Chapitre 3
Problèmes elliptiques non linéaires
Dans ce chapitre, on va présenter deux types de méthodes pour obtenir des résulats d’existence de solution pour
des problèmes elliptiques non linéaires : une méthode de compacité et une méthode de monotonie. On donnera
également une méthode pour obtenir un résultat d’unicité.
3.1 Méthodes de compacité
3.1.1 Degré topologique et théorème de Schauder
Objectif. Soit un ouvert borné de IR N,N1, ou un ouvert borné d’un espace de Banach E. Soit f
C(¯
,IR N)(ou fC(¯
,E)) et yIR N(ou yE). On cherche à montrer qu’il existe x¯
t.q. f(x)=y.
On commence par donner l’existence (et l’unicité) d’une application, appelée degré topologique, en dimension
finie puis en dimension infinie. Cette application nous permet parfois d’obtenir le thèorème d’existence de solution
recherché.
Définition 3.1 Soit N1. On note Al’ensemble des triplets (f,,y)est un ouvert borné de IR N,f
C(¯
,IR N)et yIR Nt.q. y∈ {f(x),x}.
Théorème 3.2 (Brouwer, 1933) Soit N1et Adonné par la définition 3.1. Il existe alors une application dde
Adans ZZ , appelée “degré topologique", vérifiant les trois propriétés suivantes :
(d1) (Normalisation) d(I,,y)=1si y.
(d2) (Degré d’une union) d(f,,y)=d(f,1,y)+d(f,2,y)si 12,12=et y∈ {f(x),
x¯
\12}.
(d3) (Invariance par homotopie) Si hC([0,1] ׯ
,IR N),yC([0,1],IR N)et y(t)∈ {h(t, x),x}(pour
tout t[0,1]), on a alors d(h(t, ·),,y(t)) = d(h(0,·),,y(0)) pour tout t[0,1].
Remarque 3.3 Des propriétés du degré topologique (données dans le théorème 3.2), on déduit 2 conséquences
très intéressantes :
1. d(f,,y)=0implique qu’il existe xt.q. f(x)=y.
2. Soit Aune matrice N×Ninversible, est un ouvert borné de IR Net yIR Nt.q. A1y. On pose
f(x)=Ax pour xIR N. On a alors (f,,y)Aet d(f,,y)est égal au signe du déterminant de A, on
a donc d(f,,y)=0.
38
3.1. MÉTHODES DE COMPACITÉ CHAPITRE 3. PROBLÈMES ELLIPTIQUES NON LINÉAIRES
La remarque 3.3 nous donne une méthode pour trouver des solutions à des problèmes non linéaires. Soit N1,
un ouvert borné de IR N,fC(¯
,IR N)et yIR N. On cherche à montrer qu’il existe xt.q. f(x)=y.
Pour cela, on construit une application hde [0,1] ׯ
dans IR Nt.q.
1. h(1,·)=f,
2. h(0,·)=gavec glinéaire inversible et t.q. y{g(x),x}.
3. h(t, x)=ypour tout t[0,1] et tout x.
On obtient alors d(f,,y)=d(g, ,y)=0et donc qu’il existe xt.q. f(x)=y.
On peut remarquer que dans le cas N=1, cette méthode dite de “degré topologique" que l’on vient de décrire
n’apporte rien de plus que le théorème des valeurs intermédiaires. Elle est donc sans intérêt si N=1.
Un première conséquence de cette méthode de “degré topologique" est le théorème de point fixe de Brouwer que
nous donnons maintenant.
Théorème 3.4 (Point fixe de Brouwer) Soit N1,R>0et fC(BR,B
R)avec BR={xIR N,x≤
R}. (On a muni IR Nd’une norme notée ·.) Alors fadmet un point fixe, c’est-à-dire qu’il existe xBRt.q.
f(x)=x.
Démonstration Si il existe xBR(c’est-à-dire t.q. x=R) t.q. f(x)=x, il n’y a plus rien à démontrer.
