La banque
d’un monde
qui change
Irlande
Une bonne santé économique à confirmer
L’Irlande continue d’enregistrer une croissance supérieure à celle de la zone euro. La reprise est marquée par un recul du chômage et
couplée à un assainissement rapide des finances publiques. Malgré cela, certains points noirs, hérités de la crise financière,
subsistent : la situation du secteur bancaire s’améliore mais reste fragile et les déséquilibres sur le marché de l’immobilier s
ont
importants. Par ailleurs, les conséquences du Brexit, encore difficiles à estimer précisément,
ne manqueront pas d’être négatives
pour l’Irlande, tant les liens avec le Royaume-Uni sont étroits.
Une reprise ancrée et vigoureuse
La sortie définitive du programme de financement Union
Européenne-FMI en 2013 marque le début d’une reprise
économique. Nos prévisions, pour 2016, d’une croissance de 6,2%,
marquent une légère décélération, après un taux exceptionnel et
unique au sein de la zone euro en 2015 (de 7,8%). Le récent
référendum britannique pourrait nous conduire à réviser en baisse
ces perspectives 1, mais la croissance irlandaise demeurerait
supérieure à son potentiel, estimé à 3,5% par la Commission
européenne.
Les exportations, notamment des multinationales implantées dans
le pays, sont en constante accélération, avec une progression de
près de 14 % en 2015. Les produits à très haute valeur ajoutée
représentent l’essentiel des biens exportés : les produits chimiques
et associés (60% du total), les biens industriels (15%) et les
matériels de transport (13%). La stratégie d’attractivité fiscale joue
un rôle essentiel dans le commerce extérieur irlandais : les
exportations de services des entreprises étrangères,
essentiellement américaines et opérant dans le secteur des
nouvelles technologies, sont également dynamiques.
Ces excellentes performances économiques, en soulageant la
pression sur les finances publiques, ont permis au gouvernement de
mettre en place une série de mesures d’allègements et
d’exemptions d’impôt pour un montant total d’EUR 750 millions.
Parallèlement, les dépenses publiques repartent à la hausse :
hausse des salaires, revalorisation des retraites et des allocations
chômage.
Les politiques d’austérité ont longtemps pesé sur la consommation
des ménages. Après un recul en 2013 et une stagnation en 2014,
elle progresse de près de 4% en glissement annuel au T1 2016.
Cette tendance est amenée à se poursuivre avec les nouvelles
hausses salariales attendues et la réduction de la pression fiscale
d’ici la fin de l’exercice 2016.
Le marché du travail conserve son dynamisme avec une baisse
tendancielle du taux de chômage qui devrait se poursuivre. Après
avoir atteint un point haut de 15% en 2012, le taux de chômage se
limiterait à 7,5% en 2017. Il était passé, courant 2015, sous la
moyenne de la zone euro (10,2%).
L’assainissement des finances publiques se poursuit. Le déficit
public, qui excédait 12% du PIB au point culminant de la crise2, est
1 Pour l’ensemble de la zone euro, nous révisons nos prévisions de 0,1 point pour
2016 et de 0,4 point pour 2017. L’Irlande étant le pays de la zone euro le plus exposé
au risque britannique, nos révisions seront certainement substantielles.
2 En incluant les 20 points de PIB de recapitalisation bancaire, le ratio déficit public
sur le PIB excédait les 30%.
désormais limité à 1,2%. L’objectif du gouvernement est un retour à
l’équilibre en 2018. Le ratio de dette publique, qui atteignait 120%
du PIB en 2013, et 95% en 2015, serait de 86% du PIB en 2016.
L’héritage de la crise
Malgré la vigueur de la reprise, l’économie irlandaise continue
d’opérer sous son potentiel. Sur le marché du travail, les créations
nettes d’emploi ont favorisé la baisse tendancielle du taux de
chômage. Cependant, la population active n’a cessé de se replier
entre 2008 et 2015 et, malgré une légère remontée depuis le
T1 2014, elle demeure inférieure de 4,6% au niveau d’avant crise.
En cause, une forte émigration depuis 2009, qui s’est certes
modérée mais reste supérieure à l’immigration. Par ailleurs, la
reprise de l’emploi ne s’est pas accompagnée d’une remontée du
taux d’activité ; ce dernier, proche de 65% au point haut de 2008,
stagne à 60% depuis 2012.
