Compte-rendu des Journées Scientifiques IODP-France (10 – 11 avril 2012) Introduction Les journées scientifiques IODP-France ont eu lieu les 10 et 11 avril 2012 à Paris. Elles avaient plusieurs objectifs : 1) faire le bilan de la participation française au programme IODP pour la période 2003-2013, 2) montrer aux tutelles (INSU-CNRS, Ministère, Ifremer,…) l’importance du programme IODP et la forte participation de la communauté scientifique française à ce programme dans la perspective du renouvellement du TGIR IODP-ECORD pour le décennal 2013-2023 et 3) présenter les résultats obtenus par des scientifiques français sur les expéditions IODP, sur d’anciennes expéditions ODP/DSDP voire sur des expéditions de forage non-IODP et dans différents domaines de recherche. Environ 80 personnes ont participé à ces journées. La plupart des organismes et des statuts de la recherche française étaient représentés (Fig. 1). 14% des participants étaient des jeunes chercheurs (post-doctorant et doctorant) et 7% des participants appartenaient au monde industriel (TOTAL et IFP). Un enseignant du secondaire était également présent. Fig.1 : Statut des participants aux journées scientifiques IODP-France. Première journée (10 avril 2012) La première journée s’est tenue au siège du CNRS (Campus Michel-Ange) en présence des tutelles (INSU-CNRS, Ministère, Ifremer…). Elle était consacrée au bilan (provisoire) de la participation française au programme IODP pour la période 2003-2013 ainsi qu'à la prospective pour le décennal 2013-2023 ("New Science Plan"). Les principaux objectifs de cette journée étaient 1) d’identifier les défis scientifiques et sociétaux auxquels les chercheurs en Sciences de la Terre sont confrontés en ce début de XXIe siècle et que les forages océaniques peuvent et doivent contribuer à relever et 2) de préciser le rôle joué par la France, au sein du consortium européen ECORD, dans ce qui reste le plus important effort collectif international en Sciences de la Terre. Le programme de cette journée se trouve en annexe. 1. Mot de bienvenue et Introduction Dans son discours de bienvenue, Jean-François Stéphan, directeur de l’INSU, rappelle qu’IODP et, avant lui, ODP et DSDP, est une opération de référence et une aventure unique dans le monde des géosciences. Il fait état de l’attachement de l’INSU à ce programme. Georges Ceuleneer, président du bureau IODP-France et organisateur de ces journées (avec Bénédicte Abily et AnneMarie Cousin) se livre ensuite à une analyse des « secrets de longévité » du programme : pertinence et atteinte des objectifs scientifiques, esprit de coopération internationale, pouvoir attracteur (via ECORD), mode de programmation essentiellement bottom up (propositions « non sollicitées » et évaluation de projets par les pairs), capacité d’évoluer (objectifs scientifiques et sociétaux et diversification des moyens à la mer), gestion exemplaire de l’archivage (carothèques et bases de données utiles à l’ensemble de la communauté), soucis de préservation de l’environnement, liens raisonnés avec l’industrie, vocation pour les jeunes et retombées grand public, création d’un contexte favorable à l’émergence de résultats originaux. Il termine son introduction par la présentation du programme de la journée. 2. Regards extérieurs sur le New Science Plan d’IODP (2013-2023) Des scientifiques pas ou peu impliqués dans le programme IODP mais spécialistes d’une des thématiques du « New Science Plan » d’IODP exposent la façon dont les résultats et données qui ont été obtenues et qui seront obtenues dans un avenir proche via les forages océaniques contribuent et contribueront à faire évoluer leur discipline et à réponde à certaines questions scientifiques majeures. Anny Cazenave, ingénieur CNES au LEGOS (Toulouse), est la première scientifique à intervenir. Dès le début de sa présentation, elle indique qu’elle a vraiment un regard extérieur sur le programme IODP car elle utilise très peu les données de forages océaniques et travaille essentiellement avec des données spatiales et marégraphiques pour étudier les variations du niveau marin. Elle s’intéresse néanmoins aux travaux des scientifiques travaillant sur cette thématique avec ce type de données (e.g., Deschamps et al., 2012). Elle explique ensuite que le rebond post-glaciaire est un phénomène qui « pollue » les données marégraphiques et spatiales et qu’il y a de nombreuses incertitudes sur les modèles de rebond ce qui conduit à des imprécisions sur ces données. Elle espère donc que les données IODP futures permettront d’améliorer la modélisation du rebond post-glaciaire afin d’obtenir des données marégraphiques et spatiales corrigées plus précises. Elle conclut sa présentation en déclarant que les mesures de paléo niveau marin sont indispensables pour comprendre l’évolution actuelle du niveau marin et estimer les changements futurs et c’est une des raisons pour lesquelles la France doit continuer à participer au programme IODP au plus haut niveau Yannick Donnadieu, chercheur CNRS au LSCE (Gif-sur-Yvette), parle ensuite de l’apport des données IODP sur les modèles climatiques. Il explique qu’en lisant le « New Science Plan » d’IODP, il a constaté que la stratégie d’IODP dans la thématique « climat » était d’évaluer les conditions passées à toutes les latitudes et que les prospectives de recherche étaient très focalisées sur les enjeux sociétaux. Il indique également que l’intégration modèles-données est fortement mise en avant dans cette thématique. Y. Donnadieu présente ensuite plusieurs pistes de recherches futures sur les modèles climatiques déjà initiées par les forages océaniques (ODP, ANDRILL) : 1) améliorer les estimations de la sensibilité du climat à des hauts niveaux de CO2 et à des perturbations hors équilibre du cycle du carbone, 2) déterminer les changements de niveau marin suite à l'augmentation des gaz à effet de serre (sensibilité des calottes glaciaires au CO2), 3) comprendre le comportement de l'océan dans la zone intertropicale en conditions chaudes, en particulier El Niño et les tempêtes, 4) étudier la réponse de l’océan à des épisodes d’acidification suite à des réchauffements brutaux. Il termine son intervention en mettant en avant le faible niveau relatif d’implication directe (embarquements) de la communauté française des climats anciens par rapport à nos partenaires internationaux. Yves Lagabrielle, chercheur CNRS à Géosciences Montpellier, nous parle ensuite de la tectonique des plaques, par l’intermédiaire de Georges Ceuleneer (Y. Lagabrielle n’ayant pas pu se déplacer pour des raisons médicales). Il explique que les forages océaniques DSDP, ODP, et IODP ont imposé une nouvelle vision de l’accrétion au niveau des dorsales, en particulier en démontrant la mise à nu de matériels profonds par des processus tectoniques. IODP a donc contribué à un renouveau majeur des concepts en matière de pétrologie et de modélisation des processus magmatiques et tectoniques. Il indique que les forages au niveau des dorsales sont également critiques pour l’étude in situ de la biosphère profonde (microorganismes au niveau des fumeurs noirs) et des ressources naturelles (hydrogène issu de la serpentinisation des roches). Il explique enfin que la vision des marges continentales à également fortement évoluée grâce aux forages océaniques. Il insiste sur le fait que rien ne peut remplacer l’échantillonnage direct et que seul l’outil de forage permet d’effectuer un échantillonnage en contexte sous-marin fortement sédimenté. Les résultats acquis grâce aux forages océaniques ont profondément influencé les travaux des géologues continentaux en particulier ceux s’attachant à décrire et interpréter les systèmes orogéniques, qui furent des marges continentales et des bassins océaniques avant d’être des chaînes de montagne. Pour conclure, il s’adresse aux tutelles en rappelant que la France est sans conteste le leader mondial depuis plus de 40 ans dans les avancées réalisées sur l’accrétion aux dorsales lentes et sur l’exhumation du manteau au pied des marges continentales et ce dans le cadre de recherches coordonnées à plusieurs organismes (Ifremer, CNRS-INSU, Universités, IRD, BRGM, IPEV). Pierre-Yves Bard, chercheur à l’ISTerre (Saint-Martin d’Hères), intervient ensuite sur la thématique des risques naturels. Il explique que l’on observe actuellement une augmentation apparente du nombre d’événements classés comme risques naturels ceci étant le reflet d’une augmentation de la couverture spatiale et de la résolution des réseaux d’observation. Il précise que les risques les plus fréquents sont les sécheresses et que les plus meurtriers sont les séismes. Ce n’est donc pas étonnant que les risques naturels mis en avant dans l’actuel et le futur programme IODP soient les séismes (NanTroSEIZE, CRISP, J-FAST,….). Il explique que les forages dans les zones sismogéniques sont essentiels pour étudier, entre autres, la transition ductile/fragile et le rôle des sédiments, des fluides et de la rugosité dans ces zones, et pour comprendre les mécanismes précurseurs des séismes majeurs afin de prévenir les risques. En effet, dans le cas du séisme de Tohoku (mars 2011), il