Politique Budgétaire, Arriérés de Paiement et Dynamique de

Un Peuple - Un But Une Foi
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
DIRECTION DE LA PREVISION ET DES ETUDES
ECONOMIQUES
Document de travail N° 16
DPEE/DEPE @ Mars 2010
RESUME
La présente étude cherche à analyser les effets dynamiques des arriérés de paiement sur l’économie
sénégalaise. Elle se propose d’abord de mesurer le flux annuel des arriérés sur la base d’une approche
à la fois comptable et économique. La méthodologie adoptée repose sur un modèle d’équilibre général
dynamique stochastique les arriérés de paiement sont assimilables à un « emprunt unilatéral » de
l’Etat se traduisant par un prélèvement sur le rendement des entreprises privées. Les résultats montrent
que les arriérés de paiement ont un impact négatif et persistant, mais faible, sur l’activité économique.
En outre, leur incidence sur la variabilité cyclique n’est pas négligeable. Par ailleurs, en termes de
vulnérabilité économique, il s’avère que la réduction des arriérés compensée par une hausse de la
fiscalité sur le travail ou la consommation est plus efficiente que celle compensée par une hausse de
l’imposition sur le capital. Enfin, la transformation des arriérés en dette publique paraît également une
solution acceptable et plus facile à mettre en œuvre, mais dont la pertinence reste discutable.
Classification JEL : H3, O4, D5
Mots Clés: Arriérés de paiement, Politique budgétaire, Croissance endogène stochastique.
ABSTRACT
The aim of this study is to assess the dynamic effects of Government payment arrears on the
Senegalese economy. Our first objective is to measure the annual flow of payment arrears, recurring to
an accounting and economic approach. The methodology implemented relies on a dynamic stochastic
general equilibrium model where payment arrears are considered as a “unilateral borrowing of the
Government implying a levy on firms’ returns. Results show that payment arrears have a negative and
persistent, however weak, impact on economic activity. Moreover, their incidence on cyclical
variability is not negligible. In addition, in terms of economic vulnerability, it turns out that the
decrease in arrears financed by increasing labor or consumption taxes is more efficient than capital tax
financing. Finally, converting arrears into public debt appears to be a convenient solution, easier to
implement, but whose relevance remains dubious.
JEL Classification: H3, O4, D5
Keywords: Government payment arrears, Fiscal policy, Stochastic Endogenous growth
1Les auteurs ont grandement bénéficié des discussions avec la Confédération Nationale des Employeurs du
Sénégal (CNES) et le Conseil National du Patronat du Sénégal (CNP) qu’ils souhaitent vivement remercier. Les
remerciements vont également à la Direction Générale des Finances (DGF), à la Direction Générale de la
Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT) et aux Archives Nationales du Sénégal.
Enfin, les auteurs tiennent également à remercier leurs collègues de la Division des Projections
Macroéconomiques et du Suivi des Programmes (DPMSP) et de la Division des Synthèses Conjoncturelles
(DSC) pour la qualité de leurs commentaires et suggestions.
Naturellement, les points de vue exprimés ainsi que les erreurs éventuelles contenues dans ce document sont du
ressort exclusif des auteurs.
Mars 2010
Alsim FALL Kalidou THIAW1
1
I. INTRODUCTION
Au cours de ces dernières années, les arriérés de paiement sur les dépenses publiques se sont
érigés comme une des questions majeures du débat autour de la soutenabilité des finances
publiques au Sénégal. En effet, beaucoup d’observateurs s’interrogent sur la manière dont les
tensions récemment observées sur le budget de l’Etat ont pu affecter les activités des
entreprises sénégalaises, dans un contexte déjà difficile, marqué notamment par la crise
économique mondiale. Il s’y ajoute que cette période a coïncidé avec la mise en œuvre
d’ambitieux programmes d’investissements publics, ainsi que d’une accélération des dépenses
courantes donnant lieu à des déséquilibres accrus.
En règle générale, l’émergence d’arriérés de paiement s’explique soit par une sous-estimation
des dépenses, soit par des prévisions trop optimistes de recettes ou de financements à
recevoir. Cependant, il existe un certain nombre de difficultés quant à la définition du concept
d’arriérés de paiement et partant, à la méthodologie d’évaluation. Dans leur acception la plus
large, les arriérés de paiement correspondent aux obligations financières de l’Etat vis-à-vis de
ses créanciers ou fournisseurs dont le règlement ne s’effectue pas à date échue.
La difficulté majeure surgit dans l’interprétation de l’expression « date échue », l’approche
comptable retenue par l’UEMOA repose sur un délai de 90 jours au-delà duquel toute dépense
ordonnancée et non paest considérée comme un arriéré de paiement. Le Trésor public
sénégalais quant à lui retient le même délai, mais sur la base des montants qu’il accepte de
prendre en charge. De ce fait, la définition du Trésor public reste moins contraignante que
celle de l’UEMOA, dans la mesure le volume des dépenses prises en charge est
généralement inférieur à celui des dépenses ordonnancées.
