Topologie (version pr´eliminaire)
1. Quatre affirmations
On travaille pour commencer dans l’espace vectoriel Rnmunie de sa norme Euclidienne
standard. Soit Dla boule ferm´ee de centre 0 et de rayon 1, et soit Ssont bord, c’est `a dire la
sph`ere de rayon 1.
Commen¸cons par ´enoncer quelques affirmations. On montrera au cours de ce chapitre
qu’elles sont ´equivalentes entre elles, et, surtout, qu’elles sont vraies. C’est le Th´eor`eme de
Brouwer.
(1) Soit f:DRnune application telle que f|S=Id, alors DIm(f).
(2) Il n’existe pas d’application continue f:DStelle que f|S=Id.
(3) Tout application continue f:DDadmet un point fixe.
(4) L’application Id :SSn’est pas homotope `a une constante.
Si Xet Ysont des espaces m´etriques (par exemple X=S=Y), et si f, g :XYsont
des applications continues, on dit que fest homotope `a gsi il existe une application continue
F: [0,1] ×XY
telle que F(0, x) = f(x) pour tout xXet telle que F(1, x) = g(x) pour tout x. On dit alors
que Fest une homotopie entre fet g.
La relation ”fest homotope `a g” est une relation d’´equivalence, c’est `a dire que
Toute application est homotope `a elle-mˆeme,
fest homotope `a gsi et seulement si gest homotope `a f,
Si fest homotope `a g, et si gest homotope `a h, alors fest homotope `a h.
Pour v´erifier que fest homotope `a elle mˆeme, il suffit de consid´erer l’homotopie ”triviale”
F(t, x) = f(x). Pour v´erifier que gest homotope `a fsi fest homotope `a g, il suffit de
”retourner l’homotopie”, c’est `a dire de consid´erer l’homotopie ˜
F(t, x) = F(1 t, x), o`u Fest
une homotopie entre fet g. Montrons pour finir le dernier point. Soit F: [0,1] ×XX
une homotopie entre fet g, et soit G: [0,1] ×XXune homotopie entre get h. Alors
on constuit une homotopie Hentre fet hen posant H(t, x) = F(2t, x) pour t[0,1/2] et
H(t, x) = F(2t1, x) pour t[1/2,1].
Dans la notion d’homotopie, l’espace d’arriv´ee est tr`es important. L’affirmation (4), par
exemple, ´enonce qu’il n’existe pas d’application F: [0,1] ×SStelle que F(0, .) est une
constante et telle que F(1, x) = xpour tout xS. Par contre, il est facile de construire une
application G: [0,1] ×SRntelle que G(0, .) est une constante et telle que G(1, x) = x
pour tout xS. Il suffit de poser G(t, x) = tx + (1 t)a, avec aS. On voit par cette
m´ethode que deux applications `a valeurs dans Rnsont toujours homotopes, c’est `a dire que,
pour tout espace X, l’ensemble des classes d’homotopies d’applications de Xdans Rncontient
un seul ´el´ement.
1
2 TOPOLOGIE (VERSION PR´
ELIMINAIRE)
1.1. ´
Equivalence entre les affirmations. Nous allons montrer dans un premier temps
que les affirmations (1). . .(4) sont ´equivalentes entre elles. Cette d´emonstration est bas´ee sur
le Lemme suivant :
Lemme 1.1.Soit XD×Rnl’ensemble des points (x, y)tels que x6=y. Il existe une
application continue
p:XS
telle que p(x, y) = ypour tout yS, et qui de plus est C1sur X
D×Rn.
D´
emonstration. On peut prendre pour p(x, y) l’unique intersection entre la demi-droite
issue de xet passant par yet la sph`ere S, faire un dessin. Montrons que cette application est
bien d´efinie et qu’elle est C1. On a
p(x, y) = x+t(x, y)(yx)
o`u t(x, y) est l’unique r´eel positif tel que kx+t(x, y)(yx)k2= 1. Pour monter que painsi
d´efinie est C1, il suffit de montrer que l’application t(x, y) l’est. L’´equation d´eterminant t(x, y)
se d´eveloppe en
t(x, y)2kyxk2+ 2t(x, y)hx, y xi+kxk21 = 0.
On a
∆(x, y) = hx, y xi2+kyxk2(1 − kxk2)>0,
et l’application
t(x, y) = p∆(x, y)− hx, y xi
kyxk2
est donc continue et mˆeme C1sur l’ouvert ∆ >0, qui contient les couples (x, y) tels que
x
D.
Nous sommes maintenant en mesure de prouver l’´equivalence voulue.
Il est clair que (1) (2).
Montrons que (2) (1). Si il existe une application continue f:DDqui fixe le bord
et n’est pas surjective, alors elle ´evite un point x0
Det on peut d´efinir une application
continue g:DSpar g(x) = p(x0, f(x)). Comme f(x) = xpour xS, on a g(x) = x
pour xS.
Montrons que (2) (3). Si il existait une application continue f:DDsans point
fixe, alors on pourrait d´efinir l’application continue g(x) = p(f(x), x), qui v´erifie g(x) = xsi
sS.
