le traitement neuroleptique chronique. Par ailleurs, les patients
résistants aux neuroleptiques ont un taux d’occupation des
récepteurs D
2
comparable à celui des patients répondeurs. Certains
neuroleptiques comme la clozapine ont, en outre, un taux
d’occupation des récepteurs D
2
de seulement 40 %. Enfin,
l’observation clinique d’une moindre efficacité des neuroleptiques
sur la symptomatologie négative est admise et fut l’un des
arguments de Crow
[13]
en faveur d’une subdivision des
schizophrénies en type I (symptômes positifs et bonne réponse au
traitement neuroleptique) et type II (symptômes négatifs
prédominants et faible réponse au traitement neuroleptique).
Depuis les années 1980, l’avènement de nouvelles molécules a mis
l’accent sur les autres récepteurs dopaminergiques et également
sérotoninergiques comme cibles potentielles de l’action
antipsychotique. Les études chez l’animal ont suggéré que des
antagonistes D
1
pourraient avoir une efficacité antipsychotique.
Certains neuroleptiques (flupentixol, clopenthixol), outre leur
activité antagoniste D
2
, ont également des propriétés antagonistes
D
1
. Néanmoins, des essais cliniques préliminaires effectués avec des
antagonistes D
1
spécifiques n’ont pas montré d’efficacité clinique
importante. Un facteur de complexité supplémentaire apparaît à
travers la mise en évidence d’interactions entre les récepteurs D
2
et D
1
localisés sur un même neurone ou sur des neurones différents.
La stimulation des récepteurs D
1
par la dopamine aurait
normalement pour effet d’accroître l’affinité des récepteurs D
2
pour
l’amine, effet qui serait altéré dans la schizophrénie
[58]
. Le blocage
des récepteurs D
1
pourrait donc en partie contrarier l’efficacité des
antagonistes D
2
.
L’existence du récepteur D
3
et de son implication comme cible des
neuroleptiques a été révélée par le groupe de Schwartz
[56]
. Des
molécules telles que le sulpiride ou l’amisulpride auraient, à faibles
doses, un effet préférentiel sur les récepteurs présynaptiques D
2
et
D
3
, entraînant une amélioration des symptômes négatifs
[50]
. Ces
observations furent à la base de l’hypothèse sur l’effet biphasique
des neuroleptiques, supposant un effet différentiel pré- ou
postsynaptique des neuroleptiques en fonction de la dose.
Parmi les différentes hypothèses sur les mécanismes d’action de la
clozapine, son affinité élevée pour les récepteurs D
4
, et moindre pour
les récepteurs D
2
et D
3
, a été avancée. Cependant, à des
concentrations inférieures ou égales à celles pour lesquelles elle
bloque les récepteurs D
4
, la clozapine interagit avec une large variété
de récepteurs non dopaminergiques. Le développement
d’antagonistes spécifiques des récepteurs D
4
devrait permettre de
préciser leur rôle exact.
Si le blocage des récepteurs D
2
postsynaptiques reste le mécanisme
commun des neuroleptiques, il n’est cependant plus possible
actuellement de l’envisager comme un phénomène unique rendant
compte à lui seul de l’efficacité des neuroleptiques. Ces observations
rendent également compte des limites de l’hypothèse d’une simple
hyperdopaminergie postsynaptique comme mécanisme
étiopathogénique de la schizophrénie.
ARGUMENTS PHARMACOLOGIQUES
Les données pharmacologiques, tant expérimentales que cliniques,
qui étayent l’hypothèse de l’implication des systèmes
dopaminergiques dans la schizophrénie sont nombreuses et variées.
L’observation d’états psychotiques induits de novo ou l’aggravation
des symptômes psychotiques chez des patients schizophrènes, par
des agents dopaminostimulants (amphétamines, cocaïne), permet en
effet d’étayer l’implication d’une altération du système
dopaminergique dans la physiopathologie de la schizophrénie, tout
en mettant l’accent sur l’origine présynaptique du
dysfonctionnement.
Les amphétamines sont les agents pharmacologiques qui accroissent
le plus intensément la transmission dopaminergique. Il s’agit
d’agonistes dopaminergiques indirects qui inhibent de façon
compétitive la recapture neuronale de la dopamine et de la
noradrénaline et accroissent la libération de dopamine nouvellement
synthétisée, cet effet libérateur intéressant même des neurones
dopaminergiques électriquement silencieux
[12]
. L’amphétamine est
susceptible, non seulement d’exacerber diverses expressions
psychotiques préexistantes, mais également de faire apparaître de
novo de véritables épisodes délirants chez des sujets indemnes
d’antécédents psychotiques personnels ou même familiaux
[11]
.
