolérés à l’épaule. Il existe en fait un certain parallélisme entre la qualité de la réduction à consolidation et le résultat fonctionnel, justifiant des ostéosynthèses exactes. 10 Appareil locomoteur " A2 " A1 " B2 " B1 " C2 16 Incidences radiographiques. A. Face en vraie et en double obliquité 20/20°. B. Profil de Neer ou de Lamy. C. Profil de coiffe. " C1 Par ailleurs, la survenue d’une nécrose est péjorative, même si elle peut être bien tolérée lorsque la réduction est anatomique ou presque [10, 16]. Les risques de cal vicieux et de nécrose sont plus élevés dans les fractures articulaires, dont le pronostic fonctionnel est donc plus sombre. Les nombreuses propositions thérapeutiques témoignent des difficultés rencontrées. Elles vont du traitement orthopédique à la prothèse humérale en passant par différents types d’ostéosynthèse. Le chirurgien doit garder à l’esprit un certain nombre de considérations propres au membre supérieur [23] : – il n’est pas porteur, mais suspendu à la ceinture scapulaire et la simple traction due à la pesanteur a tendance à aligner les fragments ; Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 16 14-038-A-10 " F2 (suite) Incidences radiographiques. D. Profil axillaire. E. Profil transthoracique. F. Profil de Garth. G. Profil de Velpeau. H. Profil de Bloom-Obata. * D " F1 * E – la contention d’une fracture ne nécessite pas une stabilité parfaite sous réserve qu’il existe un contact suffisant entre les fragments ; – le membre supérieur travaille isolément et il n’y a donc pas de problème d’inégalité de longueur ; – les cals vicieux extra-articulaires de l’humérus sont mieux tolérés que ceux du fémur ; – les problèmes d’ostéosynthèse du membre supérieur sont différents de ceux du membre inférieur ; à l’épaule, la récupération de la mobilité est plus difficile : il faut donc privilégier les solutions chirurgicales autorisant une rééducation rapide ; – l’épaule est une articulation particulièrement fragile : toute ostéosynthèse doit être la moins agressive possible ; les abords extensifs et les ostéosynthèses massives peuvent avoir un retentissement fonctionnel grave. Il est en fait difficile de trouver un compromis entre une ostéosynthèse légère nécessitant une immobilisation et une ostéosynthèse massive autorisant une rééducation précoce. ¶ Traitement orthopédique La réduction des fractures déplacées par manœuvres externes ne permet en fait que d’aligner la diaphyse sous l’épiphyse. On ne peut * G * H en effet agir sur les trois autres segments : le trochiter, le trochin et la tête. Ces manœuvres doivent être prudentes car elles peuvent aggraver les lésions osseuses ou entraîner des complications vasculonerveuses. La réduction d’une luxation associée à une fracture, simple en cas de luxation antéro-interne avec fracture du trochiter, est beaucoup plus difficile, voire impossible en cas de fracture avec tête désengrenée, ou dangereuse lorsqu’une fracture comportant un fragment céphalique est engrenée [14]. Le relâchement musculaire doit être obtenu sous anesthésie générale avec traction lente et progressive dans l’axe du membre en utilisant éventuellement une contre-extension axillaire [7]. La tête est refoulée manuellement, voire à l’aide d’un poinçon percutané dont le maniement nous paraît dangereux. La contention des fractures est assurée dans la grande majorité des cas par un bandage de type Dujarier, qui a le mérite de la facilité. Le positionnement du bras est guidé par l’alignement de la fracture. L’abduction est en règle nocive et une discrète adduction permise par une antéflexion et une rotation interne amenant le poignet sur la région épigastrique est souvent souhaitable. Cette immobilisation est effectuée par de larges bandes Velpeaut renforcées par une bande collante circulaire après un contrôle radiographique de la réduction. Des bandages du même type sont actuellement disponibles dans le 11 14-038-A-10 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus commerce ; ils ont le mérite d’un plus grand confort, et permettent de réduire le risque de mycose du creux axillaire, plus fréquente l’été. L’immobilisation de type Mayo Clinic à l’aide d’un jersey tubulaire est de réalisation rapide et aisée. Malheureusement, elle est beaucoup moins stricte et trop permissive. Son inconvénient majeur est la possibilité d’une rétropulsion humérale en décubitus dorsal, source de déplacement secondaire. Pour diminuer le risque d’enraidissement de l’épaule en adduction, certains utilisent des attelles d’abduction ou l’appareil de Pouliquen, voire un plâtre thoracobrachial, pour immobiliser en élévation de 45 à 80° dans le plan de l’omoplate. Cette position est parfois incompatible avec un alignement satisfaisant. Ces appareillages sont en outre générateurs de compression cutanée ou nerveuse, notamment du nerf cubital au coude, mais ont le mérite d’éviter l’enraidissement coude au corps et de faciliter ainsi la rééducation. La traction continue par broche transcubitale, qui impose une immobilisation stricte au lit, est anecdotique. Le plâtre pendant brachio-antibrachio-palmaire n’aligne la fracture qu’en position assise et n’immobilise pas l’épaule. ¶ Traitement chirurgical Ostéosynthèses Il faut opposer les ostéosynthèses classiques à foyer ouvert et celles plus récentes à foyer fermé. • Ostéosynthèses à foyer fermé Les plus récentes, elles s’appliquent essentiellement aux fractures extra-articulaires ou à des fractures articulaires peu complexes, telles que les fractures céphalotuberculaires de type II [22]. Elles ont deux mérites essentiels : réduire le risque infectieux et éviter l’abord direct et ses conséquences (dévascularisation osseuse et des parties molles, adhérences postopératoires). Pratiquées sous amplificateur de brillance, elles comportent une réduction le plus souvent manuelle mais parfois à l’aide de crochets, spatules ou poinçons introduits par voie percutanée, suivie de fixation par clou centromédullaire, broches ascendantes centromédullaires, voire brochage direct. Un enclouage centromédullaire