Le terme de “métastase cutanée” (MC) correspond au développe-
ment dans le revêtement cutané, d’une tumeur maligne dont l’ori-
gine se situe à distance. Ainsi le diagnostic précis d’une MC paraît
fondamental pour au moins deux raisons : l’apparition d’une MC
peut représenter le signe révélateur de l’existence d’un cancer pro-
fond resté jusqu’alors méconnu ; la MC peut constituer le premier
signe de récidive et ou de dissémination métastatique d’une tumeur
traitée et considérée comme guérie [5]. Cette seconde éventualité
est illustrée par notre observation.
OBSERVATION
Patient M.B.,âgé de 60 ans, sans antécédents pathologiques parti-
culiers, présentait une hématurie totale de faible abondance négli-
gée par le patient pendant 6 mois. A l’examen, son état général était
conservé avec des conjonctives normocolorées. Le toucher rectal a
mis en évidence un plancher vésical infiltré mais encore mobile. La
biologie a révélé une discrète insuffisance rénale (créatininémie =
166µmol/l). L’échographie a montré une formation bourgeonnante
mesurant 5 x 4 cm au dépens de la corne vésicale droite avec reten-
tissement sur le haut appareil urinaire du côté droit. Cette tumeur
était d’allure infiltrante à la cystoscopie d’ou une biopsie tumorale
emportant une partie de la musculeuse vésicale a été réalisée. L’his-
tologie a conclu à un carcinome à cellules transitionnelles de la ves-
sie, invasif, moyennement différencié, ulcéré et nécrosé. Le bilan
d’extension clinique était négatif. Cependant, la TDM abdomino-
pelvienne a montré une tumeur vésicale prédominante sur le ver-
sant latéral droit avec envahissement de la graisse périvésicale, du
méat urétéral droit, sans atteinte ganglionnaire ni hépatique. La
radiographie thoracique n’a pas objectivé de métastase pulmonaire.
Nous avons réalisé une cystectomie totale avec dérivation urinaire
externe type Bricker. Les suites opératoires immédiates étaient sim-
ples. L’examen histologique de la pièce de résection a confirmé un
carcinome à cellules transitionnelles de la vessie classé pT3a N0
M0. L’évolution a été marquée par l’apparition d’une masse cuta-
née oblongue mesurant 10 x 7 cm de consistance dure, adhérente
aux plans superficiels et profonds, siégeant en paraxyphoïdien droit
apparue 4 mois après la cystectomie totale (Figure 1). La peau en
regard était inflammatoire, parsemée de pustules (Figure 2). La
biopsie tumorale a confirmé une métastase cutanée d’un carcinome
peu différencié. La tumeur a été jugée au dessus de toute ressource
thérapeutique curative. Le malade a été mis sous antibiothérapie
anti-Staphylococcique associée à une analgésie morphinique. Le
décès a été survenu 5 mois après l’apparition de cette localisation
cutanée.
DISCUSSION
La peau est un site relativement peu fréquent de dissémination
métastatique des cancers profonds [5]. En effet, la peau n’occupe
que la 12è place parmi les sites métastatiques (ganglions lympha-
tiques exceptés) au cours de néoplasies connues [3]. La fréquence
des métastases cutanées (MC) au cours des tumeurs malignes est
faible et va de l’ordre de 0.3 p100 à 9 p100 selon les séries de la lit-
térature [7]. Les cancers le plus souvent à l’origine de MC sont dif-
férents selon le sexe. De ce fait, chez la femme, le cancer du sein
est le plus pourvoyeur de MC (69%), suivi du cancer colique (9%),
puis pulmonaire (4%) et ovarien (4%). Par contre, chez l’homme,
le cancer du colon occupe la première place (19%), ensuite les néo-
plasies de la tête et du cou (12%).
Habituellement, les tumeurs vésicales, à un stade avancé ont une dis-
sémination métastatique essentiellement ganglionnaire, osseuse,
hépatique ou pulmonaire [6]. L’incidence de MC du carcinome à
cellules transitionnelles de la vessie est de 0.84%. Ce taux est de
3.4% pour les cancers du rein et de 0.4% pour le cancer prosta-
tique [4].
Les cellules tumorales atteignent la peau par différentes voies qui
CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (2005), 15, 535-537
Métastase cutanée d’une tumeur vésicale infiltrante
Noureddine HAOUAS (1), Anis YOUSSEF (1), Wassila SAHRAOUI (2), Imène THABET (3), Nabil BEN SORBA (1),,Mehdi
JAIDANE (1), Nidhal HADDAD (1), Ali Taher MOSBAH (1)
(1) Service d’Urologie, Hôpital Sahloul, (2) Service de Gynécologie Obstétrique, Hôpital Farhat-Hached,
(3) Service de Radiologie, Hôpital Sahloul, Sousse, Tunisie
RESUME
La diffusion métastatique d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie à un stade avancé est rarement
révélée par une localisation cutanée. Cependant, elle signe une dissémination des cellules cancéreuses au niveau
du foie ou du poumon au moins microscopique, déterminant un mauvais pronostic. Les auteurs rapportent une
nouvelle observation de métastase cutanée unique, survenue au cours de l’évolution d’un carcinome à cellules
transitionnelles de la vessie, peu différencié stade pT3a N0 M0. Le patient est décédé 5 mois après l’apparition
de la métastase cutanée.