L’absence de symptômes négatifs dans ces tableaux réduit
cependant leur validité en tant que modèles pharmacologiques de
la schizophrénie. On observe chez les sujets sains une relation effet-
dose allant d’une simple sensation d’euphorie pour de faibles doses
en prise unique à un véritable épisode délirant paranoïde pour des
doses plus élevées et lors d’un usage chronique, une hypersensibilité
pouvant persister chez ces sujets après un sevrage prolongé
[39]
. Cet
effet-dose existerait également chez les patients schizophrènes, mais
avec un seuil de sensibilité nettement plus faible
[55]
. Les
modifications de la concentration synaptique de la dopamine ne sont
cependant pas à elles seules responsables de l’apparition de la
symptomatologie puisqu’il existe un décalage dans le temps entre la
concentration des métabolites de la dopamine dans le plasma et les
troubles psychotiques. Ceci est particulièrement vrai pour
l’administration chronique où l’hypothèse actuelle est de considérer
qu’il existe secondairement à la déplétion présynaptique, une
hypersensibilité des récepteurs pré- et postsynaptiques aboutissant
à une altération des mécanismes de régulation sur les deux versants
de la synapse. Par ailleurs, une faible proportion de patients
schizophrènes ne serait pas sensible à ces effets, certains ayant même
une diminution de leurs hallucinations, ce qui est en faveur d’une
hétérogénéité physiopathologique de la schizophrénie
[69]
.
Parmi les autres agents pharmacologiques induisant une
symptomatologie psychotique, la cocaïne peut induire un tableau
proche de la psychose amphétaminique. La cocaïne est un agoniste
dopaminergique indirect par inhibition de la recapture neuronale
de la dopamine, mais elle agit également comme inhibiteur de la
recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Par ailleurs, la
L-dopa, précurseur immédiat de la synthèse de dopamine, est
réputée aggraver la symptomatologie des patients schizophrènes, en
particulier le délire et les hallucinations, ce qui n’est pas le cas des
formes négatives décrites comme améliorées
[5]
. On note enfin que
les inhibiteurs de la MAO, qui préviennent la dégradation de la
dopamine aux niveaux neuronal et glial, peuvent majorer les
troubles schizophréniques.
TENTATIVES DE MODÉLISATION
L’ensemble de ces données reflète les recherches qui ont été réalisées,
et poursuivies actuellement, pour tenter de modéliser les
perturbations dopaminergiques dans la schizophrénie. L’hypothèse
de base, qui postulait l’existence d’une hyperdopaminergie
postsynaptique, a en effet évolué au cours du temps. L’étude de
Pycock et al, publiée en 1980, mettait en évidence le fait qu’une
destruction des afférences corticales dopaminergiques chez le rat,
par injection locale de 6-hydroxydopamine, entraînait une
hyperactivité dopaminergique sous-corticale. Ces données furent à
la base de nouvelles conceptualisations de l’hypothèse
dopaminergique. Weinberger
[72]
avança ainsi le concept d’une
modification de l’équilibre dopaminergique dans la schizophrénie,
les symptômes négatifs étant liés à une hypodopaminergie corticale
alors que les symptômes positifs étaient, eux, liés à une
hyperdopaminergie sous-corticale. Des travaux réalisés chez
l’animal ont ensuite montré que la destruction de la partie ventrale
de l’hippocampe du cerveau de rat lors de la période néonatale
entraînait, à la phase postpubertaire, des comportements anormaux,
lors d’exposition au stress ou après administration d’amphétamines,
qui s’amélioraient après traitement par neuroleptiques
[73]
.Il
existerait dans ce modèle une dysrégulation des connexions
préfrontales et limbiques via les projections intracorticales ou via les
structures sous-corticales.
À partir de ces observations, et après avoir montré que les neurones
dopaminergiques déchargeaient selon deux modes d’activation (une
activité tonique lente et régulière et une activité phasique en
bouffées), Grace proposa également une nouvelle formulation de
37-285-A-17 Données biologiques de la schizophrénie Psychiatrie
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