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Troubles de voisinage
Imputabilité – Faute d’un tiers n° 138
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Cour de cassation, Arrêt du 25 juin 2009
La théorie des troubles de voisinage permet de tenir un propriétaire ou l'occupant d'une propriété pour responsable des
dommages causés par lui à son voisin sans que ce dernier ne soit tenu de prouver une faute quelconque dans leur chef (D. van
Gerven, note d'observations sous Cass., 7 décembre 1992, J.T., 1993, 473)
Le propriétaire d'un immeuble qui, par un fait, une omission ou un comportement quelconque, rompt l'équilibre entre les
propriétés en imposant à un propriétaire voisin un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage, lui
doit une juste et adéquate compensation, rétablissant l'égalité rompue. (problème d’imputabilité)
La victime peut intenter contre le voisin qui a rompu l'équilibre entre les propriétés une action fondée sur l'article 544 du Code
civil lors même que le dommage a pour origine la faute d'un tiers dûment autorisé à accomplir des travaux sur le fonds dudit
voisin. Néanmoins, la faute du tiers doit être inhérente aux travaux autorisés pour que le trouble de voisinage soit imputable au
propriétaire voisin et que celui-ci puisse être condamné à compenser le dommage qui en a résulté (Juridat – RGDC 2009, p.
475).
Arrêt du 25 juin 2009
La Cour,
(…)
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le
28 février 2007 par la cour d'appel de Mons.
Le président Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les
termes suivants :
Dispositions légales violées
Article 544 du Code civil et notion de troubles de
voisinage
Décisions et motifs critiqués
Réformant la décision entreprise, l'arrêt décide que la
responsabilité de la demanderesse est engagée sur la
base de la théorie des troubles de voisinage et la
condamne à indemniser les défendeurs par tous ses
motifs réputés ici intégralement reproduits et, en
particulier, par les motifs que :
« La théorie des troubles de voisinage permet de tenir
un propriétaire ou l'occupant d'une propriété pour
responsable des dommages causés par lui à son voisin
sans que ce dernier ne soit tenu de prouver une faute
quelconque dans leur chef (D. van Gerven, note
d'observations sous Cass., 7 décembre 1992, J.T., 1993,
473) ;
Le trouble de voisinage peut par ailleurs trouver son
origine dans la faute d'un tiers autre que le propriétaire
ou l'occupant titulaire d'un droit réel ou personnel
accordé par le propriétaire (...) ;
Le propriétaire d'un immeuble qui, par un fait, une
omission ou un comportement quelconque, rompt
l'équilibre entre les propriétés en imposant à un
propriétaire voisin un trouble excédant la mesure des
inconvénients ordinaires du voisinage lui doit une juste
et adéquate compensation rétablissant l'égalité rompue;
Ne justifie pas légalement sa décision condamnant une
personne à compenser le trouble anormal dont se plaint
un voisin sur la base de l'article 544 du Code civil, le
juge qui se borne à relever que le trouble anormal de
voisinage, dont il admet l'existence, provient de
l'immeuble de cette personne, sans constater que c'est
dans le comportement de celle-ci que ledit trouble
trouve son origine (Cass., 3 avril 1998, Pas., 1998, I,
440 ; R.G.D.C., 1999, p. 141 ; Bull. Ass., 1999, p. 89,
obs. D. De Maeseneire) ;
Une personne ne peut être obligée de compenser un
trouble de voisinage anormal sur la base de l'article 544
du Code civil que si ce trouble a été causé par un fait,
une omission ou un comportement qui lui est imputable
(Cass., 12 mars 1999, R.G.D.C., 1999, p. 657) ;
L'exigence d'imputabilité du trouble anormal de
voisinage a été identifiée de longue date par la doctrine;
le procureur général Dumon écrivait déjà en 1981, dans
ses conclusions précédant l'arrêt de la Cour de cassation
du 5 mars 1981 (Pas., I, 1981, 728), que, si la preuve
d'une faute ne doit pas être rapportée, ‘il faut
évidemment et nécessairement que la personne obligée
à compenser le trouble ait, personnellement ou par
personne interposée, provoqué le dommage, c'est-à-dire
le trouble de voisinage dont on se plaint, par un fait,
une omission ou un comportement quelconque, fût-ce
même le fait de la chose dont elle a la garde ou dont
elle est autrement responsable' ;
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Troubles de voisinage
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Imputabilité – Faute d’un tiers n° 138
Ces principes appliqués au cas d'espèce, il est constant
que (la demanderesse) est obligée de compenser le
trouble anormal de voisinage (c'est-à-dire le dommage)
causé par le fait positif ou le comportement personnel
d'un tiers dûment autorisé à accomplir un travail dans
son jardin, qui est la cause du feu ».