Mots clés : Métastase, peau, carcinome, vessie, pronostic.
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Manuscrit reçu : novembre 2004, accepté : avril 2005
Adresse pour correspondance : Dr. N. Haouas, Service d’Urologie, Hôpital Sahloul,
Route de Ceinture, 4054 Sahloul, Sousse, Tunisie.
e-mail :
Ref : HAOUAS N., YOUSSEF A., SAHRAOUI W., THABET I., BEN SORBA N., JAI-
DANE M., HADDAD N., MOSBAH A.T. Prog. Urol., 2005, 15, 535-537
sont : l’envahissement de proche en proche, par extension directe
d’une tumeur sous-jacente ; l’embolisation de vaisseaux sanguins
ou lymphatiques cutanés par des cellules tumorales ayant gagné le
torrent circulatoire ; plus rarement, l’implantation iatrogène à la
suite d’une exploration instrumentale (ponction-biopsie) ou d’une
intervention chirurgicale (MC au niveau des cicatrices opératoires)
[1]. Dans les cas de lésions primitives à distance, les MC se font par
voie sanguine et sont le plus souvent associées à des localisations
hépatiques ou pulmonaires au moins microscopiques, à l’origine du
pronostic très péjoratif [8], comme c’était le cas de notre patient.
Les MC peuvent se localiser au niveau de tous les territoires cuta-
nés, celles ci se développent préférentiellement sur certains sites :
l’extrémité céphalique, le cou, la face antérieure du thorax qui est
intéressée chez notre patient et la paroi abdominale [5].
Les MC sont dépourvues de caractères cliniques spécifiques, pou-
vant simuler des tumeurs cutanées primitives ou des lésions inflam-
matoires ; les aspects cliniques les plus fréquents peuvent être des
nodules métastatiques uniques ou multiples ; des métastases sclé-
reuses sous forme de plaque infiltrée, cartonnée, peu inflammatoire
simulant des lésions de morphée ; des métastases inflammatoires
qui confère à la lésion un aspect “érésypélatoïde” [2, 5]. De ce fait
la biopsie de toute lésion cutanée chez un sujet cancéreux est impé-
rative [9]. Pour notre patient, la lésion rappelle un aspect “érésypé-
latoïde”, surmontée de pustules à la surface.
A l’examen microscopique, les MC ont une différenciation morpholo-
gique variable : si dans quelques cas, elles conservent les caractères
histologiques reconnaissables de la tumeur d’origine, plus fréquem-
ment épithéliale (carcinome), le plus souvent elles sont indifférenciées
et ne permettent pas la reconnaissance de la tumeur primitive [5].
Les MC ont une phase initiale de croissance rapide, en quelques
semaines ou mois. Ensuite, elles ont tendance à se stabiliser. L’ap-
parition d’une MC, témoigne de la dissémination de la tumeur et est
par conséquent, un indice de mauvais pronostic avec une survie
moyenne de 3 mois [2, 5, 7].
Quant au traitement de la MC même, il peut être envisagé dans le cas
de lésion unique ou provoquant une gène fonctionnelle (douleur), en
tenant compte de l’état général et de l’âge du malade. Les MC uniques
de petite taille peuvent être excisées chirurgicalement, tandis que les
lésions multiples groupées sur un territoire peuvent bénéficier d’une
radiothérapie [5]. Chez notre malade, la lésion est volumineuse et éten-
due siégeant à la partie antérieure du thorax ne permettant pas une exé-
rèse chirurgicale carcinologiquement efficace, d’autant plus qu’elle est
infectée ce qui lui confère une radiorésistance.
CONCLUSIONS
Une métastase cutanée est exceptionnellement révélatrice d’une récidi-
ve tumorale d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie. Ceci
justifie la biopsie de toute lésion cutanée survenant au cours de son évo-
lution. Cette observation confirme qu’une métastase cutanée est un évé-
nement défavorable dans l’évolution d’une néoplasie vésicale maligne
primitive. Toutefois, il semble que la lésion cutanée n’ait pas de valeur
pronostic en soi, mais pourrait être considérée comme un épiphénomè-
ne déterminant le stade de la maladie et conditionnant le pronostic.
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N. Haouas et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 535-537
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Figure 1. volumineuse métastase cutanée paraxyphoïdienne droite
d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie.
Figure 2. Aspect “érésipélatoïde” de la lésion associé à de multiples
pustules et de la croûte à sa surface.
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SUMMARY
Skin metastasis from invasive bladder tumour.
Metastatic spread of advanced transitional cell bladder carcinoma
rarely involves the skin. However, the presence of a skin metastasis
indicates at least microscopic dissemination of cancer cells to the
liver or lung, corresponding to a poor prognosis. The authors report
anew case of single skin metastasis during the course of a poorly diffe-
rentiated stage pT3a N0 M0 transitional cell bladder carcinoma. The
patient died 5 months after the appearance of the skin metastasis.
Key Words: Metastasis, skin, carcinoma, bladder, prognosis.
N. Haouas et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 535-537
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