indique que la zone touchée était plus grande que celle prévue par les modèles et que l’intensité des vibrations avait été sous-estimée. Les besoins mis en évidence par ce séisme sont : 1) installation et plus grande précision des instruments fond de mer et 2) recherche sur les mécanismes de la zone de faille. Il précise donc qu’une expédition de forage dans la faille de Tohoku est essentielle. En conclusion, il souligne que le programme IODP va dans l’avenir s’intéresser à d’autres risques naturels avec l’expédition en cours dans les Antilles (déstabilisation de pente) et les expéditions prévues au niveau de la Norvège (mégaglissement de terrain) et de la Méditerranée (forte densité de population). Bénédicte Ménez, chercheur CNRS à l’IPGP (Paris), parle ensuite de l’apport des forages océaniques pour l’étude de la biosphère profonde. Elle explique qu’avant les forages océaniques, on n’avait aucune information sur l’existence et l’importance de la biosphère dans les niveaux profonds de la croûte. C’est en 1986, qu’un Leg DSDP a trouvé les traces d’une activité microbienne dans une carotte de sédiment et, en 2008, qu’un Leg ODP a mis en évidence la présence de vie à 1626 m sous le plancher océanique. B. Ménez indique que les forages océaniques ont permis la mise en évidence de 2 biomes au niveau du plancher océanique, les sédiments et les roches ignées (et leurs produits d’altération). Surtout, il a pu être démontré que les microorganismes sous le plancher étaient vivants et actifs. Elle précise que l’étude de l’activité microbienne profonde est essentielle car ce phénomène influence très probablement la chimie des océans et de l’atmosphère, les cycles du carbone, les cycles climatiques,… Elle souligne ensuite que la thématique « biosphère profonde » est, comme dans la phase actuelle (2003-2013), fortement présente dans le « New Science Plan » d’IODP (20132023) mais qu’au vu des découvertes précédentes, les questions scientifiques ont évolué : on est, par exemple, passé de “Who is there and how many?” à “What is the activity, function, and contribution of sediment to elemental cycles cycling?”. Enfin, elle termine son intervention en indiquant que l’étude de la biosphère profonde a conduit à un développement et une adaptation important des techniques et outils de forages (i.e, microsphères fluorescentes, observatoires fonds de puits, …) Cette session se termine par l’intervention de Rémi Eschard, directeur de la Direction Géologie-Géochimie-Géophysique de l'Institut Français du Pétrole (IFP, Rueil-Malmaison), sur les ressources du futur (i.e., utilisation des données IODP dans le domaine de l’Energie). Pour commencer, il indique que l’IFP n’utilise pas directement les données d’IODP mais utilise les résultats des chercheurs de la communauté IODP. Il explique ensuite que les forages océaniques sont, dans un premier temps, une aide à l’Exploration ; ils permettent par exemple d’identifier des roches mères potentielles (e.g. marge guyanaise – Leg ODP 207). Les données acquises grâce aux forages permettent également de valider et de calibrer des modélisations stratigraphiques (e.g., Expédition IODP 313, New Jersey Shallow Shelf). Les données de certaines expéditions sont également utilisées pour faire des simulations de plate-forme carbonatée (Expéditions IODP 310 & 325) ou pour déterminer la productivité organique de la biosphère profonde (Legs DSDP et ODP). R. Eschard mentionne ensuite que les deux sources d’énergie du futur en lien avec les thématiques d’IODP sont les hydrates de gaz et l’hydrogène naturel. Il précise cependant que les hydrates de gaz sont difficilement exploitables et que l’hydrogène naturel serait donc plus probablement l’énergie du futur en domaine marin. Il termine sa présentation en parlant du problème du stockage du CO2. Il indique que les plus grosses capacités de stockage se situent dans les aquifères du domaine offshore (aquifères plus grands et moins de problèmes sociétaux). A la fin de son intervention, il tient à ajouter que, contrairement aux précédentes phases DSDP & ODP, il est difficile pour des géologues de l’IFP d’embarquer sur les expéditions IODP du fait d’un changement de configuration de l’IFP. Les géologues de l’IFP peuvent par contre participer sans aucun problème aux propositions de forage. 3. La France dans ECORD, ECORD dans un monde qui bouge Catherine Mével, ancienne directrice de l’EMA (ECORD Managing Agency) et chercheur CNRS à l’IPGP (Paris) et Gilbert Camoin, nouveau directeur de l’EMA et chercheur CNRS au CEREGE (Aix-en Provence), présentent dans cet exposé l’histoire et la structure actuelle et future d’ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling) ainsi que la place de la France dans ce consortium (cf. première partie du rapport IODP-France et The Future of ECORD 2013-2023). Dès l’année 2000, les Japonais (MEXT, Ministry of Education, Culture, Sports, Science & Technology in Japan) proposent de mettre en œuvre un navire de forage : le Chikyu. Les Européens décident donc également de mettre en œuvre une plate-forme de forage. ECORD est alors créé, rejoint le programme IODP en mars 2004 et met en œuvre les MSPs (Mission-Specific Platforms) par l’intermédiaire d’ESO (ECORD Science Operator). G. Camoin indique que les MSPs sont des bateaux commerciaux et ne possèdent donc pas de laboratoires contrairement au Joides Resolution et au Chikyu. Il indique également que le nombre de proposition de forage nécessitant des MSPs sont en constante augmentation depuis la création du consortium. Dans cet exposé, C. Mével et G. Camoin mettent surtout l’accent sur l’avenir d’ECORD et sur les perspectives d’évolution pour le prochain décennal. Ils indiquent que, dans la nouvelle structure d’IODP, la distinction entre les deux lead agencies (MEXT et NSF, National Science Foundation) est plus prononcée et que, dans la nouvelle phase du programme, tout sera mis en œuvre pour réduire les délais entre le dépôt d’une proposition de campagne et sa programmation effective. Le délai moyen est de l’ordre de 7 ans actuellement et l’objectif visé est de le réduire à 2 à 3 ans. G. Camoin souligne ensuite que le consortium ECORD s’agrandit progressivement avec l’intégration de la Pologne en décembre 2011, l’entrée future d’Israël en octobre 2012 et des pourparlers en cours avec la Russie. Il indique qu’il y a plusieurs changements dans la structure et le fonctionnement d’ECORD pour la nouvelle phase du programme avec, par exemple, la création d’un nouveau comité, l’ECORD Facility Implementation Board (FIB), chargé de planifier les opérations de MSPs, la mise en œuvre de nouveaux groupes de travail (Industrie et Education/Outreach) et le financement des workshops Magellan+. G. Camoin, mentionne également que, dans la nouvelle phase du programme, le nombre de places disponibles par expédition pour ECORD sur les différentes plates-formes sera de : 8 pour le Joides Resolution, 5 pour le Chikyu et 10-13 pour les MSPs, ce qui donne un total de 560 à 600 places disponibles pour des embarquants d’ECORD pendant toute la durée du nouveau programme. Il précise que les co-chefs de mission ne sont pas comptés comme embarquants et qu’ils ne sont donc pas pris en compte dans ces quotas. Il indique également que, dans la nouvelle phase du programme, les expéditions de MSP auront lieu tous les ans (contre tous les 2 ans dans la période actuelle). Enfin, C. Mével indique que, dans la nouvelle phase du programme, le concept de platesformes alternatives (MSPs) va être développé (autres types de plates-formes, utilisation des platesformes de MARUM, du BGS (British Geological Survey), de l’Ifremer,…) et de nouveaux outils vont être intégrés au programme (carottier géant, observatoires en forage, outils de hautes températures,…). De plus, ECORD va davantage collaborer avec des structures existantes et d’autres programmes scientifiques. Elle parle enfin succinctement du concept Distributed European Drilling Infrastructure qui aurait pour but de créer un réseau de partenaire Européen pour la gestion des infrastructures en géosciences marines. Ce concept est actuellement supporté par ECORD, ICDP (International Continental Scientific Drilling Program) et DS3F (Deep-Sea & Sub-Seafloor Frontier). 