Cardiopathies congénitales de l`adulte

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mt cardio 2007 ; 3 (2) : 93-101
Cardiopathies congénitales de l’adulte :
conduite diagnostique
Laurence Iserin1,2, Magalie Ladouceur1
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Unité de cardiopathie congénitale de l’adulte, Pôle cardiovasculaire, hôpital européen Georges Pompidou, 15 rue Leblanc, 75015 Paris
Service de cardiologie pédiatrique, hôpital Necker Enfants Malades, Paris
<[email protected]>
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Résumé. Le diagnostic de cardiopathie congénitale native à l’âge adulte n’est pas inhabituel, et est en général assuré par l’échographie
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transthoracique, qui fait partie de la consultation de cardiologie congénitale, ou par l’échographie transœsophagienne. Il peut s’agir de lésions
simples, comme la communication interauriculaire (CIA), le canal artériel ou la sténose pulmonaire, ou plus complexes, comme la maladie
d’Ebstein ou la double discordance. Dans tous les cas, ces patients, qui peuvent cumuler pathologies congénitales et acquises (hypertension
artérielle, parfois maladie coronaire, troubles du rythme et évolutivité des lésions artérielles pulmonaires), sont à haut risque de complications,
médicales comme chirurgicales. Le bilan préthérapeutique plus complet des lésions fait souvent appel à d’autres techniques (scanner et IRM).
Le cathétérisme cardiaque diagnostique a une part peu importante en dehors de l’évaluation des résistances pulmonaires en cas d’hypertension
artérielle pulmonaire. Le cathétérisme interventionnel se développe pour les lésions simples (fermeture de CIA, de canal artériel ou dilatation
au ballon des sténoses pulmonaires). Cependant, la plupart des patients ont déjà été opérés dans l’enfance. Le diagnostic de la cardiopathie
initiale est rarement méconnu, le diagnostic des complications peut être difficile chez des patients complexes opérés par des techniques parfois
anciennes (fuite pulmonaire résiduelle des tétralogies de Fallot, dysfonction des ventricules droits systémiques). Environ 50 % des patients
devront avoir un suivi régulier car un certain nombre de patients auront besoin d’une réopération à l’âge adulte, ou d’une procédure
interventionnelle de cathétérisme ou de rythmologie.
Mots clés : CIA, cathétérisme interventionel, sténose pulmonaire
Abstract. Diagnosis of congenital heart disease. Diagnosis of congenital heart disease (CHD) in adulthood is not unusual. Adult CHD
is often suspected by clinical examination and confirmed by echocardiography (which is part of the clinic for adult patients with congenital heart
defects). Lesions can be simple, such as atrial septal defect, arterial duct, native coarctation or pulmonary stenosis. The patient can also survive
into adulthood with a complex defect as Ebstein disease or double discordance. TOE can reliably assess intra cardiac defects. In adults complete
assessment is generally achieved with MRI or CT scanners in experienced centers. Use of cardiac catheters for diagnosis is mainly for pulmonary
resistance assessment. Interventional catheterism is an increasingly used technique (ASD or duct closure, balloon dilatation of pulmonary
stenosis). The managment of these patients is frequently complex because of the evolution of native disease (calcifications of abnormal
congenital valves, arrythmias, pulmonary artery disease), or because of acquired cardiac pathology as systemic hypertension, and sometimes
coronary artery disease. The majority of patients with CHD have been operated on in infancy. Initial diagnostics are often known, but sequellae
and complications can be specific. About 50% of these patients require careful follow up, as some of them will need further operations,
interventional catheterism or interventional antiarrythmic procedures in adulthood.
Key words: atrial septal defect, interventional catheterism, pulmonary stenosis
doi: 10.1684/mtc.2007.0087
Bases épidémiologiques
mtc
Tirés à part : L. Iserin
L’incidence des cardiopathies
congénitales (CC) est d’environ de 5 à
8 pour mille naissances vivantes.