On suppose donc maintenant f(x)=xpour tout xBR. On pose alors ={xIR N,x<R}(ce qui
donne BR=¯
) et, pour t[0,1] et xBR,h(t, x)=xtf(x). Il est facile de voir que h(t, x)=0pour tout
x={xIR N,x=R}. On en déduit que d(h(1,·),,0) = d(h(0,·),,0) = d(I,,0) = 1 et donc
qu’il existe xt.q. f(x)=x
Le théorème 3.2 a été généralisé (dès 1934) en dimension infinie par Leray et Schauder sous une hypothèse de
compacité que nous donnons maintenant
Définition 3.5 Soit Eun espace de Banach (réel), Bune partie de Eet fune application de Bdans E. On
dit que fest compacte (la terminologie de Leray-Schauder est différente, ils utilisent l’expression “complètement
continue") si fvérifie les deux propriétés suivantes :
1. fest continue,
2. {f(x),xC}est relativement compacte (dans E) pour tout partie Cbornée de B.
On peut remarquer, dans la définition précédente, que si fest linéaire (et B=E) la deuxième condition entraîne
la première. Mais ceci est faux pour des applications non linéaires.
Définition 3.6 Soit Eun espace de Banach (réel). On note Al’ensemble des triplets (If,,y)est un
ouvert borné de E,fest une application compacte de ¯
dans E(ce qui est équivalent à dire que fest continue et
{f(x),x¯
}est une partie relativement compacte de E). et yEt.q. y∈ {f(x),x}.
Théorème 3.7 (Leray, Schauder, 1934) Soit Eun espace de Banach (réel) et Adonné par la définition 3.6. Il
existe alors une application dde Adans ZZ , appelée “degré topologique", vérifiant les trois propriétés suivantes :
(d1) (Normalisation) d(Id,,y)=1si y.
(d2) (Degré d’une union) d(If,,y)=d(If, 1,y)+d(If,2,y)si 12,12=et
y∈ {xf(x),x¯
\12}.
EDP, Télé-enseignement, M2 39 Université Aix-Marseille 1,R. Herbin, 13 janvier 2011
3.1. MÉTHODES DE COMPACITÉ CHAPITRE 3. PROBLÈMES ELLIPTIQUES NON LINÉAIRES
(d3) (Invariance par homotopie) Si hest une application compacte de [0,1] ׯ
dans E(ce qui est équivalent
à dire que hest continue et {h(t, x),t [0,1],x ¯
}est une partie relativement compacte de E),
yC([0,1],E)et y(t)∈ {xh(t, x),x}(pour tout t[0,1]), on a alors d(Ih(t, ·),,y(t)) =
d(Ih(0,·),,y(0)) pour tout t[0,1].
Comme dans le cas de la dimension finie (voir la remarque 3.3), des propriétés du degré topologique (données dans
le théorème 3.7), on déduit que d(If,,y)=0implique qu’il existe xt.q. xf(x)=y. Pour donner
l’analogue de la seconde propriété de la remarque 3.3, nous avons besoin d’un deuxième théorème dû à Leray et
Schauder que nous donnons maintenant.
Théorème 3.8 (Application linéaire compacte) Soit Eun espace de Banach (réel), Lune application linéaire
compacte de Edans Eet un ouvert borné contenant 0.
1. Si 1n’est pas valeur propre de L(c’est-à-dire (Lx =x)x=0), alors (IL, ,0) A(Aest donné
par la définition 3.6) et d(IL, ,0) =0.
2. Si (Lx =x)x∈ , alors (IL, ,0) A(Aest donné par la définition 3.6) et d(IL, ,0) =0.
Il est facile de voir que la seconde assertion du théorème est une conséquence de la première. On peut maintenant,
comme en dimension finie, donner une méthode pour trouver des solutions à des problèmes non linéaires. Soit E
un espace de Banach, un ouvert borné de E,fune application de ¯
dans E. On cherche à montrer qu’il existe
xt.q. xf(x)=0(quitte à changer f, on peut toujours se ramener à cette forme). Pour cela, on construit
une application hde [0,1] ׯ
dans E, compacte et t.q.