4. Bilan de la période IODP (2003 – 2013) Bénédicte Abily, coordinatrice scientifique du bureau IODP-France et Georges Ceuleneer, président du bureau IODP-France, présentent ensuite le bilan de la période IODP (2003 – 2013) qui reprend les points importants du rapport IODP-France « Bilan de la participation française au programme de forage océanique IODP (2003-2013) » de Mars 2012. G. Ceuleneer rappelle que la France est un des plus gros contributeurs d’ECORD (26% de la contribution) ce qui lui permet d’avoir 2 embarquants par expédition en moyenne et au moins un représentant dans chaque panel de la Science Advisory Structure d’IODP. Il présente ensuite les expéditions IODP passées et futures : localisation, nombre, thématique, et précise que les thématiques les plus représentées sont la paléoclimatologie-paléocéanographie-sea level et les risques sismogéniques et tsunamigéniques. Il indique que c’est la thématique croûte océaniquepoints chauds qui attire le plus grand nombre d’embarquants français (3,25 embarquants par expédition) et que la France ne remplit pas totalement son quota de 2 embarquants par expédition. Pour chaque thématique, il précise ensuite les expéditions à forte participation française. B. Abily présente ensuite les plates-formes de forage utilisées pour les expéditions IODP (Joides Resolution (JR), Chikyu, MSP) et précise que la majorité des expéditions (passées et futures) ont eu lieu à bord du JR. Elle souligne que le JR a embarqué le plus de français sur toute la durée du programme mais que, si on prend en compte le nombre d’expéditions par plate-forme, les français ont été, en moyenne, plus nombreux à embarquer sur les MSPs. B. Abily décrit ensuite les caractéristiques des embarquants français : nombre, origine, spécialité. Elle indique qu’entre 2004 et 2013, 86 français auront embarqué sur des expéditions IODP et que, contrairement aux programmes précédents, le nombre d’embarquants français par an a été très variable du fait du nombre aléatoire d’expéditions IODP annuelles par rapport à DSDP et ODP. Elle précise ensuite que les français n’ont pas embarqué sur ~20% des expéditions IODP, essentiellement des expéditions technologiques, que des français ont été co-chefs sur 7 expéditions et que c’est l’expédition 313 (New Jersey Shallow Shelf) qui a permis l’embarquement « record » de scientifiques et ingénieurs français. Elle indique ensuite que les français ayant embarqué sur des expéditions IODP viennent majoritairement du SudEst et de la région Parisienne et en particulier de Géosciences Montpellier et de l’IPGP. Elle souligne enfin que les spécialités officielles des embarquants français à bord des plates-formes sont principalement les propriétés physiques des roches, la pétrologie, le logging et la sédimentologie. B. Abily fait ensuite le bilan de la production scientifique française sur les données DSDP/ODP/IODP entre 2003 et 2012. Elle indique qu’environ 490 articles/ouvrages ont été publiés par des scientifiques français sur ce type de données et que la majorité est des peer-reviewed papers. Ces derniers ont principalement été publiés dans 3 grandes revues : EPSL, G3 et Marine Geology et 35% ont été publiés dans des revues à impact factor supérieur à 4. Elle précise qu’en moyenne, 35 peerreviewed papers sont publiés annuellement dans des revues « libres » et des ouvrages scientifiques. B. Abily souligne ensuite que les ouvrages académiques (thèses, mémoires, HDR) représentent 11% de la production française sur les données DSDP/ODP/IODP. Elle précise que les thèses seules représentent 5% de la production et qu’il y a en moyenne 3 thèses par an depuis 2003. La thématique paléoclimatologie-paléocéanographie est la plus abordée dans ces thèses. Enfin, elle termine en indiquant que la thématique la plus abordée dans l’ensemble des articles publiés par des scientifiques français sur des données DSDP/ODP/IODP est également la paléoclimatologiepaléocéanographie (25% des articles). B. Abily pose ensuite une question : comment les embarquants français organisent-ils leurs études post-campagnes ? Elle répond que le temps consacré à l’exploitation d’une expédition est en moyenne de 6,5 mois et de 3,5 mois d’activité temps plein pour les embarquants et les non-embarquants (principalement des étudiants de Master et des stagiaires) respectivement. Elle précise ensuite que le traitement des échantillons/données des expéditions est financé à plus de 65% par l’INSU et que ce sont les Expéditions 310 (Tahiti Sea Level) et 304-305 (Oceanic Core Complex Formation, Atlantis Massif) et le projet NanTroSEIZE qui ont bénéficié des plus gros soutiens financiers. Enfin, B. Abily termine son intervention sur le budget du bureau IODP-France. Elle indique que le budget 2011 a été de 162,5 k€ et qu’il a principalement servi à financer les missions des embarquants français pour les pre-cruise/post-cruise meeting, les missions des membres français des divers panels et comités ECORD/IODP et les missions des scientifiques français lors de l’embarquement. Une partie du budget a également servi à rémunérer la coordinatrice scientifique du bureau. Elle précise que, pour l’hébergement du bureau, 8% du budget est donné au GET. G. Ceuleneer conclut cet exposé en présentant les points positifs de ce bilan : 1) la France est une actrice majeure d’IODP : porteurs de projets et co-chefs de mission, embarquants + coopérations à terre, production scientifique, participation aux instances décisionnelles et 2) la communauté impliquée dans les forages est très diverse et il existe un bon turn over, puis ce qui peut être amélioré dans le futur : 1) mobiliser encore plus avant une partie de la communauté Sciences de la Terre, i.e., garantir un meilleur accompagnement post-campagne (traitement des échantillons, thèses, post-doc,…) et faciliter l’embarquement d’une certaine catégorie de personnels (enseignantschercheurs en particulier), 2) impliquer plus systématiquement la flotte nationale dans certains projets et/ou chantiers, et 3) continuer l’effort de valorisation de la base de données IODP. 5. IODP dans le paysage français des géosciences marines et au-delà La France fait partie, pour des raisons historiques, des grandes nations océanographiques. Les efforts consentis pour déployer des moyens à la mer ont été considérables par le passé et se maintiennent vaille que vaille à un bon niveau. La flotte océanographique scientifique française reste une des plus belles du monde. La France a été pionnière dans bien des domaines, en particulier dans la mise en œuvre de sous-marins habités (Archimède, Le Nautile) et robotisés (ROV Victor…) et de carottages (Calypso). Les intervenants de cette session retrace cette histoire d’amour entre la France et la mer, et dégage des pistes pour l’avenir : quels dangers se profilent, en particulier ceux liés à l’évolution du mode de gestion de la flotte et du financement des campagnes, c’est-à-dire du financement de la recherche publique en général. Quelles solutions seraient à préconiser dans un monde en crise : réflexion sur l’intégration de certains outils et navire porteurs dans les MSPs, échanges de temps bateau,...? Comment le programme IODP s’articule-t-il avec les programmes nationaux et les autres programmes internationaux d’exploration des océans ? Faut-il réfléchir à d’autres modes de fonctionnement et de programmation (par exemple appels à projets couplant l’utilisation de la flotte française pour des études régionales (au-delà du simple site survey) ? Jérôme Dyment, chercheur CNRS à l’IPGP (Paris) et chargé de mission INSU-ST pour les géosciences marines, est le premier à intervenir dans cette session sur le thème « Le forage océanique et les géosciences marines ». En tant que chargé de mission, il explique qu’il y a deux grands TGIR (Très Grandes Infrastructures de Recherche) qui financent des campagnes à la mer : le TGIR FOF (Flotte Océanographique Française) et le TGIR ECORD-IODP. Il indique que l’INSU apporte également un soutien post-campagne mais que ce soutien financier est actuellement difficile à maintenir : en 2010, 4 demandes de soutien post-campagne sur des campagnes de forage IODP ont été financées pour un total de 70k€ alors qu’en 2012, 4 demandes ont été financées pour un total de seulement 30k€. En tant que géophysicien marin, il souligne qu’il utilise régulièrement les données des forages DSDP, IPOD, ODP et IODP (âges du socle, compilation de mesures physiques,…). Gilles Lericolais, chercheur à l’Ifremer (Paris) et membre du Site Characterization Panel (SCP) d’IODP, nous parle ensuite de « la flotte océanographique française en relation avec la reconnaissance de site IODP ». En tant que membre du SCP, il explique que la reconnaissance de site est indispensable avant tout forage et que le SCP est chargé d’évaluer les données de Site Survey des proposals IODP. Dans la nouvelle structure d’IODP, le SCP évalue ces données au moment de l’évaluation des projets par le PEP (Proposal Evaluation Panel). G. Lericolais décrit ensuite le rôle et le fonctionnement du panel ainsi que les modalités de classification des proposals par ce panel. Il indique ensuite que le lien entre la flotte océanographique française et la reconnaissance de site IODP est que les données de Site Survey nécessaire à l’évaluation d’un proposal par le SCP peuvent être acquises avec des navires océanographiques français. En tant que chercheur à l’Ifremer, G. Lericolais poursuit donc sa présentation en parlant de la flotte océanographique de l’Ifremer. Cette flotte comprend des navires hauturiers et côtiers ainsi que des systèmes sous-marins, et certains navires n’appartiennent pas à 100% à l’Ifremer (un certain temps bateau est alors accordé à l’Ifremer). G. Lericolais souligne que l’Ifremer appartient à l’OFEG (Ocean Facilities Exchange Group) qui permet des échanges de temps bateau entre pays européens. Il expose ensuite succinctement les activités de la flotte de l’Ifremer (recherche académique, partenariat avec l’industrie, expertise scientifique,…). Il termine son intervention par l’historique et