NOM : YACOUBA
PRENOM : Halidou
Fonction : Enseignant Chercheur au département de Philosophie
Lieu de travail : Université Abdou Moumouni de Niamey
Adresse personnelle : Faculté des Lettres et Sciences Humaines, BP 418
Niamey
Téléphone : 00227 93 81 28 89
Titre de la communication :
Guerres et conflits identitaires en Afrique : nécessité d’un dialogue
interculturel
Résumé
Une analyse phénoménologique et étiologique de la conflictualité en Afrique peut laisser
croire que celle-ci origine d’une certaine intolérance culturelle qui risque de mettre en péril
l’existence politique même de ces Etats imposés par la colonisation. D’où la nécessité pour les
gouvernements des Etats africains concernés de privilégier un dialogue interculturel entre les
différentes communautés ethniques ou religieuses, afin de conjurer le repli sur soi et l’identité
radicale qui conduisent à un isolement mortel. Partant de l’esprit de tolérance dont se
réclament pourtant les ethnies ou des cultures en conflit, nous allons nous allons nous
attarder à la définition du dialogue interculturel comme voie privilégiée pour parvenir à une
vie sociopolitique apaisée en Afrique, tout en montrant que l’ethnocentrisme et les
fondamentalismes religieux, en tant qu’expressions des identités radicales, peuvent être
transcendées par le dialogue.
Mots clés : guerres, conflits, dialogue, interculturel, guerres, religion, paix, spiritualité,
démocratie, Dieu, fondamentalisme.
Introduction
Certes guerres et conflits identitaires sont aussi vieux que l’humanité. Mais leur
prédominance en Afrique semble inacceptable surtout en ce début du troisième
millénaire ou siècle de la modernité politique. Le dialogue interculturel permet
aux uns et aux autres de comprendre les différences culturelles en termes d’unité
plurielle de l’humaine condition. Cela ne signifie nullement que les différences
culturelles n’ont aucune consistance. Bien au contraire, elles sont importantes en
ce sens qu’elles sont porteuses d’enrichissement mutuel. Le dialogue
interculturel les amène à apprendre à gérer la diversité culturelle dans la double
dynamique des différences et du droit aux ressemblances. Il signifie intégration
au sens non pas d’assimilation pure et simple, mais plutôt de complémentarité.
Concrètement, deux idées fortes et concurrentes fondent notre réflexion : d’une
part la conflictualité à caractère ethno-religieux dont sont souvent victimes les
processus de démocratisation en Afrique, d’autre part l’esprit de tolérance dont
se réclame pourtant chacune des ethnies ou des cultures religieuses en conflit.
Privilégiant la seconde question, nous allons nous appesantir sur la définition du
dialogue interculturel comme voie royale qui conduit à une vie sociopolitique
apaisée en Afrique. Il s’agit donc pour nous de montrer que l’ethnocentrisme et
les fondamentalismes religieux, en tant qu’expressions des identités radicales,
peuvent être transcendées par le dialogue, afin qu’émerge l’ouverture spirituelle
ou l’humanisme de l’autre homme pour paraphraser Emmanuel Levinas. En
clair, le dialogue entre les ethnies ou les différentes communautés religieuses ne
peut être un instrument de prévention ou de résolution non violente des guerres
et conflits en Afrique que si et seulement si elles sont entendues non pas comme
tyrannie de l’identité, mais spiritualité au sens d’ouverture ou de liberté de
pensée. De là l’exigence d’une éducation au dialogue, c’est-à-dire d’une
invitation des ethnies et des croyants à faire une ouverture à la posture
philosophique de la raison. Et cela parce qu’on connaît les ravages de la pensée
dogmatique lorsqu’elle fait irruption dans le champ politique.
Dès lors, être amoureux du dialogue interculturel, n’est-ce pas aussi être
disposé à partager et à s’inquiéter d’autrui pour que soit possible un monde plus
juste et plus humain, où règne la paix ?
En clair, le but de cette communication est de parler du sens, de l’intérêt et des
modalités pratiques du dialogue interculturel en vue d’une démocratie apaisée.
I Approche conceptuelle
. Malgré la polysémie du mot dialogue interculturel, on peut affirmer, sans
crainte de se tromper et sans position partisane, que l’approche définitionnelle
faite par l’Union européenne donne une idée claire et distincte du dialogue
interculturel. De ce fait, on entend par dialogue interculturel un échange d’idées
entre groupes et individus culturellement distincts. Autrement dit, il renvoie au
meilleur vivre ensemble des peuples ou individus malgré leurs différences
d’ordre ethnique, culturel, religieux et linguistique. Il s’origine dans la mobilité
des personnes et la porosité de nos identités culturelles. Il est rencontre des
cultures, donc des rationalités différentes. Et cela parce que toute culture est
implicitement l’expression de la rationalité d’un peuple. Mais qu’est-ce que la
culture ? On entend par culture, tout ce qui dans une société relève de la
tradition externe et est transmissible sans être naturel, c’est-à-dire ensemble de
coutumes, institutions ( art, droit , religion) , sciences, techniques.
