◆ CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (2005), 15, 535-537 Métastase cutanée d’une tumeur vésicale infiltrante Noureddine HAOUAS (1), Anis YOUSSEF (1), Wassila SAHRAOUI (2), Imène THABET (3), Nabil BEN SORBA (1),, Mehdi JAIDANE (1), Nidhal HADDAD (1), Ali Taher MOSBAH (1) (1) Service d’Urologie, Hôpital Sahloul, (2) Service de Gynécologie Obstétrique, Hôpital Farhat-Hached, (3) Service de Radiologie, Hôpital Sahloul, Sousse, Tunisie RESUME La diffusion métastatique d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie à un stade avancé est rarement révélée par une localisation cutanée. Cependant, elle signe une dissémination des cellules cancéreuses au niveau du foie ou du poumon au moins microscopique, déterminant un mauvais pronostic. Les auteurs rapportent une nouvelle observation de métastase cutanée unique, survenue au cours de l’évolution d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie, peu différencié stade pT3a N0 M0. Le patient est décédé 5 mois après l’apparition de la métastase cutanée. Mots clés : Métastase, peau, carcinome, vessie, pronostic. Le terme de “métastase cutanée” (MC) correspond au développement dans le revêtement cutané, d’une tumeur maligne dont l’origine se situe à distance. Ainsi le diagnostic précis d’une MC paraît fondamental pour au moins deux raisons : l’apparition d’une MC peut représenter le signe révélateur de l’existence d’un cancer profond resté jusqu’alors méconnu ; la MC peut constituer le premier signe de récidive et ou de dissémination métastatique d’une tumeur traitée et considérée comme guérie [5]. Cette seconde éventualité est illustrée par notre observation. regard était inflammatoire, parsemée de pustules (Figure 2). La biopsie tumorale a confirmé une métastase cutanée d’un carcinome peu différencié. La tumeur a été jugée au dessus de toute ressource thérapeutique curative. Le malade a été mis sous antibiothérapie anti-Staphylococcique associée à une analgésie morphinique. Le décès a été survenu 5 mois après l’apparition de cette localisation cutanée. OBSERVATION La peau est un site relativement peu fréquent de dissémination métastatique des cancers profonds [5]. En effet, la peau n’occupe que la 12è place parmi les sites métastatiques (ganglions lymphatiques exceptés) au cours de néoplasies connues [3]. La fréquence des métastases cutanées (MC) au cours des tumeurs malignes est faible et va de l’ordre de 0.3 p100 à 9 p100 selon les séries de la littérature [7]. Les cancers le plus souvent à l’origine de MC sont différents selon le sexe. De ce fait, chez la femme, le cancer du sein est le plus pourvoyeur de MC (69%), suivi du cancer colique (9%), puis pulmonaire (4%) et ovarien (4%). Par contre, chez l’homme, le cancer du colon occupe la première place (19%), ensuite les néoplasies de la tête et du cou (12%). DISCUSSION Patient M.B.,âgé de 60 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, présentait une hématurie totale de faible abondance négligée par le patient pendant 6 mois. A l’examen, son état général était conservé avec des conjonctives normocolorées. Le toucher rectal a mis en évidence un plancher vésical infiltré mais encore mobile. La biologie a révélé une discrète insuffisance rénale (créatininémie = 166µmol/l). L’échographie a montré une formation bourgeonnante mesurant 5 x 4 cm au dépens de la corne vésicale droite avec retentissement sur le haut appareil urinaire du côté droit. Cette tumeur était d’allure infiltrante à la cystoscopie d’ou une biopsie tumorale emportant une partie de la musculeuse vésicale a été réalisée. L’histologie a conclu à un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie, invasif, moyennement différencié, ulcéré et nécrosé. Le bilan d’extension clinique était négatif. Cependant, la TDM abdominopelvienne a montré une tumeur vésicale prédominante sur le versant latéral droit avec envahissement de la graisse périvésicale, du méat urétéral droit, sans atteinte ganglionnaire ni hépatique. La radiographie thoracique n’a pas objectivé de métastase pulmonaire. Nous avons réalisé une cystectomie totale avec dérivation urinaire externe type Bricker. Les suites opératoires immédiates étaient simples. L’examen histologique de la pièce de résection a confirmé un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie classé pT3a N0 M0. L’évolution a été marquée par l’apparition d’une masse cutanée oblongue mesurant 10 x 7 cm de consistance dure, adhérente aux plans superficiels et profonds, siégeant en paraxyphoïdien droit apparue 4 mois après la cystectomie totale (Figure 1). La peau en Habituellement, les tumeurs vésicales, à un stade avancé ont une dissémination métastatique essentiellement ganglionnaire, osseuse, hépatique ou pulmonaire [6]. L’incidence de MC du carcinome à cellules transitionnelles de la vessie est de 0.84%. Ce taux est de 3.4% pour les cancers du rein et de 0.4% pour le cancer prostatique [4]. Les cellules tumorales atteignent la peau par différentes voies qui Manuscrit reçu : novembre 2004, accepté : avril 2005 Adresse pour