Wesseling H., Les empires coloniaux européens 1815

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Wesseling H., Les empires coloniaux européens 1815-1919, Paris, 2009
Chapitre 1 : Evolutions à long terme, 1815-1919
Les Hommes
Sociétés coloniales
Société coloniale essentiellement société d’hommes, femmes étant rares. Levée des entraves permit
venue de femmes européennes dans colonies. Si rapport hommes/femmes était 100/47 aux Indes
néerlandaises en 1910, passe à 100/88 en 1930. Même si polygamie interdite, pas rare, notamment parmi les
soldats, de trouver hommes ayant plusieurs épouses. Pour certains mariages mixtes et multiples vus comme
un moyen de fraternisation avec populations indigènes. Français et Anglais voyaient femmes indigènes
comme bons moyens de découvrir langue et coutumes des sociétés indigènes. Toutefois, dès milieu XIXème
siècle mariages mixtes sont peu à peu moins bien considérés. En 1909 ministre anglais des Colonies interdit
à fonctionnaires coloniaux de fréquenter femmes autochtones. De même Gallieni et Lyautey désapprouvent
mariage des fonctionnaires et militaires.
Les Marchandises
Les infrastructures coloniales
En 1845 les Anglais fondent leur première société de construction de chemin de fer en Inde, l’East
Indian Railway Co. La pose des premiers rails commença en 1852 entre Bombay et Kalyani. En 1902 l’Inde
britannique disposait d’un réseau ferré d’environ 42.000 kilomètres. En 1914, dans les colonies
néerlandaises seules environ 2.300 kilomètres étaient couverts de rails. A partir de 1879 la France planche
quant à elle sur une voie ferrée transaharienne. De même le projet d’une voie transafricaine fut évoqué. Les
deux ne verront jamais le jour. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses voies ferrées furent malgré
tout réalisées au sein des colonies françaises.
Télégraphe installé par Anglais au moment de premières voies ferrées en Inde. La France se relie
télégraphiquement avec l’Algérie en 1861. Autres colonies françaises ne connurent ces infrastructures que
plus tard.
Les Pouvoirs
Administration coloniale
Administration directe et indirecte : Il existe trois formes d’administration coloniale : protectorat,
colonie et zone considéré comme composante de la patrie du colonisateur. Le système du protectorat a
permis de remédier à une extension trop rapide des empires coloniaux. Le principe en est que le souverain
du pays conserve ses pouvoirs en matière de politique intérieure, mais est sujet du colonisateur pour ce qui
est de la politique extérieure. De fait la tutelle des protectorats relevait du ministère des Affaires étrangères.
Si au départ les protectorats avaient des portées limitées, celles-ci s’étendirent peu à peu avec l’idée,
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introduit par les Anglais au cours des années 1880, que l’exercice du protectorat dans des terres non
civilisées impliquait le droit d’assumer une juridiction. Peu à peu la distinction protectorat/colonie perdit de
sa substance.
Outre la différence protectorat/colonie, il existe celle entre assimilation et association. Si la première est
relativement ancienne (fin XVIIIème siècle), la seconde est plus récente (années 1890). De même si la
politique fut de prime abord l’assimilation, l’extension importante de l’Empire amena les autorités a prôné
un système d’administration indirecte se basant sur le respect des us et coutumes et de la religion des
populations indigènes. Toutefois, celui-ci n’était qu’un fonctionnaire à la solde du colonisateur, ce dernier
exerçant de fait le pouvoir.
Systèmes juridiques et systèmes fiscaux : Un des arguments légitimant le pouvoir colonial était
promotion de civilisation européenne et donc sa législation. Toutefois, dans faits législations coloniales
dépendaient en grande partie des traditions locales, mais subordonnées à jurisprudence française. En Inde
situation était variée puisqu’à Bombay droit coutumier hindou s’appliquait alors qu’au Bengale et à Madras
c’était forme de législation hindoue anglaise et au Pendjab droit coutumier anglais. Si dans plupart des
territoires des colonies, populations indigènes concevaient droit foncier celui-ci n’englobait pas pleine
propriété, mais des droits d’usage (chasse, cueillette etc…). Importance de la propriété foncière et des fixés
sur celle-ci entraîna obligatoire monétarisation d’économie indigène et força indigènes au travail salarié.
Les Idées
Enseignement
L’orientation donnée à l’enseignement repose sur plusieurs questions fondamentales : doit-il
s’adresser aux masses ou tendre à former une élite ? Occidentalisation ou transmission de la tradition ? Les
Anglais firent le choix d’angliciser les élites indiennes. Un enseignement était donné aux masses en bengali
et en hindi, mais il s’agit d’initiatives privées et non d’une volonté de l’Etat colonial. En Indochine française
au départ, seuls des interprètes étaient formés, l’enseignement des masses étant confié aux écoles locales
préexistantes. Plus tard un enseignement franco-indigène d’Etat se développa. Du fait de ces diversités les
résultats d’alphabétisation sont très hétérogènes à la fin de la période coloniale, les chiffres oscillant entre
8% pour l’Indonésie et 50% pour les Philippines, en passant par 10% pour l’Indochine française et 12% pour
l’Inde britannique. Dans le cas des Indes néerlandaises et du Congo belge les masses recevaient une
éducation élémentaire en langue indigène tandis que les élites indigènes étaient éduquées à l’occidentale
avec la langue européenne comme vecteur. En Afrique subsaharienne l’enseignement ne commence à
s’organiser qu’au début du XXème siècle, les missions assurant cette tâche auparavant. Dans celles-ci
l’enseignement était dispensé dans la langue européenne et de façon exceptionnelle en langue locale. Le
programme était axé sur l’apprentissage des fondamentaux (lecture, écriture, religion). L’acquisition de ces
savoirs permettait aux indigènes de s’assurer l’éventualité de carrières dans l’administration coloniale ou le
clergé. La loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat coupa tous les crédits aux missions et obligea
à un développement des infrastructures scolaires publiques dans les colonies. A noter que dans les régions
de confession islamique sous domination anglaise, le travail des missions fut quelque peu freiné du fait de
possibles répercussions parmi la population islamique.
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II. La première moitié du XIXème siècle, 1815-1870
Evolutions coloniales, 1815-1870
Les Caraïbes
La Grande Bretagne : Economie des colonies caribéennes britanniques dépendait des esclaves
travaillant au sein des plantations. A noter que la présence blanche est très faible, 1/10 en Jamaïque et 1/20
en Guyane britannique. Toutefois, une classe moyenne, composée de sangs mêlés, d’esclaves affranchis et
des descendants de ses derniers, prend peu à peu son essor. Si les « anciennes colonies » pouvaient posséder
des Assemblées élues et des conseils législatifs nommés qui détenaient de grands pouvoirs en matière de
douanes et d’impôts, les colonies plus récentes sont directement soumises au pouvoir de Londres. Après
l’insurrection de 1865 les pouvoirs locaux de Jamaïque cèdent leurs pouvoirs à la Couronne.
La France : Suite à l’abolition de l’esclavage en 1848, environ 70.000 Indiens furent exportés vers les
territoires caribéens français. Toutefois, l’invention du sucre de betterave fit que les Caraïbes françaises
connurent un long déclin par rapport à leur situation du XVIIIème siècle.
Les Pays-Bas : En 1863 les Caraïbes néerlandaises étaient assez peu peuplées, environ 33.000
personnes, et leur utilité principale était le commerce. Toutefois, la prise en main du commerce de cette
région par les Américains et les Anglais entraîne un déclin du commerce néerlandais. Peu après
l’administration fut complètement réorganisée, les îles et le Surinam étant gouvernées par un seul
gouverneur général, établi au Surinam. L’abolition de l’esclavage en 1863 eut des conséquences
catastrophiques pour les planteurs. Une tentative de colonisation agraire par des individus libres fut tenté,
mais sans grand succès. Par conséquent, à partir de 1873 les planteurs néerlandais recherchèrent le service
de travailleurs sous contrat en provenance des Indes britanniques et de Java.
