Revue 55

publicité
Dossier
APPORT DES TECHNOLOGIES PLASMA
D A N S L A S T É R I L I S AT I O N M É D I C A L E
La stérilisation
médicale
- de l'autre, celles utilisant des températures ambiantes ou quasiambiantes, dites « à froid ».
Définition
De nombreuses définitions de la
stérilisation ont été proposées par les
institutions et les auteurs. Une des
plus fréquemment admise aujourd’hui est la suivante : « L'état stérile
est défini par l'absence de microorganismes vivants et la probabilité
d'avoir une unité non stérile inférieure à 10-6. La stérilisation est l'opération permettant d'éliminer ou de
tuer les micro-organismes portés par
des milieux inertes contaminés, le
résultat de l'opération, étant l'état
de stérilité ».
Parmi les techniques utilisant des
températures de traitement élevées,
les procédés « vapeur saturée », type
autoclave, sont actuellement la référence. Ils présentent deux inconvénients principaux. Tout d'abord,
ils sont particulièrement agressifs
pour l'instrumentation médicale thermosensible (polymères, matériel rotatif, endoscopes, fibroscopes…).
De plus, le principe stérilisant est
oxydant. Actuellement, la stérilisation
à la vapeur d'eau à 134°C pendant
18 minutes est le seul procédé de
stérilisation reconnu vis-à-vis de l'inactivation des prions.
Actuellement, la stérilisation se doit
d'être efficace vis-à-vis des prions
(prions de la forme classique de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob et le
nouveau variant). Jusqu'à présent,
l'utilisation de matériel à usage
unique reste la priorité.
Moyens
Il existe différentes méthodes de stérilisation. Elles se divisent en deux
grandes familles :
- d'un côté, les techniques utilisant
des températures de traitement
élevées,
20
Le chef de file des techniques de
stérilisation « à froid », est l'utilisation de l'oxyde d'éthylène. Ce gaz
est particulièrement toxique, non
seulement pour l'agent de stérilisation, mais également éventuellement
pour le professionnel de santé, pour
le patient et pour l'environnement.
De plus, ces techniques n'ont, à ce
jour, pas fait la preuve de leur efficacité vis-à-vis des prions.
Ainsi, les outils actuellement disponibles dans le domaine de la stérilisation médicale, semblent montrer
Photo 1 : Post-décharge à basse pression - Réacteur du CPAT (Toulouse) - A. Ricard
leurs limites. Le nouveau défi est de
développer un agent de stérilisation
non toxique, respectant le matériel
thermosensible, actif sur les prions.
Apport des technologies plasma dans la
stérilisation médicale
Qu'est-ce qu'un plasma ?
Les plasmas représentent le quatrième état de la matière. Ceux utilisés pour une application à la stérilisation, sont qualifiés de plasmas
« froids ». Ce sont des gaz ionisés,
sources d'espèces qui n'existent pas
à l'état naturel. Ils contiennent des
ions, des électrons, mais également
des particules non chargées
(atomes, molécules, radicaux).
Application à la stérilisation
Dans la stérilisation plasma, deux
types de procédés existent :
- Utilisation du plasma lui-même :
c'est la zone dite de « décharge ».
- Utilisation du flux gazeux émanant
du plasma ; c'est la zone de « postdécharge » (voir photo 1 « Postdécharge à basse pression Réacteur du CPAT »).
Par comparaison à la zone de
« décharge », la zone de « postdécharge » ne contient pas de particules chargées ; elle est essentiellement composée d'atomes, molécules et radicaux, dont certains sont
dans un état excité. Les espèces
actives ont des durées de vie, comprises entre 10-3 et 10-1 sec.
L'utilisation de la post-décharge,
pour une application à la stérilisation,
présente certains avantages :
- Au niveau de cette zone, la température est inférieure à 50°C.
La revue trimestrielle du Réseau ECRIN - n°55
Transmission acoustique d’images sur le Titanic
Photo 2 : Décharge à pression atmosphérique - Helium Laroussi and coll « Plasma interaction with microbes »
New Journal of Physics. 5(2003) 41.1-41.10.
- Du fait de l’absence de particules
chargées (électrons et ions), les surfaces à traiter ne sont pas altérées.