1. h(1,·)=f,
2. h(0,·)=Lavec Llinéaire de Ede E,
3. xh(t, x)=0pour tout t[0,1] et tout x.
On obtient alors d(If,,0) = d(IL, ,0) =0et donc qu’il existe xt.q. xf(x)=0.
Comme en dimension finie, une première conséquence de l’existence du degré topologique est l’obtention d’un
théorème de point fixe que nous donnons maintenant.
Théorème 3.9 (Point fixe de Schauder) Soit Eun espace de Banach, R>0,BR={xE, x≤R}et fune
application compacte de BRdans BR(c’est-à-dire fcontinue et {f(x),xBR}relativement compacte dans
E). Alors fadmet un point fixe, c’est-à-dire qu’il existe xBRt.q. f(x)=x.
Démonstration La démonstration est très voisine de celle du théorème 3.4. Si il existe xBR(c’est-à-dire t.q.
x=R) t.q. f(x)=x, il n’y a plus rien à démontrer. On suppose donc maintenant f(x)=xpour tout xBR.
On pose alors ={xE, x<R}(ce qui donne BR=¯
) et, pour t[0,1] et xBR,h(t, x)=tf(x). Il
est facile de voir que xh(t, x)=0pour tout x={xIR N,x=R}. La compacité de hse déduit de
celle de f. On en déduit alors que d(Ih(1,·),,0) = d(Ih(0,·),,0) = d(I,,0) = 1 et donc qu’il existe
xt.q. f(x)=x.
Le théorème de Schauder est faux si on remplace l’hypothèse de compacité de fpar la simple hypothèse de
continuité. Toutefois, la difficulté principale dans l’utilisation du théorème de Schauder (ou, plus généralement,
dans l’utilisation du degré topologique) est souvent de montrer la continuité de f(ou, dans l’utilisation du degré
topologique, la continuité de l’application notée hci avant).
EDP, Télé-enseignement, M2 40 Université Aix-Marseille 1,R. Herbin, 13 janvier 2011
3.1. MÉTHODES DE COMPACITÉ CHAPITRE 3. PROBLÈMES ELLIPTIQUES NON LINÉAIRES
3.1.2 Existence avec le théorème de Schauder
On travaille dans cette section avec les hypothèses suivantes :
N1,est un ouvert borné de IR N,
a:×IR IR Nest une fonction de Carathéodory ,
il existe α>0,βIR t.q. αa(·,s)βp.p. et pour tout sIR ,
fL(×IR ) .
(3.1.1)
Sous ces hypothèses, on cherche à montrer l’existence de u, solution du problème suivant :
uH1
0(),
a(x, u(x))u(x)·v(x)dx =
f(x, u(x))v(x)dx, pour tout vH1
0().(3.1.2)
Théorème 3.10 Sous les hypothèses (3.1.1), il existe usolution de (3.1.2).
Démonstration Pour ¯uL2(), le chapitre sur les équations elliptiques linéaires nous donne l’existence et
l’unicité de usolution de
uH1
0(),
a(x, ¯u(x))u(x)·v(x)dx =
f(x, ¯u(x))v(x)dx, pour tout vH1
0().(3.1.3)
On pose Tu)=u. L’application Test donc une application de Edans Eavec E=L2(). Un point fixe de T
est une solution de (3.1.2). Pour démontrer l’existence d’un tel point fixe, on va utiliser le théorème 3.9.
Tout d’abord, en utilisant α, l’inégalité de Poincaré et la borne Lde f, on montre facilement que l’image de T
est dans un borné de H1
0()et donc (par le théorème de Rellich) dans un compact de L2(). En prenant Rassez
grand, l’application Tenvoie donc BR={vL2(),v2R}dans BRet {Tu),¯uBR}est relativement
compacte dans L2(). Pour utiliser le théorème 3.9, il reste à montrer la continuité de T.