Avant l’avènement de la chirurgie cardiaque à cœur ouvert, 60 % des enfants atteints de cardiopathies congénitales mourraient. De nos jours, 70 à
80 % atteignent l’adolescence et l’âge
adulte et on estime leur nombre aux
États-Unis à plus d’un million [1]. La
majorité des patients ayant une cardiopathie congénitale bénéficient actuellement d’une cure chirurgicale
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dans la première année de vie, ce qui
ne signifie pas qu’ils sont tous guéris
car certains posent des problèmes spécifiques, dont le diagnostic est parfois
difficile par les méthodes échographiques simples. D’autre part, beaucoup
de patients atteignent l’âge adulte sans
recours à la chirurgie, que la cardiopathie soit bien tolérée et parfois
même découverte à l’âge adulte, ou
qu’elle soit irréparable et alors le plus
souvent cyanogène.
Le problème diagnostique se pose
donc devant une CC de découverte
tardive jamais opérée, ou au contraire
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Dossier – Cardiopathies congénitales
Dossier – Cardiopathies congénitales
devant une CC opérée dans l’enfance (avec un diagnostic
initial parfois même méconnu par le patient) où il s’agit
d’identifier les séquelles et complications de cette chirurgie à l’âge adulte.
Cardiopathies non opérées
à l’âge adulte
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Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte
Il est impossible d’envisager ici l’évolution spontanée
de toutes les CC et nous détaillerons plus particulièrement
ici celles qui sont relativement fréquentes et dont la survie
est attendue à l’âge adulte. Elles peuvent être réparties en
deux groupes :
– anomalies bien tolérées qui peuvent être découvertes à l’âge adulte : bicuspidie aortique, coarctation, communication interauriculaire (CIA), canal artériel, communication interventriculaire (CIV), sténose pulmonaire,
anomalie d’Ebstein, double discordance ;
– malformations inopérables, en général complexes,
cyanogènes et connues depuis l’enfance.
Cardiopathies pouvant être découvertes
à l’âge adulte
Communications interauriculaires
Les CIA (surtout de type ostium secundum, situées au
centre du septum interauriculaire) sont très fréquemment
découvertes tardivement en raison de l’absence de symptômes jusqu’à un âge avancé et de signes physiques discrets. En cas de défaut large, la plupart des patients sont
symptomatiques à partir de 50 ans : des troubles du
rythme à type de flutter et de fibrillation auriculaire apparaissent, l’hypertension artérielle pulmonaire, même modérée, impose une surcharge de travail au ventricule
droit ; une insuffisance mitrale peut aussi survenir. Le diagnostic de CIA doit être évoqué en échographie devant une
dilatation des cavités droites. Celle-ci est due à la surcharge
volémique créée par le shunt gauche-droit auriculaire.
Liste des abréviations
CC : cardiopathie congénitale
CIA : communication interauriculaire
CIV : communication interventriculaire
DTI : Doppler tissue imaging
ETO : échocardiographie transœsophagienne
HTA : hypertension artérielle
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire
IP : insuffisance pulmonaire
IRM : imagerie par résonance magnétique
IT : insuffisance tricuspide
OG : oreillette gauche
PAP : pression artérielle pulmonaire
PAPs : pression artérielle pulmonaire systolique
POG : pression dans l’oreillette gauche
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La présence d’un défect du septum interauriculaire par voie
sous-costale permet de porter le diagnostic. Il faut essayer
de dégager un plan sagittal permettant de voir l’abouchement à la fois de la veine cave inférieure et supérieure, en
particulier pour la CIA sinus venosus. Lorsque le septum
interauriculaire n’est pas vu dans cette incidence, en
particulier chez les patients obèses ou longilignes, le
diagnostic de CIA ne peut être porté qu’en échographie
transœsophagienne. Cet examen permet de mieux étudier
la région de la fosse ovale et le rapport entre le septum
interauriculaire et la veine cave supérieure, et de
voir l’abouchement à l’oreillette gauche des veines
pulmonaires.
L’estimation des pressions pulmonaires se fait sur l’IT
(qui surestime souvent la PAPs en raison d’un gradient de
débit sur la voie pulmonaire) et sur l’IP. Le calcul du
QP/QS est possible, mais entaché d’erreur chez l’adulte en
raison de la difficulté à mesurer l’anneau pulmonaire.
L’échographie tridimensionnelle permet de mieux étudier
la forme et les rapports anatomiques des CIA.
Les shunts significatifs entraînant une dilatation importante des cavités droites (taille du ventricule droit au moins
égale à celle du gauche) doivent donc être supprimés
auparavant.
La survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire
(HTAP) fixée est rare (< 8 % des CIA ostium secundum et
plus fréquente dans le cas des sinus venosus) mais plus
fréquente chez les femmes et favorisée par les grossesses
multiples. Elle est évoquée sur le plan clinique par une
désaturation d’effort, une gêne fonctionnelle importante,
et à la radiographie thoracique par l’absence de surcharge
vasculaire pulmonaire avec plutôt un aspect de dilatation
proximale des branches et une raréfaction des vaisseaux
en périphérie. En échographie, la pression artérielle pulmonaire (PAP) systolique dépasse 50 mm. La PAP diastolique est élevée, de même que les résistances pulmonaires, avec peu de débit sur la voie pulmonaire voire une
inversion du shunt à travers la CIA [2].
L’HTAP modérée avec hyperdébit pulmonaire est fréquente et progresse avec l’âge (POG augmentant).
En l’absence de CIA détectée, un retour veineux pulmonaire anormal doit être recherché (par une ETO ou plus
facilement un scanner ou une IRM) (figures 1-3).
Canal artériel
Le canal artériel relie l’aorte descendante (isthme) à
l’artère pulmonaire gauche. Il est responsable d’une surcharge volumique de l’OG et du ventricule gauche et doit
donc être recherché devant une dilatation des cavités
gauches. Il est difficilement visible chez l’adulte en 2D.
On recueille surtout un jet ascendant dans l’artère pulmonaire gauche en Doppler couleur et/ou en Doppler
continu en parasternal petit axe. Il s’agit d’un flux continu
avec une vitesse maximale enregistrée en systole. La vitesse maximale alors mesurée permet d’évaluer la PAPs
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Figure 1. A) CIA ostium secundum avec shunt gauche-droit au Doppler couleur en 4 cavités. B) CIA large extension postérieure avec HTAP (VD
dilaté et hypertrophié).
(gradient systolodiastolique aorte-AP) (figure 4). En cas de
canal artériel de très petite taille et asymptomatique le plus
souvent, l’échographie permet de faire le diagnostic par la
découverte souvent fortuite de ce flux couleur. Si le canal
artériel est de calibre modeste, les patients sont asymptomatiques jusqu’à l’âge de 30 ans ou plus mais une insuffisance cardiaque, souvent annoncée par une fibrillation
auriculaire et associée à une insuffisance pulmonaire et
une dilatation de l’artère pulmonaire, peut finir par apparaître. Un vol coronaire est possible, puisque le shunt du
canal artériel affecte systole et diastole.
Si le vaisseau est très large, il peut entraîner une HTAP
fixée, entraînant un shunt bidirectionnel à travers le canal
et une désaturation préférentielle aux membres inférieurs.
Le diagnostic est alors clinique car en échographie, la
vélocité du canal étant très faible, il est très difficile de voir
le canal artériel. Le diagnostic d’HTAP peut être fait en
méconnaissant le diagnostic de canal artériel.
Coarctation aortique
La découverte tardive d’une coarctation aortique, en
général lors du bilan d’une HTA n’est pas rare. Le diagnostic est clinique : asymétrie à la palpation des pouls entre
Figure 2. CIA résiduelle de type ostium primum. La CIA a déjà été opérée avec un patch calcifié et le défect est au niveau des valves
auriculoventriculaires.
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leur et continu que l’on peut porter le diagnostic. Le
Doppler couleur montre un flux pulsatile dans l’aorte
sus-stricturale et un flux « mosaïque » dans le rétrécissement de l’isthme et le Doppler continu enregistre un flux
accéléré à double enveloppe spectrale, l’une correspondant au flux sus-strictural et l’autre au flux trans-sténotique
(figure 5). La sévérité de la coarctation dépendra plus de la
présence d’un prolongement diastolique du flux antérograde que du gradient systolique mesuré qui surestime la
sténose (figure 3). L’IRM est largement supérieure à
l’échographie pour faire le bilan de cette malformation
(morphologie de la sténose et de l’aorte sus- et sousstricturale, collatéralité).