- Ce sont les espèces neutres qui
sont actives dans la stérilisation
plasma. Il n'y a donc pas de nécessité à travailler en zone de décharge.
Les plasmas de décharges ou de
post-décharges peuvent être produits à la pression atmosphérique,
par des décharges à barrière
diélectrique, de type ozoneur (voir
photo 2 : « Décharge à pression atmosphérique »).
L’absence de pompe réduit le coût
du réacteur. L’intérêt des réacteurs à
pressions réduites est de permettre
la diffusion des espèces actives dans
de plus gros volumes de traitement.
Cependant, le temps de stérilisation
est plus court en zone de décharge
qu'en post-décharge.
Pourquoi un plasma stérilise ?
Certaines controverses subsistent
quant à l'identification des agents
actifs dans la stérilisation et à la
compréhension des mécanismes
d'inactivation bactérienne.
Trois groupes d'agents potentiellement actifs peuvent être décrits :
- Les espèces chargées (électrons,
ions) : elles sont retrouvées dans la
décharge elle-même. Mais, du fait
de leur grande énergie, les surfaces à traiter peuvent être endommagées. La température relevée en zone de décharge est
particulièrement élevée, de l'ordre
de 500°C, selon le plasma utilisé.
- Les espèces neutres : elles sont
produites par le plasma et retrouvées
dans la zone de post-décharge.
Leur nature varie selon le mélange
gazeux utilisé ; par exemple, l'utilisation d'un mélange gazeux N2-O2
permet la création d'oxygène et
d’azote atomiques, d'ozone.
Il semble que ces espèces neutres
stérilisent par une action dite de
« gravure » : leur grande réactivité
leur permet de se combiner aux
atomes, constitutifs des membranes
bactériennes, qui sont ainsi arrachés. L'érosion, atome par atome,
de ces membranes entraîne une
lyse bactérienne et une fuite du
cytoplasme dans le milieu extracellulaire. De plus, l'ADN bactérien
se trouve exposé, à son tour, à ce
même phénomène de gravure.
- Le rayonnement ultraviolet : le
rayonnement ultraviolet est émis
par la décharge. Il peut aussi résulter dans la post-décharge de la
recombinaison des radicaux, molécules ou atomes excités. Dans
la post-décharge, les UV sont produits dans tout le volume de traitement, de manière homogène. Par
ailleurs, certains auteurs précisent
que l'action des UV sur l'ADN bactérien est potentialisée par l'étape
de gravure.
(Voir Figure 1 : « Hypothèse d'inactivation bactérienne »)
Intérêts de la stérilisation par
plasma froid
La stérilisation par plasma présente
de nombreux avantages :
- Elle permet de travailler à des
températures de traitement quasiambiantes.
- Elle utilise des gaz non toxiques,
comme l’azote et l’oxygène.
- Son principe d'action, et en particulier la phase de gravure, laisse
supposer une efficacité sur les
agents transmissibles non conventionnels (prions).
Cette dernière remarque justifie à
elle seule l'intérêt porté à la stérilisation par plasma froid. Le problème
de santé publique posé par l'élimination des prions n'est pas résolu. À
ce jour, rappelons que l'Organisation
mondiale de la santé notifie que
seule la destruction par incinération
est susceptible de garantir l'élimination complète de l'infectiosité. Elle
préconise l'incinération de tout dispositif contaminé par un tissu de
haute infectiosité.
Figure 1 : Hypothèse d'inactivation bactérienne
(plasma émanant d'un mélange gazeux N2-O2).
Conclusion
De nos jours, les procédés de stérilisation à la disposition des professionnels de santé, montrent certaines limites concernant le
traitement du matériel thermosensible et l'élimination des prions.
L'utilisation du plasma (de décharge
et de post-décharge) pour une application à la stérilisation représente
une alternative intéressante et suscite, actuellement, de nombreuses
études.
André Ricard, CPAT
Michel Sixou, faculté de
chirurgie dentaire
Université Paul Sabatier Toulouse
En complément de ce dossier vous trouverez une synthèse documentaire
réalisée par l’Inist à cette adresse : http://www.inist.fr/ecrin
La revue trimestrielle du Réseau ECRIN - n°55
21
Téléchargement