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Il est naturel que les astres et tous les luminaires du ciel, du jour comme de la nuit, occupent
une place si éminente dans l’histoire de la pensée et des représentations, aussi bien, par
exemple, chez les "mages" zoroastriens que dans la métaphysique et la mythologie
grecques, ou dans l’alchimie arabe, tout comme dans les considérations de l’astro-
psychologie à la Renaissance.
Il est naturel que les astres flamboient en myriades de métaphores et d’allégories sur les
pages des livres sacrés, au creux des traités de philosophie, dans les yeux du Poète…
Car du tréfonds des temps leurs rayons nous rappellent incessamment à cette lumière qui
éblouit notre naissance, que nous recherchons souvent comme guide pour nos vies, et que
nous espérons retrouver à notre mort.
Dans le jardin de la Maison d’Érasme, ici, à Bruxelles, on peut découvrir, flottant sur un petit
étang qui reflète les nuées, des lettres, souvent cachées par des feuilles mortes. Quand un
souffle les dégage apparaît à nos yeux enchantés l’une des devises du Prince des
Humanistes : « Sidera Addere Caelo ». Ajouter des étoiles au ciel…
C’est, je crois, l’une des plus belles définitions de la culture : enrichir par des idées notre
commune patrie céleste, l’Intellect, médiateur entre le macrocosme et le microcosme, et faire
en sorte, ainsi, que l’Univers continue d’être créé par l’Esprit Universel.
L’Intellect Universel, que Platon, pour sa part, établit au ciel des Idées Transcendantales,
contient, pour ainsi dire, tous les courants philosophiques, et les exalte en égale dignité.
Ce sentiment d’égale dignité de tous les hommes et de toutes les cultures est l’essence
même de l’éthique et de l’esthétique humanistes.
Cela explique en grande partie pourquoi le païen Platon a pu être révéré par de pieux
Maîtres musulmans. Certes, ils respectaient en lui la constante visée transcendante et une
certaine réputation de monothéisme, certes le Prophète Mahomet a pu être ressenti comme
le Philosophe-Roi de la « République » , mais Platon n’en restait pas moins un membre de
l’humanité d’avant l’Islam.
S’il acquit le prestige d’un Sage parmi les Sages, si des philosophes Musulmans ont pu
écrire « le Divin Platon », c’est en vertu de leur orientation humaniste, qui les porta à voir en
lui la hauteur de l’inspiration, la noblesse de l’âme, et non les différences de croyances .
Ils épousaient d’instinct cette disposition d’esprit contenue dans une « maxime » attribuée au
Père de l’Académie : « la dignité est une majesté qui résulte d’une raison droite ».
L’Islam des lumières a su voir cette majesté en Platon.
L’éminente dignité de la personne humaine doit être au cœur de chaque religion, car sinon,
qu’y aurait-il à relier entre la nature de l’homme et la divinité du Créateur ?
C’est pour cela que ce que j’appellerais le « manifeste » de l’humanisme florentin a été
intitulé « Discours sur la dignité de l’homme » par Jean Pic de la Mirandole, Grand-Prêtre de
la Concorde entre toutes les traditions de l’esprit.