Soit un)nIN une suite de Et.q. ¯un¯udans E, quand n+. On pose un=Tun). Après extraction d’une
sous suite, on peut supposer que ¯un¯up.p. et qu’il existe wH1
0()t.q. unwfaiblement dans H1
0()(et
donc aussi unwdans L2()). On va montrer que west solution de (3.1.3). En effet, Soit vH1
0(), on a
a(x, ¯un(x))un(x)·v(x)dx =
f(x, ¯un(x))v(x)dx, pour tout vH1
0().
En passant à la limite quand n+(en utilisant la convergence dominée et le passage à la limite sur le produit
d’une convergence faible et d’une convergence forte dans L2), on obtient
a(x, ¯u(x))w(x)·v(x)dx =
f(x, ¯u(x))w(x)dx, pour tout vH1
0().
Ceci prouve que w=Tu). On a donc prouvé, après extraction d’une sous suite, que Tun)Tu)dans L2().
Par un raisonnement classique par l’absurde on peut montrer que cette convergence reste vraie sans extraction de
sous suite. On a ainsi démontrer la continuité de T. On peut donc appliquer le théorème 3.9 et conclure à l’existence
d’un point fixe de Tce qui termine cette démonstration.
EDP, Télé-enseignement, M2 41 Université Aix-Marseille 1,R. Herbin, 13 janvier 2011
3.1. MÉTHODES DE COMPACITÉ CHAPITRE 3. PROBLÈMES ELLIPTIQUES NON LINÉAIRES
3.1.3 Existence avec le degré topologique
On donne maintenant une application du degré topologique, qui pourrait d’ailleurs aussi se faire par le théorème
de Schauder.
On reprend le même problème que dans le paragraphe 3.1.1 en supprimant l’hypothèse fbornée qui permettait
une application simple du théorème de Schauder.
On considère l’équation de diffusion – convection réaction suivante :
uH1
0()
a(x, u(x))u(x)·v(x)+
G(x)ϕ(u(x)) ·v(x)dx =
f(x, u(x))v(x)dx, vH1
0()
(3.1.4)
qui est la formulation faible du problème suivant :
div(a(x, u)u)div(G(x)ϕ(u)) = f(x, u),x
u=0sur .
(3.1.5)
Notons que cette équation est non linéaire pour trois raisons : les termes de diffusion, convection et réaction sont
non linéaires. On se place sous les hypothèses suivantes :
(i)est un ouvert borné deIR N,N1
(ii)aest mesurable pour tout xIR (1re variable) continue par rapport à la 2me variable.
(iii)α,β>0; αa(x, s)βsIR p.p. x
(iv)GC1(¯
),divG=0
(v)C10; |ϕ(s)|C1ssIR
(vi)fest une fonction de Carathéodory, et C20et dL2(); |f(x, s)|d(x)+C2|s|
(vii)lim
s±
f(x, s)
s=0
(3.1.6)
Remarque 3.11 (Sur l’existence et l’unicité des solutions de (3.1.4))Dans le cas où a1,ϕ=0et fest de la
forme f(s)=d+λsou λest une valeur popre du Laplacien et dun réel, le problème (3.1.5) devient u=λu+d,
qui n’a une solution que si dest orthogonal à l’espace propre associé à λ, et dans ce cas on n’a pas unicité. C’est
pour assurer l’existence qu’on rajoute l’hypothèse de sous–inéarité sur f.
Remarque 3.12 (Coercivité) Lorsque div G=0, on n’est plus dans le cadre coercif, le problème devient beau-
coup plus difficile (voir thèse de J. Droniou).
Théorème 3.13 (Existence) Sous les hypothèses (3.1.6), il existe une solution de (3.1.4).
Démonstration Essayons d’abord d’appliquer le théorème de Schauder. On se ramène au problème linéaire sui-
vant :
au)u·vdx+
Gϕu)·vdx=
fu)vdxWH1
0()(3.1.7)
EDP, Télé-enseignement, M2 42 Université Aix-Marseille 1,R. Herbin, 13 janvier 2011
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