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Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte
Sténose valvulaire pulmonaire
Figure 3. CIA sinus venosus en ETO. La VCS est à cheval sur le défect
haut situé.
les membres supérieurs et inférieurs, ou asymétrie tensionnelle. La longueur de l’évolution favorise le développement d’une importante circulation collatérale, des lésions
intimales des artères systémiques, d’où risques de dissection aortique, de rupture d’anévrisme dans le polygone de
Willis ou de maladie coronaire précoce. La moyenne de
survie spontanée de ces patients est de 35 ans en raison
des complications de l’HTA. De plus, l’association à une
bicuspidie aortique (un tiers des cas), augmente le risque
d’endocardite et de dilatation dangereuse de l’aorte ascendante. Dix à 20 % des coarctations aortiques seraient
diagnostiquées à l’adolescence ou à l’âge adulte [3]. La
recherche d’une coarctation doit être systématique chez le
sujet jeune hypertendu. En échographie, elle se recherche
en incidence suprasternale. Chez l’adulte, il est difficile de
voir la morphologie de la sténose. C’est au Doppler cou-
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Une sténose valvulaire pulmonaire est souvent découverte devant un souffle systolique, et parfois méconnue
(considérée comme un souffle anorganique). La valve peut
se calcifier avec le temps, l’obstacle étant progressif ; le
ventricule droit est longtemps adapté, hypertrophique et
finalement une cyanose par inversion d’un shunt atrial
peut majorer les symptômes d’effort, alors que la défaillance droite est rare et apparaît quand la fuite tricuspide est importante. Une sténose musculaire infundibulaire réactionnelle est souvent associée et peut ne
régresser que partiellement après dilatation au ballon.
L’échographie fait le diagnostic et permet de mesurer
l’anneau pour la valvuloplastie percutanée.
Maladie d’Ebstein
La maladie d’Ebstein est définie par l’accolement du
feuillet septal et parfois postérieur de la tricuspide le long
de la paroi du ventricule droit, ce qui délimite une chambre intermédiaire entre l’OD et le ventricule droit. Malgré
une cardiomégalie importante, le patient peut être longtemps asymptomatique et la maladie ne se révéler que par
une arythmie auriculaire et/ou supraventriculaire avec
syndrome de Wolff-Parkinson-White à l’âge adulte.
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Figure 4. Flux couleur de canal artériel avec flux Doppler continu mais gradient faible témoignant d’une HTAP.
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Figure 5. Coarctation modérée mais flux couleur en faveur d’une sténose isthmique avec flux Doppler et prolongement diastolique.
Les patients peuvent être également dyspnéiques et la
dyspnée est liée au degré de cyanose par shunt droitegauche auriculaire à travers le foramen ovale. La survie
actuarielle pour les patients nés vivants est de 67 % à un
an et de 59 % à 10 ans [4]. La plastie chirurgicale mobilise
le feuillet valvulaire antérieur, et peut souvent chez
l’adulte comporter une dérivation cavopulmonaire partielle. L’importance de la fuite tricuspide, l’évaluation de
la fonction du ventricule droit, la taille du ventricule droit
effectif sont des éléments fondamentaux dans la description échographique de cette pathologie, qui doit être
complétée au mieux par une IRM.
Doubles discordances
Dans l’enfance, la cardiopathie est souvent découverte, surtout quand une anomalie y est associée (fuite
tricuspide par malformation de la valve tricuspide, CIV,
sténose pulmonaire ou sous-pulmonaire). Des anomalies
de conduction du type bloc auriculoventriculaire complet
peuvent également faire découvrir la pathologie. La survie
à l’âge adulte parfois avancé est fréquente en l’absence de
malformations associées. Elle peut être découverte de
façon fortuite à l’échographie cardiaque ou devant des
troubles conductifs. L’échographie, avec une l’analyse pas
à pas de l’anatomie, permet en général de bien décrire la
cardiopathie. Comme pour toutes les CC, elle doit s’appuyer sur une analyse segmentaire (analyse du situs, analyse des connexions atrioventriculaires, puis des
connexions ventriculo-artérielles, et de la position des
ventricules et des vaisseaux entre eux). L’aspect le plus
commun est celui en situs solitus (normal) avec lévocardie. L’aspect qui doit attirer l’attention est la présence d’un
ventricule situé à gauche de morphologie particulière. Il
présente les caractéristiques d’un ventricule droit morphologique, à savoir des trabéculations grossières (figure 6), la
présence d’une bandelette modératrice, la présence d’un
infundibulum (discontinuité entre la valve d’entrée, tricus-
pide et la valve de sortie ici aortique), et une valve d’entrée
tricuspide. En incidence apicale 4 cavités, le ventricule
situé à gauche est plus trabéculé, et sa valve auriculoventriculaire s’insère de façon plus apicale que la valve située
à droite. Le ventricule droit situé à gauche donne naissance à l’aorte. Les vaisseaux sont L-malposés entre eux,
c’est-à-dire que l’aorte est antérieure et à gauche de l’artère pulmonaire (figure 7). On voit naître l’artère pulmonaire du ventricule gauche située à droite en apical cinq
cavités. L’évaluation de la fonction ventriculaire droite
systémique est difficile. En effet, la géométrie du ventricule
droit étant différente de celle du ventricule gauche, les
mesures comme la FEVG par la méthode de Simpson ou la
fraction de raccourcissement des parois du ventricule
droit, ne sont pas des méthodes validées. De plus, les
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Figure 6. Double discordance : la valve auriculoventriculaire gauche
(tricuspide) s’insère sur le septum et de façon plus apicale que la
valve auriculoventriculaire droite.