par clou de Postel, de Seidel ou de Rush peut être pratiqué par un court abord externe, à travers la coiffe, en sachant son retentissement possible sur la mobilité de l’épaule, notamment en cas de saillie immédiate ou secondaire du clou dans l’espace sous-acromial. L’embrochage ascendant, à l’aide d’au moins trois broches divergeant en « palmier » dans l’épiphyse, lui est préféré car il n’expose pas à ce risque. Pour obtenir cette divergence qui assure une plus grande stabilité, les broches doivent être incurvées à leur extrémité. Il existe plusieurs modalités d’introduction des broches. Au niveau du coude, Vichard [38] a recommandé un double abord par l’épitrochlée et l’épicondyle, et Hackethal [12] un abord médian sus-olécranien. Les deux peuvent retentir sur la mobilité du coude et notamment limiter l’extension. L’abord à la pointe du V deltoïdien proposé par Kapandji [23] met à l’abri de cet inconvénient. En revanche, il est plus difficile d’obtenir une bonne divergence épiphysaire des broches, en raison du trajet moins direct des broches qui « rebondissent » sur la corticale interne. Enfin, il expose, en cas d’abord trop postérieur, à la lésion du nerf radial, lors de la pose des broches comme de leur ablation. Plus récemment, certains ont proposé le brochage direct à l’aide de deux ou trois broches croisées dans l’espace pour assurer une stabilité suffisante [9, 22]. On peut même les remplacer par des vis canulées guidées par ces broches. Il s’agit d’interventions difficiles nécessitant le contrôle radioscopique peropératoire de face et de profil de la réduction, parfois instable ou imparfaite, et de la bonne position des broches. Celles-ci peuvent faire issue dans l’articulation ou par un trait de fracture, d’emblée ou secondairement, par migration des broches ou impaction de la fracture. Elles peuvent également reculer, toutes 12 Appareil locomoteur complications qui nécessitent l’ablation précoce des broches en cause. La stabilité du foyer fracturaire obtenue est souvent imparfaite et en tout cas insuffisante pour permettre une mobilisation précoce, surtout en rotation. Une immobilisation complémentaire est habituellement nécessaire. En cas de difficultés de réduction ou d’introduction des broches, il ne faut pas s’obstiner à foyer fermé et aborder le foyer, ce que l’installation doit permettre. • Ostéosynthèses à foyer ouvert Voie d’abord : la voie d’abord deltopectorale, la plus utilisée, permet l’ostéosynthèse de la grande majorité des fractures. Elle ne procure qu’un jour limité sur le tubercule majeur, qui peut être amélioré en portant le bras en abduction et rotation interne. Elle peut être élargie à son extrémité inférieure en désinsérant la branche antérieure du V deltoïdien. La désinsertion haute du deltoïde antérieur est déconseillée. L’ostéosynthèse du tubercule majeur ne nécessite qu’une courte voie transdeltoïdienne externe. En cas de nécessité, ces deux voies peuvent être associées mais on peut également, par une incision cutanée un peu plus latérale que l’incision deltopectorale, accéder en dedans au sillon deltopectoral et en dehors à la partie moyenne du deltoïde pour un abord complémentaire du tubercule majeur. D’autres voies sont employées comme la voie supéroexterne avec détachement du deltoïde acromial, la voie transacromiale ou la voie deltotrapézienne. Elles procurent une bonne exposition de l’épiphyse mais un accès limité à la diaphyse. Des voies postérieures ont été proposées pour les fractures-luxations postérieures [38]. Elles n’offrent qu’un jour limité, notamment sur la diaphyse. Abord du foyer : il doit dévasculariser le moins possible les fragments osseux et notamment le fragment porteur du segment céphalique. Les sections musculaires et capsulaires doivent être évitées ou réduites au strict minimum. Il faut également proscrire les ostéotomies tuberculaires qui dévascularisent le fragment céphalique. La règle pour exposer le foyer est d’écarter les fragments osseux en respectant les parties molles qui s’y insèrent. Ainsi, dans les fractures céphalotuberculaires, l’abord du fragment céphalique est intertubérositaire en écartant les deux tubérosités séparées l’une de l’autre, ou plus rarement sous-tubérositaire lorsqu’elles sont situées sur le même fragment. Les fragments osseux, souvent fragiles et refendus, doivent être manipulés avec précaution. Ostéosynthèses : plusieurs types d’ostéosynthèse sont utilisés depuis la synthèse a minima par ostéosutures au fil non résorbable jusqu’à la plaque épiphysaire ou ses dérivés (clous-plaques ou lamesplaques de petite taille), en passant par les clous, cerclages, broches, haubans, vis, agrafes. Les cerclages au fil métallique sont déconseillés en raison du risque de rupture et de migration, parfois intra-articulaire. Ces ostéosynthèses peuvent être diversement associées. Citons encore le remodelage du moignon diaphysaire encastré dans le fragment épiphysaire en « bilboquet » ou l’enchevillement diaphysoépiphysaire à l’aide d’un greffon iliaque [37]. Le plus difficile est d’assurer le raccordement épiphysodiaphysaire, surtout lorsque le fragment proximal est peu volumineux et fragile. La plaque et ses dérivés sont des ostéosynthèses extensives nécessitant une large exposition qui risque d’aggraver la dévascularisation osseuse. Elles exposent à l’issue intra-articulaire de vis trop longues. Leur point faible est la prise parfois médiocre du matériel dans le spongieux épiphysaire et, en cas de nécrose céphalique, ce matériel peut faire issue dans l’articulation et entrer en conflit avec la glène. Il est essentiel que le bord supérieur de la plaque ne dépasse pas le bord supérieur du trochiter. Son positionnement doit encore tenir compte de la proximité de la berge externe de la coulisse bicipitale où chemine l’artère ascendante antéroexterne. Les enclouages ou embrochages descendants ont l’inconvénient de fragiliser la coiffe et de pouvoir entrer en conflit avec la voûte, notamment en cas de recul. Il est possible de leur associer un cerclage en huit prenant appui sur le matériel en haut et sur la diaphyse en bas, réalisant un hauban [39]. Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus Arthroplasties humérales La prothèse humérale simple scellée est le recours ultime en cas d’ostéosynthèse impossible techniquement ou de fracture exposant à un risque de nécrose important. L’abord articulaire se fait en règle par écartement des tubérosités en sectionnant la capsule entre supraspinatus et subscapularis (abord intertubérositaire) ou en soulevant les deux tubérosités ensemble (abord sous-tubérositaire) lorsque les deux tubérosités sont situées sur un même fragment ou solidarisées par des attaches périostées. Cet abord facilite peut-être la reconstruction métaphysaire mais il nécessite la rupture des attaches périostées à la diaphyse et donne un jour limité sur l’articulation. La reconstruction humérale doit être la plus exacte possible. Ceci nécessite le rétablissement de la longueur humérale, une rétroversion prothétique correcte, le rétablissement de la largeur épiphysaire, une fixation prothétique stable et une ostéosynthèse solide des tubérosités [3]. Certaines lésions associées nécessitent des gestes spécifiques comme la suture d’une rupture de coiffe, le cerclage d’une extension diaphysaire de la fracture, voire un geste vasculaire dans d’exceptionnelles lésions artérielles. Dans une fracture-luxation, il est logique de pratiquer l’ostéosynthèse d’une fracture de la glène, la suture d’une déchirure capsulaire ou la réinsertion d’un décollement capsulopériosté, afin de réduire le risque de luxation postopératoire. Il est en revanche illogique d’augmenter la rétroversion en cas de luxation antérieure et de la diminuer en cas de luxation postérieure, ce qui modifie la position des tubérosités et sollicite exagérément la fixation de celle qui se trouve attirée trop en avant ou en arrière, exposant aux démontages, pseudarthroses et cals vicieux. Certaines fractures glénoïdiennes comminutives posent un problème particulier. En effet, l’impossibilité de fixer les fragments détachés expose à l’instabilité prothétique et on peut, dans ce cas, discuter une butée ou la totalisation de la prothèse. Cependant, ces gestes alourdissent l’intervention et il vaut mieux les éviter dans ce contexte traumatique. Hormis ce rare cas ou celui d’importantes altérations du cartilage glénoïdien préexistantes au traumatisme, la prothèse totale n’est pas justifiée dans les fractures récentes. ¶ Rééducation Elle est capitale et conditionne en partie le résultat final. À l’issue du traumatisme et d’une éventuelle intervention, toutes les conditions sont réunies pour aboutir à une raideur de l’épaule : hémarthrose, source de fibrose intra-articulaire ; hématome périarticulaire, source de coalescence des bourses séreuses ; contusion musculaire, source d’hypotonie et ensuite de rétraction ; parfois déchirure capsulaire, source d’instabilité et ensuite de fibrose capsulaire. Le chirurgien doit expliquer au rééducateur et au patient le principe et les buts de la rééducation. Les doigts, le poignet et le coude doivent être mobilisés activement le plus tôt possible mais la mobilisation de l’épaule ne peut être que passive jusqu’à obtention de la consolidation : – elle commence par les exercices pendulaires brefs mais répétés dans la journée ; – l’élévation est rééduquée par une automobilisation en décubitus dorsal, le coude tendu, avec des élévations lentes de la plus grande amplitude possible ; – les rotations sont travaillées les coudes au corps fléchis à 90°, à l’aide d’un bâton tenu dans les deux mains mais seulement mobilisé par le membre supérieur sain. Les séances doivent être répétées dans la journée. L’idéal est de rééduquer passivement l’épaule le plus tôt possible, dans des secteurs de mobilité précisés par l’opérateur en fonction de la stabilité de l’ostéosynthèse. Une rééducation précoce et agressive peut être néfaste dans les ostéosynthèses a minima ou insuffisamment stables, par le biais d’un déplacement secondaire. Cette règle s’applique également aux prothèses humérales où les modalités de la rééducation dépendent de la solidité de l’ostéosynthèse tuberculaire. Chaque fois qu’une ostéosynthèse paraît insuffisante, la rééducation est débutée plus tardivement, 14-038-A-10 après une période d’immobilisation, au mieux en abduction aux alentours de 45°. Les exercices actifs sont différés jusqu’à constatation radiographique de la consolidation, soit habituellement à 6 ou 8 semaines. Un programme complet d’exercices d’étirement et de renforcement musculaires est alors débuté. Les exercices quotidiens doivent être poursuivis pendant au minimum 6 mois, pour corriger les déficits résiduels de mobilité ou de force. Cette rééducation idéale ne peut cependant s’appliquer à tous les cas. Certains patients très âgés ou à l’état général et intellectuel altéré ne peuvent coopérer à ce programme. En cas d’ostéoporose et de comminution importantes, la mobilisation précoce expose au démontage et à la pseudarthrose. Dans ces cas, la rééducation doit être prudente et au besoin débuter une fois la fracture consolidée. INDICATIONS Elles sont discutées. Nos orientations découlent de l’analyse statistique des résultats de la série du symposium de la Sofcot 1997 [35]. ¶ Fractures extra-articulaires Fractures tuberculaires • Fractures du tubercule majeur ou trochiter L’indication dépend de l’importance du déplacement supérieur ou postérieur. La limite du déplacement acceptable est de 10 mm, le traitement orthopédique restant indiqué en deçà [35]. La position d’immobilisation est discutée. L’abduction et la rotation externe détendent les muscles insérés sur le fragment détaché. Toutefois, il n’est pas prouvé que cette position permette de réduire le déplacement. En cas de luxation antéro-interne associée, il faut privilégier la cicatrisation capsuloligamentaire antérieure par une immobilisation en rotation interne et éventuellement légère élévation. Cette position expose à une aggravation du déplacement postérieur qu’il est impossible d’apprécier sur