L’Espagne : Economiquement ces îles sont centrées sur la culture du sucre. Celle-ci fonctionnait
grâce aux esclaves. Ces derniers furent importés même après 1820, date de l’interdiction officielle. En
complément des travailleurs d’Asie, environ 100.000, furent appelés par les autorités cubaines. A noter
également que malgré les mouvements bolivaristes en Amérique du Sud, Cuba est restée fidèle à la
Couronne d’Espagne. Toutefois, les échecs des tentatives de réformes autonomistes entraînèrent une révolte,
appelée la guerre de Dix Ans, entre 1868 et 1878. Malgré tout la paix entérine la domination espagnole. Au
cours des années 1890 une nouvelle révolte éclata et l’île put prendre son indépendance. Porto Rico connut à
peu près les mêmes évènements à la même époque.
L’Afrique du sud et l’Afrique australe
Au début des années 1850 l’Afrique du sud est occupée par les colonies britanniques du Cap et du
Natal, ancienne république Boer annexée, sur les côtes et les républiques Boers d’Orange et du Transvaal à
l’intérieur des terres. Même si économiquement l’intérêt est limité, stratégiquement Le Cap est très
importante sur la route vers l’Inde. A noter que les populations de chacune des entités politiques
européennes sont largement composées d’esclaves. A partir de 1872 Le Cap peut se gouvernement de façon
autonome grâce à un gouvernement dirigé par un Premier ministre. Celui-ci est responsable est devant le
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Parlement. Le gouverneur général prend la place constitutionnelle de chef d’Etat et demeure hautcommissaire pour l’Afrique du Sud ce qui lui permet de contrôler les relations diplomatiques avec les Etats
voisins. Le Natal obtient quant à lui son autonomie en 1892. Les volontés d’expansion des différentes
colonies, anglaises ou néerlandaises, aboutissent très tôt à des guerres contre les populations Noires.
L’Asie
Les Indes néerlandaises
Peu avant le milieu du XIXème siècle, le « système » des cultures est instauré par Van den Bosch.
Celui-ci a pour but de faire travailler les populations indigènes pour les plantations d’Etat (café, thé, sucre
etc… réparties sur environ 20% des terres agricoles disponibles) pendant un temps donné, max 66 jours,
pour une rémunération modique. La production est ensuite acheminée aux Pays-Bas pour être vendue aux
enchères. Les chefs locaux aidaient au recrutement des travailleurs en percevant une partie des recettes du
travail. Ceci aboutit à une certaine reféodalisation des sociétés des Indes. De même vu que les fonctionnaires
coloniaux pouvaient prendre une part des bénéfices, les populations étaient exploitées un peu plus. De même
l’impôt de la « landrente » (l’exploitant donnant 2/5ème de sa production à l’administration coloniale) pesait
également sur le travail effectué au moment des corvées. Toutefois, malgré les grands problèmes que cela a
amené (économie à deux vitesses et parfois famines du fait de la diminution de rizières au profit des
plantations plus rentables), ce système a permis la progressive monétarisation et la diversification de
l’économie des Indes néerlandaises. A partir des années 1860 le système Van den Bosch fut peu à peu
démantelé par les libéraux.
L’Inde britannique
Au début des années 1850 l’expansion territoriale britannique en Inde était quasiment achevée,
l’immense majorité du sous-continent étant passée sous la domination (directe ou indirecte) de l’empire
britannique. A cette époque le gouverneur général, lord Bentick, promeut l’enseignement technique ainsi
que la possibilité du remariage pour les veuves. Economiquement il chercha à mettre en place le chemin de
fer, la poste, le télégraphe ainsi qu’un aménagement du système d’irrigation.
L’Indochine
Géographiquement l’Indochine comprend la Birmanie, le Siam, la Malaisie, le Laos, le Cambodge, le
Vietnam et le Siam, actuelle Thaïlande. Les conquêtes coloniales ont fait que la Birmanie est devenue
britannique alors que le reste est français, sauf le Siam qui était indépendant, le but étant d’avoir un état
tampon entre les possessions anglaises et françaises. L’intérêt français pour une implantation durable dans le
sud-est asiatique nait au cours des années 1850-60. Très vite, après une petite guerre en 1862, l’empereur
d’Annam reconnait la souveraineté de la France sur la région de Saigon. L’année suivante le roi du
Cambodge, vassal du Siam, se met sous protectorat français.
La Chine et le Japon
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Suite à la première guerre de l’opium (1839-1842) la Chine concède la possession de Hongkong à
l’Angleterre.
Le Pacifique
Les Philippines
Ces îles sont dominées depuis le XVIème siècle par les Espagnols. Toutefois, ce n’est qu’à la fin du
XIXème que le pouvoir espagnol va totalement s’étendre sur l’ensemble des îles, auparavant celui-ci était
confiné au Nord. En matière économique les Espagnols voulurent stimuler la culture de « cash crops »
(agriculture à forte valeur ajoutée), mais cela ne réussit que pour le tabac. Par ailleurs, le poids de l’Eglise
catholique était très important puisque le clergé possédait d’importantes propriétés foncières. A noter
également que le crédit et le commerce sont essentiellement tenus par les Anglais, Américains et Chinois.
Chapitre IV : L’impérialisme européen en Afrique
L’Afrique du Nord
La Tunisie
Même si en 1881 la Tunisie demeure théoriquement une subdivision de l’Etat ottoman, il est clair
que dans les faits il s’agit d’un Etat indépendant. A cette date la France intervient en Tunisie afin de couper
l’herbe sous le pied de l’Italie, d’assurer ses créances auprès de l’Etat tunisien, de sécuriser la frontière
orientale de l’Algérie et de faire revenir la France sur la scène des grandes puissances internationales.
L’Egypte
Suite à des troubles internes, l’Angleterre et la France s’allièrent en 1882 pour protéger leurs intérêts
financiers du canal de Suez et des dettes contractées par l’Etat égyptien. Devant la menace d’une guerre la
France se retire et l’Angleterre défait facilement les forces égyptiennes. Si au départ l’intervention devait
être de courte durée, le temps de récupérer ses créances, elle se prolongea jusqu’en 1951 du fait de
l’incapacité de l’Etat égyptien à les remboursées. C’est seulement à partir de décembre 1914 que l’Egypte
devient officiellement un protectorat anglais.
Le Maroc
Suite à la « perte » de l’Egypte en 1882 les Français veulent trouver une consolation : le Maroc. Cet
intérêt vient assez tardivement du fait de l’enclavement naturel du pays. Le chérif (chef politique et spirituel)
ne contrôle malgré tout que les alentours de Fès, Meknès, Marrakech et Rabat, le reste étant des territoires
où son autorité ne s’étend que lors de pouvoirs forts. Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle le
Maroc est de plus en plus intégré au commerce mondial. Néanmoins, la pénétration européenne aboutit à la
contraction de dettes de la part du chérif auprès des puissances européennes. Ceci l’oblige à faire affermer
ses douanes et ses régies par des étrangers. En 1906 la conférence d’Algésiras affirme que la France a un
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rôle majeur à jouer au Maroc, aux côtés de l’Espagne. Malgré la nomination d’un contre sultan en 1907 par
les populations du sud, la situation de protectorat est entérinée par le traité de Fès en mars 1912. Si certaines
zones côtières sont apanages espagnoles, le reste des terres sont sous contrôle français.
Le Maghreb jusqu’en 1914
Du point de vue administratif si l’Algérie était considérée comme partie intégrante du territoire
français, la Tunisie et le Maroc sont des protectorats. Néanmoins, dans chaque cas l’hégémonie française est
totale. En ce qui concerne l’Algérie, pendant longtemps son gouvernement a été complexe, la bureaucratie
parisienne étant jugée trop pesante et l’influence des Français en Algérie trop faible. Une réforme est menée
entre 1896 et 1898. Celle-ci aboutit à l’intégration de membres élus au sein du Conseil supérieur de
l’Algérie. De même le conseil chargé du budget algérien voit le jour. Il demeure toujours que le pouvoir
exécutif est dans les mains du gouverneur général, seuls la jurisprudence pour les Français d’Algérie, les
finances et l’enseignement lui échappant. Enfin, des représentants des Français d’Algérie sont désormais
élus dans les Chambres métropolitaines (3 au Sénat et 6 à la Chambre des Députés). A partir de 1884
certains Algériens (propriétaires fonciers et titulaires d’une médaille française) peuvent voter pour les
conseils communaux, mais cela représente seulement environ 1%. En matière de jurisprudence les Français
et les Européens sont soumis aux lois françaises alors que les Algériens demeurent sous le joug de la loi
islamique. Outre cela les musulmans étaient assujettis aux impôts directs et indirects français tout en gardant
des devoirs vis-à-vis de la fiscalité coutumière (impôts sur les chevaux, moutons, chameaux etc…).
