Revue du patrimoine mondial: numéro spécial, 60

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Ministère de la culture, Commission croate pour l’UNESCO, tel : 00385 1 4866304 ; fax : 00385 1 4866526 ; e-mail : [email protected]
PATRIMOINE MONDIAL Nº60
Couverture : Qal’at al-Bahreïn.
éditorial
C
e numéro spécial est entièrement consacré aux sites du patrimoine mondial appartenant aux
pays membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe. Il offre ainsi un aperçu
exceptionnel de la richesse culturelle et naturelle du patrimoine de cette région qui englobe
non seulement Bahreïn, Oman et l’Arabie saoudite (ces trois pays possédant déjà des sites sur la Liste
du patrimoine mondial), mais aussi le Qatar et les Émirats arabes unis. Ces derniers proposeront,
quant à eux, des sites pour inscription lors de la prochaine réunion du Comité.
Le développement actuel des activités du patrimoine mondial dans la région du Golfe est un
sujet de grande satisfaction. Cela d’autant plus que tous les pays concernés ont joué un rôle
clé à diverses étapes de l’histoire de l’humanité, tant en matière de commerce international que
dans la transmission de contenus et de savoir-faire culturels. Quatre des six pays membres du
Conseil ont été, ou sont actuellement, membres du Comité du patrimoine mondial : Bahreïn, le
Koweït, Oman et les Émirats arabes unis. Bahreïn a joué un rôle fondamental par son soutien à
la Convention du patrimoine mondial dans la région, établissant notamment un Centre régional
arabe pour le patrimoine mondial, centre de catégorie 2 sous les auspices de l’UNESCO. Sheikha
Mai bint Mohammed al-Khalifa, en tant que Présidente du Comité du patrimoine mondial au cours
des douze derniers mois, a joué un rôle remarquable dans la mise en œuvre de la Convention du
patrimoine mondial dans la région et en général.
Les articles de ce numéro traitent individuellement de chacun de ces sites et pays de la région
du Golfe. L’un est entièrement consacré à Qal’at al-Bahreïn (aussi appelé le Fort de Bahreïn), un tell
dominé par un fort dont le plus récent développement est dû aux Portugais et situé à proximité
de la capitale du royaume. Les fouilles archéologiques réalisées sur ce site ont permis de mettre au
jour des vestiges d’une civilisation contemporaine de Sumer.
Par ailleurs, les conditions climatiques exceptionnellement arides de cette région ont favorisé
l’élaboration d’un système de gestion de l’eau unique au monde appelé falaj (pluriel aflaj). Le falaj
est un réseau de hautes galeries souterraines construites pour acheminer l’eau de source, parfois sur
de longues distances, vers des zones qui nécessitent une irrigation. Si l’on trouve des aflaj à travers
tout le Moyen-Orient, ils ont toutefois souffert d’abandon au cours des dernières décennies. C’est
pourquoi nous saluons l’initiative du Sultanat d’Oman qui a fait inscrire sur la Liste du patrimoine
mondial plusieurs aflaj particulièrement représentatifs, découverts sur son territoire.
Oman a également obtenu l’inscription de trois sites importants : le Fort de Bahla, le site
protohistorique de Bat (qui constitue l’ensemble de zones d’habitat et de nécropoles le plus
complet du IIIe millénaire avant notre ère) et la Terre de l’encens.
On notera enfin que l’Arabie saoudite a obtenu, en 2008, l’inscription de la remarquable cité nabatéenne d’al-Hijr (anciennement connue sous le nom d’Hegra, un site apparenté à Petra en Jordanie) et,
en 2010, celle d’ad-Dir’iyah, la spectaculaire capitale de la dynastie des Saoud, qui date du XVe siècle.
Toutes ces inscriptions, conjuguées à celles actuellement en cours, attestent de la forte volonté de
ces pays d’identifier, de reconnaître et d’affirmer leur présence historique et leur influence persistante
sur le plan mondial, en termes de culture, de commerce et de développement, que le patrimoine
mondial s’est mis en devoir d’inventorier et de célébrer il y a maintenant près de quarante ans.
Chers lecteurs, ayant tout récemment accédé aux fonctions de Directeur du Centre du patrimoine
mondial de l’UNESCO et de ce fait à celle de Directeur de la Rédaction de notre magazine, je suis
parfaitement conscient de l’importance du rôle que joue Patrimoine Mondial dans la poursuite
de notre mission. Tout comme mon prédécesseur, Francesco Bandarin, je me réjouis d’y apporter
toute mon attention et mon soutien indéfectible.
Kishore Rao
Directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO
S o mmaire
Magazine trimestriel publié en français, anglais
et espagnol conjointement par l’Organisation des
Nations Unies pour l’éducation, la science et la
culture (UNESCO), Paris, France et par Publishing
for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni.
Directeur éditorial
Kishore Rao
Directeur du Centre du patrimoine
mondial de l’UNESCO
Éditeur
Publishing for Development
Chef de rédaction
Vesna Vujicic-Lugassy
Rédacteurs
Helen Aprile, Gina Doubleday, Michael Gibson
Coordinateur de production
Richard Forster
Éditeur de production
Caroline Fort
Numéro
Spécial
Patrimoine
mondial dans les
pays du Golfe
19
Correction de copie
Caroline Lawrence (anglais), Brigitte Strauss
(français), Luisa Futoransky (espagnol)
Conseil éditorial
ICCROM : Joseph King, ICOMOS : Regina Durighello,
UICN : Tim Badman, Centre du patrimoine mondial
de l’UNESCO : Marina Apaydin, Giovanni Boccardi,
Véronique Dauge, Guy Debonnet, Lazare EloundouAssomo, Mechtild Rössler, Nuria Sanz, Petya
Totcharova, Éditions UNESCO : Ian Denison
Assistante de rédaction
29
Barbara Blanchard
Publicité
Barbara Guyomarch, Gary Moffat, Kara Sweeting
Couverture
Photo : UNESCO/Youmna Tabet
Design : Recto Verso
Rédaction
Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO
7, place de Fontenoy, 75007 Paris
Tél. (33.1) 45 68 16 60 – Fax. (33.1) 45 68 55 70
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30
Publicité, production
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Les idées et opinions exprimées dans les articles sont celles des auteurs et
ne reflètent pas nécessairement les vues de l’UNESCO. Les appellations
employées dans cette publication et la présentation des données qui y figurent
n’impliquent de la part de l’UNESCO aucune prise de position quant au statut
juridique des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant à
leurs frontières ou limites.
Publié par Publishing for Development Ltd., Londres, Royaume-Uni.
ISSN : 1020-4520. © UNESCO – Publishing for Development Ltd. (2011)
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56
Message d’Irina Bokova,
Directrice générale de l’UNESCO
7
Entretien avec Sheikha Mai Bint
Mohammad Al-Khalifa,
Ministre de la culture de Bahreïn
10
Carte des sites du patrimoine
mondial dans les pays du Golfe
15
Qal’at al-Bahreïn – Capitale
de la civilisation de Dilmun 16
Qal’at al-Bahreïn, aussi connu comme le
Fort de Bahreïn, est un site archéologique.
Il fut la capitale de la civilisation de Dilmun,
et assista plus récemment à la construction
d’un fort occupé par les Portugais.
Le fort de Bahla – Vestiges d’une
immense forteresse médiévale
24
Le fort de Bahla a été construit au XIIIe et
XIVe siècles, lorsque l’oasis de Bahla était
prospère sous le contrôle de la tribu des
Banu Nabhan.
Sites protohistoriques à Oman –
Bat, al-Khutm et al-Ayn
30
Le site protohistorique de Bat est situé
dans l’intérieur du Sultanat d’Oman. Avec
les sites annexes d’al-Khutm et d’al-Ayn,
Bat constitue l’ensemble d’habitat et de
nécropoles du IIIe millénaire avant notre
ère le plus complet au monde.
PATRIMOINE MONDIAL Nº60
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58
36
L’encens – La richesse d’Oman
Les arbres à encens et les vestiges des caravanes de l’oasis illustrent
de façon frappante le commerce de l’encens qui prospéra dans cette
région pendant de nombreux siècles.
44
Aflaj – Les systèmes d’irrigation souterrains traditionnels d’Oman
Les systèmes aflaj sont la principale source d’irrigation du Sultanat.
Ils sont utilisés dans l’agriculture ainsi que pour l’usage domestique
depuis l’Antiquité.
67
Al-Hijr – Un peuplement nabatéen en Arabie saoudite
54
Le site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih) est le plus important site
conservé de la civilisation des Nabatéens au sud de Petra en Jordanie.
60
Ad-Dir’iyah – Berceau de la maison des Saoud
Ce bien fut la première capitale de la dynastie saoudienne, en plein cœur
de la péninsule arabique, au nord-ouest de Riyad. Fondée au XVe siècle,
il s’agit d’un exemple unique du style architectural et décoratif nadjdi.
La liste indicative – Un regard vers l’avenir
Nouvelle publication : Patrimoine mondial dans les pays arabes
82
87
Bulletin d’abonnement
91
Patrimoine Mondial souhaite remercier le
Ministère de la culture de Bahreïn pour
son soutien dans la préparation de cette
édition, ainsi que les Éditions Gelbart
pour leur contribution photographique.
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Organisation
des Nations Unies
pour l’éducation,
la science et la culture
e numéro spécial de
Patrimoine Mondial est
exclusivement consacré au
patrimoine mondial dans
les pays du Golfe. Chacun
des sept sites inscrits par ces pays sur la
Liste du patrimoine mondial constitue un
exemple particulièrement représentatif de
la richesse, de la diversité et de la longévité
de l’histoire et de la culture de cette région.