des clichés standards. Dans de rares cas, une TDM peut être nécessaire. Dans tous les cas, des radiographies de contrôle sont nécessaires en raison du risque de déplacement secondaire. L’ostéosynthèse par un abord transdeltoïdien externe est indiquée en cas de déplacement supérieur ou postérieur de plus de 10 mm, de luxation irréductible par interposition du tendon du long biceps ou de luxation incoercible. Il est difficile de fixer le fragment, souvent fragile et refendu, parfois limité à une fine écaille corticale amincie par l’ostéoporose. Le choix du matériel est conditionné par le caractère mono- ou plurifragmentaire de la fracture. Un volumineux fragment monobloc et solide se prête au vissage appuyé sur rondelle (fig 17). En cas de fragment refendu et de fragilité osseuse, la tenue des vis est très incertaine. La suture ou un laçage transosseux au fil non résorbable prenant appui sur le tendon terminal du supraspinatus est une technique plus sûre. Il faut y associer la suture de la déchirure de la coiffe située entre les muscles supraspinatus et subscapulaire. Une immobilisation en élévation dans le plan de l’omoplate pour détendre la coiffe et soulager la suture est nécessaire pendant 3 à 4 semaines, avec rééducation passive précoce si l’ostéosynthèse l’autorise. Le délai de prise en charge chirurgicale est un paramètre important. Les résultats modestes des traitements chirurgicaux tardifs trouvent une probable explication dans la rétraction rapide de la coiffe rendant difficile la réduction et sollicitant la fixation. L’intervention doit être pratiquée avant 10 jours, une fois l’indication opératoire posée. • Fractures du tubercule mineur ou trochin L’ostéosynthèse, par vissage (fig 18) ou suture, est indiquée en cas de déplacement, de fracture détachant une partie importante de la surface articulaire ou de luxation postérieure incoercible. Les risques de déplacement secondaire, de pseudarthrose, de cal vicieux avec limitation de la rotation interne, de pathologie du long biceps, voire d’instabilité antérieure, justifient d’opérer la quasi-totalité des 13 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 Appareil locomoteur 17 * A * B Fracture du trochiter. A, B. Associée à une luxation antérieure et résultat à 6 ans d’un simple traitement orthopédique. C. Ostéosynthèse par vis d’un fragment volumineux initialement déplacé. * C L’ostéosynthèse est indiquée en cas d’échec immédiat ou secondaire du traitement orthopédique, de fracture à grand déplacement, de complication artérielle, chez les polytraumatisés et en cas de traumatisme étagé du membre supérieur (fig 19). * B 18 * A Fracture du trochin. A, B. Bien visible sur une face en rotation interne et dont l’étendue est appréciée par tomodensitométrie. C, D. Ostéosynthèse par vis de face et en profil axillaire. L’ostéosynthèse par plaque épiphysaire permet une réduction anatomique mais elle suppose un os spongieux résistant et un fragment proximal suffisamment volumineux. Du ciment permet d’améliorer la tenue des vis, mais cette technique ne saurait être utilisée que chez des sujets âgés et fait craindre d’importantes difficultés en cas d’infection. L’enclouage à foyer fermé est plus sûr en cas de fragilité osseuse ou de fragment proximal peu volumineux. Le matériel est introduit à la jonction de la tête humérale et du trochiter par une courte incision de la coiffe après un abord externe transdeltoïdien vertical. On peut utiliser un clou de Postel à tête plate ou deux clous de Rush, moins volumineux. Cette ostéosynthèse ne bloque pas les rotations. Pour pallier ce défaut, on peut y associer un agrafage ou mieux un cerclage en huit appuyé en haut sur le matériel et en bas sur la diaphyse (dans un orifice transversal ou sur la saillie d’une tête de vis), réalisant un hauban d’une grande stabilité. Le matériel peut reculer lors de l’impaction du foyer et entrer en conflit avec la voûte, nécessitant une ablation de matériel dès la consolidation acquise. Le clou de Seidel, qui peut désormais être verrouillé à ses deux extrémités grâce à un récent trou de vis plus proximal, est une autre solution. L’enclouage fasciculé, au mieux à foyer fermé sous contrôle radioscopique, favorise la récupération fonctionnelle. La technique de Kapandji est souvent préférée aux techniques par voie basse car elle respecte le coude. Elle est déconseillée en cas de fracture diaphysaire associée située à proximité du point d’entrée des broches. En cas de difficulté, l’abord du foyer facilite la réduction et l’introduction des broches. * C * D fractures déplacées. En cas de luxation postérieure, il peut être nécessaire de relever une fracture-tassement céphalique antérieure associée à la fracture tuberculaire. L’abord est deltopectoral. Fractures sous-tuberculaires • Fractures sous-tuberculaires isolées Un grand nombre de ces fractures, souvent engrenées et peu déplacées, est traité orthopédiquement par une immobilisation de 3 semaines, au prix de cals vicieux extra-articulaires modérés en règle bien tolérés. Les cals vicieux métaphysaires en varus le sont moins, mais il ne nous a pas été possible de déterminer l’importance de l’angulaire acceptable. 