Quant à la guerre elle est par définition un conflit, sinon une lutte armée(
par exemple guerre entre plusieurs pays ou peuples. Elle trouve sa manifestation
phénoménale dans des combats violents opposant au moins deux groupes.
Enfin, on entend, par conflit opposition entre deux choses ou deux personnes.
2. Des guerres et conflits identitaires en Afrique
Certes guerres et conflits identitaires sont aussi vieux que l’humanité.
Mais leur persistance et leur prédominance en Afrique sont on ne peut plus
inquiétantes, voire inacceptables surtout en ce début du troisième millénaire
ou siècle de la modernité politique. Même si tous les continents ne sont pas
exempts de ce péché originel que sont guerres et conflits identitaires, force est
de constater cependant que le continent africain en est réputé champion. Au
cœur de ces déchirements se trouvent des racismes de toute sorte. Ces racismes
débouchent souvent sur des conflits confessionnels ou intercommunautaires
armés aux conséquences dramatiques ( tueries, tortures, viols, etc). On peut citer
les cas respectivement du Libéria, de Sierra Léone, du Nigéria (guerres
politico-confessionnelles entre Nord musulman haoussa-fulani et Sud chrétien
Ibo-yuruba), du Ghana ( conflits tribaux en 1992 entre Nanounba et Konkomba
à la suite du vol d’un coq), du Bénin ( tensions postélectorales entre Nord
musulman et Sud chrétien en 1996), de Guinée Conakry ( entre peuls et
malinké), de Côte d’Ivoire avec le concept dit d’ivoirité qui a accouché d’une
poudrière identitaire soldée par des milliers de morts, de disparus ou déplacés. Il
y a souvent conflits intercommunautaires au Niger entre sédentaires ( Haoussa,
Zarma) et nomades( peuls ou touareg), Au Niger et au Mali la rébellion
touarègue dans son éternel recommencement fait entorse à l’unité nationale,
horizon ontologique de toute république. La région des Grands lacs ( République
démocratique du Congo ou ancien Zaïre, Burundi, Rwanda, Ouganda) s’avère
depuis l’époque postcoloniale le carrefour des guerres tribales. L’humanité a
encore en mémoire le génocide rwandais ( conflits armés entre Hutu et tutsi), les
violences postélectorales au Kénya entre les partisans du Président de la
République et ceux de son actuel Premier Ministre issus tous deux d’ethnies
différentes. On ne peut point escamoter les cas de la Libye( actes de vandalisme
à caractère raciste perpétrés par les populations contre les immigrants noirs de
l’Afrique de l’Ouest), de Mauritanie ( conflits entre noirs et populations arabo-
berbères dans les années 90). Presque partout en Afrique on assiste à des
élections tribalisées tantôt manifestes tantôt masquées par le discours
démagogique d’un Président élu et autoproclamé le rassembleur.
3. Rôle et place du dialogue interculturel dans le contexte démocratique
africain
Un contexte démocratique désigne un contexte de pluralisme, c’est-à-dire de
position tolérante, ouverte qui accepte ou trouve une place pour une pluralité ou
diversité de styles de vue, de doctrines ou de religion. Ceci est une preuve que
le pluralisme est une valeur positive et une attitude indispensable.
S’il y a un continent profondément déchiré par des guerres et conflits
identitaires, c’est bien l’Afrique. Et une analyse à la fois étiologique et
phénoménologique permet d’affirmer qu’elle s’origine essentiellement dans une
certaine intolérance culturelle, laquelle si on n’y prend garde risque de mettre en
péril l’existence politique même de ces Etats impériaux, c’est-à-dire imposés
par la colonisation. D’où la nécessité pour les gouvernements des Etats
concernés de privilégier un dialogue interculturel entre les différentes
communautés ethnique ou religieuses, afin de conjurer le repli sur soi démesuré,
l’identité radicale qui conduit à un isolement mortel. On ne peut pas concevoir
notre identité en soi, mais uniquement en relation avec ceux qui nous entourent
Le dialogue interculturel permet aux uns et aux autres de comprendre les
différences culturelles en terme d’unité plurielle de l’humaine condition. Cela ne
signifie nullement que les différences culturelles n’ont aucune consistance. Bien
au contraire, elles sont très importantes, en ce sens qu’elles sont porteuses
d’enrichissement mutuel. Le dialogue interculturel les amène à apprendre à
gérer la diversité culturelle dans la double dynamique des différences et du droit
aux ressemblances. Il signifie intégration au sens non pas d’assimilation pure et
simple, mais plutôt de complémentarité. Toute chose qui n’est possible que par
l’acceptation par les uns et les autres de ce que John Rawls appelle consensus
par recoupement.