Les sites archéologiques de Bat, alKhutm et al-Ayn offrent la collection la
plus complète de zones d’habitat et de
nécropoles du IIIe millénaire av. J.-C. Le tell de
Qal’at al-Bahreïn recouvre plusieurs strates
de présence humaine depuis 2300 av. J.-C.
jusqu’au XVIe siècle de notre ère. Le fort de
Bahla est un exemple exceptionnel d’une
zone d’occupation humaine oasienne fortifiée
datant de l’époque médiévale islamique,
façonnée par les techniques et le savoir-faire
hydrauliques de ses premiers habitants. Situé
au cœur de la péninsule arabique, le district
d’at-Turaif à ad-Dir’iyah, fondé au XVe siècle,
fut la toute première capitale de la dynastie
des Saoud.
L’inscription d’un site sur la Liste du
patrimoine mondial est la première étape
d’une longue aventure. En effet, la mise
en œuvre de la Convention du patrimoine
mondial implique que les États et organismes
concernés unissent leurs efforts dans le but
de protéger, de conserver, de surveiller et
de fournir des rapports détaillés sur tous les
sites placés sous leur responsabilité.
L’éducation joue un rôle clé dans cette
entreprise. Dans le cadre du programme de
Bahreïn pour le patrimoine mondial et en
coopération avec le Centre du patrimoine
mondial, une version actualisée du
Patrimoine mondial aux mains des jeunes a
été produite en langue arabe et distribuée
Message
Message d’Irina Bokova,
Directrice générale
de l’UNESCO
© UNESCO
à travers toute la région. Cette initiative
emboîte le pas aux travaux réalisés par
l’Atelier régional de formation à l’éducation
au patrimoine mondial qui s’est tenu en
2009 à Amman, en Jordanie, réunissant des
participants issus de dix-huit États arabes.
En outre, Bahreïn soutient activement le
Programme du patrimoine mondial marin,
notamment par le biais de la rencontre
d’experts régionaux organisée sur son
territoire en février 2009. Cette rencontre
très importante a favorisé l’identification
de nouveaux sites potentiels du patrimoine
mondial marin, au sein de la région arabe et
à travers le monde.
On constate également que la
préservation du patrimoine est un thème
qui monte en puissance à travers la région :
le Qatar et les Émirats arabes unis ont tous
deux élaboré des listes indicatives et déposé
une candidature en vue d’une inscription
sur la Liste du patrimoine mondial.
Il en va de même pour la préservation
du patrimoine immatériel : en 2010,
la fauconnerie fut inscrite sur la Liste
représentative du patrimoine culturel
immatériel de l’humanité. En effet, le
dressage traditionnel de faucons et d’autres
rapaces pour la chasse se transmet de
génération en génération à travers la région.
Du point de vue de l’UNESCO, le
patrimoine culturel concerne essentiellement
l’identité d’un peuple et d’un lieu particulier
à travers le temps. Il s’agit de tous les
éléments qui nous relient et font de chacun
de nous des membres à part entière d’une
communauté humaine. La culture est, par
essence, dynamique. Fruit d’un travail de
plusieurs siècles et de plusieurs générations,
elle a la propriété de se renouveler jour après
jour par les échanges et le dialogue. En ces
temps de changement et d’incertitude, le
principal message de l’UNESCO consiste à
dire que notre patrimoine culturel peut servir
de pierre angulaire à la mise en place d’un
développement durable, qu’il peut aussi être
un vecteur de réconciliation et d’harmonie
et un moteur favorisant la coopération sur
le plan régional. Et, bien sûr, la culture peut
également jouer un rôle clé pour renforcer la
cohésion sociale (particulièrement par le biais
de l’enseignement des valeurs du patrimoine).
Je tiens à remercier tout particulièrement
les États des pays représentés dans ce
numéro spécial de Patrimoine Mondial pour
l’engagement et les efforts dont ils ont fait
preuve pour coopérer avec l’UNESCO. La
région du Golfe renferme un patrimoine
culturel d’une très grande richesse qu’elle
souhaite faire découvrir au reste du monde.
Cette aventure a déjà bel et bien commencé
et je me réjouis de la voir se poursuivre et
s’épanouir, en collaboration avec les États et
les organismes de la région.
Patrimoine Mondial Nº60
9
Numéro spécial
Entretien
Entretien avec Sheikha Mai bint
Mohammed al-Khalifa, Ministre
de la culture de Bahreïn
Présidente du Comité du patrimoine mondial
Historienne, écrivain et visionnaire, Sheikha Mai bint Mohammed
al-Khalifa s’attache à promouvoir la scène culturelle du Royaume
de Bahreïn grâce à une meilleure sensibilisation de la population
au patrimoine historique et archéologique unique de son pays et
par le biais de diverses activités culturelles. Sur la longue liste de
ses réalisations sur le plan culturel à Bahreïn figurent notamment
l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO du fort
de Qal’at al-Bahreïn (ancien port et capitale de Dilmun) et la création
du Printemps de la culture, un festival culturel d’une durée d’un mois.
En tant que Ministre de la culture du Royaume de Bahreïn, Sheikha
Mai al-Khalifa est responsable d’un ambitieux programme culturel
pour Bahreïn. Celui-ci comprend la création de sept nouveaux
musées ainsi que la protection, la promotion et la gestion des sites
archéologiques de Bahreïn. C’est grâce à l’initiative « Investir dans
la culture » lancée par Sheikha Mai al-Khalifa que ce programme
culturel, qui bénéficie d’un partenariat entre le secteur public et le
secteur privé, a pu voir le jour. Sheikha Mai al-Khalifa, en effet, a su
convaincre des institutions privées de l’importance de la préservation
du patrimoine et les a persuadées d’investir à long terme dans les
infrastructures culturelles du Royaume.
En conjonction avec ses responsabilités gouvernementales, Sheikha
Mai al-Khalifa a créé le Centre Shaikh Ebrahim bin Mohammed
al-Khalifa pour la culture et la recherche à Muharraq en 2002. En
quelques années seulement, ce centre est devenu l’une des plus
importantes institutions culturelles du monde arabe, accueillant les
intellectuels arabes et étrangers les plus connus et les plus respectés
et plaçant à nouveau Bahreïn sur la carte culturelle mondiale.
Ce centre s’est également engagé dans l’ancien centre urbain de
Muharraq, pour mettre à l’honneur quelques maisons traditionnelles
bahreïnites rénovées, chacune représentant une composante
du patrimoine culturel de Bahreïn, et contribuant à préserver et
revitaliser le centre historique urbain du pays.
Citée par le magazine Forbes parmi les cinquante femmes les
plus influentes du monde arabe, Sheikha Mai al-Khalifa s’est vu
décerner le prix du Comité Colbert Création et Patrimoine dans
le domaine de la préservation culturelle, ainsi que les insignes de
l’ordre de la Légion d’honneur et de l’ordre des Arts et Lettres, au
vu de son engagement dans la promotion de projets culturels et de
coopération intellectuelle.
En tant que Ministre de la culture du Royaume de Bahreïn Sheikha
Mai cherche surtout à préserver et à entretenir les sites historiques
du pays. En effet, elle est intimement convaincue que le patrimoine
12
Patrimoine Mondial Nº60
Sheikha Mai bint Mohammed al-Khalifa, Ministre de la culture de Bahreïn.
© Bahrain Ministry of Culture
bahreïnite doit rester sous la seule responsabilité du pays en matière
de continuité, d’entretien et de développement.
Selon Sheikha Mai, la ratification et la mise en œuvre de la
Convention du patrimoine mondial revêtent une importance capitale
dans la région du Golfe. « Le développement économique rapide de
la région a eu un impact considérable sur tous les aspects de nos vies,
affectant non seulement ce qui concerne le paysage bâti et naturel,
mais aussi nos interactions sociales. Il est par conséquent impératif que
nous puissions préserver notre identité en comprenant, protégeant
et entretenant des liens privilégiés avec notre patrimoine matériel
et immatériel. Dans cette optique, la Convention du patrimoine
mondial nous apparaît comme un instrument clé qui reconnaît ces
besoins. » En tant que membre du Comité du patrimoine mondial (de
2007 à 2011), Bahreïn a fait état d’une ambition et d’un engagement
résolu en faveur de l’appréciation de la diversité et de la variété du
patrimoine culturel et naturel à l’échelle mondiale.
Depuis son accession au Comité du patrimoine mondial, il y a
quatre ans, Bahreïn s’est efforcé de participer à divers aspects
de la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial en
lançant, finançant et mettant en place divers projets et initiatives
destinés à soutenir la Convention et à améliorer la politique
culturelle du pays. Parmi ces projets, on citera notamment la
création et l’organisation de rencontres et d’ateliers d’experts
à Bahreïn en vue de répondre aux objectifs de la Convention à
divers niveaux. Une rencontre d’experts portait récemment sur
les processus décisionnels des organes du patrimoine mondial,
c’est-à-dire du Comité et de l’Assemblée générale des États
parties. Le Royaume a aussi organisé une rencontre d’experts
particulièrement importante consacrée au patrimoine marin qui
constitue une question capitale pour la région arabe (puisque
les dix-huit États parties arabes de la Convention ont accès à la
côte). Ce colloque comportait un examen thématique général du
patrimoine marin mondial ainsi qu’une étude du patrimoine marin
de la région arabe. Les conclusions de cet atelier furent publiées
en 2010 dans le « Plan d’action de Bahreïn pour le patrimoine
mondial marin ». Ce document constitue désormais un important
instrument pour faciliter le ciblage des prochaines activités
marines réalisées par le Programme du patrimoine mondial
marin et par l’UICN (Union internationale pour la conservation
de la nature).
