Dossier APPORT DES TECHNOLOGIES PLASMA D A N S L A S T É R I L I S AT I O N M É D I C A L E La stérilisation médicale - de l'autre, celles utilisant des températures ambiantes ou quasiambiantes, dites « à froid ». Définition De nombreuses définitions de la stérilisation ont été proposées par les institutions et les auteurs. Une des plus fréquemment admise aujourd’hui est la suivante : « L'état stérile est défini par l'absence de microorganismes vivants et la probabilité d'avoir une unité non stérile inférieure à 10-6. La stérilisation est l'opération permettant d'éliminer ou de tuer les micro-organismes portés par des milieux inertes contaminés, le résultat de l'opération, étant l'état de stérilité ». Parmi les techniques utilisant des températures de traitement élevées, les procédés « vapeur saturée », type autoclave, sont actuellement la référence. Ils présentent deux inconvénients principaux. Tout d'abord, ils sont particulièrement agressifs pour l'instrumentation médicale thermosensible (polymères, matériel rotatif, endoscopes, fibroscopes…). De plus, le principe stérilisant est oxydant. Actuellement, la stérilisation à la vapeur d'eau à 134°C pendant 18 minutes est le seul procédé de stérilisation reconnu vis-à-vis de l'inactivation des prions. Actuellement, la stérilisation se doit d'être efficace vis-à-vis des prions (prions de la forme classique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et le nouveau variant). Jusqu'à présent, l'utilisation de matériel à usage unique reste la priorité. Moyens Il existe différentes méthodes de stérilisation. Elles se divisent en deux grandes familles : - d'un côté, les techniques utilisant des températures de traitement élevées, 20 Le chef de file des techniques de stérilisation « à froid », est l'utilisation de l'oxyde d'éthylène. Ce gaz est particulièrement toxique, non seulement pour l'agent de stérilisation, mais également éventuellement pour le professionnel de santé, pour le patient et pour l'environnement. De plus, ces techniques n'ont, à ce jour, pas fait la preuve de leur efficacité vis-à-vis des prions. Ainsi, les outils actuellement disponibles dans le domaine de la stérilisation médicale, semblent montrer Photo 1 : Post-décharge à basse pression - Réacteur du CPAT (Toulouse) - A. Ricard leurs limites. Le nouveau défi est de développer un agent de stérilisation non toxique, respectant le matériel thermosensible, actif sur les prions. Apport des technologies plasma dans la stérilisation médicale Qu'est-ce qu'un plasma ? Les plasmas représentent le quatrième état de la matière. Ceux utilisés pour une application à la stérilisation, sont qualifiés de plasmas « froids ». Ce sont des gaz ionisés, sources d'espèces qui n'existent pas à l'état naturel. Ils contiennent des ions, des électrons, mais également des particules non chargées (atomes, molécules, radicaux). Application à la stérilisation Dans la stérilisation plasma, deux types de procédés existent : - Utilisation du plasma lui-même : c'est la zone dite de « décharge ». - Utilisation du flux gazeux émanant du plasma ; c'est la zone de « postdécharge » (voir photo 1 « Postdécharge à basse pression Réacteur du CPAT »). Par comparaison à la zone de « décharge », la zone de « postdécharge » ne contient pas de particules chargées ; elle est essentiellement composée d'atomes, molécules et radicaux, dont certains sont dans un état excité. Les espèces actives ont des durées de vie, comprises entre 10-3 et 10-1 sec. L'utilisation de la post-décharge, pour une application à la stérilisation, présente certains avantages : - Au niveau de cette zone, la température est inférieure à 50°C. La revue trimestrielle du Réseau ECRIN - n°55 Transmission acoustique d’images sur le Titanic Photo 2 : Décharge à pression atmosphérique - Helium Laroussi and coll « Plasma interaction with microbes » New Journal of Physics. 