14 • Fractures sous-tuberculaires avec fracture du tubercule majeur ou mineur Fractures sous-tuberculaires et du tubercule majeur : la fracture du tubercule majeur complique l’ostéosynthèse de la fracture soustuberculaire. La plaque épiphysaire doit fixer les deux fractures ou être associée à une ostéosynthèse séparée du trochiter. Les enclouages descendants sont critiquables car le clou ou les broches doivent être introduits dans la surface articulaire. L’embrochage fasciculé est difficile car les broches risquent de sortir par la fracture tuberculaire. Celle-ci nécessite en outre une réduction et un brochage percutanés difficiles en cas de déplacement. L’enclouage à l’aide de deux clous de Rush et d’un cerclage en huit nous paraît plus sûr (fig 20). Nous n’avons pas l’expérience du laçage de Hawkins [13], qui ne semble pas assurer une stabilité suffisante. Chez les sujets âgés ostéoporotiques, les auteurs anglo-saxons ont proposé une Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus Appareil locomoteur 19 14-038-A-10 * A * B * C * D * E * F * G * H Fracture sous-tuberculaire isolée. A, B. Avec important déplacement sur le profil de Lamy inappréciable sur la seule incidence de face. C, D. Ostéosynthèse à foyer fermé par brochage centromédullaire ascendant selon Kapandji. E, F. Ostéosynthèse par clou de Postel. G, H. Ostéosynthèse à foyer ouvert par plaque épiphysaire prémoulée. prothèse humérale d’emblée ou en cas d’ostéosynthèse difficile. Cette indication doit être réservée à des cas exceptionnels. Fractures sous-tuberculaires et du tubercule mineur : la fracture du tubercule mineur ne complique pas l’ostéosynthèse soustuberculaire mais nécessite, par un abord deltopectoral, une ostéosynthèse séparée du trochin (fig 21). ¶ Fractures articulaires Fractures du col anatomique Il est bien difficile de codifier le traitement d’une fracture aussi rare. Les indications suivantes, à défaut d’être basées sur l’expérience, ont le mérite de la logique : – dans les formes engrenées, le traitement orthopédique est d’autant plus légitime que le contact est important ; * A 20 * B Fracture sous-tuberculaire et du tubercule majeur. Ostéosynthèse mixte par brochage centromédullaire ascendant de type Hackethal et brochage percutané du trochiter. – le traitement doit être en revanche chirurgical en cas de déplacement important dans les fractures désengrenées, les fractures-luxations et peut-être en cas d’engrènement avec contact inférieur à 50 %. Chez le sujet âgé, le risque de nécrose céphalique incite à la prothèse humérale d’emblée. Chez le sujet jeune, l’ostéosynthèse paraît licite 15 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 Appareil locomoteur * A * A 21 A. Fracture sous-tuberculaire et du tubercule mineur. B. Ostéosynthèse par plaque et vissage du trochin. * B 22 Fracture du col anatomique. A, B. Traitement orthopédique avec absence de nécrose à 5 ans. C. Ostéosynthèse par vissage avec le risque d’effraction intra-articulaire des vis en cas de survenue de nécrose céphalique. * B en raison des incertitudes des prothèses et on a le choix entre ostéosuture, broches et vis, mais dans cette éventualité il faut retirer le matériel intracéphalique rapidement (fig 22). Le risque de nécrose est en effet important et le matériel peut entrer en conflit avec la glène. Une prothèse de seconde intention peut être pratiquée dans de bonnes conditions car les tubérosités sont intactes. * C Fractures céphalotuberculaires Le recours à la prothèse peut se justifier dans ces fractures par le risque élevé de nécrose céphalique. La nécrose peut compliquer l’évolution d’une fracture engrenée de type II ou même I, mais encore plus celle des fractures désengrenées des types III et IV. L’artère antéroexterne est interrompue par le trait de fracture du col anatomique. La vascularisation céphalique peut encore être assurée par des connexions capsulaires postéro-internes, insérées sur le fragment céphalique lorsque le trait de fracture passe au moins 1 cm sous le cartilage [4, 30]. Dans les fractures engrenées, le risque de nécrose est moins élevé car la tête peut être encore vascularisée par des connexions périostées internes avec la diaphyse [22], respectées lorsqu’il n’existe pas de translation entre la diaphyse et le fragment céphalique [30]. Dans les fractures désengrenées, il n’y a plus de connexions périostées et les éventuelles connexions capsulaires risquent fort d’être rompues, surtout en cas de luxation. Dans les fractures-luxations engrenées, les connexions capsulaires risquent de l’être également. La nécrose céphalique est radiologiquement visible avant 36, voire 24 mois, mais elle peut n’être que partielle et surtout son retentissement fonctionnel est variable. Parfois invalidante, elle est souvent compatible avec une fonction acceptable lorsque la réduction épiphysaire à consolidation est bonne et lorsque l’effondrement n’est pas massif [9]. Son évolution à long terme est mal connue mais se fait vraisemblablement vers l’omarthrose avec enraidissement progressif de l’épaule. Les indications dépendent de l’âge et du type fracturaire. 16 • Âge Les résultats fonctionnels des prothèses sont inconstants [16] et leur avenir menacé d’usure de la glène, de rupture secondaire de la coiffe, voire de descellement. Ces incertitudes incitent à les réserver à des patients de plus de 60 ou 65 ans et à traiter les sujets jeunes par ostéosynthèse, au prix d’un risque élevé de nécrose céphalique. Celle-ci, en effet, peut être bien tolérée, sous réserve d’une réduction épiphysaire exacte. Cette attitude doit cependant être nuancée. D’une part, le respect des impératifs techniques permet d’espérer de meilleurs résultats fonctionnels et peut-être une plus grande longévité des prothèses. D’autre part, l’ostéosynthèse n’est pas dénuée de complications : cal vicieux et raideur qui compliquent une reprise par prothèse dont le résultat est moins bon que celui d’une prothèse de première intention. La décision dépend de la confiance que l’on a dans les prothèses, et celle-ci est moins importante en Europe que chez les auteurs anglo-saxons, de la qualité et de la comminution osseuses, qui se prêtent mal à l’ostéosynthèse chez les sujets âgés, et du risque de nécrose céphalique, qui dépend du type fracturaire. • Type fracturaire Formes engrenées Les fractures du type I, très peu ou non déplacées, relèvent d’une simple immobilisation dans un bandage de Dujarier pendant 3 semaines. Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 23 Fracture céphalotuberculaire de type II impactée en valgus traitée par relèvement-comblement par autogreffe iliaque. Le traitement des fractures du type II est très discuté. Le traitement orthopédique a le mérite de la simplicité, diminue pour certains le risque de nécrose céphalique en laissant la tête impactée, mais il laisse persister les déplacements céphalique et tuberculaire. Le rôle pathogène de l’horizontalisation céphalique n’est pas prouvé. En revanche, le déplacement postérieur du trochiter peut limiter la rotation externe par conflit avec le bord postérieur de la glène et le déplacement interne du trochin peut limiter la rotation interne, par conflit avec le bord antérieur de la glène. De plus, l’ascension relative du trochiter fait craindre une limitation de l’élévation par conflit avec la voûte. Ce cal vicieux peut être bien toléré, mais inconstamment et de manière imprévisible, et son traitement est difficile. En l’absence de nécrose céphalique, une ostéotomie avec abaissement et avancement du trochiter peut améliorer la mobilité mais elle fait craindre une dévascularisation céphalique. En cas de nécrose céphalique associée, la prothèse est difficile en raison du cal vicieux tubérositaire associé. Les résultats de la série du symposium sont en faveur du traitement chirurgical des fractures dont l’angle d’inclinaison frontale du fragment céphalique est inférieur à 20°, le déplacement du tubercule majeur supérieur à 5 mm ou celui du trochin supérieur à 10 mm. Les rares fractures engrenées en varus sont de mauvais pronostic et grevées d’un taux de nécrose élevé. Il paraît licite de rétablir l’anatomie chez les sujets jeunes et de recourir d’emblée à la prothèse chez les sujets âgés. Chez les sujets jeunes, une réduction anatomique laisse espérer la récupération d’une bonne fonction et, en cas de nécrose céphalique invalidante, l’absence de cal vicieux tuberculaire simplifie la reprise par prothèse. Par voie deltopectorale ou antéroexterne, la réduction consiste à relever le fragment céphalique impacté, autour d’une charnière interne qu’il faut respecter. La hauteur du relèvement est déterminée par la réduction du tubercule majeur entre la diaphyse en bas et la tête humérale en haut. Un brochage temporaire maintient la réduction. Il n’est pas démontré que le relèvement céphalique aggrave le risque de nécrose. Le vide créé par le relèvement céphalique est effacé en grande partie par les tubercules mais il peut paraître logique de le combler par une greffe osseuse spongieuse ou corticospongieuse (fig 23). Cette dernière peut même assurer une stabilité suffisante pour se passer d’ostéosynthèse [37]. L’ostéosynthèse par plaque est difficile en raison de la taille réduite du fragment céphalique et elle est accusée d’aggraver la dévascularisation céphalique [10, 22]. L’enclouage à travers le fragment céphalique est critiquable. L’embrochage fasciculé expose à l’issue des clous par les traits détachant les tubérosités ou même à travers la calotte humérale souvent fragile. Le resanglage tuberculaire est souvent suffisant pour maintenir le relèvement céphalique. Le tubercule majeur peut être fixé par vissage mais mieux par un cerclage en huit au fil non résorbable, prenant appui en haut sur la terminaison du supraspinatus et en bas à travers ou autour de la diaphyse. Le tubercule mineur est fixé séparément si nécessaire. 14-038-A-10 Cette technique se rapproche de celle proposée dans les fractures sous-tuberculaires avec fracture du trochiter [13], qui recommande un cerclage en huit appuyé en haut sur le sommet du trochiter et en bas sur la diaphyse (dans un tunnel transosseux ou autour de la saillie d’une tête de vis). Pratiquée sous amplificateur de brillance, l’ostéosynthèse à foyer fermé comporte une réduction à l’aide de crochets, spatules ou poinçons introduits par voie percutanée, suivie de fixation par des broches ou des vis. Toutefois, la réduction peut être difficile, le matériel n’a que peu de prise dans l’os sous-chondral et peut faire issue par les traits de fracture ou à travers le fragment céphalique très mince. Chez les sujets âgés, la prothèse humérale permet de rééduquer rapidement l’épaule et assure l’indolence et une mobilité active souvent compatible avec les exigences fonctionnelles. Elle paraît d’autant plus indiquée que le déplacement est important. Formes désengrenées et luxées Le traitement orthopédique semble dépassé. Il a été utilisé principalement chez le sujet âgé ou en mauvais état général avec des résultats objectifs mauvais mais dont les plus âgés se contentent parfois. En fait, sa place se discute surtout dans les fracturesluxations. Des tentatives de réduction de fracturesluxations/fractures désengrenées ont été proposées par certains [7, 38] . Les chances de succès sont très incertaines et ces manœuvres peuvent même aggraver les lésions osseuses ou entraîner des complications vasculonerveuses. Au mieux, elles permettent d’aligner la diaphyse sous l’épiphyse, aboutissant ainsi à un cal vicieux métaphysoépiphysaire. La tentative de réduction se discute avant tout dans les fractures-luxations antérieures engrenées. Si l’on parvient à réduire la luxation sans désengrener la fracture, on se trouve ramené à une fracture céphalotubérositaire de type II dont le déplacement dicte la suite du traitement. Le risque de désengrènement est majeur [14] et, dans cette éventualité, la nécrose est quasi constante. Un embrochage à foyer fermé préalable à la réduction de la luxation peut être discuté. Il peut éviter le désengrènement, mais n’assure pas une réduction satisfaisante de la fracture. Nous n’en avons pas l’expérience. Le traitement chirurgical est le plus souvent nécessaire. La difficulté est de choisir entre ostéosynthèse et prothèse. L’étude des résultats des ostéosynthèses montre que le facteur pronostique essentiel est la qualité de la réduction à consolidation. Celle-ci est rarement anatomique au-delà de 60 ans, ce qui peut s’expliquer par la mauvaise tenue du matériel et la plus grande complexité des fractures chez les sujets âgés à l’os porotique. Cette constatation, à laquelle s’ajoute un risque élevé de nécrose céphalique, incite à la prothèse chez les sujets âgés. L’existence d’une luxation (type IV) ne nous paraît pas être un argument supplémentaire en faveur de la prothèse. Chez le sujet jeune ou à l’os solide, l’ostéosynthèse paraît légitime sous réserve d’une réduction satisfaisante. Il est difficile de réduire