Bahreïn a également apporté son soutien à plusieurs programmes
et projets clés dont, notamment, le Programme d’architecture de
terre ainsi que la réunion régionale du Patrimoine mondial aux mains
des jeunes, qui s’est tenue en Jordanie en 2009. Par ailleurs, Bahreïn
a facilité et accueilli le lancement du second cycle de rapports
périodiques dans les États arabes vers la fin de l’année 2008.
Le développement du Programme préhistoire dans le cadre du
patrimoine mondial compte parmi les programmes qui tiennent tout
particulièrement à cœur à Sheikha Mai et qu’elle évoque longuement.
« Quatre-vingt-quinze pour cent de l’histoire de l’humanité relève
de la préhistoire, dit-elle, or, la majorité des sites datant de cette
période sont mal représentés sur la Liste du patrimoine mondial. Le
colloque sur la préhistoire qui s’est tenu à Bahreïn en 2009 mettait en
exergue l’exceptionnelle valeur universelle des ensembles funéraires
préhistoriques de Bahreïn, datant des civilisations de Dilmun et de
Tylos. Bahreïn a d’ailleurs l’intention de proposer l’inscription de ces
sites sur la Liste du patrimoine mondial. »
Sheikha Mai souhaite promouvoir la vision d’un patrimoine
culturel qui viserait un public diversifié au sein de son pays, dans
des domaines tels que la politique économique, l’éducation et
l’engagement envers la communauté. « Il est impératif que tout
le monde comprenne l’enjeu que représente la préservation de
nos sites archéologiques du point de vue du tourisme culturel. Si
nous nous y prenons correctement, ces sites permettront en effet
d’accroître l’attrait de Bahreïn et de renforcer les efforts déployés par
notre pays pour s’affirmer en tant que destination de premier choix
dans la région. Si ce message est bien transmis au peuple bahreïnite,
il ne fait aucun doute que la préservation des sites archéologiques
Sheikha Mai est convaincue que le
patrimoine bahreïnite doit rester
sous la seule responsabilité du
pays en matière de continuité,
d’entretien et de développement.
Qal’at al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmun.
© Éditions Gelbart
Patrimoine Mondial Nº60
13
Entretien
« L’un des objectifs de la campagne que nous avons menée pour
assurer notre intégration au Comité du patrimoine mondial fut
de promouvoir la mise en œuvre de la Convention du patrimoine
mondial dans notre région en créant notamment le Centre régional
arabe pour le patrimoine mondial (ARC-WH), en tant que centre
de catégorie 2 sous l’égide de l’UNESCO. La mission de ce centre
consistera à répondre aux divers besoins de la région dans le contexte
du patrimoine mondial, avec une focalisation plus particulière sur
le partage du savoir en langue arabe, l’offre d’assistance aux États
parties et la mise en place d’un soutien logistique et financier »,
déclare Sheikha Mai, qui estime que l’importance de l’ARC-WH
assistera nos spécialistes pour protéger le patrimoine de la région
arabe sous toutes ses formes ».
Numéro spécial
Entretien
fera vite partie intégrante de sa culture. En sensibilisant le plus grand
nombre à la valeur de nos sites archéologiques, nous établirons
ainsi des liens solides avec notre passé et nos ancêtres », poursuitelle. Consciente du rôle clé que jouent les communautés locales au
niveau de la conservation des sites du patrimoine mondial, Sheikha
Mai est catégorique : « nous ne devons pas détruire nos anciens
sites pour faire place à la construction de nouveaux logements ».
Sheikha Mai s’enorgueillit du fait que le patrimoine fera bientôt
partie du programme scolaire bahreïnite avec un accent particulier
sur la Convention du patrimoine mondial et sur le site de Qal’at
al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmun. « Nous œuvrons
actuellement dans ce sens et le Royaume est de plus en plus
soucieux de mettre en place un programme qui s’adresse plus
précisément aux jeunes de notre pays. Malheureusement, nous
manquons encore de programmes visant à sensibiliser les écoliers
du secteur public et privé et mettant à leur disposition toutes les
informations nécessaires touchant à l’importance de la préservation
de notre identité grâce à la préservation de notre patrimoine. Nous
devons également encourager un plus grand nombre d’étudiants à
visiter ces sites pour les aider à mieux comprendre l’importance et
le rôle de leur propre pays, son contexte historique et la manière
dont Bahreïn a contribué aux civilisations du monde », ajoute-t-elle.
En ce qui concerne la sensibilisation aux sites bahreïnites
actuellement inscrits au patrimoine mondial et à la région, Sheikha
Mai évoque l’initiative de son pays touchant à la première publication
relative aux 66 sites de la région arabe inscrits au patrimoine mondial.
« Il s’agit là du tout premier ouvrage consacré aux sites de la région
arabe inscrits au patrimoine mondial. Sa sortie coïncidera avec la
35e session du Comité. Illustré par de superbes photographies d’une
grande qualité artistique, il constitue un cadeau exceptionnel et
informatif destiné non seulement à la région mais aussi au monde
entier. On pourra y découvrir de nouvelles façons de voir les sites de
la région arabe inscrits au patrimoine mondial. »
grande fierté pour le Royaume. Cette décision nous offrait en effet
une chance extraordinaire de faire découvrir Bahreïn, une terre riche
de 5 000 ans d’histoire, au monde entier », explique Sheikha Mai.
« Malheureusement, en raison des évènements au Royaume, la
décision a été prise de modifier le lieu de cette rencontre et celle-ci se
déroulera au siège de l’UNESCO à Paris. Néanmoins, je demeurerai
toujours reconnaissante à toutes les personnes concernées d’avoir
sélectionné Bahreïn, une si petite île par rapport au vaste monde,
pour accueillir un événement aussi prestigieux. Depuis l’adoption
de la Convention du patrimoine mondial en 1972, seuls trois pays
arabes ont accueilli les réunions du Comité : l’Égypte, le Maroc et
la Tunisie. Qui sait, Bahreïn pourra peut-être accueillir le Comité en
d’autres circonstances, et plus tôt que nous le pensons », ajoute
Sheikha Mai, résolument optimiste, qui estime que la présence du
Comité du patrimoine mondial à Bahreïn aurait joué un rôle de
catalyseur et favorisé la préservation du patrimoine au sein de la
région.
Parfaitement consciente de la difficulté de l’enjeu que doit relever
son équipe, et plus particulièrement en ces temps éprouvants,
Sheikha Mai croit fermement que la persévérance portera ses fruits.
Si Sheikha Mai parvient un jour à concrétiser son rêve le plus cher,
Bahreïn constituera alors véritablement une plate-forme culturelle
qui donnera accès aux sites historiques de la région. Et il semblerait
bien qu’avec le zèle et la détermination dont elle fait preuve, cette
vision deviendra bientôt réalité.
Suite aux recommandations du Comité préconisant une meilleure
diversification de la Liste du patrimoine mondial visant à donner une
vue représentative et équilibrée du patrimoine mondial, et dans la
foulée de diverses initiatives de protection de sites à l’échelle régionale
et mondiale, dont le Plan d’action de Bahreïn pour le patrimoine
mondial marin, qui a favorisé une meilleure reconnaissance des zones
marines protégées dans le cadre de la Convention du patrimoine
mondial, Sheikha Mai a exprimé un très vif intérêt pour l’inscription
d’un site naturel de la région du Golfe. Elle s’est entretenue avec
plusieurs de ses homologues pour examiner le cas du deuxième
plus grand habitat de dugongs (vaches marines) à l’échelle mondiale
découvert dans les eaux de Bahreïn, d’Arabie saoudite, des Émirats
arabes unis et du Qatar. « Nous sommes en train de mettre en place
une campagne de coordination entre plusieurs pays du Golfe pour
ajouter cette merveilleuse réserve marine naturelle à la liste indicative
de l’UNESCO et (In cha’Allah !) l’inscrire sur la Liste du patrimoine
mondial à titre de site transfrontalier », déclare-t-elle.
« Le fait que le Royaume de Bahreïn ait été choisi pour accueillir
la 35e session du Comité du patrimoine mondial fut un motif de
Parmi les nombreuses initiatives, Bahreïn a accueilli une
importante réunion sur le patrimoine maritime.
© Dr. Saeed Al Khuzai
14
Patrimoine Mondial Nº60
IRAQ
RÉPUBLIQUE
ISLAMIQUE D’IRAN
JORDANIE
KOWEÏT
6
BAHREÏN
ARABIE SAOUDITE
1
QATAR
7
ÉMIRATS
ARABES UNIS
3
25
OMAN
SOUDAN
4
ÉRYTHRÉE
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
YÉMEN
Qal’at al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmun (Bahreïn) (2005)
Le Fort de Bahla (Oman) (1987)
Sites archéologiques de Bat, Al-Khutm et Al-Ayn (Oman) (1988)
Terre de l’encens (Oman) (2000)
Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman (2006)
Site archéologique de Al-Hijr (Madain Salih) (Arabie Saoudite) (2008)
District d’at-Turaif à ad-Dir’iyah (Arabie Saoudite) (2010)
Patrimoine Mondial Nº60
17
Carte
Sites du patrimoine mondial
dans les pays du Golfe
Numéro spécial
Qal’at al-Bahreïn
Qal’at al-Bahreïn
Capitale de la
civilisation de Dilmun
Qal’at al-Bahreïn - ancien port et capitale de Dilmun est le seul site de Bahreïn inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.