En Tunisie si le pouvoir était toujours nominativement dans les mains du souverain local, son exercice était
le fait du résidant général français qui était à la fois ministre des Affaires étrangères et président du conseil
des ministres du bey. Par ailleurs l’administration du bey travaillait sous la surveillance de contrôleurs
français. Le système administratif resta dans sa globalité le même, mais en ce qui concerne la justice et
l’enseignement des dispositions spéciales furent prises pour les Européens. Au Maroc, à l’instar de la
Tunisie, le sultan demeure le chef du pays et ne perdait la main que sur la justice, la défense, la diplomatie et
les finances. Toutefois, dans les faits le résidant général contrôlait tous les pouvoirs. Administrativement le
Maroc est progressivement découpé en régions. En matière judiciaire les Européens doivent se plier aux lois
françaises alors que les Marocains sont assujettis au système judiciaire local.
L’Afrique de l’Ouest
Les royaumes islamiques
L’expansion anglaise en Afrique de l’Ouest commence au cours des années 1870 avec la West Africa
Company au Niger, mais ces comptoirs s’étendent essentiellement autour du delta du Niger. Au départ les
contacts commerciaux se limitaient à l’huile grâce à l’intercession de middlemen africains entre les
producteurs et les Anglais. Toutefois, peu à peu sous l’impulsion de George Goldie des contacts sont noués
directement avec les producteurs du Niger inférieur. Du côté français les velléités d’expansion avaient
principalement des buts politiques, l’établissement de larges possessions françaises dans la région. Cela
aboutit au cours des années 1880/90 à la confrontation avec l’empire toucouleur et de Samori entre le Niger
et le Soudan. Les tensions nées des expansions franco-anglaises furent apaisées par un accord en 1898.
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L’Afrique Occidentale française (AOF)
L’AOF est une fédération de différentes colonies françaises éparpillées. Elle fut instaurée en juin
1895 et se composait, au départ, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Dahomey et de la Guinée, le Soudan
français demeurant sous administration militaire. Dès 1902 le gouverneur général de l’AOF dispose de
pouvoirs étendus et à partir de 1903 et 1904 il peut accéder au marché français des capitaux et détient une
autonomie budgétaire. Ernest Roume (gouverneur entre 1902 et 1904) entame une politique de travaux
publics (chemins de fer), améliore l’enseignement public et crée un embryon de service public de santé. A
partir de 1911 l’AOF s’agrandit et intègre le Haut Sénégal, le Niger, la Mauritanie et le Tchad-Niger. Le
gouverneur général siège à Dakar. Chaque composante était dirigée par un gouverneur, subordonné au
gouverneur général. Les composantes étaient subdivisées en cercles, avec un commandant de cercle qui
détenait l’ensemble du pouvoir administratif dans le cercle. Les cercles étaient quant à eux divisés en
cantons, chaque canton regroupant plusieurs villages. Par ailleurs, si les chefs traditionnels sont conservés au
départ, ils sont peu à peu éliminés. Toutefois, l’autorité française ne s’appliquait pas partout, des poches au
Tchad-Niger ou en Mauritanie, restant longtemps insoumises. La diversité ethnique, linguistique et
religieuse est très grande, la quasi-totalité des indigènes étant musulmans ou animistes (les catholiques étant
peu nombreux). L’économie reposant essentiellement sur le troc, les maisons de commerce sont capitales. Si
au départ plusieurs nationalités sont représentées en leurs seins, peu à peu les entreprises françaises
établissent un monopole. Les autorités coloniales développent des infrastructures de transport, notamment
un réseau ferroviaire, d’environ 2.500 kilomètres en 1914. Au sein de l’AOF on peut distinguer quatre
anciennes possessions converties en « communautés de plein exercice » dont l’autonomie est garantie. Il
s’agit de Gorée, Saint-Louis, Rufisque et Dakar. Celles-ci ont le même statut que les communes
métropolitaines et possède leur propre Conseil général et un siège à la Chambre des députés. A partir de
1912 les indigènes peuvent acquérir le statut de citoyen français, mais pour cela ils doivent effectuer leur
service militaire et s’engager à la monogamie.
L’Afrique Occidentale allemande : le Togo et le Cameroun
L’Allemagne acquiert deux colonies grâce à des traités signés avec des chefs africains en juillet
1884. Au Togo l’administration coloniale allemande conserva la structure économique existante et la
production agricole demeure aux mains des petits producteurs indigènes. Cette « modération », selon
Wesseling, peut peut-être s’expliquée par la faiblesse de la présence allemande et européenne, seulement 96
individus en 1895 et moins de 500 en 1914. L’administration allemande se concentrait autour de la côte et
de Lomé, la capitale, alors que les terres intérieures étaient sous la responsabilité des chefs indigènes. Le
Cameroun allemand s’étendait, au départ, de l’est du delta du Niger au sud-ouest du lac Tchad. Puis suite à
la crise d’Agadir, en 1911, il gagne des portions de territoires sur l’AEF. Le littoral était fortement
développé et les Duala servaient d’intermédiaires commerciaux avec les populations du nord du pays. Cette
région fut assujettie à l’Allemagne peu après 1900, mais l’autorité demeurent dans les mains des chefs
autochtones et les missionnaires ne sont pas autorisés à prêcher dans cette région. L’administration coloniale
est dirigée par un gouverneur, assisté d’un conseil consultatif à partir de 1903. Le gouverneur est chef de
l’armée et juge suprême. Les districts sont quant à eux mis sous l’autorité d’un Bezirkesamtmänner. L’armée
coloniale est composée de vraies troupes (les Schutztruppen) à partir de 1895, auparavant il s’agissait plus
de milices (les Polizeitruppen). Economiquement les autorités coloniales créèrent deux compagnies par
lesquelles elles entendaient développer le pays par l’apport de capitaux européens, mais une main d’œuvre
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africaine. A noter que cette dernière était souvent recrutée de manière forcée. La monétarisation de
l’économie, par l’instauration d’impôts directs, résolu en partie ce problème.
L’Afrique Occidentale britannique
Le partage franco-britannique de l’Afrique de l’Ouest en 1898 fixait les territoires britanniques avec
la Gambie, le Sierra Léone, la Côte-de-l’Or et le Nigéria. La Sierra Leone est née du territoire donné par les
Britanniques à leurs anciens esclaves. Peu à peu des esclaves d’Amérique sont venus à cette population et
créèrent un nouveau groupe ethnique, les créoles. Du fait des difficultés d’adaptation des Blancs au climat,
ceux-ci devinrent rapidement l’élite administrative du pays. Sur la Côte-de-l’Or les Britanniques durent se
battre avec les Ashanti jusqu’en 1901, date de l’annexion de l’empire Ashanti. La Côte-de-l’Or et Ashanti
formait deux colonies séparées qui étaient reliées par le protectorat des Northern Territories.
L’Afrique Centrale
L’Etat indépendant du Congo et le Congo belge
Au cours de la conférence de Berlin de 1885 le roi des Belges Léopold II fait reconnaître la
prééminence de son pays sur une majeure partie de l’Afrique Centrale, appelée Etat indépendant du Congo,
à travers le mandat de l’Association internationale du Congo, dont il était le président. Le but de cette
colonie étant de rapporter de l’argent, Léopold vendit des terres à des sociétés de monopole puisqu’il s’était
engagé à ne pas prélever de taxes d’importations et d’exportations lors de la conférence de Berlin. De même
certaines terres étaient déclarées propriétés d’Etat. Celles-ci fournissaient, grâce à la main d’œuvre indigène,
le caoutchouc et l’ivoire, principales sources de revenus de l’Etat. Cette dépendance pour ces matières
premières a entraîné une course aux recettes maximum de la part des fonctionnaires coloniaux à tel point
qu’on peut compter des cas de mutilations, assassinats, vols ou viols. L’Etat indépendant devient Congo
belge en 1908. Même avec cela les exactions continuèrent puisqu’on noter des cas de recours au travail forcé
lors des aménagements de voies de chemin de fer. Par ailleurs à partir de 1910 l’Etat instaure une taxe sur
les cases et un supplément de celle-ci aux polygames. A la même époque le pays est divisé
administrativement en quatre provinces, chacune étant dirigée par un vice-gouverneur général aux pouvoirs
étendus. En-dessous les commissaires de district géraient un nombre donné de territoires, cette dernière étant
la cellule de base de l’organisation coloniale. A côté de l’administration coloniale il existait une
administration africaine sous la direction de chefs locaux.