le fonctionnement de la flotte océanographique française. Il indique, entre autres, que 4 instituts opèrent les navires de cette flotte, l’Ifremer, L’IPEV (Institut polaire français Paul-Emile Victor), l’IRD et l’INSU-CNRS, et que, depuis mars 2011, cette flotte est gérée par une unité mixte de recherche (l’UMS Flotte). Xavier Crosta, chercheur CNRS à l’EPOC (Talence) et directeur d’Images-France, présente un autre grand programme international en géosciences, le programme Images (International Marine Past Global Changes Study). Il indique que ce programme existe depuis 1995. C’est un programme collaboratif qui vise à récolter et à interpréter des carottes sédimentaires de grande qualité afin d’étudier le rôle de l’océan dans les changements climatiques au cours des derniers cycles climatiques. Il précise que la communauté Images regroupe 27 pays membres (~150 chercheurs) et, qu’en France, cette communauté compte une soixantaine de chercheurs répartis dans une dizaine de laboratoires. X. Crosta présente ensuite la structure actuelle du programme et les missions Images. Il précise qu’il n’existe pas de carothèque Images (les carottes sont préservées dans les laboratoires) et que toutes les expéditions ont, pour l’instant, été réalisées à bord du Marion Dufresne 2 (équipé du carottier géant Calypso) et ont donc été dirigées par des co-chefs de missions français. En comparant les programmes IODP et Images, X. Crosta constate que certaines priorités scientifiques sont identiques entre les deux programmes comme les changements climatiques et océaniques. Il note également que chaque programme présente des avantages qui seraient utiles à l’autre programme. 6. Participation de la France aux grands programmes internationaux : une analyse comparative d’IODP et des programmes d’exploration planétaire Comment la France se positionne-t-elle dans les programmes internationaux en Sciences de l’Univers pour faire de la « big science ». Quels avantages, quels inconvénients, quels pièges à éviter ? L’argent de l’Etat serait-il mieux investi si l’on ne soutenait que la recherche francofrançaise ? Pourrait-on faire autrement que de faire partie de teams internationaux ? Cet exposé nous livre une vision extérieure à IODP, celle d’un scientifique impliqué dans les programmes d’exploration de la Lune et de Mars, Patrick Pinet, chercheur CNRS à L’IRAP (Toulouse). P. Pinet explique que le programme Apollo, qui a permis le premier pas de l’homme sur la Lune, a été arrêté au bout de 3 ans ½ (programme non pérenne contrairement à IODP). Les motivations de ce programme, outre l’exploration de l’inconnu et le progrès des connaissances qui n’étaient en aucun cas la force motrice du programme, étaient essentiellement stratégiques (suprématie des USA, politique mondiale, développement technologique et retombées économiques, …). Les premières missions ont permis de faire un peu de science (géophysique, géologie, carottage) mais les missions réellement scientifiques ont été annulées (Apollo 18 à 21). P. Pinet explique que la raison de l’abandon du programme est essentiellement financière ; du fait de coupes budgétaires liées aux conjonctures politique, économique et sociale américaines des années 1970, les USA ne pouvaient pas financer un programme de plusieurs dizaines de G$ (programme beaucoup plus coûteux qu’IODP). Malgré sa courte vie, le programme Apollo a permis des progrès scientifiques mais surtout technologiques importants et est le point de départ des programmes d’explorations planétaires. P. Pinet parle ensuite de l’exploration planétaire en France et en Europe et fait des comparaisons avec IODP et ECORD. L’Equivalent d’ECORD dans le domaine spatial est l’ESA (Agence spatiale européenne) fondée en 1975 et comptant actuellement 19 membres (pas nécessairement membres de l’UE). P. Pinet indique que l’ESA collabore avec les autres agences spatiales (NASA, JAXA, Inde, Chine) mais insiste sur le fait qu’il n’y a pas de structure fédérative/coordinatrice internationale mondiale équivalente à IODP. Concernant la contribution financière des états-membres de l’ESA, l’ESA fonctionne sur la base d'un retour géographique, i.e., la somme versée par un état membre est approximativement affectée à l'industrie spatiale de ce pays dans le cadre des développements effectués. Le budget européen est d’environ 4 G€ (contribution française de ~750 M€) ce qui est relativement faible par rapport au budget américain consacré aux activités spatiales civiles (quatre fois plus élevé) et très important par rapport au budget d’ECORD (~16 M€ avec une contribution française de ~4 M€). P. Pinet présentent ensuite plusieurs missions spatiales qui ont été réalisées par l’ESA (sonde Giotto, Hyugens, Mars Express,…) ou en collaboration avec l’ESA (e.g., Mars Science Laboratory). P. Pinet termine sa présentation en comparant les structures ECORD et ESA et en indiquant quelques points forts d’IODP par rapport aux programmes d’explorations planétaires : o ECORD (17 pays) / ESA (19 pays d’Europe) : parallèle intéressant dans leur fonctionnement et leur rôle dans la collaboration internationale (e.g., membres associés au « club » européen : le Canada). o ECORD/ESA : participation relative comparable de la France (rôle de leader européen + Allemagne/UK) à des grands programmes d’exploration au sein d’ECORD (25% : Fonds océaniques) et de l’ESA (19% : Système Solaire + Astrophysique + Physique Fondamentale). o IODP : structure fédérative internationale plus intégrée et donc avec un meilleur effet stabilisateur que dans le domaine de l’exploration planétaire où aucun organisme de ce genre n’existe (accords inter-agences spatiales : NASA, ESA, JAXA, Russie, Chine, Inde,…). o Mise en œuvre de grands projets scientifiques à long terme (e.g., MoHole) : Mieux vaut un support réduit, équilibré internationalement mais pérenne que de très gros budgets nationaux rediscutés annuellement (e.g., budget NASA voté par le Congrès Américain), (trop) dépendants de la conjoncture politique/économique). 7. La France, une actrice majeure des grandes percées scientifiques et des projets innovants d’IODP Dans cette session, des scientifiques très impliqués dans le programme IODP (porteurs de projets, co-chefs de mission, membres d’expédition,…) mettent en exergue la contribution française aux grands résultats scientifiques du programme. Christine Deplus et Anne le Friant, chercheurs CNRS à l’IPGP (Paris), nous parlent de la construction/destruction des édifices volcaniques et des aléas volcanique et tsunamigénique en lien avec l’expédition IODP 340 Lesser Antilles Volcanism and Landslides (4 embarquants français) en cours lors des journées IODP-France (3 mars – 17 avril 2012). Anne Le Friant, co-chef de cette expédition, n’était donc pas physiquement présente à ces journées. C. Deplus explique que les édifices volcaniques évoluent suivant deux étapes : la construction et la destruction, et qu’il est nécessaire de coupler des études à terre et des études en mer pour reconstituer l’histoire complète d’un édifice et d’étudier les aléas et les risques. Elle indique qu’au niveau de l’arc des petites Antilles, zone d’étude de l’expédition IODP 340, de nombreuses données ont été acquises via des campagnes océanographiques et des missions de terrains. Avec ces données, l’histoire des édifices est cependant limitée à 250 ka ; il était donc nécessaire d’augmenter la profondeur d’investigation en utilisant les forages IODP. Elle explique que ce type de forage va également permettre de déterminer l’âge de mise en place, la composition et l’architecture interne des avalanches de débris (destruction de l’édifice). C. Deplus conclut en indiquant que l’expédition IOPD 340 offre une occasion unique d’acquérir des informations fondamentales sur les processus de construction/destruction des édifices volcaniques (bilan à l’échelle d’un arc, évaluation des aléas et des risques) et les processus de transport et de recyclage des sédiments volcanogéniques dans les bassins océaniques. Cette intervention se termine par une communication via Skype avec l’équipe scientifique française à bord du Joides Resolution. Anne Le Friant indique que la mission est un succès et qu’ils ont récupéré de nombreuses carottes avec un excellent taux de récupération. Cela leur a permis d’identifier un certain nombre d’événements de déstabilisation de pente ce qui leur permettra de répondre à certaines questions dont a fait état C. Deplus. Pierre Henry, chercheur CNRS au CEREGE (Aix-en-Provence), membre de l’Expédition IODP 315 (IODP NanTroSEIZE Stage 1, Megasplay Riser Pilot) et co-chef de mission sur l’Expédition IODP 333 (IODP NanTroSEIZE Stage 2, Inputs Coring 2 and Heat Flow), présente les résultats des expéditions IODP focalisées sur l’étude des failles sismogéniques et tsunamigéniques. Il indique qu’il y a eu de nombreuses expéditions IODP consacrées à la caractérisation des marges à l’aplomb des zones de subduction et à l’étude de la zone de nucléation des séismes (NanTroSEIZE, CRISP (Costa Rica Seismogenesis Project)). Il souligne que la zone de Nankai a été retenue pour le projet de forage NanTroSEIZE car c’est la zone qui