© Éditions Gelbart
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Patrimoine Mondial Nº60
Qal’at al-Bahreïn
Patrimoine Mondial Nº60
19
Numéro spécial
Qal’at al-Bahreïn
al’at al-Bahreïn compte
sont bien représentées à Qal’at al-Bahreïn
parmi les sites historiques
qui était également, en tant que capitale
les plus importants du
de Dilmun, le siège du roi ou, après la
Royaume de Bahreïn
conquête de l’île par d’autres nations, de
du fait qu’il abritait la
l’administrateur.
capitale de Dilmun, l’une des plus anciennes
Le site, que l’on appelle aussi le Fort de
civilisations de la région. Les écrits sumériens
Bahreïn, se trouve sur la côte nord de l’île,
citent Dilmun comme un partenaire
sur la rive occidentale du golfe, où elle
commercial important, notamment pour
fait face à la périphérie occidentale de la
le cuivre. Qal’at al-Bahreïn renferme les
ville de Manama, aujourd’hui capitale de
plus riches vestiges à ce jour répertoriés
Bahreïn. Vu dans son ensemble, il s’agit
de cette civilisation, dont seul le nom était
d’un tell typique, c’est-à-dire d’une colline
connu grâce aux tablettes
d’argile des Sumériens et
aux bas-reliefs du palais
du roi assyrien Sargon II,
découvert dans l’ancienne
cité de Dour-Sharrouken
(qui porte désormais le
nom de Khorsabad, en
Iraq).
Sa terre et sa culture
sont mentionnées dans la
mythologie
sumérienne,
qui rattache Dilmun aux
origines du monde. La
terre de Dilmun était tenue
pour être le paradis, le
jardin d’Éden qu’aurait
découvert Gilgamesh, roi
d’Ourouk, dans sa quête
d’immortalité. Des textes
sumériens du IIIe millénaire
décrivent Dilmun comme
une terre bénie des dieux,
dotée d’une abondance
d’eau douce et un centre
marchand de renommée
internationale.
Dilmun
était aussi le seul lieu
Fouilles de la zone de peuplement de Qal’at al-Bahreïn.
d’échange commercial au
Le site inscrit sur la Liste du patrimoine
mondial s’étend sur près de 32 ha, dont
18 ha sont recouverts par le tell dont le
point le plus élevé se situe à environ 12 m
au-dessus du niveau de la mer.
La stratigraphie du site atteste d’une
présence humaine constante depuis environ 2300 avant l’ère commune et jusqu’au
XVI e siècle de notre ère. Près d’un quart du
site a déjà fait l’objet de fouilles, qui ont
révélé des structures de divers types : résidentiel, public, commercial, religieux et militaire. Aujourd’hui la colline
est dominée par un fort imposant, occupé et développé par
les Portugais. C’est à ce fort
que l’ensemble du site doit
aujourd’hui son nom (qal’a
signifiant « fort » en arabe).
La partie nord du site est entourée de vastes zones d’eaux
peu profondes résultant de la
présence d’affleurements de
coraux fossilisés qui s’étendent sur 2 km en direction
de la mer. Ces structures coralliennes rendent l’approche
des navires si difficile qu’un
chenal dut être creusé à travers la barrière de corail pour
offrir un accès au large.
La position stratégique du
site conjuguée à la présence
abondante d’eau douce dans
cette zone a assuré la pérennité de son occupation depuis
5 000 ans, à compter du milieu
du IIe millénaire avant notre ère
et jusqu’au XIXe siècle.
Les fouilles du site ont
permis de jeter la lumière sur
© Éditions Gelbart
long cours passant par le
pratiquement tout ce que
Golfe. C’était un port de
l’on sait aujourd’hui de la
Sa terre et sa culture sont mentionnées
transit où des représentants
civilisation de Dilmun après
dans la mythologie sumérienne, qui
de tous les pays du monde
vingt-cinq siècles d’oubli. La
rattache Dilmun aux origines du monde.
alors
connu
venaient
toute première excavation du
échanger
ou
vendre
site fut réalisée en 1954 par
leurs produits et leurs
une équipe d’archéologues
marchandises. Ce site constituait également
artificielle composée de plusieurs strates
danois. À cette époque, on pensait que
un important carrefour des cultures. Au
archéologiques successives, entouré à l’est,
Qal’at al-Bahreïn était peut-être le site de
e
à
l’ouest
et
au
sud
par
des
jardins
et
des
la capitale de l’ancien Dilmun. À l’issue de
II millénaire avant l’ère commune, Dilmun
palmeraies. Ce cadre assure au site une
plusieurs années de fouilles archéologiques
fut conquis par la dynastie kassite de
certaine protection contre l’urbanisation
(de 1954 à 2002), six strates distinctes
Mésopotamie et, au VIIe siècle avant l’ère
insidieuse de la région et indique en outre
d’occupation humaine furent découvertes.
commune, ce pays est mentionné à sept
une abondance d’eau douce dans cette
Ces couches étaient autrefois entourées
reprises dans les bas-reliefs du palais de
zone.
d’imposantes murailles.
Sargon. Toutes ces périodes historiques
20
Patrimoine Mondial Nº60
Qal’at al-Bahreïn
Les fouilles du site ont permis de
jeter la lumière sur pratiquement
tout ce que l’on sait aujourd’hui
de la civilisation de Dilmun.
© Haidee Vaquer
Patrimoine Mondial Nº60
21
Numéro spécial
Qal’at al-Bahreïn
Le site fut inscrit sur la Liste du patrimoine mondial car il
comporte les vestiges d’une grande ville portuaire, où divers
peuples et traditions venus de différentes parties du monde se
côtoyèrent, vécurent et exercèrent leurs activités commerciales.
© Éditions Gelbart
22
Patrimoine Mondial Nº60
avant l’ère commune. L’élément le plus
important de cette strate est un portail de
3 m de hauteur. Un très grand bâtiment,
qui semblerait être le palais d’Oupéri, roi
de Dilmun, a également été découvert dans
cette couche. Ce roi est cité nommément
dans des tablettes cunéiformes.
La cinquième strate appartient à la
période Tylos, nom grec donné à Bahreïn au
III e siècle avant l’ère commune. Cette couche
se distingue par la présence de divers
artefacts d’origine grecque, et notamment
d’une autre forteresse, plus ancienne, sur
laquelle les Portugais édifièrent leur propre
fort au XVIe siècle.
Ces six strates successives et la présence
de diverses cités bâties sur un seul et même
site attestent de l’occupation continue
de Qal’at al-Bahreïn. Exception faite de
quelques périodes intermédiaires, la cité est
parvenue à maintenir son statut de capitale
de l’île pendant plusieurs milliers d’années.
La plus ancienne de ces strates
correspond à la civilisation de Dilmun. À
ce titre, le site est aujourd’hui considéré
comme l’un des points de relais historiques
les plus importants reliant le pays entre
rivières (Mésopotamie) et le pays de
Sanad à l’âge de bronze. Ce facteur
justifia naturellement son inscription sur
la Liste du patrimoine mondial en 2005,
en considération de sa valeur historique
exceptionnelle.
Un carrefour des cultures
La première de ces six
Le site fut inscrit sur la Liste
strates date du milieu du
du patrimoine mondial car il
comporte les vestiges d’une
III e millénaire avant l’ère
grande ville portuaire, où
commune et témoigne de la
divers peuples et traditions
création de Dilmun en tant
venus de différentes parties
que zone de peuplement
du monde alors connu se
humain. Située juste à côté
côtoyèrent,
vécurent
et
du rivage, elle comporte
exercèrent leurs activités
plusieurs petites maisons
commerciales, ce qui fit
qui ne se détachent pas
de cet endroit un véritable
nettement en raison des racarrefour de cultures, comme
vages causés par les incenl’attestent son architecture
dies qui les ont détruites.
et son développement. En
La deuxième strate (péoutre, le site a longtemps
riode Dilmun ancienne)
été envahi et occupé par
contient une ville qui
la plupart des grandes
marque l’apogée de la civilipuissances et des empires
sation dilmun. Cernée d’une
influents, qui ont marqué de
muraille imposante, cette
leur empreinte culturelle les
couche fut probablement
différentes strates du tell.
élevée sur les ruines des
En outre, la civilisation de
premières constructions. Ce
Dilmun, dont nous ne savons
sont ses habitants qui ont
pas encore grand-chose, fut
construit les tumuli funéun acteur de taille dans le
raires que l’on trouve dans
Moyen-Orient ancien. À ce
toutes les parties du pays
titre, ce site est un témoignage
ainsi que les temples datant
exemplaire de son pouvoir et
de l’époque de l’occupation
Six différentes strates de vestiges furent découvertes.
deson influence.
akkadienne et de l’ancienne
© Éditions Gelbart
À l’intérieur du site, les
ère babylonienne.
palais
de Dilmun sont des
La
troisième
strate
La plus ancienne de ces strates
témoignages
uniques de
(période Dilmun moyenne)
correspond à la civilisation de Dilmun.
l’architecture publique de
coïncide avec une période
cette culture, qui a laissé sa
de plus grande prospérité
marque sur l’architecture de
qui dura probablement de
la région dans son ensemble. Les différentes
1700 à 1200 avant l’ère commune. Cette
des poteries, des verres, des céramiques
fortifications sont les meilleurs exemples
période correspond aussi à la seconde moitié
émaillées et des statues en pierre.
d’ouvrages défensifs du IIIe siècle avant
de l’ère babylonienne et à l’ère kashienne.
La sixième et dernière strate correspond,
Parmi les vestiges de cette période, on
quant à elle, à l’ère islamique, au cours
l’ère commune au XVIe siècle de notre ère,
citera notamment des bâtiments réservés à
de laquelle l’île fut renommée « Awal ».
tous réunis en un seul et même site. Et les
l’entreposage des dattes.