L’Afrique-Equatoriale Française
Avant 1906, et la fondation d’une fédération qui sera baptisée plus tard AEF, le Congo français était
constitué des entités administratives du Gabon, du Congo, du Chari et du Tchad. Après 1906 les divisions
sont : le Gabon, le Moyen-Congo et l’Oubangui-Chari. Si au départ les difficultés étaient de faire de
l’autorité française une réalité et de développer économiquement la fédération, un système de sociétés
concessionnaires permit de résoudre le second problème. En effet, les autorités coloniales concédaient le
monopole de l’exploitation d’une terre à une société pendant environ 30 ans et en contrepartie elles
recevaient les recettes fiscales habituelles, mais perçues par la société concessionnaire. Toutefois, dans de
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nombreux cas les sociétés concessionnaires ne firent que piller les ressources naturelles (caoutchouc et
ivoire entre autres) en recourant au travail forcé des populations locales.
L’Afrique Orientale
L’Afrique-Orientale allemande
L’Afrique-Orientale allemande commence à exister en 1888 grâce à la compagnie commerciale
Deusche Ost-Afrika Gesellchaft. Dès le départ de nombreux impôts furent mis en place (sur les
enterrements, les transports, le cacao, individuel etc…). De même de nombreuses autorisations, obligations,
mesures, ordres et autres cachets firent leur apparition. Tout cela amena une grande rébellion de la part des
Arabes et des Swahilis dès septembre 1888. Après la fin des combats en 1889 l’Etat allemand décide
d’administrer directement la colonie. Dès cette époque Dar es-Salaam est désignée comme capitale. Celle-ci
se développe rapidement pour atteindre 20.000 habitants, dont 1.000 Européens, en 1914. A partir de 1900
des femmes allemandes commencèrent à venir s’installer dans la colonie. Au début des années 1890 Julius
von Soden dote la colonie d’une administration au croisement entre administration civile et militaire.
L’administration militaire était prépondérante à l’intérieur des terres alors que sur les côtes l’administration
était plus civile. A noter que dans certaines zones des chefs africains étaient associés à l’administration.
L’économie de plantation ne rapportait pas assez et ceux-ci peinaient à trouver des capitaux et de la main
d’œuvre. Par ailleurs, les Indiens étaient nombreux et détenaient les commerces de détail. Le développement
d’une agriculture de « cash crops » grâce à l’obligation faite aux hommes indigènes d’y travailler une partie
de l’année paru une solution, mais très vite les tensions socio-économiques virent le jour. Elles éclatèrent en
1905 avec la rébellion Maji-Maji. Même si celle-ci fut jugulée en avril 1906, les pertes allemandes
(humaines et économiques) furent importantes. A noter qu’en 1910 les territoires du Ruanda et de l’Urundi,
au nord-ouest de l’Afrique-Orientale allemande, furent placés sous la tutelle du Reich. Les Allemands
maintiennent les seigneurs locaux et mettent en place un système « d’indirect rule ».
L’Afrique-Orientale britannique
En 1890 l’Angleterre a en sa possession trois protectorats : Zanzibar, l’Ouganda et l’East African
Protectorate (actuel Kenya). Ce dernier était au départ administré depuis Zanzibar par l’Imperial British East
Africa jusqu’en 1895. A cette date la gestion de la société fut reprise par le ministère des Affaires étrangères
britannique. En 1900 l’EAP reçu un Commissioner qui s’établit à Mombassa. Le territoire est dès lors divisé
en quatre provinces, chacune commandées par un Sub-Commissioner. La frontière nord jouxte l’Ethiopie et
au départ la présence anglaise est représentée par une seule personne. A partir de 1909 le Northern Frontier
District est établi et celui-ci reste fermé aux commerçants. En 1902 le Kenya gagna une parcelle de territoire
agricole et vivable pour les Européens sur l’Ouganda et dès lors l’EAP devint une colonie de peuplement.
Les colons étaient en majorité des Sud-Africains d’origine hollandaise puis proprement anglaise. Le café
arabica, le coton et les pommes de terre constituent les principales ressources économiques de l’EAP.
A contrario de l’EAP le protectorat de l’Ouganda put s’appuyer sur une structure politique déjà en place,
notamment le royaume de Bouganda. En 1900 les Anglais signent une convention avec le kabaka du
royaume du Bouganda. Celle-ci le reconnait comme seigneur du Bouganda et lui alloue un revenu de 1.500
livres par an. Pour couvrir les frais de l’administration coloniale un impôt sur les huttes fut créé et une
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réglementation foncière élaborée. Cette dernière stipule que le kabaka possède les terres et doit les répartir
entre sa famille et ses subordonnés et que si une terre n’était pas cultivée elle échouait au gouvernement du
protectorat. L’administration de l’Ouganda ne posant pas de problème, celle-ci fut transférée au ministère
des Colonies en 1905. Le développement économique de l’Ouganda passa par le développement du chemin
de fer entre Kampala, capitale de l’Ouganda, et Mombasa entre 1896 et 1903.
Madagascar
Tout au long du XIXème le royaume Hova de Madagascar s’ouvre peu à peu aux idées européennes
(missions religieuses, formation de médecins à l’occidentale, scolarisation massive etc…) et aux techniques
militaires européennes. En 1883 la France revendique un protectorat sur Madagascar, mais échoue devant le
refus Hova et l’arrêt temporaire de l’expansionnisme du fait de conflits à Tunis, au Congo et au Tonkin à la
même époque. En 1894 la France reprend les opérations et occupe le territoire en tant que protectorat suite
au traité avec la reine des Hova. Toutefois, la formule ne marche pas bien et l’île est annexée en 1896. Le
premier gouverneur général, Gallieni, met en place une administration coloniale basé sur un commandant
militaire suprême secondé par un secrétaire général doté de nombreux services administratifs. Les indigènes
conservent leur système juridique alors que les Européens et assimilés sont soumis au système français. A
noter qu’en 1911 on compte environ 15.000 Européens, notamment en provenance de la Réunion et de l’île
Maurice. Les colons étaient attirés grâce à des concessions foncières, mais, selon Wesseling, Madagascar
était inappropriée pour une colonie de peuplement. Outre les écoles missionnaires qui s’étaient développées
durant la période de l’indépendance, des écoles d’Etat se mirent peu à peu en place. Economiquement l’île
était protectionniste.
Le Nil et l’Afrique du Nord-Est
Le Nil
Le Nil est l’objet de la crise de Fachoda en 1898 au cours de laquelle la France cherche à affirmer sa
position en Egypte alors que l’Angleterre désire protéger sa possession égyptienne. L’Angleterre affirme que
la vallée du Nil fait partie du Soudan qui lui-même est partie intégrante de l’Egypte et arrive à faire
triompher cette position par un accord franco-britannique en mars 1899.
Le Soudan anglo-égyptien
Le statut juridique du Soudan pose problème suite à Fachoda puisque celui de l’Egypte n’est pas non
plus réglé. Une solution est malgré tout trouvée : le Soudan devient un condominium anglo-égyptien sous un
gouverneur général désigné par l’Angleterre mais nommé par le khédive d’Egypte. De fait le représentant
britannique en Egypte décidait de toutes les nominations dans les administrations, mais c’était le
gouvernement du khédive qui en assumait le coût financier. Le Soudan est un territoire très hétérogène
puisque le Nord est islamisé et arabisé alors que le Sud est composé de nombreux peuples et tribus africaines
sans territoires clairement définis. De fait dans cette région l’administration ne s’exerça jamais réellement et
de nombreuses révoltes locales eurent lieu. Par ailleurs la présence administrative anglaise est très limitée
puisqu’on ne compte que 8 fonctionnaires dans la région de Bahr el-Ghazal avant 1920. Après cette date la
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région est peu à peu mise sous contrôle administratif anglais. La fiscalité était très légère du fait des craintes
de rébellion mahdiste ce qui fait que la quasi intégralité des coûts de l’administration étaient assumés par
l’Egypte. Il demeure que même si l’économie soudanaise se remet en place après les premières années de
domination britannique, la région n’attirera jamais de nombreux colons européens.