Griefs
En vertu de l'article 544 du Code civil, le propriétaire
d'un immeuble qui, par un fait non fautif, rompt
l'équilibre existant entre deux fonds, en imposant à son
voisin un trouble excédant la mesure des inconvénients
ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adéquate
compensation rétablissant l'égalité rompue.
Il ne peut toutefois y être tenu que pour autant que le
juge constate que le trouble a été causé par un fait, une
omission ou un comportement qui lui est imputable.
L'arrêt n'a pu légalement identifier le fait imputable à la
demanderesse comme « le fait positif ou le
comportement personnel d'un tiers dûment autorisé à
accomplir un travail dans son jardin », comportement «
qui est la cause du feu », sans méconnaître la notion
d'imputabilité au sens de l'article 544 du Code civil, à
défaut de constater que l'autorisation d'accomplir ce
travail, soit la peinture d'un muret extérieur, était à
l'origine du trouble anormal de voisinage mais au
contraire après avoir constaté que le comportement
(fautif) dudit tiers - « fum(er) alors qu'il manipulait un
produit hautement inflammable » - se situe après qu'il
eut effectué ce travail.
La notion de « personne interposée » invoquée par
l'arrêt à l'appui de sa décision est sans pertinence dès
lors qu'il ne constate pas que le comportement du tiers
s'inscrit dans les limites de l'autorisation que la
demanderesse lui a donnée d'accomplir des travaux de
peinture dans son jardin.
L'arrêt viole, partant, l'article 544 du Code civil et la
notion de troubles de voisinage.
III. La décision de la Cour
L'article 544 du Code civil reconnaît à tout propriétaire
le droit de jouir normalement de sa chose.
Le propriétaire d'un immeuble qui, par un fait, une
omission ou un comportement quelconque, rompt
l'équilibre entre les propriétés en imposant à un
propriétaire voisin un trouble excédant la mesure des
inconvénients ordinaires du voisinage, lui doit une juste
et adéquate compensation, rétablissant l'égalité rompue.
La victime peut intenter contre le voisin qui a rompu
cet équilibre une action fondée sur l'article 544 du Code
civil lors même que le dommage a pour origine la faute
d'un tiers.
L'arrêt constate que, « le 31 juillet 2001, S. D. B.
effectuait des travaux de peinture sur un muret
extérieur chez une amie, [la demanderesse], résidant
dans la propriété voisine » de celle de « l'immeuble [...]
qui est la propriété [du défendeur] ».
Il relève que :
- « après avoir effectué ces travaux de peinture, S. D.
B. s'est nettoyé les mains avec du white-spirit, alors
qu'il avait une cigarette allumée dans la bouche » ;
- « cette cigarette est tombée dans le white-spirit,
produit hautement inflammable » ;
- « le feu s'est communiqué aux sapins de la propriété
de [ la demanderesse] et s'est ensuite propagé dans la
propriété [du défendeur] dont les arbres, l'abri de jardin
et le contenu de celui-ci ont été complètement ravagés
».
L'arrêt déduit de ces constatations que « S. D. B. a fait
preuve d'une grave imprudence en fumant, alors qu'il
manipulait un produit hautement inflammable ».
Certes, l'arrêt relève que le sieur D. B. a été « dûment
autorisé » par la demanderesse à effectuer les travaux
de peinture.
Cependant, l'arrêt, qui considère que le trouble anormal
de voisinage a été « causé par le fait positif ou le
comportement personnel » du sieur D. B., « qui est la
cause du feu », n'a pu légalement considérer que ce fait
ou ce comportement était inhérent aux travaux
autorisés par la demanderesse, en sorte qu'il serait
imputable à celle-ci, et ne justifie, dès lors, pas
légalement sa décision qu'elle « est obligée de
compenser le trouble anormal de voisinage ».
e moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant que, disant fondé l'appel
des défendeurs, il condamne la demanderesse, in
solidum avec S. D. B., à leur payer les sommes qu'il
précise, et qu'il statue sur les dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en
marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par
le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel
de Liège.
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