représentait le plus de risque avant le séisme de Tohoku et qu’il y avait possibilité d’atteindre la zone sismogène à cet endroit. P. Henry met ensuite en avant les résultats importants du projet NanTroSEIZE : 1) structuration de la marge de Nankai très récente, 2) le chevauchement satellite a eu une vie très courte, 3) détermination de l’état de contrainte au niveau de la fosse et 4) évidence du réchauffement de la zone de faille par les anciens séismes. Il précise que ce dernier résultat est actuellement le plus important obtenu dans le cadre du projet NanTroSEIZE. Il parle ensuite succinctement de l’expédition JFAST (Japan Trench Fast Drilling, Expédition IODP 343) actuellement en cours (avril-mai 2012) qui est un projet de type « réponse rapide » ayant pour but d’étudier la zone de faille responsable du séisme de Tohoku. Il termine sa présentation en indiquant que des observatoires ont été installés au niveau de la fosse de Nankai dans le cadre du projet NanTroSEIZE mais qu’ils ne sont pas encore câblés au réseau de surveillance. Benoit Ildefonse, chercheur CNRS à Géosciences Montpellier et co-chef de mission sur les Expéditions IODP 305 (Oceanic Core Complex Formation, Atlantis Massif 2) et 335 (Superfast Spreading Rate Crust 4) introduit ensuite la thématique « lithosphère océanique » en présentant le projet « MoHole To the Mantle » ou M2M (proposal IODP actif) dont il est un des principaux porteurs. Il indique que, depuis le projet Mohole en 1961, cela fait plus de 40 ans que l’on étudie la lithosphère océanique en utilisant les forages océaniques profonds. Malgré cet effort soutenu, nous n’avons exploré qu’une portion que l’on peut qualifier d’infime de la lithosphère océanique : 34 puits seulement ayant permis d’atteindre des profondeurs supérieures à 100 mbsf, faible taux de récupération à quelques exceptions près et aucune section crustale complète. Le projet Mohole To the Mantle (M2M) a été soumis à IODP en avril 2012 (67 proposants dont 5 français) et sa première motivation est d’échantillonner le manteau in-situ (i.e., de traverser l’ensemble de la croûte pour atteindre le manteau). Ce projet, comme le 1er projet MoHole, serait réalisé au niveau d’une ride rapide (où l’on suppose la croûte continue et uniforme). B. Ildefonse explique que ce projet permettrait, entre autres, de déterminer la signification géologique des interfaces géophysiques et en particulier du Moho, d’étudier la formation et le refroidissement de la croûte inférieure, et d’étudier les réactions hydrologiques, géochimiques et microbiologiques dans la lithosphère océanique. Il explique que la localisation du site de forage pour ce projet est limité par des contraintes technologiques (<~250°C dans le manteau et ≤4000-4500m d’eau) et que trois régions du Pacifique répondant à ces contraintes ont pour l’instant été sélectionnées. Il termine son intervention en précisant que ce projet nécessitera, entre autres, un système de forage ultra-profond (stabilité du puit, hautes températures,…), des développements technologiques et une bonne gestion des opérations. Marina Rabineau, chercheur CNRS à l’IUEM (Plouzané) et membre de l’Expédition IODP 313 (New Jersey Shallow Shelf) introduit ensuite la thématique « Méditerranée » en présentant le projet GOLD (Gulf Of Lions Drilling project) dont elle est le PI (Principal Investigator). Le but de ce projet est de réaliser un forage profond dans le Golfe du Lion afin d’étudier les variations du climat global et du niveau marin, les évènements extrêmes comme le Messinien (crise de salinité, baisse du niveau marin d’environ 1500m dans la Méditerranée), la formation et l’évolution des marges passives, la biosphère profonde et les ressources naturelles. M. Rabineau souligne que des forages DSDP et ODP ont déjà été réalisés en Méditerranée et qu’il existe de nombreuses données Ifremer, TOTAL et CNRS sur la Méditerranée. Cependant, elle explique que ces forages n’ont permis d’étudier que la partie superficielle de la croûte et que ces forages et données ne permettent pas de savoir ce qu’il y a sous (et dans) la couche de sel. C’est pourquoi, il est nécessaire de faire un forage ultra-profond avec le Chikyu. M. Rabineau indique enfin que le proposal GOLD a été soumis à IODP en avril 2012. Catherine Pierre, chercheur CNRS à LOCEAN (Paris) et membre de l’Expédition IODP 323 (Bering Sea Paleoceanography), nous parle ensuite des résultats obtenus dans le domaine de la paléocéanographie et de la paléoclimatologie au cours du programme IODP. Elle commence sa présentation par un bilan : dans la thématique « Paléocéanographie‐Paléoclimatologie », il y a eu 7 expéditions IODP et 11 participants français embarqués et, dans la thématique « Niveau de la mer, Microbiologie », il y a eu 6 expéditions IODP et 12 participants français embarqués. C. Pierre présente ensuite les deux zones clés pour comprendre les mécanismes contrôlant l’évolution paléocéanographique et paléoclimatique globale : l’océan Arctique et le Pacifique Equatorial. L’océan Arctique a été étudié lors de l’Expédition IODP 302 (Arctic Coring EXpedition – ACEX) et les résultats majeurs de cette expédition sur l’évolution climatique globale sont : 1) présence d’un climat chaud (greenhouse world) pendant le Paléocène et l’Eocène inférieur et d’un épisode de dilution majeure à ~49 Ma, 2) présence d’un climat froid (icehouse world) influencé par la glace de mer et les icebergs à partir de l’Eocène moyen ; les refroidissements de l’Arctique et de l’Antarctique sont donc synchrones et 3) le refroidissement de l’Arctique au cours des derniers 14 Ma a été synchrone avec l’expansion de la calotte Est Antarctique et de la calotte du Groenland. Le Pacifique Equatorial a été étudié lors des Expéditions IODP 320/321 (Pacific Equatorial Age Transect – PEAT). C. Pierre indique que cette expédition a permis d’obtenir une série sédimentaire continue du Cénozoïque au niveau du paéloéquateur de l’océan Pacifique. Les résultats majeurs de cette expédition sont les suivants : 1) premières données sur l’Eocène supérieur et la limite Eocène-Oligocène de cette région ; relation entre l’instabilité de la CCD (carbonate compensation depth) et la pression partielle de CO2 atmosphérique, 2) première étude haute résolution du Miocène du Pacifique équatorial grâce à la succession sédimentaire complète du Néogène, 3) meilleure compréhension des relations entre le développement des calottes polaires et la circulation équatoriale et 4) changement de la profondeur de la CCD pendant le Cénozoïque en relation avec la productivité et le dépôt de la matière organique. C. Pierre conclut en indiquant les projets attractifs pour 2012-2013 dans le domaine de la pélaocéanographie-paléoclimatologie : Expéditions IODP 337 (Deep Coalbed biosphere off Shimoka), 341 (Southern Alaska Margin Tectonic, Climate and Sedimentation), 346 (Asian Monsoon), et 347 (Baltic Sea Paleoenvironment). Pierre Deschamps, chercheur IRD au CEREGE (Aix-en-Provence) et membre de l’Expédition IODP 310 (Tahiti Sea Level) présentent ensuite la thématique « variation du niveau marin » en mettant l’accent sur l’expédition sur laquelle il a embarqué. Il souligne que les expéditions IODP focalisées sur l’étude des variations du niveau marin sont principalement des missions de MSPs (Expéditions IODP 310, 313 et 325). Lors de l’expédition IODP 310, 37 forages ont été effectués autour de l’île de Tahiti. P. Deschamps indique que l’étude des échantillons (coraux) de cette expédition a permis de déterminer l’amplitude (~15m) et la durée du MeltWater Pulse (MWT) – 1A (hausse du niveau marin) et de montrer que ce pulse était très rapide (14,3-14,65 ka). Cette expédition a également mis en évidence que le MWT-1A était, en partie, lié à la fonte de la calotte Antarctique puisque l’amplitude du MWT-1A était constante à l’échelle globale. P. Deschamps termine sa présentation en nous parlant d’un nouveau chantier Ifremer-CEREGE au niveau des Iles Eparses (près de Madagascar). Christian France-Lanord, chercheur CNRS au CRPG (Vandœuvre-les-Nancy) et membre du Leg ODP 129 (Old Pacific Crust), nous parle ensuite des interactions climat-tectonique en mettant l’accent sur le système himalayen. Il fait une brève introduction sur les flux et les cycles existant dans le système himalayen (érosion, mousson, subsidence, flux de particules, dépôts, eustatisme, cycle du carbone,…) et indique que nous savons relativement peu de chose sur la formation de la chaine himalayenne (collision Inde-Asie). C. France-Lanord mentionne ensuite qu’une expédition de forage ODP a eu lieu dans la partie distale du cône du Bengal en 1987 (Leg ODP 116) et a permis d’étudier l’érosion de l’Himalaya au cours du Néogène. Il indique également que les caractéristiques sédimentaires du cône du Bengale (épaisseur, taux accumulation, type d’alimentation) sont actuellement relativement bien connues. C. France-Lanord explique ensuite qu’il est un des proposants d’un proposal IODP actif (#552, Neogene and late Paleogene record of Himalayan orogeny and climate: a transect across the Middle Bengal Fan) qui a pour but l’enregistrement de l'orogenèse himalayenne et de la mousson