L’Afrique du Nord-Est : Angleterre, Italie, Ethiopie
Au départ l’expansionnisme italien s’intéresse à la mer Rouge, notamment avec la création d’une
société qui acquiert en 1869 la baie d’Assab, en vue de la création du canal de Suez. Le gouvernement
reprend les droits de cette société et déclare la baie d’Assab comme la première colonie italienne en 1882.
Quelques années plus tard, en 1885, ils conquièrent Massaoua et font la jonction entre Assab et Massaoua ce
qui leur permet de former la colonie d’Erythrée en 1890. En 1887 l’Italie obtient un protectorat sur la côte
orientale de l’Afrique depuis Kismaayo jusqu’au Cap Guardafui de la part du sultan de Zanzibar. La côte
occidentale de la mer Rouge était également occupée par les Français (à Obock depuis 1862) et les Anglais
(à Aden dès 1839). A la même époque que les installations italiennes le Somaliland est séparée en une partie
anglaise et une partie française, dont la capitale est Djibouti à partir de 1892. Du côté de la Méditerranée les
Italiens émirent des prétentions sur l’Ethiopie dès 1887, mais la résistance des souverains éthiopiens leur
permit de repousser l’envahisseur éthiopien. La défaite italienne est entérinée par le traité d’Addis Adeba en
octobre 1896.
La Libye
Au cours des années 1880 la Lybie, divisée en provinces de Cyrène et de Tripoli, est officiellement
sous domination ottomane, mais celle-ci est purement théorique. Par ailleurs suite aux conquêtes anglaise et
française en Afrique du Nord la Lybie est la dernière proie possible pour l’expansionnisme italien. Les
provinces ottomanes sont conquises et annexée en 1911. Toutefois, le pays dut encore être pacifié à tel point
qu’en 1914 le gouvernement italien y maintient 50.000 hommes pour garantir l’ordre.
L’Afrique Australe
L’Afrique du Sud
Les évènements économiques majeurs de la fin du XIXème en Afrique du Sud sont la découverte de
mines de diamants en 1867 et d’or au début des années 1880. Ceux-ci étaient concentrés dans le territoire de
la république boer du Transvaal ce qui entraîna un changement de politique de la part de l’Angleterre. A
partir de 1874 l’ambition affichée était de d’intégrer les républiques boers dans la sphère d’influence. Dans
un premier temps le moyen utilisée était l’existence d’une fédération, mais ce projet fut rejeté par les Boers
ce qui conduisit l’Angleterre à les annexées en 1877. Quelques années plus tard une révolte Boer obligea les
Anglais à reconnaître l’indépendance du Transvaal tout en conservant une suzeraineté sur ce dernier. La
découverte du gisement d’or du grand « reef » au Transvaal et la personnalité du nouveau gouverneur et
haut-commissaire anglais en Afrique du Sud, Alfred Milner (arrivé en 1887), entraîne une hausse des
tensions entre Anglais et Boers ce qui aboutit à la deuxième guerre des Boers (1899-1902). Celle-ci se solde
par la défaite des républiques Boers et leur annexion à la zone de domination anglaise en échange de la
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promesse de pouvoir avoir l’autodétermination à brève échéance et l’égalité entre l’anglais et le néerlandais.
Malgré la domination politique britannique, la société de l’Afrique du Sud est essentiellement composée de
Boers, l’immigration de colons anglais étant resté vœu pieux. Suite à la guerre des Boers un grand emprunt,
garanti par l’Angleterre, fut lancé pour reconstruire les fermes, les voies ferrées et l’industrie minière. Celuici réussi et participa à la prospérité de l’Afrique du Sud. Suite au départ de Milner, en 1905, le projet d’une
autodétermination de l’Afrique du Sud fut lancé. Celui-ci se concrétisa par la naissance de l’Union sudafricaine en mai 1910. Le pouvoir exécutif était détenu par un gouverneur général et des ministres, ces
derniers étant responsables devant le Parlement. Celui-ci était composé de deux Chambres, une Assemblée
élue et un Sénat, membres nommés ou élus indirectement. Pretoria devient la capitale administrative du pays
tandis que Le Cap assume le rôle de capitale législative.
Le Sud-Ouest africain allemand
A contrario de l’Afrique-Orientale allemande l’immigration européenne est importante dans le SudOuest africain allemand puisqu’on compte près de 15.000 Blancs en 1912. A noter que la région ne se prête
pas à l’agriculture, mais à l’élevage extensif, sauf pour la partie septentrionale et à l’est on trouve les limites
du désert du Kalahari. La colonie commence par l’achat de la Bay Agra Peguena et des 5 milles alentours au
chef Khoi-Khoi par les aventuriers Adolf Eduard Lüderitz et Heinrich Vogelsang en mai 1883. A partir du
mois d’avril de l’année suivante l’Allemagne signifie aux puissances internationales sa protection sur la
colonie nouvellement créée. Au mois d’août celle-ci était annexée. A cette époque le « Lüderitzland » partait
du fleuve Orange jusqu’au 26° de latitude sud. Peu après l’annexion compris la région côtière entre la
colonie du Cap et l’Angola portugais. Au cours des années qui suivirent les Allemands mirent au pas les
différentes populations indigènes qui habitaient le territoire, notamment les Namas contre qui ils se battront
jusqu’en 1894. A la fin du XIXème siècle une immigration allemande et de Boers d’Afrique du Sud ainsi
que de nombreuses sociétés concessionnaires viennent mettre en valeur le territoire de la colonie allemande.
Toutefois, les prises de possessions des terres indigènes par les colons européens entraînent les révoltes des
peuples Herero, en 1904, et Nama, jusqu’en 1907. A la fin des années 1900 des gisements de cuivre et de
diamants sont découverts ce qui entraîne une petite colonisation allemande. De même ces ressources
permettent d’établir les finances de la colonie dans le positif, l’agriculture n’ayant jamais pris son envol.
Les colonies portugaises : l’Angola et le Mozambique
Jusqu’en 1840 la sphère d’influence portugaise en Angola et Mozambique est faible, les marchands
portugais ne s’intéressant qu’à la traite négrière. A partir de cette date on assiste à fondation de la localité de
Moçâmedes (actuelle Namibe) ainsi que l’extension de la sphère d’influence portugaise jusqu’à Ambriz. Il
n’en demeure pas moins que l’autorité portugaise ne s’exerce que sur les côtes, l’intérieur des terres étant
dominé par les Africains. Au milieu du XIXème siècle les Portugais souhaitaient relier leurs colonies
d’Angola et de Mozambique en dominant les terres entre celles-ci. Toutefois, l’expansion anglaise sur les
rives du Zambèze ainsi que l’établissement de la colonie britannique du Bechuanaland (actuel Botswana)
empêchèrent la réalisation de ce projet. Les Portugais ont tôt mis en place un protectionnisme dans leurs
colonies, le but avoué étant que celles-ci devaient fournir un marché protégé à l’industrie portugaise. Cette
politique réussit puisque si en 1890 les importations textiles de l’Angola étaient à 1% portugaises, en 1900
elles l’étaient à 94%. Cela a eu pour effet d’attirer une forte population blanche, majoritairement d’origine
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anglaise, grecque ou italienne. Malgré tout on compte 13.000 Blancs en Angola et 11.000 au Mozambique
en 1914. Dans chacune la principale préoccupation des Portugais était la surveillance des voies
commerciales et non le développement d’une quelconque administration. Par ailleurs, ils ne contrôlaient que
des parts très faibles des territoires coloniaux. Ce n’est qu’au prix d’une longue guerre d’environ 30 ans que
les Portugais purent établir leur autorité sur l’ensemble des territoires. Les recettes publiques des colonies
étaient alimentées par des prélèvements à l’importation et à l’exportation et non un impôt personnel, le
contrôle du territoire faisant défaut pour l’imposer.
Chapitre V : L’impérialisme moderne en Asie et dans le Pacifique
L’Inde britannique
Soumission : la « Révolte des Cipayes » et ses répercussions
La révolte des Cipayes découlent d’une impression partagée par les membres indiens de l’armée
anglo-indienne du Bengale que leur religion et leur ordre social n’était pas respecté et qu’ils devaient se
fondre dans le modèle chrétien du colonisateur. Ce sentiment était partagé par une large partie de la
population civile qui craignait un déclin de l’ordre traditionnel et une occidentalisation. La rébellion est
matée durant l’été 1858. Suite à celle-ci les Anglais prêchent la politique d’une diffusion progressive des
valeurs et du mode de vie occidental grâce à des réformes économiques et non l’imposition forcée d’un
modèle de valeurs et d’idées. Par ailleurs, l’élite indienne devait être intégrée au fonctionnement des
administrations. De même désormais la proportion de soldats européens dans la New Army est d’1 sur 2.