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Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte
Figure 7. Double discordance situs solitus : l’aorte naît en avant et à
gauche de l’artère pulmonaire. Les deux valves sont dans le même plan.
La valve pulmonaire est épaisse (petite sténose pulmonaire associée).
trabéculations importantes du ventricule droit rendent ces
mesures difficiles. Les mesures qui ne dépendent pas de la
pathologie du ventricule systémique comme la mesure de
la DP/DT de l’insuffisance tricuspide ou la mesure de
l’onde S d’excursion de l’anneau tricuspide en pulsé DTI
sont utiles. La valve tricuspide est anatomiquement anormale, dysplasique voire avec maladie d’Ebstein dans près
de 90 % des études autopsiques [5]. L’existence d’une
fuite tricuspide précipite l’évolution vers la défaillance du
ventricule systémique.
Figure 8. Ventricule unique avec deux valves auriculoventriculaires.
Il arrive exceptionnellement de faire le diagnostic à
l’âge adulte de CC cyanogène réparable comme la tétralogie de Fallot (patient en général venant de pays défavorisés).
Cardiopathies congénitales cyanogènes
La plupart des CC laissées en situation à l’âge adulte
sont inopérables dès l’enfance. Elles sont rares. Trois situations principales peuvent expliquer cette situation :
– Il n’y a qu’un ventricule anatomique ou fonctionnel
(ventricule unique, atrésie tricuspide). Le sang se mélange
à l’intérieur dans la cavité univentriculaire et irrigue les
gros vaisseaux avec une éventuelle protection pulmonaire
par une sténose pulmonaire ;
– la vascularisation pulmonaire est incomplète et ne se
fait que par des collatérales aorto-pulmonaires (atrésie
pulmonaire avec CIV) ;
– il y a une HTAP fixée par une artériolite pulmonaire :
c’est le syndrome d’Eisenmenger, conséquence d’un shunt
gauche-droite négligé pendant de nombreuses années,
avec hypertrophie intimale, puis thrombose et occlusion
des artérioles pulmonaires ; d’où élévation des résistances
artériolaires pulmonaires et shunt droite-gauche cyanogène. Le shunt se fait donc en échographie droit gauche et
est de faible vélocité. Le ventricule droit travaille à pressions systémiques et s’adapte pendant très longtemps à
cette élévation des résistances pulmonaires (qui n’ont en
fait jamais baissé depuis la naissance) (figures 8, 9).
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Figure 9. Atrésie pulmonaire avec CIV. La vascularisation pulmonaire est assurée par des collatérales qui naissent de l’aorte descendante.
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Cardiopathies opérées
C’est la cohorte de patients la plus importante. Les
premières interventions réalisées à cœur ouvert datant des
années 1960, les enfants opérés alors sont maintenant des
adultes. La chirurgie a fait des progrès fulgurants durant
ces 30 dernières années. Les patients opérés sont en
général au fait de leur pathologie et ont un suivi surtout
dans les CC complexes. Cependant de nombreux patients
sont perdus de vue en général à la transition entre le suivi
pédiatrique et le suivi d’adulte. Il arrive donc que les
patients soient vus tardivement au stade de complications
de leur intervention (surtout rythmiques). Disposer du
compte rendu opératoire est fondamental, même si cela
est parfois difficile (chirurgie ancienne). Ce chapitre a pour
but de décrire brièvement les interventions les plus fréquentes réalisées et leurs aspects en échographie.