Montrons que (3) (2). Si il existait une application f:DSqui fixe S, alors
l’application x7−→ −f(x) n’aurait pas de point fixe.
Montrons que (2) (4). Il y a une bijection entre les applications f:DSqui fixent
Sles les homotopies F(t, x) : [0,1] ×SSentre l’identit´e et une constante. Elle est donn´ee
par
f(tx) = F(t, x)
pour tout xSet t[0,1]. Il est clair que, si f:DSest continue, alors la formule
ci-dessus donne une homotopie Fentre la constante x7−f(0) et l’application x7−f(x).
on a montr´e la proposition suivante :
2. LE CAS n= 2 3
Proposition 1.Soit f:DnDnune application continue telle que f(S)Set
telle que la restriction f|S:SSde f`a Sn’est pas homotope `a une constante. Alors
f:DnDnest surjective.
1.2. Notion de degr´e topologique. Discutons pour commencer l’affirmation (4). Prour
prouver cette affirmation, il suffit de comprendre quelles sont les classes d’homotopies d’ap-
plications de Sdans S. Cette question est enti`erement esolue :
Th´
eor`
eme 1.(Hopf) L’ensemble des classes d’homotopies d’applications de Sn1dans
Sn1est en bijection avec Z. Plus pr´esis´ement, il existe une application d:C(S, S)Z, le
degr´e topologique, qui v´erifie les propri´et´es suivantes :
d(Id) = 1
d(f) = 0 si fest une application constante
d(fg) = d(f)d(g).
Deux applications fet g:ZZsont homotopes si et seulement si d(f) = d(g). Autre-
ment dit, le degr´e induit une bijection entre l’ensemble des classes d’homotopies d’applications
continues de Set Z.
Bien sur, ce th´eor`eme implique l’affirmation (4). En effet, l’identit´e et les constantes n’ont
pas le mˆeme degr´e, et donc ne sont pas homotopes. Construire le degr´e topologique n’est pas
facile. Nous le ferons uniquement en dimension 2. Une cons´equence de l’existence du degr´e
est que, si f0est homotope `a f0et si g0est homotope `a g1, alors f1g1est homotope `a f0g0.
On peut le v´erifier directement. En effet, si ftest une homotopie entre f0et f1(c’est `a dire
que ftest l’application x7−f(t, x), o`u f(t, x) : [0,1] ×SSest une homotopie entre f0
et f1) et si gtest une homotopie entre g0et g1, alors ftgtest une homotopie entre f0g0
et f1g1. Une cons´equence de cette remarque est que la composition passe au quotient : Si
[f] est la classe d’homotopie de fet si [g] est la classe d’homotopie de g, alors la la classe
d’homotopie [fg] de leur compos´ee ne d´epend que de [f] et de [g], il est donc naturel de la
noter [f][g]. Si l’on note [S:S] l’ensemble des classes d’homotopie d’applications de Sdans
S, on vient de voir que [S:S] est muni d’une op´eration, not´ee , et les propri´et´e que nous
avons ´enum´er´ees sur le degr´e peuvent se r´esumer en disant que d: ([S, S],)(Z, .) est un
isomorphisme, c’est `a dire qu’elle envoit l’op´eration de [S:S] sur la multiplication.
2. Le cas n= 2
2.1. Construction du degr´e sur le cercle. On montre le th´eor`eme de Hopf, et donc
les affirmations (1)..(4), lorsque n= 2. On travaille dans le plan complexe R2=C, et comme
ci-dessus, on note Dl’ensemble des nombres complexe de module inf´erieur ou ´egal `a 1 et S
l’ensemble des nombres complexes de module 1. On va chercher `a repr´esenter les points du
cercle Spar leur argument. Pour ceci, on consid`ere l’application
e:RS
donn´ee par e(θ) = exp(2iπθ). On se propose pour commencer `a manipuler les concepts de
prouver la propri´et´e suivante :
Propri´
et´
e1.Toute application continue f:SSqui n’est pas surjective est homotope
`a une constante.
On utilisera pour ceci la :
4 TOPOLOGIE (VERSION PR´
ELIMINAIRE)
Propri´
et´
e2.Soit Iune partie connexe et compacte de S, telle que I6=S. Alors il existe
un intervalle Ade Rtel que e(A) = Iet tel que e|A:AIest un hom´eomorphisme. On a
alors e1(I) = nZ(A+k), et la r´eunion est disointe.
D´
emonstration de la propri´
et´
e 1. Soit Il’image de f. C’est une partie connexe et
compacte de S. Soit alors Aun intervalle donn´e par la Propri´et´e 2. Soit g:IAla
r´eciproque de l’application e. L’application gf:SAest bien d´efinie et continue. Elle
est homotope `a une constante. En effet, si best un point de A, on a une homotopie
F(t, x) = tb + (1 t)gf
entre F0=gfet la constante b. Mais alors, l’application
˜
F(t, x) = eF(t, x)
est une homotopie entre ˜
F0=fet e(b).