depuis l'Oligocène via un transect à travers le cône du Bengal à 8°N. Les objectifs de ce projet sont 1) d’étendre l’enregistrement déjà obtenu avec le Leg ODP jusqu’à l’Eocène (construction précoce de l’Himalaya), 2) de contraindre les flux d’érosion et les variations durant le Néogène et 3) de comprendre les processus de transport et de dépôt. Il précise que 6 sites ont été sélectionnés à travers le cône afin de répondre à ces objectifs. C. France-Lanord termine son intervention en indiquant que les relations climat-érosion-transport sédimentaire sont essentielles pour comprendre la stabilité de la zone la plus densément peuplée de la planète. Olivier Rouxel, chercheur à l’Ifremer (Plouzané) et membre de l’Expédition IODP 336 (MidAtlantic Ridge Microbiology), intervient ensuite sur la thématique de la biosphère profonde. Avant de débuter son exposé, il nous parle succinctement du Center for Dark Energy Biosphere Investigations (C-DEBI), centre multi-institutionnel sur la biosphère profonde qui a pour but d’étudier l’étendue, la fonction, la dynamique et les implications globales de la vie microbienne dans le plancher océanique et dont il est membre du comité scientifique. Il rappelle ensuite qu’environ 1/3 de la biomasse terrestre se trouve enfouie dans la croûte océanique et en particulier dans les sédiments, et présente une chronologie de l’exploration de la biosphère profonde : 1955, pas de vie sous ~7 mbsf et 2008, aucune évidence de vie sous 1600 mbsf. Il décrit ensuite brièvement les objectifs de l’expédition IODP 329 (South Pacific Gyre Subseafloor Life), une des premières expéditions focalisées sur la biosphère profonde. O. Rouxel explique que l’activité microbienne est déduite des textures d’altération et des produits d’altération enrichis en C, N et P, des carbonates et sulfures disséminés dans des basaltes altérés avec des δ13C et δ34S négatifs, des séquences d’ADN trouvés dans des fluides ayant traversés des formations basaltiques, etc., mais qu’il n’y a pas d’évidences directes de la présence de microorganismes dans le plancher océanique. Il précise que la biosphère profonde a, en effet, un impact sur la composition en soufre des basaltes (altérés) et donne des exemples d’études des isotopes du soufre au niveau du site ODP 801 et du puit IODP 1301D. O. Rouxel nous parle enfin de l’Expédition IODP 336 (Mid-Atlantic Ridge Microbiology) qui avait pour but l’étude des processus microbiologique, géochimique et hydrologique dans les sédiments et les basaltes sous-jacents au niveau de North Pond (22°46’N, Flanc Ouest de la ride Médio-Atlantique) via l’installation d’observatoires de type CORKs. Cette expédition doit permettre de répondre aux questions suivantes : 1) quelle est la nature des communautés microbiennes que l’on trouve au niveau des flancs d’une ride jeune et quel est leur rôle dans l’altération de la croûte océanique ? et 2) D’où viennent les communautés microbiennes profondes ? Les résultats de cette expédition récente (automne 2011) sont, pour l’instant, principalement techniques : 1) ré-instrumentation du puit DSDP 395A avec un CORK de nouvelle génération, 2) installation de 2 observatoires de type CORK, 3) réalisation d’un nouveau puit avec un système de réentrée, et 4) carottage des sédiments et du socle (basaltes). Il présente les instruments et méthodes utilisées, dans le cadre de cette expédition, en microbiologie et bio-géochimie. Il conclut en insistant sur le fait que North Pond est un site unique et exceptionnel pour des recherches interdisciplinaires et internationales. Philippe Pezard est chercheur CNRS à Géosciences Montpellier et responsable de l’EPC Montpellier (European Petropysics Consortium). Il a été président du comité ODP-France (2001-2003) et membre de plusieurs Legs ODP en tant que logging scientist. Sa présentation est basée sur la géophysique et les observatoires en forage (logging), thème important et essentiel du programme IODP. P. Pezard présente l’EPC et indique que ce consortium existe depuis presque 10 ans. Il explique ensuite que, sur les expéditions IODP, les loggeurs font principalement du logging classique ou du LWD (Logging While Drilling) et que les données de logging sont obtenues en routine, ce qui génère une grande masse de données à traiter. Il mentionne qu’environ 750 publications EPC-Lamont (i.e., Lamont-Doherty Earth Observatory) ont été publiées depuis plus de 25 ans. Il termine sa présentation en indiquant qu’un des problèmes des loggeurs pour l’étude des puits profonds est la chaleur, c’est pourquoi de nouveaux outils de logging Haute-Pression – Haute-Température ont récemment été testés en Islande (Programme HiTI, High Temperature Instruments). 8. IODP Source de vocation pour les jeunes (transféré le second jour) Il existe encore des domaines de la recherche où science rime avec aventure. Cet aspect n’est pas à négliger : l’appel du large fait partie des facteurs qui motiveront les jeunes pour certains domaines scientifiques dont on sait qu’ils joueront, au cours du XXIe siècle, un rôle fondamental pour l’humanité. Les jeunes embarquants d’aujourd’hui feront partie des décideurs de demain. Dans cet exposé, Paul le Campion, doctorant à l’IPGP (Paris), et Bénédicte Abily, post-doctorante au GET (Toulouse), nous font partager la façon dont ils ont vécu une campagne, comment ils ont été impliqués dans l’aventure, et comment cette expérience a influé sur leur avenir. Les aspects purement éducatifs du programme sont également abordés dans cette session par Bénédicte Abily, coordinatrice scientifique du bureau IODP-France. B. Abily explique qu’une des spécificités du programme IODP par rapport aux précédents programmes est une ouverture sur le monde de l’éducation. Cela s’exprime dans un premier temps par la mise à disposition de matériels et de ressources pédagogiques pour les enseignants et les éducateurs (Deep Earth Academy, répliques de carottes, sites web d’ECORD, du Joides Resolution (JR), du Chikyu, etc.). Elle insiste sur le fait que la plupart de ces ressources sont en anglais, ce qui peut être un frein pour certains enseignants mais surtout pour les étudiants/élèves. Cela s’exprime ensuite, par l’organisation de workshops dédiés aux enseignants/éducateurs (e.g., ECORD Teacher workshop – EGU 2007) et de visioconférences ship to shore entre des écoles/universités et les scientifiques à bord du JR. Enfin, le Consortium for Ocean Leadership (COL) a lancé 2 programmes de formation pour les enseignants/éducateurs (Teacher at Sea et School of Rock). Elle précise que 4 enseignants français ont participé à ces programmes. B. Abily présente ensuite les écoles d’été ECORD (Brême, Urbin, Canada) et souligne la participation active des jeunes chercheurs (participants) et des chercheurs (animateurs) français à ces écoles. Elle précise que suite à ces écoles d’été, certains jeunes chercheurs participent à des expéditions IODP. Elle poursuit sa présentation avec des statistiques sur la participation des jeunes chercheurs français aux expéditions IODP : 23 jeunes chercheurs, majoritairement des doctorants, ont embarqué sur des expéditions IODP entre 2004 et 2013 (~27% des embarquants français) et ~38% de jeunes chercheurs non-embarquants, majoritairement des étudiants de Master, ont exploité les données de ces expéditions. Elle insiste sur le fait que ces derniers sont susceptibles d’embarquer sur des expéditions IODP dans le futur. P. Le Campion prend ensuite la parole pour présenter son expérience en tant que doctorant sur l’Expédition IODP 336. Il indique que cette expédition lui a permis de récupérer des échantillons complétant l’approche de sa thèse, de vivre une expérience internationale, d’avoir une vision plus large de son sujet de thèse, d’acquérir de l’expérience dans une discipline qui n’était pas sa spécialité (la pétrologie) et de vivre une vraie expérience de recherche (e.i., construire un projet de recherche, faire une demande d’échantillon, être autonome dans sa recherche, participer à un projet de recherche plus large, établir des collaborations). Il explique enfin que cette expédition va influencer son avenir : cette expérience internationale lui a permis de constituer un réseau de connaissances essentiel pour trouver un post-doc dans le futur, et les échantillons récupérés lui permettront peutêtre d’aller au-delà de son sujet de thèse. B. Abily termine cet exposé en présentant son expérience en tant que jeune post-doctorante (embarquement un mois après sa thèse) sur l’Expédition IODP 335 (Superfast Spreading Rate Crust 4). Elle indique qu’elle a découvert les forages océaniques scientifiques et le programme IODP en réalisant son étude bibliographique au début de sa thèse puis en participant à une école d’été ECORD. Elle explique ensuite qu’elle a participé à cette expédition car 1) sa thématique était dans la continuité de son sujet de thèse, 2) c’était une opportunité exceptionnelle et 3) elle permettait de développer des collaborations internationales essentielles pour un jeune chercheur. Elle indique que cette campagne lui a permis de travailler dans une équipe regroupant de très nombreux chercheurs de spécialités très diverses, avec tout ce que cela implique de partage des connaissances et de « cross-fertilization » ce qui est très différent du contexte d’une thèse où l’on travaille au sein d’une équipe beaucoup plus restreinte (encadrants, collègues immédiats, …) et plus monodisciplinaire. Elle précise qu’elle garde de cette expédition de bons souvenirs et des images plein la tête. Enfin, elle conclut en indiquant, comme pour P. Le Campion, que cette expédition va influencer son avenir : 1) elle va étudier les échantillons de cette expédition et écrire des articles dans un futur proche, 2) les résultats de cette expédition vont influencer ces recherches actuelles sur son sujet de thèse, 3) si une nouvelle expédition a lieu sur le même puit, elle y participera très certainement. 