Témoignage de la maman de Myrko : la non-détection d'une malformation cardiaque
MYRKO AVAIT 19 ANS
Une lettre poignante nous est parvenue. Nous croyons qu'il est de notre devoir de la publier, pour que "cela" ne se
reproduise plus : la non-détection d'une malformation cardiaque (coarctation aortique, constatée à l'autopsie), en dépit
de nombreuses visites médicales et de six hospitalisations.
Myrko pesait 3 kg170 à la naissance. Il buvait mal, souffrait d'asthme et était vite fatigué. À l'âge de 16 ans, hospitalisé
pour une fracture, l'orthopédiste, inquiété par son hypertension artérielle, l'envoie chez le cardiologue (pour adultes),
qui pratique les examens de routine (échocardiographie transthoracique : M Mode, Bi-dimensionnel, Doppler pulsé
continu et couleur) et ne détecte rien d'anormal. J'ignore si ce cardiologue a procédé à la prise de pouls aux fémorales,
au creux poplité et à l'artère pédieuse. ll faisait du skate, du vélo, de la muscu, il nageait, jouait de la guitare et écrivait
des poèmes, dansait dans un groupe folklorique, était inscrit dans une agence de mannequins, il était amoureux et
aimait se faire des amis. On le croyait stressé, en plein chagrin d'amour... Il n'a pas eu le temps de comprendre ce qu'il
portait en lui. La coarctation aortique, dont l'opération correctrice est maîtrisée depuis 50 ans, pourrait être détectée
dès les premiers jours de la vie, par une palpation correcte des fémorales et de tension aux membres inférieurs,
laquelle apparaîtra plus basse qu'aux membres supérieurs. Or, ces mesures sont trop souvent négligées au profit de
radios, de scanners thoraciques ou d'échographies transthoraciques, qui peuvent pourtant ne rien révéler à ce niveau et
donc rassurer à tort le praticien. En dernier recours, l'angiographie (ou artériographie) pourrait préciser le diagnostic,
mais la gravité et le coût de cet examen quasi chirurgical font hésiter à le recommander. Parfois, l'adaptation naturelle du
corps à la coarctation fait que la pression n' est pas constamment élevée, il faut donc profiter des épisodes de haute
tension (mesurée à deux reprises après quelques minutes de repos) pour la mesurer aux membres inférieurs (et
pourquoi pas aux 4 membres) et comparer.
Dominique Blondiau,
maman de Myrko
Réponse parue dans le petit coeur en 1997 Réponse du cardiologue-pédiatre
Devant cette évolution dramatique et émouvante, nous devons tout d'abord nous incliner avec tristesse et respect
devant la mémoire de ce jeune garçon et la douleur de ses parents. Ses parents, à juste titre traumatisés, s'interrogent sur
la fiabilité des examens médicaux de contrôle (ONE, inspection médicale scolaire) qui n'ont pas décelé la coarctation.
Peut-on comprendre cela?
La coarctation de l'aorte est un rétrécissement serré sur l'aorte au-delà de l'émergence de l'artère du bras gauche. Ce
rétrécissement, qui peut se serrer jusqu'à ne laisser un passage que de 1 à 2 mm pour un diamètre normal de 15 à 20 mm
est soit présent dès la naissance (forme néonatale) soit progressif au cours de la croissance (forme dite adulte). Sans
connaître le détail des examens médicaux pratiqués lorsque ce garçon était bébé ou jeune enfant, on peut
raisonnablement dire qu'il s'agissait probablement d'une forme dite adulte, car dans les formes néo-natales, il y a
souvent des symptômes d'appel autres que vasculaires. Ce sont la courtesse d'haleine, les difficultés alimentaires du
bébé, dont le coeur décompense. Si le coeur ne décompense pas, il y a souvent une hypertension des artères des
bras et du cerveau qui rend l'enfant fort irritable. Un souffle cardiaque n'est pas toujours entendu clairement et le
diagnostic devient évident lorsque, devant ces symptômes d'intolérance du bébé, on trouve que les artères fémorales
(au pli inguinal) battent nettement moins fort que les artères des bras. Il en va autrement pour la coarctation progressive
qui est découverte chez le grand enfant ou chez l'adulte (parfois lors de l'examen médical à l'entrée au service militaire
ou à l'embauche). Les signes sont moins évidents : maux de tête fréquents dus à l'hypertension artérielle, crampes dans
les mollets à l'effort, moins d'endurance. Dans ces cas, un accident aigu, parfois fatal, peut survenir par hémorragie
cérébrale, causée par l'hypertension. Les accidents liés à une défaillance cardiaque aigüe sont extrêmement rares.
L'analyse de Mme Blondiau est extrêmement pertinente. Chez le nouveau-né sain, et plus encore chez celui qui
présente les symptômes que nous avons indiqués plus haut, il faut au moins lors des examens généraux de routine
(ONE, examens chez le médecin de famille ou chez le pédiatre) palper plusieurs fois, à des moments différents, les
pouls fémoraux pour les comparer aux pouls des bras. Cela fait partie de l'examen de base d'un enfant. Ces examens
doivent être répétés, même si à la naissance, les pouls fémoraux sont bien perçus. Cette attitude est enseignée aux
étudiants en médecine qui apprennent aussi l'auscultation plus spécifique (souffle entendu dans le dos entre la colonne
et l'omoplate gauche). Les mesures de tension sont plus aléatoires lorsqu'elles sont faites dans des conditions peu
optimales (appareillage inadéquat, stress de l'examen, manque de temps pour calmer l'enfant). L'expérience montre
que dans 25% des cas, ce n'est que suite à des palpations ou mesures de tension répétées que le diagnostic se
dégage. Cependant, la découverte chez l'enfant d'une hypertension aux bras doit obligatoirement faire penser à la
coarctation de l'aorte qui est avant la puberté de loin la première cause de cette hypertension. Dans ces cas, la
répétition des mesures, et en cas de doute le recours à l'angiographie ou à la résonance magnétique est capitale.
Pr André Vliers
cardiologue pédiatre
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