correspondance : Dr. N. Haouas, Service d’Urologie, Hôpital Sahloul, Route de Ceinture, 4054 Sahloul, Sousse, Tunisie. e-mail : Ref : HAOUAS N., YOUSSEF A., SAHRAOUI W., THABET I., BEN SORBA N., JAIDANE M., HADDAD N., MOSBAH A.T. Prog. Urol., 2005, 15, 535-537 535 N. Haouas et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 535-537 histologiques reconnaissables de la tumeur d’origine, plus fréquemFigure 2. Aspect “érésipélatoïde” de la lésion associé à de multiples pustules et de la croûte à sa surface. ment épithéliale (carcinome), le plus souvent elles sont indifférenciées et ne permettent pas la reconnaissance de la tumeur primitive [5]. Les MC ont une phase initiale de croissance rapide, en quelques semaines ou mois. Ensuite, elles ont tendance à se stabiliser. L’apparition d’une MC, témoigne de la dissémination de la tumeur et est par conséquent, un indice de mauvais pronostic avec une survie moyenne de 3 mois [2, 5, 7]. sont : l’envahissement de proche en proche, par extension directe Figure 1. volumineuse métastase cutanée paraxyphoïdienne droite d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie. d’une tumeur sous-jacente ; l’embolisation de vaisseaux sanguins ou lymphatiques cutanés par des cellules tumorales ayant gagné le torrent circulatoire ; plus rarement, l’implantation iatrogène à la suite d’une exploration instrumentale (ponction-biopsie) ou d’une intervention chirurgicale (MC au niveau des cicatrices opératoires) [1]. Dans les cas de lésions primitives à distance, les MC se font par voie sanguine et sont le plus souvent associées à des localisations hépatiques ou pulmonaires au moins microscopiques, à l’origine du pronostic très péjoratif [8], comme c’était le cas de notre patient. Les MC peuvent se localiser au niveau de tous les territoires cutanés, celles ci se développent préférentiellement sur certains sites : l’extrémité céphalique, le cou, la face antérieure du thorax qui est intéressée chez notre patient et la paroi abdominale [5]. Les MC sont dépourvues de caractères cliniques spécifiques, pouvant simuler des tumeurs cutanées primitives ou des lésions inflammatoires ; les aspects cliniques les plus fréquents peuvent être des nodules métastatiques uniques ou multiples ; des métastases scléreuses sous forme de plaque infiltrée, cartonnée, peu inflammatoire simulant des lésions de morphée ; des métastases inflammatoires qui confère à la lésion un aspect “érésypélatoïde” [2, 5]. De ce fait la biopsie de toute lésion cutanée chez un sujet cancéreux est impérative [9]. Pour notre patient, la lésion rappelle un aspect “érésypélatoïde”, surmontée de pustules à la surface. A l’examen microscopique, les MC ont une différenciation morphologique variable : si dans quelques cas, elles conservent les caractères Quant au traitement de la MC même, il peut être envisagé dans le cas de lésion unique ou provoquant une gène fonctionnelle (douleur), en tenant compte de l’état général et de l’âge du malade. Les MC uniques de petite taille peuvent être excisées chirurgicalement, tandis que les lésions multiples groupées sur un territoire peuvent bénéficier d’une radiothérapie [5]. Chez notre malade, la lésion est volumineuse et étendue siégeant à la partie antérieure du thorax ne permettant pas une exérèse chirurgicale carcinologiquement efficace, d’autant plus qu’elle est infectée ce qui lui confère une radiorésistance. CONCLUSIONS Une métastase cutanée est exceptionnellement révélatrice d’une récidive tumorale d’un carcinome à cellules transitionnelles de la vessie. Ceci justifie la biopsie de toute lésion cutanée survenant au cours de son évolution. Cette observation confirme qu’une métastase cutanée est un événement défavorable dans l’évolution d’une néoplasie vésicale maligne primitive. Toutefois, il semble que la lésion cutanée n’ait pas de valeur pronostic en soi, mais pourrait être considérée comme un épiphénomène déterminant le stade de la maladie et conditionnant le pronostic. REFERENCES 1. AKMAN Y., CAM K., KAVAK A., ALPER M. : Extensive cutaneous metastasis of transitional cell carcinoma of the bladder. Int. J. Urol., 2003. 10 / 103-104. 2. ALOI F., SOLAROLI C., PARADISO M., FORMICONI A. : Inflammatory type cutaneous metastasis of bladder neoplasm erisipeloid carcinoma. Minerva Urol. Nefrol., 1998 ; 50 : 205-208. 3. 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SCHOENLAUB P., SARRAUX A., GROSSHANS E., HEID E., CRIBIER B. : Survie après métastases cutanées : étude de 200 cas. Ann. Dermatol. Venerol., 2001 ; 128 : 1310-1315. 9. WYLDES M.P., OSBORN D.E. : Solitary cutaneous metastasis from transitional cell carcinoma of the bladder. Br. J. Urol., 1988 ; 61 : 164. ____________________ SUMMARY Skin metastasis from invasive bladder tumour. Metastatic spread of advanced transitional cell bladder carcinoma rarely involves the skin. However, the presence of a skin metastasis indicates at least microscopic dissemination of cancer cells to the liver or lung, corresponding to a poor prognosis. The authors report ____________________ 537