exactement ces fractures en raison de la perte de substance métaphysoépiphysaire et de la fréquente comminution des tubérosités. L’instabilité est plus importante que dans les fractures du type II car il n’y a plus aucune connexion entre le fragment céphalique, la diaphyse et les tubérosités, et il est donc nécessaire d’assurer un raccordement épiphysodiaphysaire stable. La fixation à foyer fermé est difficile et incertaine. Elle fait appel à l’embrochage ascendant [ 7 ] dans les fractures-luxations, après réduction orthopédique ou à ciel ouvert, ou à l’embrochage direct percutané [21, 30] . La fixation à foyer ouvert est plus sûre. La voie préférentielle est deltopectorale avec abord intertubérositaire. Dans les fracturesluxations postérieures, d’autres voies, supérieure [34] ou postérieure [38] , ont été proposées. Elles procurent un accès satisfaisant aux tubérosités et à la calotte céphalique, mais limité à la diaphyse avec pour conséquence des difficultés de fixation. Les plaques exposent au déplacement secondaire en raison de la mauvaise tenue épiphysaire des vis. Un haubanage appuyé sur des broches centromédullaires plutôt que sur un clou de Postel implique une lésion iatrogène du cartilage céphalique et expose à la migration 17 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 14-038-A-10 Appareil locomoteur * A * A * B 25 Fracture céphalotuberculaire avec luxation ou de type IV (A), ou fractureluxation céphalotuberculaire avec luxation antérieure engrenée (B) puis désengrenée lors de la tentative de réduction traitée par arthroplastie humérale simple de type GUEPAR (C). * B 24 Fracture céphalotuberculaire désengrenée de type III traitée par arthroplastie humérale simple de type Neer. proximale du matériel, mais nous paraît être la moins mauvaise solution. Le vissage isolé ou le brochage direct, associé à des laçages ou sutures osseuses des tubercules, est souvent insuffisant. Actuellement, l’évolution se fait vers une fixation stable mais la moins invasive possible [9, 19] . En cas de nécrose céphalique invalidante, la reprise par prothèse est possible, sous réserve que la réduction à consolidation soit anatomique. Lorsque la réduction ou une fixation stable s’avère impossible, il vaut mieux passer d’emblée à la prothèse (fig 24, 25) plutôt que d’accepter un cal vicieux dont la reprise par prothèse est difficile et le résultat très incertain. Cette attitude, nuancée selon l’âge, diffère de celle des auteurs américains, partisans de la prothèse à tout âge en raison de la fréquence des échecs d’ostéosynthèse et des moins bons résultats des prothèses de deuxième intention. Fractures issues des encoches céphaliques • Fractures céphalométaphysaires secondaires * C aux luxations antérieures La tête reste vascularisée par ses attaches capsulaires et le muscle subscapularis inséré sur le tubercule mineur. Le fragment céphalométaphysaire est désolidarisé de la diaphyse et ne peut, en règle, être réduit orthopédiquement. L’ostéosynthèse est la règle. La voie d’abord deltopectorale est conseillée, mais ensuite la libération du fragment céphalométaphysaire doit être la moins dévascularisante possible. Il ne faut pas couper le subscapularis ni dépérioster de façon extensive l’éperon cervical ou en désinsérer la capsule [35]. Le caractère très vertical expose à un défaut de réduction avec un chevauchement résiduel, donnant un faux aspect de cal vicieux du trochiter. La pointe de cet éperon guide la réduction. L’ostéosynthèse doit être stable. Un vissage ou une plaque sont préférables aux broches. Une immobilisation de 3 semaines coude au corps est nécessaire pour obtenir la cicatrisation des lésions capsuloligamentaires dues à la luxation antérieure. Moyennant une ostéosynthèse exacte sans dévascularisation du fragment céphalométaphysaire, le pronostic est bon. Il n’existe pas d’indication de prothèse dans ces fractures (fig 26). • Fractures céphalométaphysaires secondaires aux luxations postérieures En cas de luxation irréductible ou de déplacement inacceptable après réduction, l’intervention s’impose mais elle ne doit pas être systématique. En effet, la réduction orthopédique de la luxation et en même temps de la fracture peut être obtenue dans certaines fractures simples [7, 36, 38] et, dans cette éventualité, donner un 18 * A * B 26 Fracture céphalométaphysaire issue de l’encoche céphalique secondaire à une luxation antérieure (A) traitée par ostéosynthèse par plaque épiphysaire prémoulée (B). excellent résultat après immobilisation en rotation neutre pendant 4 semaines. Cette réduction doit être obtenue facilement, sans manœuvres de force. Nous ne sommes pas partisans des manipulations percutanées du fragment luxé à l’aide d’un poinçon. Appareil locomoteur Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus La tentative de réduction orthopédique n’est pas dangereuse dans ces fractures déjà désengrenées par le traumatisme. Nous n’avons aucune expérience de l’abord postérieur, recommandé par Vichard [38]. Il permet de réduire la luxation et de réparer les lésions capsulaires mais il ne procure qu’un jour limité qui rend l’ostéosynthèse difficile, voire impossible, en cas de fracture associée du col chirurgical et ne permet pas d’agir sur l’encoche ni sur une fracture du trochin. Enfin, il n’autorise pas le passage à la prothèse humérale en cas de nécessité. D’autres ont recommandé un abord supérieur transacromial [34]. Nous recommandons la voie deltopectorale avec section du subscapularis à proximité de son insertion, sauf en cas de fracture du trochin qui est un équivalent de cette section. Après réduction du fragment céphalique luxé en arrière selon une manœuvre de « démonte-pneu », le vissage est souvent possible (fig 27), sauf en cas de fracture du col chirurgical associée, où la plaque est le plus souvent nécessaire. L’encoche céphalique des luxations postérieures, quasi constante, est une véritable fracture-tassement. Elle peut nécessiter à elle seule un traitement chirurgical. Les indications dépendent de l’importance de l’encoche [8, 