Cardiopathies souvent « guéries »
par la chirurgie
Ce sont les malformations simples : fermeture de CIV
et CIA, cure de sténose pulmonaire. Leur suivi doit être
minimal en l’absence de lésions associées. Seule la cure
de canal atrioventriculaire (associant une CIA ostium primum et valve auriculoventriculaire unique, associée ou
non à une CIV d’admission), peut laisser une fuite mitrale
qui évolue pour son propre compte et peut nécessiter une
intervention à l’âge adulte. Signalons que la ligature du
canal artériel peut se compliquer d’une reperméabilisation secondaire, si bien qu’on préfère aujourd’hui la
section-suture ou la fermeture par cathétérisme interventionnel.
La coarctation opérée, sa cure donne généralement de
bons résultats et la majorité des patients mènent une vie
normale dans l’enfance. Le risque de recoarctation n’est
pas négligeable, mais cette dernière est accessible à une
dilatation percutanée au ballon. Le risque d’hypertension
artérielle résiduelle de repos ou d’effort en l’absence de
recoarctation apparaît aujourd’hui assez fréquent, même
en cas d’opération précoce, d’où la nécessité d’un suivi
indéfini qui ne devra pas négliger la surveillance de la voie
aortique (bicuspidie, aorte ascendante) et la prévention de
l’endocardite.
La sténose aortique opérée dans l’enfance nécessite
également un suivi soigneux, car une réintervention pour
resténose ou fuite aortique est nécessaire chez 20 % au
moins des patients arrivés à l’âge adulte [6]. Il faut alors
substituer la valve malade soit par une valve mécanique,
soit, surtout chez les jeunes femmes, par la propre valve
pulmonaire du patient (intervention de Ross).
Cardiopathies « réparées » par la chirurgie
Séquelles de chirurgie sur la voie droite
Il s’agit essentiellement des réparations de la tétralogie
de Fallot. Celle-ci consiste en une fermeture de la CIV et
un élargissement de la voie pulmonaire par un patch, avec
souvent ouverture de l’anneau pulmonaire, ce qui laisse
en place une fuite pulmonaire longtemps asymptomatique. La fuite pulmonaire importante est responsable d’une
dilatation et éventuellement d’une dysfonction du ventricule droit au long cours, favorisant la survenue de troubles
du rythme ventriculaires sévères (rares). Une fuite importante est un jet large, bref, dilatant le ventricule droit, avec
un reflux diastolique vu dans les branches pulmonaires
(figure 10). Avec le temps, un nombre grandissant de
patients nécessitera une valvulation de la voie pulmonaire, parfois associée à des gestes complémentaires de
plastie tricuspide, ou résection d’anévrisme infundibulaire
[7].
Les pathologies de la voie droite se compliquant de
fuite pulmonaire sont nombreuses ; il peut s’agir de sténose valvulaire pulmonaire opérée, d’atrésies pulmonaires avec CIV ou de malpositions vasculaires avec CIV.
Ainsi, tous ces patients doivent se soumettre à une surveillance clinique régulière afin de décider du timing
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Figure 10. Tétralogie de Fallot réparée : fuite pulmonaire importante
en parasternal petit axe au Doppler couleur.
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Dossier – Cardiopathies congénitales
La tétralogie de Fallot native chez l’adulte entraîne une
cyanose, un souffle éjectionnel sur la voie pulmonaire, et
on peut observer des malaises anoxiques chez l’adulte dus
à la sténose infundibulaire dynamique. L’échographie fait
le diagnostic de CIV avec mal-alignement du septum
infundibulaire, aorte à cheval au-dessus de la CIV, sténose
sur la voie droite. En cas de cyanose importante, il existe
une hypertrophie des deux ventricules. Des explorations
complémentaires sont le plus souvent nécessaires (scanner ou IRM) pour préciser l’anatomie des branches pulmonaires et des coronaires et pour détecter une collatéralité
aortopulmonaire qui complique la chirurgie. Le cathétérisme cardiaque peut être dangereux chez des patients très
cyanosés.