Concrètement deux idées fortes et concurrentes fondent notre réflexion.
D’une part la conflictualité à caractère ethno-religieux dont sont souvent
victimes les processus démocratiques en Afrique, d’autre part l’esprit de
tolérance dont se réclame pourtant chacune des ethnies ou communautés
religieuses en conflit. Privilégiant la seconde question, nous allons nous
appesantir sur la fonction du dialogue comme voie royale qui conduit à une vie
sociopolitique apaisée en Afrique. De ce fait, nous devons comprendre que
l’ethnocentrisme et les fondamentalismes religieux, en tant qu’expressions des
identités radicales, peuvent êtres transcendés par le dialogue, afin qu’émerge
l’ouverture spirituelle ou l’humanisme de l’autre homme pour paraphraser
Emmanuel Levinas. L’autre c’est un autre moi-même, par conséquent un
homme comme moi. La philosophie du dialogue interculturel c’est
l’humanisme , c’est-à-dire la promotion de l’homme pour l’homme. L’altérité
existentielle est son fondement. L’autre c’est moi, moi c’est l’autre.
Comprendre cela c’est comprendre le sens de la tolérance ou base de la
diversité culturelle.
La place prépondérante du dialogue interculturel dans le contexte
démocratique africain est qu’il favorise la paix, gage d’intégration politique et
de réussite économique. N’est-ce pas que c’est souvent la pauvreté qui pousse
les gens à tort ou à raison à accuser le pouvoir en place de favoriser l’ethnie
du Chef de l’Etat ? Source de compréhension mutuelle entre les groupes et
individus d’expériences culturelles différentes, il conjure l’avènement du
monstre politique africain qu’est l’ethnodémocratie pour reprendre l’expression
du philosophe et ancien premier ministre centrafricain, Jean Paul Ngoupandé.
L’ethnodémocratie en tant que pratique démocratique centrée sur
l’ethnocentrisme est source potentielle de guerre civile, laquelle est pire qu’une
guerre entre deux Etats. Guerre civile ou guerre fratricide, voilà ce que le
dialogue interculturel doit et peut résoudre ou conjurer dans nos Etats africains
engagés dans un processus de démocratisation. Dire, dans un contexte
démocratique, que je n’adhère qu’à un parti politique dont le leader est de mon
ethnie, c’est aller contre la philosophie du dialogue interculturel. Ainsi dans
l’univers culturel de beaucoup de pays ouest-africains par exemple, il existe une
pratique du dialogue interculturel à promouvoir, à savoir la parenté à
plaisanterie. Celle-ci prévient l’ethnicité politique en Afrique. Car, comme l’a si
bien dit le sociologue et philosophe français, Alain Touraine, « quand
l’ethnicité désigne l’appartenance à une communauté représentée par un pouvoir
politique ou même simplement incarnée par une collectivité territoriale :
quartier, pays, ou région, est chargée de menaces pour la démocratie : au
contraire, quand elle est un élément de l’identité personnelle, elle est une
composante du sujet.»
L a parenté à plaisanterie est un vecteur de dialogue interculturel entre les
peuples. Elle a joué un rôle très positif dans le processus démocratique en
Afrique et singulièrement au Niger. Elle transforme les joutes en humour,
évitant ipso facto l’aboutissement à la tragédie comme il en est de coutume dans
beaucoup de pays africains. En tant que source de solidarité ethnique, elle peut
renforcer le lien social en contribuant à une intersubjectivité basée sur la
reconnaissance et le respect de l’autre. En tant que dialogue à la fois dialogal et
dialectique, elle prévient les drames humains comme les génocides. Ainsi un
coup d’œil sur l’histoire démocratique du Niger permet d’affirmer que la
parenté à plaisanterie a beaucoup contribué au renforcement de l’unité nationale.
En dépit des longues crises politiques institutionnelles qui ont blocqué le
fonctionnement normal des institutions de la République, les populations en
général, les acteurs sociaux et politiques ne se sont jamais laissés emporter par le
syndrome de la division ou délitement social pour emprunter l’expression de
Jean-François Lyotard. A aucun moment les nigériens entrés en rébellion ne se
sont officiellement réclamés d’une revendication ethnique ou raciale. De même
à aucun moment les populations hors zone de rébellion ne se sont pris contre
les nigériens originaires des zones de rébellion. L’impact positif de la parenté est
visible dans le dialogue interculturel dans la sous région africaine, en particulier
en relation avec les populations frontalières du Mali, du Burkina, du Bénin, du
Nigéria et du Tchad.
Le dialogue interculturel a un fondement éminemment philosophique, en
ce sens qu’il signifie que l’identité culturelle radicale est un isolement mortel
pour les peuples et les individus. Il signifie que être soi-même n’a pas de sens .
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