Cette couche couvre toute la période qui
palmeraies protégées qui entourent le site
La quatrième strate (période Dilmun
s’étend jusqu’au XIVe siècle de notre ère et
illustrent enfin le paysage et l’agriculture
finale) coïncide avec l’âge de la domination
typiques de la région depuis le IIIe siècle
se distingue par la présence au nord du site
assyrienne qui s’étend du IXe au Ve siècle
d’une forteresse islamique et les vestiges
avant l’ère commune.
Patrimoine Mondial Nº60
23
Qal’at al-Bahreïn
Six strates de vestiges
LE SALVADOR : LE BIJOU DU MONDE MAYA
Le tourisme archéologique constitue l’un des atouts les plus fascinants de ce
pays d’Amérique centrale qui renferme la fameuse « Pompéi des Amériques »,
où, il y a près de 600 ans av. J-C, le quotidien des habitants fut figé pour
l’éternité par l’éruption du volcan Loma Caldera.
Ce site fut inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983. Un
circuit a depuis été créé pour faciliter la visite des divers sites archéologiques
du Salvador et découvrir cette facette du monde des Mayas.
Le Circuit Archéologique
Ce circuit traverse de nombreux sites archéologiques qui font partie de la
Ruta Maya. Des civilisations de Lenca, Maya et Pipil occupèrent tour à tour
ce territoire et on peut encore aujourd’hui y apercevoir les lieux que leurs
habitants consacraient aux cérémonies.
Ce tour est soutenu par l’exposition de divers artefacts de la vie quotidienne à
San Salvador, Santa Ana, La Libertad, San Miguel et Morazan. Chacune de ces
localités est en effet dotée d’infrastructures qui viennent enrichir l’intérêt du
circuit touristique en permettant notamment la visite de monuments attestant
de l’héritage colonial du pays et présentant de remarquables éléments
architecturaux.
Parmi les divers sites traversés par le circuit, on citera plus particulièrement
le Parc Archéologique de Joya de Cerén, San Andres, Cihuatán Tazumal, la
Maison Blanche ainsi que les zones d’habitat du site archéologique du lac de
Güija. Les grottes de Corinthe et les pétroglyphes de Quelep.
Le Parc Archéologique de Joya de Cerén (inscrit sur la Liste du patrimoine
mondial en 1983)
Le quotidien des habitants du site, brutalement interrompu par l’éruption du
volcan Caldera il y a près de 600 ans de notre ère, fut conservé intact sous
plus de 10 couches de cendre pendant 1 400 ans jusqu’à la découverte du
site en 1976.
On l’appelle fréquemment la « Pompéi d’Amérique » en référence au site
archéologique de Pompéi en Italie.
Le site comprend 18 structures au total. Dix d’entre elles ont été fouillées et
ont révélé des passages ainsi que des habitations bâties dans un mélange
de terre blanche, de boue et d’argile. On peut encore y voir la maison d’un
shaman (conseiller spirituel), une maison de la fraternité dotée d’une cuisine
communautaire, des jardins potagers et des vignobles familiaux dans lesquels
on a découvert du maïs, des haricots et un épi bien conservé). Le site comprend
également un trou de forage dans lequel on a découvert l’empreinte d’un
pied ainsi qu’un Temascal (bain de vapeur).
Le parc archéologique de San Andres
Ce site était un point d’une grande importance stratégique pour le
gouvernement, les cérémonies et l’administration entre les années 600 et 900
de notre ère. De nombreuses découvertes y ont été faites, dont notamment
un sceptre religieux en pierre et des crânes comportant des prothèses
dentaires. Le site de pressage consacré à la fabrication de l’indigo, enfoui
sous les cendres du volcan Playon en 1658, atteste de l’ère coloniale. Le parc
comporte également un musée, une boutique de souvenirs, des guides locaux
et une cafétéria.
Le parc archéologique de Tazumal
Découvert pour la première fois en 1892, puis enregistré officiellement en
1940 par Stanley Boggs, qui identifia 13 structures (dont sept ont été incluses
dans le site archéologique cérémonial et résidentiel de la Nouvelle Tazumal)
parmi lesquelles on compte de petites plateformes ainsi que des structures plus
importantes mesurant jusqu’à 24 mètres de haut. Cette structure comporte
douze marches ou plateformes et renferme plus de 116 tombes.
Les vestiges du site comprennent aussi un système de drainage, des tombeaux,
des pyramides et des temples. La Pierre de la Victoire se dresse sur ce site. Il
s’agit d’un monolithe d’influence olmèque daté de 700 av. J-C sur lequel sont
inscrits quatre pétroglyphes différents sur chacun de ses quatre côtés.
Le parc archéologique de la Maison Blanche
Ce site renferme les premières zones d’habitat de l’époque préclassique et
postclassique, depuis 1500 av. J-C jusqu’à l’arrivée des conquistadors. Le
Maison Blanche doit son nom à la plantation de café qui fut établie sur ce
site. Sur les six structures que renferme le parc, seules trois d’entre elles ont fait
l’objet de fouilles et sont aujourd’hui visibles. Le style de la pyramide est très
similaire à celles de Tazumal et de San Andrés. Les bâtiments sont construits au
moyen d’un mélange de terre comprimée et de rochers. Leur aspect diffère
du mode de construction traditionnel à base de cailloux que l’on retrouve
habituellement dans les villes du Nord de la Ruta Maya. Quelques traces de la
culture Nahua du XVe siècle ont également été découvertes sur le site.
L’architecture des bâtiments rappelle le style des structures de Kaminal
Juyú au Guatemala, une ville avec laquelle le site entretenait des relations
commerciales, dans le cadre notamment de l’échange d’obsidienne et de
poteries. Outre ces structures, le site comporte un musée situé à l’entrée du
parc, dans lequel on peut découvrir quatre pierres sculptées de plus d’un
mètre de hauteur ainsi qu’un atelier de fabrication d’indigo et d’autres teintes
naturelles où le visiteur peut créer ses propres motifs.
La cité de Cihuatán
Bâtie sur une petite colline au centre de la vallée que traverse le fleuve
Acelhuate, la cité de Cihuatán renferme l’un des trésors archéologiques les
plus importants d’Amérique Centrale. Tout porte à croire que ce site aurait
été choisi pour deux principales raisons : sa position stratégique par rapport
au trafic entre la Mer des Caraïbes, l’Honduras, les vallées verdoyantes
environnantes et les plaines côtières d’El Salvador et sa position défensive. En
effet le centre de cérémonie situé à l’ouest était protégé par une muraille qui
soutenait probablement une palissade en bois.
Le nom Cihuatán signifie « le lieu des femmes » (le terme « Cihua » signifie «
femme » dans la langue des Pipils). Ce nom provient sans doute de la silhouette
féminine allongée qui se distingue le long de la crête du volcan Guazapa, situé
à quelques kilomètres au sud de la ville. Les centres de cérémonie renferment
des pyramides, des terrains de jeux de balle, des palais ainsi que d’autres
bâtiments à vocation civile ou religieuse. Une terrasse, sur le côté ouest,
semble avoir accueilli le marché central de la cité tandis que des vestiges de
bâtiments ont été découverts dans la partie Est. Le Centre de Cérémonie de
l’Est se dresse au centre.
Les zones d’habitat de Güija
Les traces d’occupation préhistorique du lac de Güija semblent indiquer
que ce site et toute la zone de Chalchuapa constituaient la partie Sud de
l’Empire Maya durant la période classique. À Güija, des vestiges de zones
de cohabitations Maya, de construction de maisons et de pyramides ont
été découverts. Il semblerait que l’ancienne cité « Cerro de las Figuras » soit
enfouie au fond du lac, dans sa partie sud, sur la colline Igualtepec. C’est
dans cette cité que l’homme aurait étudié le ciel et les étoiles pour la première
fois, comme en attestent les vestiges d’une pyramide découverte au sommet
de la colline sur laquelle on peut lire des inscriptions qui ressemblent à des
interprétations astronomiques.
Les grottes de Corinthe
Le style des dessins découverts à Corinthe est très similaire à ceux de l’ère
paléolithique trouvés en Amérique du Sud. Certaines silhouettes ont une très
grande taille, tandis que d’autres ne dépassent pas la paume de la main.
Quelques dessins ont été découverts à plusieurs pieds sous terre. La grande
majorité représente des silhouettes humaines. Les mains dessinées sont de
taille adulte et il s’agit sans doute de mains masculines.
Il existe très peu de représentations d’animaux. La plupart d’entre eux sont
des poules et il y a aussi deux formes de serpents. Certaines formes semblent
également représenter des plantes. La plupart des dessins sont de couleur
rouge, d’autres sont jaunes ou noirs. Un petit nombre d’entre eux utilise
deux techniques à la fois : la gravure et la peinture. Les colorants utilisés ont
probablement une origine minérale (pour les couleurs rouge et jaune/ocre) ou
végétale (pour le charbon/noir). Le site était occupé depuis l’an 900 à l’an 400
av. J-C, puis au cours de la période postclassique, de 900 à 1540 de notre ère.
Les ruines de Quelepa
Quelepa était une cité prospère qui fut occupée pour la dernière fois entre l’an
625 de notre ère et l’an 1000. C’est de cette période que datent le jeu de balle
en forme de « T » et les petites pyramides du site.
Certaines caractéristiques des céramiques de la période classique ancienne
rappellent celles trouvées à Chalchuapa et au Guatemala. Mais les signes de
similitude sont encore plus évidents avec les céramiques de certaines parties
du Sud d’Honduras, de Los Naranjos et de Copan. Les objets les communs
sont des cuvettes murales de forme arrondie et des récipients en forme de
poire. Ces objets sont généralement ornés de motifs géométriques et de
silhouettes d’animaux. Des instruments de musique à vent, comme des flûtes
et des ocarinas à billes, ont également été trouvés sur le site. Un autel doté
d’une tête de jaguar, des restes de poterie et d’autres artefacts indiquent que
les habitants du site entretenaient des liens commerciaux avec les cultures
occidentales et sans doute aussi avec les Mayas d’Honduras et du Mexique.