Cependant, il faut reconnaitre que le portefeuille financier des entreprises peut être affecté
par des retards importants observés dans les différentes phases administratives. De tels retards
ont, d’un point de vue pratique, des effets similaires à ceux des arriérés légalement définis par
l’approche comptable. Mais, l’on pourrait s’interroger sur les modalités pratiques pouvant
conduire à l’estimation des arriérés sur la base de l’approche pragmatique. De toute évidence,
l’évaluation du flux annuel des arriérés de paiement dépend de la définition (comptable ou
pragmatique) retenue.
2
La présente étude cherche à évaluer les effets dynamiques des arriérés de paiement sur
l’économie sénégalaise. L’intérêt de ce travail est de proposer des éléments de réponse
économiques aux nombreuses interrogations autour des effets de la dette intérieure. La
question des arriérés de paiements se pose avec d’autant plus d’acuité, lorsqu’on connaît le
poids de la commande publique dans les activités du secteur privé sénégalais et en particulier,
la fragilité du secteur secondaire.
Compte tenu des difficultés liées à la mesure des arriérés sur la base des paradigmes sus-
évoqués, l’étude adopte une méthodologie de calcul des arriérés de paiement reposant sur le
flux de dépenses ordonnancées et non encore payées. D’un point de vue pratique, ce critère
d’évaluation sous-estime le montant des arriérés dans la mesure il ne prend pas en compte
les retards observés dans le traitement des phases administratives. A cela s’ajoute la non-prise
en compte des flux d’arriérés émanant des entités parapubliques. D’un point de vue
comptable, le montant des arriérés est surestimé car une telle définition intègre un flux normal
de dépenses ordonnancées et en cours de règlement.
La méthodologie utilisée pour apprécier la dynamique d’ajustement de l’économie
sénégalaise aux perturbations suscitées par des arriérés repose sur la théorie de la croissance
endogène. En particulier, l’économie sénégalaise est modélisée selon une approche
d’équilibre général dynamique stochastique les arriérés de paiement sont assimilables à un
« emprunt unilatéral » de l’Etat se traduisant par un prélèvement sur le rendement des
entreprises privées. Par ailleurs, les arriérés, tout comme les taux d’imposition et le facteur
technologique, sont considérés exogènes. Dès lors, la dynamique de transition de l’économie
est étudiée à travers ces innovations.
La section suivante revient sur le contexte de l’émergence des arriérés et la problématique
autour de la délimitation du champ des arriérés, ainsi que sur ses effets économiques
apparents. La section III propose une revue de littérature décrivant le phénomène des arriérés
de paiement au vu de l’expérience internationale. La section IV présente la méthodologie
mise en œuvre, fondée sur l’approche d’équilibre général dynamique stochastique. Les
résultats et leur interprétation sont établis à la section V du document. Il est également
question dans cette section de présenter les effets de quelques mesures de politique budgétaire
destinées à l’élimination progressive des arriérés de paiement. Enfin, les principales
conclusions de l’étude sont présentées dans la section VI.
3
II. FAITS STYLISES
II.1. CONTEXTE
La situation des finances publiques au cours de la période récente a été marquée par des
tensions budgétaires accrues. Si les politiques d’ajustement ont permis de stabiliser l’équilibre
budgétaire de la période post-dévaluation au début des années 2000, les recettes et les
dépenses publiques ont par la suite emprunté des trajectoires différentes. Le graphique II.1 fait
ainsi apparaître un décrochage continu des dépenses par rapport aux recettes à partir de
l’année 2003, donnant lieu à des déficits réguliers allant souvent au-delà d’un seuil de 3%.
GRAPHIQUE II.1: Evolution des recettes et dépenses budgétaires (en milliards de FCFA)
Source : DPEE
Ces déséquilibres survenus dans la gestion des finances publiques ont été propices à
l’émergence de tensions de trésorerie, dans un contexte également marqué par les crises
énergétique et financière dont les effets ont commencé à se faire sentir à partir de 2006. Au
cours de la même période, la mise en œuvre de projets d’investissement d’envergure par l’Etat
a conduit à accentuer les contraintes de trésorerie. En règle générale, de telles tensions
budgétaires s’expliquent soit par une sous-estimation des dépenses, soit par des prévisions
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2006
2007
2008
2009
Depenses totales
Déficit Global en pourcentage du PIB
Déficit Global
Recettes fiscales et dons
Depenses et Recettes en pourcentage du PIB
1 / 59 100%
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