9. Regards croisés sur IODP Les ressources naturelles tiennent une place importante dans la phase actuelle et dans la prochaine phase du programme IODP. Les forages océaniques scientifiques ont, en effet, mis en évidence la présence de nouvelles ressources naturelles potentiellement exploitables dans le plancher océanique (hydrates de gaz, hydrogène naturel, méthane, métaux et metalloïdes,…) et contribuent à la compréhension de la formation, de l’étendue et de la stabilité des hydrates de gaz, de la formation des dépôts métalliques, de la nature et du rôle des communautés microbiennes dans la génération et la biodégradation des hydrocarbures, et des environnements de piégeage potentiel pour le CO2. Le programme IODP offre un cadre de recherche et une compréhension géologique nécessaire au développement de l’exploitation des ressources naturelles. A la fin de cette journée, la parole est donc donnée au monde industriel et en particulier à Jean-François Minster, directeur scientifique chez TOTAL, qui nous parle des ressources naturelles, thématique commune à l’industrie et au programme IODP. J.-F. Minster commence sa présentation par une question : pourquoi le groupe TOTAL fait de l’offshore ? Il précise, en effet, que 80% des chantiers de TOTAL sont offshore. Il répond que TOTAL est obligé de faire de l’offshore pour répondre à la croissance de la demande énergique mondiale. Il souligne ensuite qu’actuellement les réserves de pétrole sont d’environ 90 ans et celles de gaz d’environ 145 ans. Il précise donc qu’aujourd’hui, il n’y a pas de problèmes de ressources mais de production. Deuxième journée (11 avril 2012) La seconde journée a eu lieu à l'Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et était l'occasion pour les scientifiques français directement ou indirectement impliqués dans les programmes de forage scientifique océanique (DSDP, ODP, IODP ou d’autres programmes) de présenter leurs travaux. Lors de cette journée, 10 exposés (dont 2 keynotes) et 25 posters ont été présentés (cf. le programme en annexe) et toutes les thématiques scientifiques du programme IODP ont été abordées. La session orale commence par la thématique « lithosphère océanique » avec le keynote de Chritine Laverne, membre de plusieurs campagnes de forages DSDP, ODP et IODP. Elle décrit les deux coupes de référence de la croûte océanique supérieure (puits DSDP/ODP 504B et ODP/IODP 1256D) et fait la synthèse de nos connaissances sur l’altération de la croûte océanique supérieure (de basse et de haute température) en contexte de dorsale rapide. Benoit Ildefonse nous parle ensuite de l’expédition IODP 335 (Superfast Spreading Rate Crust 4, avril-mai 2011) sur laquelle il a été cochef de mission et qui avait pour but d’approfondir le puits ODP/IODP 1256D. Dans son exposé, il présente les caractéristiques, les objectifs, les difficultés techniques et les résultats (scientifiques et technologiques) de cette expédition. Il précise que, suite à cette expédition, le puits ODP/IODP 1256D est prêt pour de nouvelles opérations de forage dans un futur proche. Cette session se poursuit avec la thématique « biosphère profonde/ressources » et l’exposé de Bénédicte Ménez. Ses travaux portent sur l’occurrence de matière organique d’origine biologique (i.e., liée à l’activité microbienne) dans des péridotites serpentinisées récoltées au niveau de rides médio-océaniques et de complexes ophiolitiques. Elle démontre que le processus de serpentinisation « alimente » les écosystèmes microbiens profonds dans le manteau hydraté. (Remarque : Ces travaux ont fait l’objet d’un article dans la revue Nature, Ménez et al., 2012). Paul Le Campion nous parle ensuite de son travail de thèse basé sur les interactions entre les écosystèmes profonds et le CO2 anthropogénique injecté et stocké dans des réservoirs géologiques mafiques ou ultramafiques. Il présente ses résultats préliminaires sur un monitoring géo-microbiologique réalisé au niveau d’un site de stockage de CO2 en Islande et sur l’étude minéralogique et microbienne de basaltes collectés au niveau de la ride médio-Atlantique durant l’expédition IODP 336 (Mid-Atlantic Ridge Microbiology). La thématique « risques sismogéniques et tsunamigéniques » est ensuite introduite par Pierre Henry. Il présente les résultats qu’il a obtenu sur les conditions d’activation des failles satellites par l’intermédiaire de données géophysiques et structurales acquises via les forages du projet IODP NanTroSEIZE (fosse de Nankai), de modélisations réalisées à partir de ces données et d’observations tectoniques consécutives au séisme de Tohoku. La session se poursuit avec la thématique « marges » et le keynote de Johanna Lofi sur l’étude des flux et des réservoirs d’eau douce au cœur des marges passives via l’expédition IODP 313 (New Jersey Shallow Shelf). Dans cet exposé, elle décrit l’expédition IODP 313 (plate-forme, équipe scientifique, objectifs, opérations) et présente les principaux résultats de cette expédition et leurs impacts sur les modèles existants. Christophe Basile nous parle ensuite de stratigraphie séquentielle et en particulier de ses résultats concernant l’identification des surfaces stratigraphiques majeures via l’étude de l’orientation des litages sur des images de puits acquises lors de l’expédition IODP 313 sur la marge du New Jersey. Catherine Pierre introduit ensuite une thématique que l’on pourrait appeler « carbonates/ressources ». Elle présente les résultats qu’elle a obtenu sur la précipitation des carbonates diagénétiques dans les sédiments riches en matière organique et en méthane de la marge Beringienne à partir de l’étude minéralogique, géochimique et isotopique d’échantillons de carbonates diagénétiques récoltés lors de l’expédition IODP 323 (Bering Sea Paleoceanography). La session se termine par la thématique « paléoclimatologie-paléocéanographie » avec, dans un premier temps, l’exposé de Speranta-Maria Popescu. Avant de commencer son exposé, elle souligne qu’elle a légèrement changé sa présentation (initialement focalisée sur les pollens) pour être plus cohérente avec le sujet des journées, les forages océaniques. Dans son exposé, elle explique qu’elle a étudié les pollens et les foraminifères dans des sédiments carottés lors du Leg DSDP 42B afin de reconstituer une partie de l’histoire paléoclimatique et paléocéanographique de la Mer Noire (crise messinienne, connexion Mer Noire/Méditerranée, cycles climatiques, interglaciaires, MeltWater Pulse,…). Emmanuelle Ducassou nous parle enfin de l’expédition récente (novembre 2011-janvier 2012) IODP 339 (Mediterranean Outflow) qui portait sur l’architecture du système contouritique et les processus sédimentaires dans le Golfe de Cadix et sur la dynamique climatique du Pléistocène (en lien avec la veine d’eau Méditerranéenne et l’activité tectonique de la région). Dans son exposé, elle présente les caractéristiques de l’expédition, les premiers résultats offshores et les études qui ont été ou qui vont être réalisées onshore. (Remarque : certaines de ces études sont présentées dans la session poster). Dans la session poster, les différents posters ont été regroupés en 8 thématiques scientifiques : education & outreach, accrétion océanique, hydrothermalisme et altération de la lithosphère océanique, circulation des fluides dans les sédiments, failles, marges, sédimentation au niveau de la Méditerranée, paléoclimatologie-paléocéanographie. La thématique « education & outreach » est représentée par le poster de J.