On constate également que les zones d’habitat de Quelepa et de Llanitos ont
subi l’influence du site Maya et du reste de la Mésoamérique. Les structures
des pyramides varient de 10 mètres à de petits tertres en terre qui servaient de
fondation aux anciennes maisons. Le groupe de terrasses artificielles situées
à l’est du site constitue indéniablement la construction la plus importante de
tout le site : sa surface plane permettait en effet d’y construire tout type de
bâtiments.
Le Circuit de Nahuat-Pipil
Situé à 60 km de la capitale, ce circuit traverse quatre villes de la partie Ouest
du Salvador. Il s’agit d’une zone caractérisée par de fortes traditions ethniques
concentrées essentiellement sur l’exploitation de la mélisse-citronnelle, du
café et du cacao.
Ce circuit englobe diverses communautés ayant fait l’objet d’un grand nombre
de mythes et de légendes. Il s’agit du berceau des héros et les événements
qui s’y sont déroulés ont marqué le pays tout entier sous l’ère coloniale au
XI e siècle et aux XXe siècles, ainsi que dans les années 30. L’un des atouts du
circuit est qu’il traverse de grands espaces naturels, le Phare du Pacifique et
les zones d’habitat de Nahua-Pipil qui ont su conserver intactes leur culture
et leur histoire comme notamment dans le cas des localités de San Julian,
Cuisnahaut, Caluco et Izalco.
Découvrez El Salvador, un pays chargé d’histoire et riche en sites
archéologiques majeurs. Visitez le parc de Joya de Cerén (appelé
le « Pompéi des Amériques »), inscrit sur la Liste du patrimoine
mondial et unique témoin de la vie quotidienne du peuple maya.
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Numéro spécial
Fort de Bahla
Le fort de Bahla
Vestiges d’une immense
forteresse médiévale
Le Fort de Bahla est le premier bien omanais inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1987.
© Éditions Gelbart
26
Patrimoine Mondial Nº60
Fort de Bahla
Patrimoine Mondial Nº60
27
Numéro spécial
Fort de Bahla
Le site fut retiré de la Liste du patrimoine mondial en péril en 2004.
© Éditions Gelbart
éputés pour leur tradition
maritime, les sultans d’Oman
régnèrent du XVIe au XIXe siècle
sur un vaste empire commercial
qui s’étendait de la côte est de
l’Afrique à la pointe sud du sous-continent
indien. La civilisation omanaise est pourtant
plus ancienne encore, puisqu’elle remonte à
plusieurs milliers d’années. Il y a 2 000 ans,
Oman était le carrefour d’un commerce
particulièrement prospère fondé sur
l’encens, la gomme de résine aromatique
qui était, à l’époque, plus précieuse encore
que l’or (voir p. 36).
La forteresse de Rustaq se dresse un peu
plus au nord, au pied du mont Djebel Akhdar,
tandis que les forteresses d’Izki, Nizwa et
Bahla se trouvent au sud. Chacune des trois
villes qui les entourent fut une capitale à un
moment donné de l’histoire d’Oman. C’est
aussi sur ces sites que les communautés
kharidjites résistèrent obstinément aux
tentatives de « normalisation » déployées par
le calife Harun al-Rachid, et mirent en pratique
leurs préceptes religieux radicalement
puritains mais aussi démocratiques. Bahla
était alors le centre de l’ibadisme (une autre
28
Patrimoine Mondial Nº60
branche de l’islam), sur lequel s’appuyaient les
anciens imamats omanais et dont l’influence
s’est répandue à travers l’Arabie, l’Afrique et
au-delà.
L’oasis de Bahla
Située à proximité de la capitale actuelle
d’Oman, l’oasis de Bahla doit sa prospérité
à la tribu des Banu Nabhan qui, depuis le
milieu du XIIe siècle et jusqu’à la fin du XVe
siècle, imposa son autorité aux autres tribus.
Aujourd’hui, seules quelques ruines
témoignent du passé glorieux des Banu
Nabhan sur ce magnifique site montagneux.
L’oasis comporte les vestiges de l’immense
Fort de Bahla, tout premier bien omanais à
avoir été inscrit sur la Liste du patrimoine
mondial (en 1987), dont les murailles et
les tours en brique crue se dressent sur
un soubassement de pierre. Il s’agit d’un
exemple exceptionnel de l’architecture
militaire qui caractérise le Sultanat d’Oman.
Avec la mosquée du Vendredi qui lui est
adjacente et dont le mihrab (niche de prière)
est artistiquement sculpté, le fort domine
la zone d’habitat bâtie en terre crue et la
palmeraie avoisinante.
En outre, ces deux monuments sont
indissociables de la petite ville de Bahla
et de son souk, de sa palmeraie et des
remparts en brique crue qui enserrent
l’oasis (un ouvrage remarquable composé
de tours, de portes et de canaux d’irrigation
souterrains – aflaj).
L’imposante muraille (sur) de pierre et de
terre, dotée d’un chemin de ronde, de tours
de guet et de nombreuses portes, renferme
un véritable labyrinthe d’habitations en
brique crue ainsi que des terres de culture.
À ce titre, Bahla représente un exemple
exceptionnel d’une zone d’habitat fortifiée
oasienne de l’époque médiévale islamique
et atteste également des techniques
mises au point par ses premiers habitants
pour utiliser l’eau à des fins agricoles et
domestiques. Aujourd’hui encore, l’oasis
est pourvue en eau grâce à la gestion des
précipitations saisonnières et au réseau
de puits et de canaux souterrains qui y
acheminent de l’eau de source sur de
longues distances.
Le fort, dont le style est antérieur à la
poudre à canon, avec ses tours arrondies,
ses parapets crénelés et sa muraille
Fort de Bahla
d’enceinte, atteste quant à lui du statut et
de l’influence de l’élite dirigeante.
Les vestiges des zones d’occupation
familiale
composées
de
maisons
vernaculaires traditionnelles en brique crue
(harats), notamment al-Aqr, al-Ghuzeili,
al-Hawulya et leurs mosquées respectives,
les salles d’audience (sablas), les thermes,
ainsi que les habitations des gardiens du
fort (askari), témoignent d’un modèle
d’habitat distinct directement tributaire de
l’emplacement du système d’irrigation.
Par ailleurs, l’importance de cette zone
d’occupation est mise en valeur par la mosquée du Vendredi, qui présente un mihrab
remarquablement décoré et par les vestiges
du vieux marché (souq) à demi couvert,
qui comprend un ensemble d’échoppes à
un étage ouvertes sur des allées étroites,
le tout encerclé par un rempart extérieur.
L’emplacement du souk lui permettait par
ailleurs d’être aisément surveillé depuis le
fort qui se dresse sur l’escarpement rocheux
voisin. Les vestiges de portes, étagères et
maillages de fenêtres en bois sculpté et artistiquement incisé, témoignent quant à eux
d’une tradition artisanale riche et prospère.
L’oasis comporte les vestiges de l’immense Fort
de Bahla, tout premier bien omanais à avoir été
inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 1987.
Les travaux de restauration
Les principales composantes de l’ensemble
architectural de Bahla ont survécu aux
ravages du temps et forment collectivement
une zone d’occupation humaine oasienne
fortifiée historique et un complexe défensif
majeur, intégral et pratiquement complet.
Composé essentiellement de structures en
terre, le bien est vulnérable à la dégradation
et au mauvais drainage du site et, dans le
cas du souk, aux efforts de reconstruction
entrepris avec des matériaux modernes.
Les monuments de Bahla étaient dans
un état critique au moment de l’inscription
du site sur la Liste du patrimoine mondial.
En effet, le site n’a jamais fait l’objet d’une
restauration (ou tout au moins d’une
restauration ayant le mérite de préserver un
niveau d’authenticité élevé) et il n’a pas non
plus bénéficié de mesures conservatoires.
La terrasse de la mosquée du Vendredi, non
entretenue depuis le jour où la communauté
ibadite la délaissa au profit de la nouvelle
mosquée, finit par s’effondrer entre 1981 et
1983, entraînant à son tour l’écroulement
des arcs et l’arrachement des enduits
muraux. Cette situation mit naturellement
en péril le mihrab que renferme l’édifice.
Le Département d’archéologie omanais
procéda, dès 1977, à un relevé très complet
du site, mais ce n’est qu’en 1988 que les
premiers travaux de restauration furent
amorcés. Entièrement financée par l’État
omanais et s’appuyant sur une étude
photogrammétrique réalisée par le Musée
des mines de Bochum en Allemagne, la
restauration du site fut en grande partie
achevée en 2005.
Le système de falaj et le cours d’eau dont
dépend la zone d’occupation, ainsi que les
routes historiques qui le relient aux autres
villes de l’intérieur, s’étendent bien au-delà
Patrimoine Mondial Nº60
29
Numéro spécial
Fort de Bahla
Retrait de la Liste du
patrimoine mondial en péril
Le fort de Bahla est l’une des quatre forteresses historiques situées au pied du Djebel Akhdar.