Administration
Après la Révolte des Cipayes l’East-India Company est dissoute et l’Angleterre reprend les rênes de
l’administration et que désormais les populations indiennes ne seront plus discriminées du fait de leur
religion ou race et que les droits acquis sur la terre et les anciennes coutumes seraient respectées. Ces
principes sont inscrits dans le Governement of India Act de 1858. Désormais un secrétait d’Etat à l’Inde
existe ainsi qu’un Conseil de l’Inde, basé à Londres. Celui-ci était composé de 15 membres dont 8 étaient
nommés par l’Etat anglais. Toutefois, ce n’est qu’en 1907 que les deux premiers Indiens font leur entrée
dans cette institution. L’Indian Council Act de 1861 met en place l’administration avec à sa tête le
gouverneur général et vice-roi des Indes. A contrario des gouverneurs généraux français, le vice-roi des
Indes ne détenait l’autorité suprême que par l’intermédiaire de son Conseil. Au fur et à mesure ce Conseil se
transforme en ministères, chaque membre étant attaché à une affaire particulière. Seules les principautés
indépendantes n’étaient pas soumises à une administration centralisée. Le territoire sous influence
directement britannique était subdivisé en 240 districts dirigés par un district officer. Ceux-ci étaient chargés
de percevoir l’impôt, responsables du maintien de l’ordre public et devait veiller à fournir à la population
des services économiques et sociaux. Chaque district officer était secondé par un surintendant de police et
chaque district était lui-même subdivisé en sous-districts. La capitale est située à Calcutta jusqu’en 1911,
date à laquelle elle est transférée à Delhi. Outre cela on assiste peu à peu à une revalorisation du rôle des
princes indiens, ceux-ci étant considérés comme les piliers de la future administration indienne. De même en
1854 l’Indian Civil Service s’ouvre aux candidats indiens en établissant un système d’examens, mais le
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premier lauréat indien n’arrive qu’en 1864. Si la vocation de l’ICS était essentiellement administrative, des
services spécialisés existaient, notamment pour l’agriculture, la santé et l’éducation.
Développements économiques
A partir du milieu du XIXème siècle une modernisation rapide de l’économie se met en place.
Malgré tout la large majorité de la population reste employée dans l’agriculture. La possession concrète de
la terre, et non uniquement la possession de droits sur elle, s’établit peu à peu. Par exemple les zamindars du
Bengale deviennent propriétaires fonciers en vertu du « Permanent Settlement ». Les ouvriers travaillant la
terre étaient dès lors considérés comme des métayers. Hormis pour le textile la production indienne a pour
seul but l’autosuffisance. L’arrivée massive, durant la première moitié du XIXème siècle, du textile de
métropole a provoqué une désindustrialisation de l’industrie cotonnière. Cette tendance ne s’inversera
qu’avec la mécanisation de la production textile indienne à partir des années 1870. La construction d’un
vaste réseau de chemins de fer permit le développement d’une production pour le marché, notamment en
indigo, thé et en jute. De même l’industrie minière charbonnière ne prit son essor qu’après la construction
des chemins de fer. A tel point qu’à cette époque l’Inde devient le deuxième producteur asiatique de charbon
après le Japon. A partir de 1907 l’industrie du fer et de l’acier prend son envol avec la création de la Tata
Iron and Steel Co. Ltd. Enfin, les recettes de l’Etat indien sous domination britannique étaient fondées sur un
impôt foncier. Celui-ci représentait la moitié des recettes fiscales de l’Etat, l’autre moitié étant des impôts
indirects (droits de péage, recettes tirés du chemin de fer et de monopoles sur l’opium et le sel).
Nationalisme et administration
A l’instigation de de Surendranath Bannerjee, militant nationaliste après avoir été licencié de l’ICS,
l’Indian National Congress se réunit pour la première fois en décembre 1885 à Bombay. Celui-ci rassemble
environ 80 délégués de toutes les provinces. Nombre d’entre eux sont juristes, mais il y a également des
hommes d’affaires ou des journalistes. Ils ont pour point commun d’être les représentants d’une nouvelle
élite occidentalisée et qui prône une collaboration avec l’administration britannique. Leurs revendications
portent sur une meilleure représentation indienne dans les conseils législatifs ainsi que d’égales possibilités
dans l’accès à l’ICS. A cette époque pourtant le vice-roi des Indes, lord Ripon (1880-84), mène une politique
d’octroi de libertés, telle que la liberté de la presse, aux Indiens. Il veut même que les Européens puissent
être jugés par des magistrats indiens ce qui provoque la colère des Anglais d’Inde. De même le comte
Dufferin, successeur de lord Ripon, voulut collaborer avec la nouvelle classe moyenne indienne, mais le
gouvernement conservateur anglais resta sourd à ses demandes. Néanmoins, lors de la révision de l’Indian
Council Act, en 1892, la représentation des Indiens au sein des organes législatifs fut consolidée et les droits
des conseillers étendus. Le nationalisme indien est également renforcé par la décision, unilatérale et sans
concertation, de lord Curzon, vice-roi des Indes entre 1899 et 1905, de couper en deux la province du
Bengale puisqu’elle fut perçue par l’opinion indienne comme une tentative de « diviser pour régner ».
Devant les différentes protestations (boycott des marchandises anglaises, autodafés de coton du Lancashire
etc…) la partition du Bengale est abolie en 1911. Malgré tout elle cristallise une scission au sein du parti du
Congrès entre l’élite traditionnelle plutôt pro-anglaise et la nouvelle élite issue de la classe moyenne
fervente nationaliste. En 1909 la nouvelle majorité libérale au Parlement anglais met en chantier la réforme
de l’Indian Councils Act qui aboutit à une augmentation sensible du nombre de députés élus. Celui-ci est
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porté à 60 au sein du Supreme Council central, mais les membres nommés demeurent malgré tout
majoritaires. Toutefois, les membres élus deviennent majoritaires dans les Conseils provinciaux de Bombay,
du Bengale et de Madras, celles-ci obtenant également le droit de traiter du budget. Le droit de vote était
donné sur la base de la formation et de la propriété.
L’Indochine
L’expansion
La présence française en Indochine remonte à 1862 et la cession de certaines provinces du delta du
Mékong par l’empereur d’Annam. En 1867 ces terres deviennent la colonie française de Cochinchine. Au
départ l’autogestion était quasiment de rigueur, les officiers de marine du Second Empire et des premières
années de la IIIème République ne s’intéressant pas tellement à l’administration de la colonie. A partir de
1877 la colonie est gérée par des fonctionnaires civils selon un modèle d’inspiration française. Un
protectorat sur le Cambodge est mis en place en 1863. Dans un premier temps le roi du Cambodge
conservait quasiment tous les pouvoirs, mais en 1877 il fut obligé de faire des réformes administratives à
l’instigation des Français. En 1879 un représentant de la IIIème république est établi à Saigon et quelques
années plus tard, en 1884, une nouvelle convention est signée entre le roi du Cambodge et les Français.
Celle-ci permet à ces derniers d’établir leur autorité sur toutes les affaires importantes du protectorat.
Toutefois, au départ cette prééminence ne fut pas mise en action du fait des résistances de la population. En
1897 le roi est déposé et le pouvoir confié à des ministres qui se réunissent sous le contrôle du résident
français. A cette date trois provinces cambodgiennes annexées par le Siam sont rattachées au Cambodge.
Ces conquêtes sont officialisées par une convention franco-siamoise en novembre 1907. En ce qui concerne
le Tonkin des expéditions françaises ont été lancées dans cette direction au cours du Second Empire et ont
repris durant les années 1870. En 1874, l’Annam est reconnu comme un pays indépendant, mais soumis à
une tutelle française. En août 1883 Huê, capitale de l’Annam, est occupée et le Tonkin est dissocié du
royaume d’Annam et est placé sous administration française. L’Annam devient dès lors un protectorat
français. La Chine, suzerain de l’Annam, reconnait l’état de fait par le premier traité de T’ien Tsin en 1884.