-L. Berenguer, enseignant du secondaire, qui explique ce que les programmes de formation Teacher at Sea et School of Rock, les visioconférences ship to shore, les répliques de carottes et autres ressources pédagogiques apportent aux enseignants et élèves de l’enseignement secondaire. La thématique « accrétion océanique » est mise en avant par deux posters (M. Godard et B. Ildefonse) tous deux focalisés sur le site IODP 1309 qui a été foré au niveau de l’ « oceanic core complex » (OCC) Atlantis Massif (expéditions IODP 304-305, Oceanic Core Complex Formation, Atlantis Massif). Les deux études (géochimie roche totale pour M. Godard et couplage géochimie insitu/microstructures pour B. Ildefonse) ont pour but de mieux contraindre les processus magmatiques associés à la formation des OCC. Quatre posters sont regroupés dans la thématique « hydrothermalisme et altération de la lithosphère océanique ». M. Andreani présente une étude pétrographique et microspectroscopique sur des péridotites serpentinisées et carbonées forées au niveau d’Atlantis Massif (expédition IODP 304-305) qui a pour but de caractériser les occurrences de carbone organique et inorganique dans ces roches et de comprendre les relations entre la serpentinisation, la carbonatation et la spéciation du carbone dans les roches ultramafiques. Les travaux de A. Delacour sur la pétrographie et la géochimie (teneur en carbone, isotopes du carbone et de l’oxygène) de basaltes (et carbonates associés) carottés dans le plateau océanique de Shatsky Rise (expédition IODP 324, Shatsky Rise Formation) permettent d’étudier la précipitation des carbonates au niveau de ce plateau et son implication sur les cycles du carbone et la composition en carbone des océans. I. Martinez étudie les variations de concentration et de composition isotopique du carbone et de l’hydrogène dans une coupe de la croûte océanique supérieure (puits ODP/IODP 1256D) et propose une modélisation du cycle du carbone durant l’altération de la croûte océanique. P. Henri travaille, dans le cadre de sa thèse, sur des d’incubateurs microbiens déployés au niveau du site hydrothermal de Lucky Strike dans le cadre du projet MoMAR (Monitoring the Mid-Atlantic Ridge) afin d’étudier le rôle des microorganismes dans les processus d’altération des basaltes océaniques. La thématique « circulation des fluides dans les sédiments » est représentée par deux posters. C. Destrigneville étudie la composition chimique des eaux interstitielles et la composition minéralogique des sédiments associés dans deux puits du projet NanTroSEIZE forés dans la pile sédimentaire entrant en subduction (expéditions IODP 322 et 333, NanTroSEIZE Stage 2: Subduction Inputs) dans le but de déterminer l’effet des flux de fluides et des réactions diagénétiques associées sur le comportement mécanique du plan de subduction. Les travaux de G. Hoareau reposent sur l’utilisation de la base de données ODP/IODP sur les eaux interstitielles pour étudier la stabilité de certains sulfates (célestine, baryte et gypse) dans les sédiments marins et comprendre les interactions fluides/roches ayant lieu lors de la diagenèse de ces sédiments. La thématique « failles » est également représentée par deux posters. Les travaux d’O. Fabbri portent sur l’étude microstructurale de gouges récoltées dans des zones faillées au sein du prisme d’accrétion de Nankai (expédition IODP 316, NanTroSEIZE Stage 1: Shallow Megasplay and Frontal Thrusts) et permettent de caractériser les mouvements des deux grands types de failles actifs dans le prisme. B. Marcaillou utilise les mesures de température et de conductivité thermique acquises au niveau de la plaque Philippine et du prisme d’accrétion de Nankai lors de l’expédition IODP 333 (NanTroSEIZE Stage 2: Subduction Inputs 2 and Heat Flow) et des données récentes sur la structure et la sismicité de la marge pour mieux contraindre la thermicité de la zone de subduction et la localisation de la zone sismogénique à travers le segment de marge To-nankai. Quatre posters sont regroupés dans la thématique « marges » dont deux focalisés sur l’expédition 313 New Jersey Shallow Shelf. C. Basile détermine l’origine et les conséquences de la corrélation densité/susceptibilité magnétique mesurée dans les sédiments siliciclastiques de la marge du New Jersey lors de l’expédition IODP 313, à partir de l’étude minéralogique (types de minéraux magnétiques) et chimique (diffraction et fluorescence X) de ces sédiments. J.-N. Proust, par l’intermédiaire des scientifiques de l’expédition IODP 313 présents aux journées, décrit l’expédition IODP 313 et présente les principaux résultats de cette expédition concernant l’architecture sédimentaire de la marge passive Est américaine et les variations du niveau marin global au Cénozoïque. M.-M. Blanc-Valleron présente une étude minéralogique (MEB) sur des carbonates authigènes échantillonnés lors de l’expédition IODP 311 (Cascadia Margin Gas Hydrates) sur la marge Nord des Cascades. A.-M. Karpoff, représentante de l’équipe « Marges » de l’IPGStrasbourg lors de cette journée, dresse un bilan de nos connaissances sur les marges passives et présente les travaux menés par l’équipe « Marges » sur l’évolution des marges hyper-extensives pauvres en magma et les processus d’océanisation dans ces marges à partir de l’étude de marges conjuguées actuelles et de marges fossiles. Quatre posters sont également regroupés dans la thématique « sédimentation au niveau de la Méditerranée » dont trois ciblés sur l’expédition IODP 339 Mediterranean Outflow. J. Lofi présente les principaux résultats de l’expédition IODP 339, réalisée au niveau du golfe de Cadiz et de la marge Ouest Ibérique, concernant l’évolution de la veine d’eau Méditerranéenne et ses conséquences (circulation océanique, climat, formation des contourites) et les effets de l’activité tectonique sur l’évolution du détroit de Gibraltar et sur la sédimentation de la marge. E. Ducassou et J. Lofi présente toutes deux leurs travaux sur les systèmes de dépôt contouritique plio-quaternaires du golfe de Cadix forés lors de l’expédition IODP 339 ; l’une étudie la sédimentologie et la stratigraphique des dépôts tandis que l’autre interprète des données de logging (images haute résolution de résistivité électrique des parois des puits). Le poster de M. Rabineau présente les intérêts et les objectifs scientifiques du projet GOLD (Gulf Of Lions Drilling project) soumis à IODP le 1er avril 2012. La dernière thématique, et la plus importante en nombre de poster, est la « paléoclimatologie-paléocéanographie ». F. Eynaud présente l’expédition historique IODP 302 (Arctic Coring EXpedition) et les projets de forages complémentaires en cours (proposal IODP) en insistant sur le rôle critique d’IODP dans l’étude de l’Arctique et l’importance de ces forages pour l’étude de l’histoire paléoclimatique et paléocéanographique de l’Arctique. P. Campagne étudie, dans le cadre de sa thèse, les séquences de diatomées échantillonnées dans les sédiments du bassin Adélie (Est de l’Antarctique) lors de l’expédition IODP 318 (Wilkes Land Glacial History) afin de reconstituer l’histoire de la banquise et les conditions environnementales à l’Est de l’Antarctique sur les derniers 2000 ans. J. Etourneau présente ces travaux sur les cycles biogéochimiques (cycle de la silice et de l’azote) et la production d’opale biogénique au niveau des systèmes d’upwelling côtiers, et en particulier celui du Bengale (ODP Leg 175, Bengale current), et leurs implications sur la transition climatique Pliocène supérieur-Pléistocène inférieur. Les travaux de C. Beltran portent sur l’étude micropaléontologique (nannofossiles calcaires) et géochimique (isotopes stables du carbone et de l'oxygène, alcénones) de sédiments échantillonnés lors de l’expédition IODP 321 (Pacific Equatorial Age Transect) dans le but de déterminer l’impact des changements climatiques du Miocène supérieur sur les nannofossiles calcaires au niveau du Pacifique Equatorial. G. Rousselle étudie, dans le cadre de sa thèse, les variations des conditions de surface du Pacifique Equatorial au cours du Miocène-Pliocène à partir de l’analyse isotopique du carbone et du calcul de l’index d’insaturation des alcénones dans les sédiments récoltés lors de l’expédition IODP 321. Enfin, S. Boulila étudie les enregistrements du δ13C sur les 65 derniers millions d’années, obtenus à partir de la compilation de données isotopiques sur foraminifères benthiques provenant de forages DSDP/ODP, afin de déterminer si des corrélations existent entre les variations à très long terme du δ13C au Cénozoïque et les cycles de modulation de l’excentricité de l’orbite terrestre. Conclusion des journées Michel Diament, directeur adjoint scientifique Sciences de la Terre à l’INSU prend la parole à la fin de ces journées pour en faire le bilan. Ces journées l’ont agréablement surpris, indique-t-il, il a pris conscience de la forte participation de la communauté française au programme IODP, et de la diversité et de la qualité des recherches réalisées par les français autour du programme IODP ; il été persuadé que les forages océaniques scientifiques étaient devenus moins attractifs. Profitant de la présence d’un représentant de l’INSU, plusieurs discussions sont ouvertes à la fin de ces journées concernant notamment la difficulté des enseignants-chercheurs à embarquer sur des expéditions de forage (problème de charge d’enseignement) et le peu de financement attribué aux embarquants pour les études post-campagnes. Les journées scientifiques IODP-France ont été un grand succès et ont convaincu les tutelles puisque le TGIR IODP/ECORD va être renouvelé pour la prochaine phase du programme (2013-2023). La réussite de ces journées est le résultat d’un effort collectif. Le succès de ces journées dénote un réel besoin de la part des scientifiques français impliqués dans les forages océaniques de se réunir pour discuter des expéditions et des résultats des campagnes. Il est donc essentiel de réaliser de nouvelles éditions de ces journées dans le futur.