Abstract
La physique des particules est une discipline vieille d’à peine un siècle qui nous
transporte, tels des touristes déroutés et hagards, en des mondes étranges où notre
intuition perd ses marques. Elle constitue aujourd’hui une activité à la fois ambitieuse et
discrète, imposante et mal connue : alors qu’elle a produit des résultats fascinants et
mobilise des moyens dont la taille suffit à impressionner, elle fait rarement parler d’elle.
Elle constitue pourtant une discipline frontière : dans son expression théorique, elle fait
appel à des concepts mathématiques très élaborés, fort éloignés des mathématiques
lycéennes. Dans son versant expérimental, elle se situe toujours à la limite des
possibilités technologiques du moment. Le monde de « l’infiniment petit », souvent
considéré comme impalpable, exige en effet une physique lourde. C’est même le prix à
payer pour espérer le prendre en filature.
Le savoir que les physiciens des particules ont accumulé n’est pas d’accès facile, et il est
de ce fait délicat à transmettre et à enseigner: foisonnant et parfois aride, il garnit les
rayons des bibliothèques des laboratoires, caché derrière des barricades de reliures.
Comment en délivrer les messages les plus importants aux non-physiciens ? Au LARSIM,
avec l’aide de physiciens nucléaires et de physiciens des particules du CEA, théoriciens
aussi bien qu’expérimentateurs, nous avons saisi l’occasion du démarrage prochain, au
CERN, du LHC (à la fin de 2008) pour nous poser cette question. L’enjeu est de taille,
puisque l’on sait d’ores et déjà que grâce à ce nouveau collisionneur de particules, plus
puissant que tous les autres construits auparavant, des découvertes seront
immanquablement faites. Mais à quelles questions ces découvertes viendront-elles
apporter des éléments de réponse ? En d’autres termes, quels sont les enjeux théoriques
des gigantesques expériences qui se préparent ? Telles sont les interrogations que nous
avons voulu expliciter dans ce document, en gardant à l’esprit cette leçon laissée par
James Clerk Maxwell, le père des équations de l’électromagnétisme, il y a plus d’un siècle
et demi : « Tout développement de la science physique, écrivait-il, est susceptible de
produire une modification des méthodes et des concepts généraux de la pensée, en
d’autres termes de féconder la culture, mais à la condition impérieuse que ces nouvelles
idées soient rendues aussi intelligibles que possible. »1
1 Cité par Jacques Bouveresse dans Prodiges et vertiges de l’analogie, Editions Raisons
d’agir, 1999, p.55.