Un résident général pour le Tonkin et l’Annam est nommé en janvier 1886. Le Laos est établi comme
protectorat français en 1899. La convention britannique de janvier 1896 fait du Siam un Etat tampon entre la
Birmanie britannique et l’Indochine française.
Assujettissement
Dans le Tonkin même si l’autorité française est officielle, elle n’est pas réelle dans la pratique
puisque les Français ne contrôlent que quelques villes du delta du Mékong ainsi que Lang Son et Huê. Dans
le reste du territoire de grandes bandes armées s’étaient constituées suite aux disettes et aux famines. Entre
1885 et 1891 la lutte contre ces bandes armées était assez limitée, mais dès l’arrivée du général Gallieni en
1892 la pacification est dorénavant systématique. En Annam, la Révolte des Lettrés entraîna l’assassinat de
40.000 des 140.000 chrétiens du Vietnam. La capture de l’empereur en novembre 1888 régla en grande
partie les problèmes de l’Annam.
Administration et gestion
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Cochinchine administrée par colons sous tutelle du gouverneur. Au Laos une partie seulement est
sous administration directe alors que l’autre est administrée de manière indirecte. Pouvoir impérial d’Annam
étant anti-français, les colonisateurs n’ont pas pu s’appuyer dessus pour établir leur administration coloniale
donc administration française directe fut privilégiée. Cela se matérialise par le renoncement de l’empereur
Dong Khan à son pouvoir sur le Tonkin en juin 1886 et la prise de possessions par les Français des plus
importantes ressources fiscales de l’Etat annamite (douanes, impôt individuel sur les Chinois, monopole de
l’opium et autres impôts indirects). Administrativement la Cochinchine relevait du ministère des Colonies et
l’Annam et le Tonkin dépendaient eux du ministère des Affaires étrangères. En janvier 1886 le principe du
protectorat devient une institution permanente et non une transition vers une administration directe. Par
ailleurs ceux-ci devaient s’autofinancer. Au sein de chaque protectorat un résident général est le représentant
plénipotentiaire de la République ce qui lui permet de disposer de l’armée et de la flotte et de régner sur le
protectorat. A partir de 1887 l’Union indochinoise est créée. Celle-ci dépend du ministère des Colonies et
réunit l’ensemble des territoires coloniaux français de la région, le Laos s’y ajoutant en 1899 et KouangTchéou-Wan en 1900. A sa tête on trouve un gouverneur général qui chapeaute tous les résidents supérieurs
d’Annam, du Tonkin et du Cambodge ainsi que le lieutenant-gouverneur de Cochinchine. De plus il
possédait les pouvoirs de nomination des fonctionnaires, de confection du budget et d’organisation de la
future défense du territoire et des services publics. Toutefois, ce dernier ne disposant de ressources
financières propres sa tutelle est demeurée essentiellement théorique jusqu’à la pacification du Tonkin en
1897. L’un des premiers gouverneur général fut Jean Louis de Lanessan (1891-7). Celui-ci mit en place une
politique d’association avec les instances de pouvoir traditionnelles et fit construire une ligne de chemin de
fer entre Hanoi et Lang Son. Celle-ci serait inaugurée en décembre 1894. Toutefois, son rappel au début de
l’année 1895 l’empêche de poursuivre sa politique. Son successeur, Paul Doumer, met en place une
administration coloniale nombreuse et strictement française. Celle-ci était regroupée au sein du Corps des
Services civils de l’Indochine, créé en 1899 sur le modèle de l’ICS. En 1911 le CSCI compte environ 5.700
fonctionnaires européens. Cet appareil pèse toutefois lourd dans les caisses du budget de l’Indochine.
Doumer créa également divers services généraux pour les finances, les travaux publics, l’agriculture, le
commerce etc… et adjoignit au gouverneur général les services d’un organe consultatif, le Conseil
supérieur. Sous sa mandature l’ensemble des pouvoirs est donné au résident supérieur français en Annam, ce
dernier ayant sous sa coupe les résidents des provinces. L’empereur existait toujours, mais les finances
relevaient de l’administration coloniale. En Cochinchine la résidence du lieutenant-gouverneur est transférée
de Saigon à Hanoi en 1902.
Développement
La population vietnamienne passe de 10 millions à 17 millions entre 1878 et 1913 alors qu’en 1913
la population française elle n’est que 24.000 en 1913. Une importante, numériquement et commercialement,
minorité chinoise existe au Vietnam. A noter qu’au Tonkin les petites propriétés sont légions alors qu’en
Cochinchine il s’agit essentiellement de grandes propriétés. Dans celle-ci une grande agriculture due à des
concessions tenues par des sociétés européennes se développe peu à peu. De même l’exploitation minière est
importante puisque, par exemple, l’Indochine exportait 200.000 tonnes de charbon en 1900. Que ce soit en
Cochinchine ou au Tonkin la riziculture est importante. Le zinc et l’étain sont également des ressources
importantes. De même l’industrie de fabrication de biens de consommation (huile, savon, sucre, bière, tabac
etc…) est florissante. L’ensemble des activités industrielles sont par ailleurs boostées par l’aménagement
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des lignes de chemins de fer et le développement des ports d’Haiphong et de Saigon. L’importante pression
fiscale, qui se matérialise par des impôts fonciers et individuels, assure la richesse de l’Etat indochinois, ce
qui permet de nombreux investissements publics, mais dissuade les investissements privés. Cette pression
fiscale alimente le mouvement nationaliste naissant.
Nationalisme et résistance
La Cochinchine était la région la plus prospère grâce à une bourgeoisie active, l’Annam la société la
plus traditionnelle et le Tonkin un pourvoyeur de main-d’œuvre non qualifiée. La société coloniale profite à
deux minorités : les Chinois et les chrétiens. Les premiers jouaient un rôle majeur dans l’économie, mais la
puissance coloniale craignait son pouvoir et son influence. Par ailleurs il est intéressant de noter que la
puissance colonisatrice française n’a pas réussi à convertir à l’administration française les élites
vietnamiennes, malgré l’intégration des élites mandarinales à des fonctions subalternes de l’administration
française. De même ses tentatives de diffusion de son mode de vie au sein de l’ensemble de la population se
sont révélées être des échecs. Petit à petit la contestation de l’hégémonie française se mue en positions
nationalistes. Deux mouvements nationalistes naissent à peu près en même temps. Le premier apparait en
1904 et porte le nom de Société pour un nouveau Vietnam et se développe sous l’impulsion de Phan Boi
Chau. En 1912 elle change de nom et devient la Société pour la restauration du Vietnam. Ouvertement
nationaliste, elle privilégie la lutte armée contre la puissance française. A la même époque que le premier
mouvement, une organisation à tendance réformatrice voit le jour. Elle est contre la monarchie et soutient la
puissance coloniale française seulement si elle entreprend des réformes. Ce mouvement fut également
combattu par l’administration coloniale. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’en 1911 la constitution
d’une représentation de la population indigène est amorcée.
Les Indes néerlandaises
Après 1870 trois grands processus à l’œuvre : achèvement territorial accéléré, extension et
consolidation du pouvoir colonial et introduction du capitalisme moderne. Processus terminé à environ
1903.
Achèvement territorial
En 1824 traité de Londres reconnait souveraineté de Hollande sur Sumatra sauf la partie relevant du
sultan d’Aceh. Problème de plus en plus aigu des pirates d’Aceh après ouverture du canal de Suez en 1869.
Deux ans plus tard traité de Sumatra reconnait souveraineté de Hollande sur Aceh en échange d’une partie
de la Gold Coast au profit de l’Angleterre. En 1891 délimitation des possessions anglo-hollandaises sur l’île
de Bornéo. Conflits territoriaux entre Portugal et Hollande au sujet du Timor durant la seconde moitié du
XIXème siècle puis accord de la Haye en 1904 qui délimite les zones d’influence entre les deux puissances.
Même si possession de droit de Nouvelle-Guinée par Hollande à partir de 1828, pas d’implantation
hollandaise entre 1836 et 1892. A cette date réimplantation du fait des ambitions allemandes et anglaises. A
partir de 1898 présence d’un pouvoir hollandais permanent sur l’île. Importance des liaisons maritimes puis
aériennes. En théorie surveillance d’administration coloniale sur trafic maritime, mais dans les faits sociétés
privées assurent le service.