1- Synthèse des prévisions
e: estimations et prévisions BNP Paribas Recherche Economique Groupe
2- Une nette amélioration de la situation économique
Déficit public (% du PIB) ; Croissance du PIB (%)
Sources : Eurostat, prévisions BNP Paribas Global Markets
Variations annuelles, % 2015 2016 e 2017 e
PIB
G
7,8 6,2 4,9
Indice des prix à la consommation (IPC)
H
-0,0 0,6 2,1
IPCH hors alimentation et énergie
H
1,2 1,6 2,2
Taux de chômage (%)
U
9,4 8,4 7,5
Balance courante (% PIB)
C
5,6 5,4 5,3
Solde des Adm. Publiques (% PIB)
G
-1,9 -1,2 -0,6
Dette publique (% PIB)
G
95,2 86,0 80,0
-15
-10
-5
0
5
10
2011 2012 2013 2014 2015 2016e 2017e
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Malgré la vigueur du revenu disponible des ménages et le maintien
des bas niveaux de taux d’intérêt qui nourrissent la demande en
logements, le marché de l’immobilier s’essouffle. La croissance des
prix de l’immobilier, après un rebond marqué (près de 17% en 2015),
qui venait lui-même après la chute enregistrée avec la crise, a
fortement ralenti (7% au T2 2016). Ceci illustre la persistance des
capacités excédentaires. La crise financière n’a pas apuré l’excès
d’offre, estimé à 230 000 logements, notamment dans les « ghost
cities », des zones périurbaines, éloignées des foyers de croissance
et d’emploi et dépourvues de toute infrastructure. En cause, les
erreurs de planification nationale héritées de la période d’avant crise.
Au point culminant, en 2006, près de 90 000 logements étaient
construits annuellement, notamment dans les zones où la demande
est faible aujourd’hui. A contrario, l’offre de logements à Dublin et
dans les autres grandes villes, principalement là où sont implantées
les entreprises étrangères, reste insuffisante. En 2015, seulement
13 000 nouveaux logements ont été construits, tandis que les
besoins sont estimés à 25 000.
La situation du secteur bancaire s’est améliorée mais reste fragile,
le taux de créances douteuses se réduit mais reste élevé (18% en
2015). Au T1 2016, les prêts hypothécaires pour résidence
principale présentant des arriérés de paiements étaient en repli de
2,4% par rapport au T4 2015 tout en demeurant élevés : EUR 11
mds et 11% des encours totaux. Pour près des trois quarts (69%)
de ces créances, les arriérés de paiements sont supérieurs à 90
jours, et si la part des arriérés de paiements de plus de 720 jours
(EUR 6 mds) stagne, elle reste majoritaire. Enfin, sur le segment de
l’investissement locatif, près de 20% des prêts hypothécaires
présentait des retards de paiement supérieur à 90 jours au T1 2016.
Dès la période 2014-2015, le gouvernement a remanié les
différentes lois sur les faillites personnelles, en donnant son
autorisation aux saisies immobilières. Cette réforme a donné lieu à
la révision du code de conduite sur les arriérés de paiement et la
fixation d’objectifs de restructurations ambitieux.
Au T2 2016, 16% des prêts hypothécaires pour résidence principale
(soit 120 447 prêts) avaient été restructurés. Pour lessentiel, ces
restructurations sont des solutions de court terme (rééchelonnement
du paiement des intérêts, scission du prêt hypothécaire en deux
comptes à échéancier différencié…) : la Banque d’Irlande ne juge
pas ces mesures pérennes, en ce qu’elles ne respectent pas les
critères du Mortgage Arrears Resolutions Targets.
Les inquiétudes posées par le « Brexit »
Le 23 juin dernier, les Britanniques se sont prononcés en faveur du
retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’économie
irlandaise, tout récemment sortie d’une longue période de crise se
retrouve potentiellement fragilisée à moyen et long terme.
Ces trois dernières années, le dynamisme de la croissance
britannique a soutenu l’économie irlandaise. Le Royaume-Uni
absorbe 17% des exportations de biens irlandais et près de 20%
des exportations de services. La chute de la livre sterling depuis le
référendum, de 12% en termes effectifs, pourrait affecter
rapidement le dynamisme de ces échanges. La Banque centrale
d’Irlande estime que le recul d’un point de l’activité au Royaume-Uni
se traduit par une perte de 0,3 point de croissance pour l’Irlande.
Mais les conséquences ne sont pas qu’économiques : en effet, pour
ces deux pays frontaliers, les flux migratoires sont nombreux et très
larges. Ainsi, l’Office des affaires sociales des Nations Unies estime
que plus de 10% des citoyens irlandais réside au Royaume-Uni.
Toutefois les conditions de sortie du Royaume-Uni, son degré
d’accès au marché commun et l’hypothétique durcissement de la
politique migratoire restent couverts d’incertitudes.
Dans ce contexte, l’économie irlandaise doit renforcer ses relations
commerciales avec le reste de l’Union européenne et les Etats-Unis,
qui demeurent la première destination des exportations irlandaises.
Notons, finalement, que l’Irlande pourrait aussi profiter d’une
relocalisation de certaines activités précédemment implantées au
Royaume-Uni.
Il est encore trop tôt pour estimer les effets du référendum
britannique sur l’économie irlandaise. Une chose est certaine : c’est
à la baisse que nous réviserons prochainement nos prévisions de
croissance sur l’Irlande.
Manuel Nunez
3- Le taux de créances douteuses se réduit mais reste éle
Taux de créances douteuses
Source : Banque centrale de lIrlande
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