19, 36]. En cas d’encoche intéressant moins de 30 % de la surface articulaire, la réduction orthopédique est suffisante. Elle est suivie d’une immobilisation en rotation neutre pendant 4 semaines. De 30 à 50 %, le traitement est chirurgical et conservateur : relèvement avec éventuel comblement par de l’os spongieux, suture du subscapularis dans l’encoche selon Mac Laughlin ou vissage du trochin dans l’encoche selon Neer et Hawkins. Un fragment d’allogreffe fémorale vissée pourrait être nécessaire en cas de destruction complète d’un croissant ostéocartilagineux, mais cette technique est surtout indiquée dans les cas anciens [8] . Ce n’est que dans de rares destructions céphaliques de plus de 50 %, très rares, que l’arthroplastie humérale peut être nécessaire. Dans cette éventualité, il faut veiller à ce que la rétroversion ne dépasse pas 20° pour minimiser le risque de luxation postérieure postopératoire. Il faut surtout insister ici sur le risque des tentatives de réduction des luxations postérieures pures qui doivent être très prudentes car l’encoche est pratiquement constante et peut être le point de départ d’une fracture du segment céphalique incarcéré derrière la glène. Il peut même exister un trait de refend céphalique non déplacé que nous avons déjà observé sur une TDM et qui favorise à l’évidence cette complication. C’est pourquoi il est préférable de réduire à foyer ouvert si l’importance de l’encoche, appréciée par TDM, impose un traitement chirurgical. Conclusion En présence d’une fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus, la première étape est diagnostique et repose sur l’imagerie car seule l’identification correcte du type fracturaire et d’une éventuelle luxation associée permet d’établir un plan thérapeutique précis conduisant à un traitement adapté. Les radiographies réalisées en urgence dans des conditions souvent difficiles, en raison des douleurs, expliquent l’identification souvent imprécise de ces fractures. Il faut néanmoins exiger la série traumatique complète avec un profil axillaire ou une incidence de Garth. Si ces clichés ne sont pas assez explicites, un examen TDM avec éventuelle reconstruction tridimensionnelle est demandé. Il peut être réalisé sans mobiliser le membre supérieur et permet d’apprécier l’état et le déplacement des tubérosités et notamment du trochin, d’affirmer l’existence d’une luxation postérieure, de dépister les encoches et les traits transcéphaliques. Il pallie au moins une partie des insuffisances des radiographies standards et devrait permettre de réduire la fréquence des erreurs diagnostiques. La deuxième étape est thérapeutique. Les éléments du choix entre ostéosynthèse et prothèse sont essentiellement l’âge, le risque de nécrose céphalique, qui dépend directement du type fracturaire et la solidité osseuse. Les fractures extra-articulaires ne menacent pas la vitalité 14-038-A-10 * A * B * C * D * E 27 Fracture céphalométaphysaire issue de l’encoche céphalique secondaire à une luxation postérieure. A, B, C. Ouverture céphalique à partir de l’encoche de Malgaigne traitée par vissage après réduction. D, E, F. Fracture céphalique et du trochin traitée par arthroplastie humérale simple de type GUEPAR. * F céphalique. Elles relèvent de l’ostéosynthèse et la restauration de l’anatomie laisse espérer la récupération d’une fonction normale. Seules de rares fractures sous-tuberculaires avec fracture du tubercule majeur pourraient nécessiter une prothèse chez les sujets âgés à l’os ostéoporotique fragile. Les fractures articulaires menacent la vitalité céphalique à des degrés divers. Leur traitement chirurgical est difficile, les complications plus fréquentes et les résultats souvent imparfaits. Dans les fractures du col anatomique et céphalotuberculaires, la discussion est ouverte, selon l’âge et l’importance du déplacement, entre la prothèse humérale et l’ostéosynthèse. Celle-ci doit être anatomique, 19 14-038-A-10 Fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus en raison des difficultés de reprise et des résultats incertains des prothèses de seconde intention. Dans les fractures issues des encoches céphaliques, l’ostéosynthèse est la règle, sauf dans de rares encoches antérieures compliquées de très rares destructions céphaliques importantes. La qualité du résultat fonctionnel final dépend non seulement du résultat anatomique après traitement mais également de la qualité de la rééducation postopératoire. Quelle que soit la fracture et son traitement, l’idéal est une rééducation précoce passive dans des secteurs de mobilité précisés par le chirurgien. La date de début de rééducation dépend plus Appareil locomoteur de la solidité du montage que de la technique utilisée. En cas de fragilité osseuse, une orthèse en élévation de 45° peut protéger l’intervention et autoriser une rééducation précoce et, en cas de doute, la rééducation est différée. Les erreurs diagnostiques, stratégiques et techniques n’en restent pas moins fréquentes, se cumulent et on peut en décrire de nombreuses. La connaissance de l’anatomopathologie, un examen clinique et notamment vasculonerveux systématique, une imagerie adaptée et analysée avec rigueur, des indications raisonnées et le respect des principes thérapeutiques permettent d’en éviter beaucoup. Références [1] Bengner V, Johnell O, Redlund-Johnell I. Changes in the incidence of fracture of the upper end of the humerus during a 30 years period. A study of 2125 fractures. Clin Orthop 1988 ; 231 : 179-182 [2] Bloom MH, Obata WG. Diagnosis of posterior dislocation of the shoulder with use of the Velpeau axillary and angle-up roentgenographic. J Bone Joint Surg Am 1967 ; 49 : 943-949 [3] Boileau P, Huten D. Technique chirurgicale des prothèses de Neer pour fractures céphalo-tubérositaires. Rev Chir Orthop 1995 ; 81 (suppl II) : 85-88 [4] Brooks CH, Revell WJ, Heathley FW. Vascularity of the humeral head after proximal humeral fractures. J Bone Joint Surg Br 1993 ; 75 : 132-136 [5] Codman EA. The shoulder. 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