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Assujettissement
Conflit entre sultan d’Aceh et Hollandais ce qui aboutit à la guerre d’Aceh entre 1873 et,
officiellement, 1903. En réalité plusieurs petites guerres. Après mort du sultan en 1874, princes locaux
élisent nouveau sultan et la guerre reprend. Entre 1878 et 1880 nombreuses campagnes visant à terroriser les
populations par les Hollandais puis nomination d’un administrateur civil. A partir de là guerre prend forme
de guérilla jusqu’à sa fin en 1903. A la même époque pacification de l’île de Lombok entre 1894 et 1895. En
1907 ce sont Jambi et les pays Batak qui sont soumis à la domination hollandaise.
Administration et gestion
Pouvoir néerlandais fondé sur système bicéphale entre une administration proprement hollandaise
aidée d’une homologue autochtone, en grande partie composée de princes locaux. Dans chaque territoire
régent indonésien gouverne sous contrôle d’un administrateur hollandais, le premier continuant de bénéficier
d’un pourcentage sur les cultures et d’un compte de corvées. Par la suite il percevra une rémunération fixe.
Pouvoir réel du régent dépend fortement de développement économique du territoire. De fait dans région
dynamique comme Java il ne possède plus beaucoup de pouvoir alors que dans d’autres il demeure un
élément central du système colonial. En 1866 mise en place de réforme administrative qui aboutit à
augmentation d’effectifs des fonctionnaires néerlandais et la nomination d’un assistant-résident pour chaque
régent. Le pouvoir suprême demeure aux mains du gouverneur général assisté du Conseil des Indes, les deux
siégeant à Batavia. En 1867 création de quatre départements d’administration générale avec à la tête de
chacun, un directeur. Existence des contrôleurs, point de convergence et lien entre administration indigène et
hollandaise. Ensemble d’administration dirigée par gouverneur général. L’administration indigène est
composée de régents qui contrôlent un territoire appelé régence, lui-même subdivisé en districts regroupant
une quinzaine de villages. L’administrateur du district se nomme le wedono. Au fur et à mesure des
évolutions et suppression du système des cultures et abolition des corvées, régents perdent du prestige et de
leurs revenus. Au cours du XXème siècle renforcement d’administration centrale et augmentation des
effectifs du bureau du gouverneur général et des directeurs départementaux.
Développement
Loi agraire et loi sucrière de 1870 mettent fin à système d’exploitation étatique. Idée de base est de
protection des indigènes contre expropriation par sociétés non-hollandaises. De fait absence de classe de
planteurs et grands propriétaires fonciers en Indonésie. Toutefois, possibilité pour les Blancs de prendre à
bail des terres indigènes ainsi qu’achat de terres de friches à l’Etat. Loi sucrière prévoit qu’Etat se désengage
peu à peu de ce commerce et fin du système des cultures en 1891. Succès des cultures de tabac puis de thé,
caoutchouc ou huile de palme dans île de Deli entraînent forte demande de main d’œuvre qui se résolut par
immigration forte de Java et de Chine. Faibles revenus, conditions de travail et d’hygiène amènent un fort
taux de mortalité parmi travailleurs. Par ailleurs travailleurs des plantations (ou coolies) sont soumis à
ordonnance de 1880 relative aux coolies se matérialisant par possibles poursuites pénales ou travaux forcés
en cas de non-respect du contrat. Création d’une inspection du travail en 1908, mais suppression des
sanctions pénales uniquement en 1932. Importance du secteur minier avec découverte de charbon, d’étain et
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de pétrole à Sumatra et Bornéo. Glissement progressif du centre de gravité de Java vers régions extérieures.
« Politiques éthiques » et nationalisme
Mutations économiques aboutirent à dépréciation des élites indigènes ainsi qu’un changement de
statut pour paysan javanais puisque passage d’agriculteur féodal à paysan salarié. Par ailleurs forte
augmentation du nombre d’Européens en Indonésie entre 1860 (42.800) et 1900 (90.800). Dans le même
temps constitution de villes coloniales dotées de conseils communaux et de journaux défendant les
populations indigènes. Importance numérique des Chinois, notamment à Batavia. Société pyramidale avec
Hollandais et autres Européens au somment, Chinois (commerce) et Indo-Européens (administration) ensuite
puis population autochtone. Toutefois, ségrégation essentiellement sociale puisqu’Indo-Européens sont
rattachés racialement aux Européens. Population indigène augmente très fortement entre 1870 et 1900 (de
16 à 28 millions d’habitants) donc paupérisation par tête. Pour répondre à cela recherche d’une « politique
éthique » vantée notamment par Kuyper à partir de 1878. Idée de tutelle fraternelle de colonisateur sur
peuples colonisés jusqu’à possible autonomie future. De même principe de responsabilité de colonisateur
vis-à-vis de populations indigènes. Adoption de la politique éthique en 1901. Suite à cela importance
accordée aux infrastructures (chemins de fer, ports, travaux d’irrigation etc…) et à l’enseignement. Cette
politique contribua à affaiblissement des rapports de force féodaux. Possibilité, à long terme, d’autogestion
des Indonésiens, mais toujours sous tutelle des Hollandais.
Loi de décentralisation de 1903 confère de nombreuses compétences aux niveaux de pouvoir inférieurs ce
qui a pour conséquence une augmentation de la proportion du personnel administratif indonésien. Cette
nouvelle élite administrative va former l’ossature du mouvement nationaliste naissant. Celui-ci prend son
acte de naissance avec formation du Parti indonésien et du Sarekat Islam en 1912. En 1914 apparaît
l’Association sociodémocrate indonésienne. Importance de Sarekat Islam puisqu’ ½ million d’adhérents en
1919.
Le Pacifique
Les Philippines
Dans fin du XIXème siècle fort sentiment indépendantiste mené par Emilio Aguinaldo. Celui-ci
aboutit Révolution philippine en 1896. Proclamation de République des Philippines en 1897. Suite à guerre
hispano-américaine de 1898 libération totale du territoire philippin par Etatsuniens. Proclamation d’une
constitution en 1899 puis guerre du nouvel état contre les Etats-Unis et ce jusqu’en 1902 et victoire
américaine.
L’Allemagne dans le Pacifique
Existence de quelques territoires allemands, notamment en Nouvelle-Guinée, à partir des années
1880 sous l’autorité de la Neu Guinea Kompagnie. Celle-ci mit en place une vaste bureaucratie, mais les peu
de recettes de l’agriculture et des taxes ne parvinrent jamais à couvrir les frais de cette administration. En
1899 la NGK revend sa concession à l’Etat allemand. Au cours des années 1880 Allemagne met la main sur
îles Caroline, Marshall et Samoa, mais les revend en 1899 à l’Espagne. Au sein de ces territoires importance
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de la Deutsche Handelsund-Plantagen-Gesellchaft. A partir de 1889 administration tripartite des îles entre
Angleterre, USA et Allemagne. Toutefois, cela ne règle pas les problèmes et fin du système en 1899. A ce
moment les Samoa sont partagées entre une partie occidentale allemande et orientale, américaine. Sous
administration allemande stagnation du développement des Samoa, mais recettes permettent de payer frais
de gestion.
L’Asie Orientale : le Japon et la Chine
Expansion japonaise se dirige vers Taïwan et Corée. Par ailleurs suite à Paix de Shimonoseki en
1894 Japon obtient possession, outre Taïwan, des Pescadores, de presqu’île du Liautoeng avec Port-Arthur.
Toutefois, pressions d’Allemagne, France et Russie firent que Japon dut renoncer à Liautoeng. Néanmoins,
après guerre russo-japonaise de 1904-1905 récupération japonaise de Liautoeng, une influence forte en
Mandchourie et un protectorat sur la Corée. Cette dernière sera annexée en 1910. Selon Wesseling système
colonial japonais ressemble plus au système français avec tentative d’assimilation politique et culturelle de
territoires colonisés au sein du Japon. De même idée d’une mission civilisatrice ou l’idéologie
modernisatrice tient une place importante. Dans les colonies gouverneurs généraux détiennent pouvoir quasi
illimité. Théoriquement doivent répondre devant l’empereur, mais dans la pratique devant ministres de la
Guerre, des Affaires Etrangères ou de l’Intérieur. Existence d’un secrétariat aux Colonies, mais c’est
seulement en 1929 que cela devient en ministère à part entière. Recettes fiscales dans les colonies permettent
de payer administration, mais aussi développement d’infrastructures publiques et d’un enseignement
primaire.
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