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Dossier – Cardiopathies congénitales
Diagnostic des cardiopathies congénitales de l’adulte
d’une éventuelle valvulation pulmonaire. L’IRM devient la
technique de choix pour apprécier l’importance de la fuite
pulmonaire et l’anatomie des branches pulmonaires. Les
techniques de valvulation percutanées ne sont disponibles
actuellement que pour les patients ayant des voies pulmonaires calibrées (tube de moins de 22 mm) [8]. Les adultes
d’aujourd’hui qui ont été opérés d’une transposition des
gros vaisseaux l’ont été selon les techniques de plastie
intra-atriale de Mustard et Senning qui dérivent le sang des
veines caves au ventricule gauche connectées à l’artère
pulmonaire, et le sang des veines pulmonaires au ventricule droit connecté à l’aorte (figure 11). Les patients parfois peu au courant de leur pathologie opérés tôt dans la
vie peuvent se présenter avec trois types de problèmes :
des arythmies auriculaires (flutter) conduites parfois rapidement au ventricule et à l’origine de syncopes ; une
défaillance sinusale qui rend les thérapeutiques médicamenteuses hasardeuses et nécessite parfois la mise en
place d’un stimulateur définitif ; et enfin une détérioration
de la fonction du ventricule droit systémique, avec fuite de
la valve tricuspide, elle aussi laissée en position
systémique.
Au total, environ 20 % des sujets sont symptomatiques
après 20 ans [9]. Le suivi de ces patients doit être
rigoureux, car la plupart d’entre eux, asymptomatiques, se
croient guéris et ne consultent pas spontanément.
Les malaises, syncopes ou palpitations doivent faire
rechercher en urgence un trouble du rythme auriculaire.
La surveillance Holter est fondamentale. En cas de
ventricule défaillant, la transplantation cardiaque reste
souvent la seule issue. De nos jours, cette cardiopathie est
traitée par la nouvelle technique du switch artériel qui
donne des résultats très encourageants, mais les patients
sont de très jeunes adultes (20 ans environ). La surveillance porte essentiellement ici sur les coronaires
réimplantées.
Les interventions de type Fontan ou dérivations cavopulmonaires sont destinées aux cardiopathies de type
univentriculaire. Le principe est de faire passer le sang
veineux directement des veines caves aux artères pulmonaires sans l’aide d’une pompe ventriculaire. Les inconvénients de ces techniques sont liés au ralentissement du flux
veineux circulant « lentement » dans le système : thromboses (figure 12), stase cave inférieure avec hépatomégalie habituelle et plus rarement entéropathie exsudative
avec perte protidique majeure. Les troubles du rythme
auriculaire sont fréquents, mal tolérés et doivent être
traités activement [10].
Conclusion
Les pathologies cardiaques congénitales de l’adulte
forment un groupe hétérogène. Le diagnostic de CC natives à l’âge adulte n’est pas inhabituel, et est en général fait
par l’échographie transthoracique ou ETO. Le bilan des
lésions fait souvent appel à d’autres techniques (scanner et
IRM). Le cathétérisme cardiaque interventionnel se développe en raison du risque chirurgical accru chez ces
patients [11].
Cependant la plupart des patients ont déjà été opérés
dans l’enfance. Leur prise en charge est relativement spécialisée, mais fait appel à de nombreux intervenants qui
doivent travailler ensemble (cliniciens, échographiste, radiologues, cathétériseurs, rythmologues, chirurgiens et
réanimateurs). Elle doit tenir compte des techniques chirurgicales parfois anciennes et de leurs multiples séquelles, neurologiques et pulmonaires en particulier. Chaque
décision opératoire doit tenir compte du risque inhérent à
la réouverture sternale, qui n’est qu’une raison parmi
beaucoup d’autres qui font de la chirurgie cardiaque une
discipline à risque beaucoup plus élevé que chez l’enfant.
Les situations de cyanose sont aussi à très haut risque de
complications multiples, en particulier iatrogène [12].
V
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Figure 11. Transposition des gros vaisseaux + switch atrial en incidence 4 cavités. Flèche : chenal des veines pulmonaires.
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Figure 12. Intervention de Fontan pour atrésie tricuspide : VD virtuel,
OD ectasique, avec thrombus mural.
mt cardio, vol. 3, n° 2, mars-avril 2007
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Dossier – Cardiopathies congénitales
Références
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