D´
emonstration de la propri´
et´
e 2. Soit zun point de SI, et aRun point tel que
e(a) = z. Alors, e1(I)(a+Z) = . D´efinissons Apar A=e1(I)]a, a + 1[. L’application
einduit une bijection continue entre ]a, a + 1[ et S− {z}, et donc elle induit une bijection
continue entre Aet I. De plus, on a A=e1(I)[a, a + 1], et donc Aest ferm´e, puisque
eest continue et Iest ferm´e. L’ensemble Aest donc compact, et l’application e|Aest donc
un hom´eomorphisme. Comme Iest connexe, on conclut que Aest connexe, c’est donc un
intervalle. Il est clair que les differents translat´es A+k, k Zde Asont disjoints et, puisque
eest p´eriodique de p´eriode 1, on a e1(I) = nZ(A+k).
Soit f:SSune application continue. On dit que F:RRest un rel`evement de
fsi c’est une application continue telle que e(F(x)) = f(e(x)) pour tout xR. On dit aussi
que le diagramme suivant est commutatif.
RF
R
e
ye
y
Sf
S
Th´
eor`
eme 2.Toute application continue f:SSadmet un rel`evement F:RR.
Si Fet ˜
Fsont deux rel`evements de l’application f, alors il existe un entier kZtel que
F=˜
F+k.
D´
emonstration. Commen¸cons par montrer la seconde partie de l’´enonc´e. Pour chaque x
R, on a e(F(x)) = f(e(x)) = e(˜
F(x)), et donc il existe un entier k(x) tel que F(x) =
G(x) + k(x). Comme les fonctions Fet Gsont continues, l’entier k(x) d´epend continument
de x, et donc il ne d´epend pas de x.
Pour montrer l’existence d’un rel`evement F, posons I=e([1/4,1]) et I0=e([3/4,3/2])
(faire un dessin). Rappelons que eengendre un hom´eomorphisme entre [1/4,1] et Iet aussi
entre [3/4,3/2] et I0. Il existe δ > 0 tel que l’image par fed’un intervalle de longueur 2δ
est contenue dans Iou dans I0. Ceci vient du fait que l’application feest uniform´ement
continue.
Consid´erons deux r´eels aet btels que e(b) = f(e(a)). Si fe([aδ, a +δ]) I, alors
c’est qu’il existe un entier ktel que b[k+ 1/4, k + 1], et on note ga,b la r´eciproque de
l’hom´eomorphisme e: [k+ 1/4, k + 1] I.
2. LE CAS n= 2 5
Sinon, c’est que fe([aδ, a+δ]) I0, et qu’il existe un entier ktel que b[k+3/4, k+3/2].
On note alors ga,b la r´eciproque de l’hom´eomorphisme e: [k+ 3/4, k + 3/2] I0.
Dans tous les cas, l’application ga,b est d´efinie sur un voisinage de f(e(a)), prend ses
valeurs dans R, et v´erifie ega,b(x) = xet ga,b(e(a))) = b.
Montrons alors par r´ecurrence que, pour chaque nN, il existe une application
Fn: [nδ, nδ]R
qui rel`eve fet telle que Fnprolonge Fn1. On choisit un r´eel btel que e(b) = f(1). On d´efinit
la fonction F1par l’expression
F1=g0,b fe.
Il faut remarquer que fe([δ, δ]) est effectivement contenu dans le domaine de d´efinition
de g0,b, ce qui est une cons´equence imm´ediate de la d´efinition. Supposons maintenant que
l’application Fnait ´et´e construite. On la prolonge par les expressions
Fn+1(x) = gnδ,Fn()fe(x)
pour x], (n+ 1)δ] et
Fn+1(x) = gnδ,Fn()fe(x)
pour x[(n+ 1)δ, [. Il est clair que la fonction Fn+1 ainsi d´efinie prolonge Fnet qu’elle
rel`eve f. La seule chose `a v´erifier est qu’elle est continue en et en . Mais ceci vient du
fait que la fonction gnδ,Fn()feest continue au point et v´erifie
gnδ,Fn()fe() = Fn().
Ce th´eor`eme permet de donner une efinition du degr´e topologique :
D´
efinition 2.1.Soit f:SSune application continue. On d´efinit le degr´e d(f)de f
par
d(f) = F(1) F(0),
o`u Fest un rel`evement de f.
Remarquons d`es maintenant que, si Fest un rel`evement de f, alors e(F(1)) = f(e(1)) =
f(e(0)) = e(F(0)), donc F(1) F(0) est effectivement un entier. De plus, comme deux
rel`evements de fdiff`erent d’une constante additive, la diff´erence F(1) F(0) ne d´epend pas
du choix du rel`evement F. Le nombre d(f) ne d´epend donc effectivement que de l’application
f. Remarquons aussi que, si Fest un rel`evement de f, alors on a
F(x+k)F(x) = kd(f)
pour tout xRet kZ.
Propri´
et´
e3.On a :
d(Id) = 1
Le degr´e des applications constantes est nul.
d(fg) = d(f)d(g).
D´
emonstration. Soit f:z7−zl’application identit´e de S. Il est clair que l’application
identit´e F:x7−xest un rel`evement de f. On a donc d(f) = F(1) F(0) = 1.
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