© Éditions Gelbart
Le plan de gestion vise à l’entretien à long terme, à la
conservation et l’utilisation des bâtiments historiques,
des structures et de la forme spatiale du bien.
de son périmètre. Aujourd’hui encore,
malgré un certain développement urbain à
la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle,
Bahla se distingue facilement dans le paysage
désertique. Ses perspectives demeurent
particulièrement vulnérables aux exigences
du développement communautaire et du
tourisme. Le maintien de la fonction de
surveillance que joue le fort par rapport au
souk, à la zone d’occupation qui l’entoure
et à ses voies d’accès, dépendra de la
gestion prudente du développement à
l’intérieur du bien.
Au moment de son inscription, le fort
était délabré et se détériorait rapidement
après chaque saison des pluies. Il fut par
conséquent inscrit, en 1988, sur la Liste du
patrimoine mondial en péril.
Au début des années 1990, des travaux
de consolidation furent entrepris, avec des
matériaux appropriés, sur certaines parties
du fort, et notamment sur Bayt al-Jabal, le
hall d’entrée (sabah) et les murailles nord-
30
Patrimoine Mondial Nº60
ouest et sud-ouest. Une salle d’audience
(sabla) fut démolie dans la cour en 1992. À
partir de 1995, des mesures conservatoires
n’utilisant que des matériaux à base de terre,
furent prises à l’issue d’une formation et de
conseils adaptés touchant aux structures
en terre. Ces travaux, qui englobaient le
drainage de la cour, la construction de
nouvelles toitures et la consolidation des
murailles et des tours qui s’effondraient,
portaient plus particulièrement sur la
citadelle (qasaba), la cour de la mosquée,
Bayt al-Jabal, Bayt al-Hadith et les écuries.
Un enduit fut également appliqué sur le
haut des murailles en ruine pour éviter
l’effondrement de la structure. La sabla fut,
quant à elle, reconstruite en 1999 dans la
cour du fort.
Des archives détaillées touchant à tous les
travaux exécutés ont également été conservées et une documentation complète du
fort a depuis été réalisée, à l’aide notamment d’une étude photogrammétrique.
Il est indéniable que la forme, la
conception et les matériaux qui confèrent
au site sa valeur universelle exceptionnelle
ont, pour la plupart, été conservés dans
toute leur authenticité. Dans cette optique,
le bien fut retiré de la Liste du patrimoine
mondial en péril en 2004.
Bahla demeure à ce jour une implantation
prospère, mais son authenticité reste
vulnérable du fait de l’abandon des
maisons vernaculaires traditionnelles.
Le souk pâtit également d’un manque
de conservation et d’entretien et de
l’utilisation de matériaux et de modes de
construction nouveaux.
Le fort de Bahla et son oasis sont tous
deux protégés aussi bien sur le plan
administratif que juridique grâce à la loi
omanaise pour la protection du patrimoine
national (depuis 1980). Le fort et ses
environs sont placés sous la responsabilité
du Ministère du patrimoine et de la culture
à Mascate, lequel possède un bureau
régional dans la région de Dakhliyeh ainsi
qu’un bureau local à Bahla.
Depuis mars 2005, le site bénéficie
également d’un plan de gestion visant à
l’entretien à long terme, à la conservation
et l’utilisation des bâtiments historiques,
des structures et de la forme spatiale du
bien. Ce plan tient également compte
de l’importance du maintien du site dans
son intégralité et de la nécessité qu’il a à
encadrer adéquatement son utilisation et
son développement contemporain afin
de préserver l’intégrité de l’ensemble
architectural et sa proéminence dans le
paysage.
Plusieurs des actions exposées dans le
plan de gestion ont été accélérées et mises
en œuvre. C’est notamment le cas de la
conservation de la mosquée du Vendredi,
la qasaba, le sur et les voies d’accès. En
outre, des recommandations pour la
réhabilitation des harats, la déviation de la
circulation à travers le bien, l’électrification
du fort et l’installation à Bayt al-Hadith
d’un musée consacré au site au sein de
l’enceinte du fort ont également été mis
en place.
Ce plan a fait l’objet d’une évaluation
en 2009-2010 et le plan actualisé sera le
fondement de la gestion du bien à long
terme.
Fort de Bahla
Bahla est un exemple remarquable d’oasis fortifiées de l’époque médiévale islamique.
© Éditions Gelbart
À l’intérieur du fort.
© Éditions Gelbart
Les dessins sur les portes témoignent d’une riche tradition artisanale.
© Éditions Gelbart
La forme, la conception et les matériaux utilisés donnent au site sa valeur universelle exceptionnelle.
© Éditions Gelbart
Patrimoine Mondial Nº60
31
Numéro spécial
Sites protohistoriques
Sites
protohistoriques
à Oman
Bat, al-Khutm et al-Ayn
Les sites archéologiques de Bat, al-Khutm et al-Ayn (Oman) ont été inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en 1988.
© Éditions Gelbart
32
Patrimoine Mondial Nº60
Sites protohistoriques
Patrimoine Mondial Nº60
33
Numéro spécial
Sites protohistoriques
vec les sites annexes d’al-Khutm
et d’al-Ayn situés dans les environs, Bat constitue l’ensemble
d’habitat et de nécropoles du
III e millénaire avant notre ère le
plus complet au monde. Bat était un village du royaume de Magan (ou Makkan),
alors principal centre d’extraction du minerai de cuivre que l’on exportait jusqu’en
Mésopotamie.
Le site protohistorique de Bat se situe vers
l’intérieur du Sultanat d’Oman, à Wilayat
Ibri, à proximité d’une palmeraie qui porte
son nom, dans la région d’al-Dhahirah. Le
site se trouve à quelque 320 km au nordouest de la capitale Mascate et à 30 km au
nord-est de la ville d’Ibri.
La première chose qu’aperçoit le visiteur
en s’approchant du site implanté non loin
du confluent d’un petit cours d’eau et du
wadi al-Hijr est un groupe de cinq tours en
pierre, très caractéristiques du premier âge
de bronze tel qu’il se manifeste dans la péninsule d’Oman. L’une de ces tours a été entièrement fouillée par une équipe danoise
dirigée par Karen Frifelt. La tour présente un
diamètre de 20 m au niveau du sol et comprend un puits central. Les conclusions de la
mission danoise (qui reposent sur l’examen
de vestiges en céramique) ont permis de
dater sa construction entre 2595 et 2465
avant notre ère.
Lorsqu’on se retourne vers le site en se
tenant auprès de cette tour, on distingue
immédiatement à l’est une série de maisons
rectangulaires dotées d’une cour centrale,
et au nord, une vaste nécropole comprenant deux groupes distincts. Le premier de
ces groupes, situé au sommet d’escarpements rocheux, comporte plusieurs tombes
en terre sèche (dont certaines datent du
IVe millénaire), disposées le long de la piste
qui relie Bat à al-Wahrah. Le second groupe
s’étend sur des rizières en terrasses au
sud-est du wadi et comprend plus de cent
tombes « ruche » en pierre sèche.
Une société bien hiérarchisée
Les indices archéologiques portent à
croire que la société de Bat était strictement
hiérarchisée, comme en attestent dans les
zones d’habitat l’opposition des ouvrages
défensifs circulaires aux maisons de
plan rectangulaire et, dans les zones de
nécropoles, la complexité croissante de
l’organisation de l’espace funéraire.
34
Patrimoine Mondial Nº60
Les découvertes archéologiques
Les bâtiments et nécropoles archéologiques de Bat et d’al-Khutm furent découverts ensemble en 1972 tandis que ceux
d’al-Ayn ne le furent que deux ans plus tard,
en 1974. Les fouilles archéologiques de Bat
débutèrent dès 1972 et se poursuivirent sur
plusieurs années d’une manière sporadique.
Les bâtiments et nécropoles découverts à
Bat, al-Khutm et al-Ayn remontent à l’âge
de cuivre (période Hafit) entre 3200 et 2600
Avec les sites annexes d’al-Khutm et d’al-Ayn, Bat
constitue l’ensemble d’habitat et de nécropoles du
IIIe millénaire avant notre ère le plus complet au monde.
Cinq tours de pierre du site de Bat sont représentatives de l’âge de bronze dans la péninsule arabe.
© Éditions Gelbart
La zone d’habitat de Bat était dotée d’un
barrage construit pour récupérer les eaux
de pluie à des fins agricoles et de six tours
circulaires, qui sont en fait des bâtiments
fortifiés composés de gros blocs de calcaire
parfaitement ajustés et assemblés, sans
mortier. Ces tours sont entourées de murs
et comportent souvent un puits central.
Curieusement, elles ne comportent aucune
entrée, ce qui ferait supposer qu’on y
accédait par une échelle en bois que l’on
retirait une fois à l’intérieur.
Sites protohistoriques
Le site archéologique d’al-Khutm se trouve à environ 2 km à l’ouest du village de Bat.
© Éditions Gelbart
avant notre ère et au premier âge de bronze
(période Umm an-Nar) entre 2600 et 1800
avant notre ère. Les fouilles archéologiques
ont permis d’établir que le village de Bat
fut habité sans interruption tout au long
de l’âge de bronze moyen (période Wadi
Suq) entre 1800 et 1300 avant notre ère, de
l’âge de bronze tardif (début de l’âge de fer)
entre 1300 et 1200 avant notre ère, de l’âge
de fer (période Lizq/Rumilah) entre 1200 et
300 avant notre ère et de l’âge de fer final
(période Samad), entre 300 av. J.-C. et 600
de l’ère commune.
Les tout premiers artefacts découverts
dans la zone d’habitat de Bat comprenaient
des morceaux de poterie de couleur rouge
(poteries de style Jemdet Nasr) décorés de
lignes horizontales noires, de fines plaques
de cuivre, un pot en marbre provenant
d’Iran, un tampon de forme cylindrique
en stéatite, un poignard-sabre en bronze
ainsi qu’une collection de perles d’agate
provenant d’Inde.