5(2003) 41.1-41.10. - Du fait de l’absence de particules chargées (électrons et ions), les surfaces à traiter ne sont pas altérées. - Ce sont les espèces neutres qui sont actives dans la stérilisation plasma. Il n'y a donc pas de nécessité à travailler en zone de décharge. Les plasmas de décharges ou de post-décharges peuvent être produits à la pression atmosphérique, par des décharges à barrière diélectrique, de type ozoneur (voir photo 2 : « Décharge à pression atmosphérique »). L’absence de pompe réduit le coût du réacteur. L’intérêt des réacteurs à pressions réduites est de permettre la diffusion des espèces actives dans de plus gros volumes de traitement. Cependant, le temps de stérilisation est plus court en zone de décharge qu'en post-décharge. Pourquoi un plasma stérilise ? Certaines controverses subsistent quant à l'identification des agents actifs dans la stérilisation et à la compréhension des mécanismes d'inactivation bactérienne. Trois groupes d'agents potentiellement actifs peuvent être décrits : - Les espèces chargées (électrons, ions) : elles sont retrouvées dans la décharge elle-même. Mais, du fait de leur grande énergie, les surfaces à traiter peuvent être endommagées. La température relevée en zone de décharge est particulièrement élevée, de l'ordre de 500°C, selon le plasma utilisé. - Les espèces neutres : elles sont produites par le plasma et retrouvées dans la zone de post-décharge. Leur nature varie selon le mélange gazeux utilisé ; par exemple, l'utilisation d'un mélange gazeux N2-O2 permet la création d'oxygène et d’azote atomiques, d'ozone. Il semble que ces espèces neutres stérilisent par une action dite de « gravure » : leur grande réactivité leur permet de se combiner aux atomes, constitutifs des membranes bactériennes, qui sont ainsi arrachés. L'érosion, atome par atome, de ces membranes entraîne une lyse bactérienne et une fuite du cytoplasme dans le milieu extracellulaire. De plus, l'ADN bactérien se trouve exposé, à son tour, à ce même phénomène de gravure. - Le rayonnement ultraviolet : le rayonnement ultraviolet est émis par la décharge. Il peut aussi résulter dans la post-décharge de la recombinaison des radicaux, molécules ou atomes excités. Dans la post-décharge, les UV sont produits dans tout le volume de traitement, de manière homogène. Par ailleurs, certains auteurs précisent que l'action des UV sur l'ADN bactérien est potentialisée par l'étape de gravure. (Voir Figure 1 : « Hypothèse d'inactivation bactérienne ») Intérêts de la stérilisation par plasma froid La stérilisation par plasma présente de nombreux avantages : - Elle permet de travailler à des températures de traitement quasiambiantes. - Elle utilise des gaz non toxiques, comme l’azote et l’oxygène. - Son principe d'action, et en particulier la phase de gravure, laisse supposer une efficacité sur les agents transmissibles non conventionnels (prions). Cette dernière remarque justifie à elle seule l'intérêt porté à la stérilisation par plasma froid. Le problème de santé publique posé par l'élimination des prions n'est pas résolu. À ce jour, rappelons que l'Organisation mondiale de la santé notifie que seule la destruction par incinération est susceptible de garantir l'élimination complète de l'infectiosité. Elle préconise l'incinération de tout dispositif contaminé par un tissu de haute infectiosité. Figure 1 : Hypothèse d'inactivation bactérienne (plasma émanant d'un mélange gazeux N2-O2). Conclusion De nos jours, les procédés de stérilisation à la disposition des professionnels de santé, montrent certaines limites concernant le traitement du matériel thermosensible et l'élimination des prions. L'utilisation du plasma (de décharge et de post-décharge) pour une application à la stérilisation représente une alternative intéressante et suscite, actuellement, de nombreuses études. André Ricard, CPAT Michel Sixou, faculté de chirurgie dentaire Université Paul Sabatier Toulouse En complément de ce dossier vous trouverez une synthèse documentaire réalisée par l’Inist à cette adresse : http://www.inist.fr/ecrin La revue trimestrielle du Réseau ECRIN - n°55 21