Le site compte 1 130 tombes disposées
sur les crêtes rocheuses qui l’encerclent ainsi
que sur ses terrasses inférieures. Il s’agit de
tombes de type « cairn », construites sous
forme d’amas de pierres. La partie nord de
la zone d’habitat contient des tombes plus
élaborées en forme de ruche qui datent de
La plupart des tombes datant de la période Hafit sont
également perchées au sommet de crêtes rocheuses.
la période Hafit, tandis que des tombes de
la période Umm an-Nar ont été découvertes
dans la partie sud.
La plupart des tombes datant de la
période Hafit sont également perchées
au sommet de crêtes rocheuses. Chacune
d’entre elles comporte deux murs circulaires
concentriques qui entourent une chambre
funéraire de forme ronde, ovale, carrée ou
rectangulaire dont le sol est recouvert de
dalles en pierre. Les murs sont construits
en pierres non taillées provenant des
massifs calcaires qui avoisinent le site. On
notera que ces pierres sont assemblées
sans mortier. L’aspect extérieur des tombes
varie en fonction du type de pierre utilisé.
Certaines sont construites avec des pierres
aux formes régulières, tandis que d’autres
utilisent plutôt des formes irrégulières.
Mais dans tous les cas de figure, il s’agit de
pierres soigneusement sélectionnées. Les
chambres funéraires sont recouvertes d’un
toit en pierres. Leurs portes d’accès sont
de forme triangulaire ou rectangulaire et
sont exposées au sud, à l’ouest ou à l’est. À
l’issue de la cérémonie funèbre, l’entrée de
la tombe est bloquée au moyen de pierres.
Les tombes de la période d’Umm an-Nar
ont essentiellement été construites sur les
terrasses inférieures du site, à proximité des
zones d’habitat. De taille plus importante,
elles comprennent deux à quatre salles
abritant plusieurs sépultures séparées par
des cloisons. Certaines comportent deux
salles semi-circulaires séparées par une
cloison centrale reliée à la paroi interne
de la tombe sur un seul côté. D’autres
contiennent trois salles divisées par deux
murs centraux parallèles, construits
séparément au centre du bâtiment et reliés
au mur interne de la tombe des deux côtés.
D’autres encore comportent quatre salles
divisées par un mur central bâti au centre
de la tombe, et se séparant en deux murs
de plus petite taille de manière à former
quatre pièces distinctes. Un dernier type de
structure consiste en un seul mur qui divise
la tombe en deux parties.
Les tombes de la période d’Umm an-Nar
comportent une ou deux toutes petites
Patrimoine Mondial Nº60
35
Numéro spécial
Sites protohistoriques
Bat est considéré comme l’une des zones d’habitat typiques du début de l’âge du bronze.
© Éditions Gelbart
© Éditions Gelbart
portes d’accès exposées à l’est ou à l’ouest
et dont la hauteur et la largeur mesurent
respectivement 50 cm et 60 cm. Ces portes
sont bloquées par trois pierres d’une manière
distincte : deux de ces pierres sont placées
dans la partie inférieure de l’ouverture
tandis que la troisième est disposée sur la
partie supérieure. Le sol de ces chambres
funéraires est recouvert de dalles plates en
calcaire tandis que les murs internes sont
bâtis en pierres non taillées, dont certaines
ont été renforcées par du mortier. Les murs
externes ainsi que les tombes et leurs façades
sont tous construits au moyen de blocs de
calcaire blanc ou marron soigneusement
découpés. Transportés depuis les carrières
situées dans les environs, ces blocs ont été
taillés de manière à former de petits cubes
rectangulaires ou carrés, dont les contours
ont été arrondis pour donner au mur sa
forme circulaire. Ces tombes font environ 7
à 8 m de diamètre.
On constate également que les murs et les
façades des tombes se sont mis à assumer
une taille plus imposante dès avant la fin de
la période Umm an-Nar. Comportant deux
étages, certaines atteignent une hauteur
36
Les tombes d’Al-Ayn furent construites
avec des blocs de calcaire.
Patrimoine Mondial Nº60
totale de 10 à 12 m, parfois même 14 m.
De gros blocs de calcaire alignés à une
hauteur d’un mètre forment la base des
façades tandis que le plafond des tombes
de la période Umm an-Nar a été aplati au
moyen de gros blocs de calcaire et muni
d’une gouttière en calcaire qui permettait
d’évacuer les eaux de pluie.
Les sites avoisinants
Au vu de l’ensemble cohérent que
forment les zones d’habitat de Bat et les
deux sites annexes (al-Khutm et al-Ayn)
tant au niveau géographique, géologique,
biologique qu’archéologique, il a été décidé
d’inscrire les trois sites conjointement sur la
Liste du patrimoine mondial.
Le site d’al-Khutm, situé à 2 km à l’ouest de
Bat, s’étend sur une superficie de 2 170 m2.
Il comporte une tour apparemment ovale,
bâtie sur une petite crête qui s’inscrit
parfaitement dans le relief ; celle-ci est
dotée de deux murs supplémentaires (murs
de terrasse ou d’enclos) sur le côté ouest.
Des tombes de type « cairn » ont également
été construites sur cette crête de chaque
côté de la tour.
Le site d’al-Ayn se situe quant à lui à une
vingtaine de kilomètres au nord-est de
Bat. Il comporte de nombreuses tombes
construites sur une série de crêtes rocheuses,
sur la rive nord de l’oued al-Ayn, ainsi qu’une
vingtaine de tombes parfaitement alignées.
Ces constructions rappellent les tombes
datant de la période Hafit découvertes dans
la zone d’habitat de Bat. Construites au
moyen de blocs de calcaire disposés sur une
plate-forme circulaire, certaines d’entre elles
atteignent une hauteur de 4 m et font près
de 5 m de diamètre en moyenne.
Quels enseignements
peut-on tirer de ces sites ?
Ces
trois
sites
constituent
de
remarquables exemples de l’utilisation de
la terre pendant le premier âge de bronze
et de l’interaction positive de l’homme avec
son environnement. Collectivement, ils sont
associés à l’émergence et à la prospérité
de la civilisation Majan et à la créativité
de son architecture, comme en atteste la
cohérence de nombreuses constructions
archéologiques à caractère religieux,
civique, défensif et économique, et plus
Sites protohistoriques
Les constructions de Bat, al-Khutm et al-Ayn offrent un témoignage exceptionnel du développement de la
civilisation et des pratiques funéraires.
© Éditions Gelbart
particulièrement les bâtiments fortifiés, les
barrages et les canaux d’irrigation du site.
La valeur exceptionnelle de ces sites
prend racine dans la manière dont sont
assemblés les bâtiments archéologiques
et dans les blocs qui les composent, tous
transportés depuis les carrières originales.
Les bâtiments archéologiques découverts
à Majan (Oman) sont les seuls édifices de
ce type (exception faite des pyramides
d’Égypte) construits en pierres parfaitement
découpées et taillées. À Bat, al-Khutm et alAyn, les différentes phases de construction
offrent un témoignage exceptionnel du
développement de la civilisation au sein de
la péninsule arabique.
Les bâtiments archéologiques des
trois zones d’habitat sont associés
au développement des constructions
traditionnelles d’Oman à travers les âges.
Sur le plan régional et continental, on
associe également leur architecture à
celle des constructions archéologiques
de nombreux sites datant du premier âge
de bronze, comme notamment les sites
de Bisya, Zukayt, Shanah et al-Jilah situés
dans le Sultanat d’Oman, et ceux de Hili et
Hafit aux Émirats arabes unis. On retrouve
également ce style dans certaines tombes
découvertes en République du Yémen.
La zone d’habitat de Bat revêt une
importance exceptionnelle par sa position
stratégique et ses liens avec les peuplements
du premier âge de bronze et les grands
centres de civilisation historiques, comme
notamment la civilisation de la vallée de
l’Indus. Des poteries de Jemdet Nasr ont
également été découvertes à Bat. Selon
les chercheurs, la présence de modèles
culturels provenant de Jemdet Nasr dans
l’extrême sud-est de la péninsule arabique
résulterait de l’évolution des échanges
commerciaux, qui se seraient déplacés
du nord de la Syrie vers le sud d’Oman,
dans le but d’obtenir certaines matières
premières comme le cuivre, la pierre et le
bois. On notera par ailleurs que la période
Jemdet Nasr se caractérise par un essor des
échanges commerciaux et culturels entre les
civilisations de Mésopotamie et d’Égypte.
Dans cette optique, il est permis de supposer
que les sites de style Jemdet Nasr découverts
dans le Sultanat d’Oman constituaient des
points de ravitaillement ou d’échanges sur ce
trajet. On constate aussi que c’est surtout au
cours de l’ère Jemdet Nasr que les contacts
directs entre Sumer et la source de cuivre de
Majan furent véritablement établis.
Bat constitue de ce fait l’une des toutes
premières zones d’habitat types du premier
âge de bronze. Son économie reposait sur
une agriculture irriguée par un système
d’aflaj, comme en attestent les canaux de
collecte de l’eau qui ont été découverts
sur le site. Ces constructions étaient très
probablement à l’origine des Systèmes
d’irrigation aflaj d’Oman. Les tours
découvertes sur le site témoignent, quant
à elles, des mesures de défense mises en
place pour protéger les canaux.
Les fouilles archéologiques ont également
permis de mettre au jour des tombes
de chameaux datant du IIIe millénaire,
éclairant ainsi le rôle capital de Bat en ce qui
concerne la domestication des chameaux
et leur utilisation dans le transport de
marchandises. La stratégie actuelle de
l’administration privilégie la mise en place
de fouilles archéologiques approfondies sur
le site afin de découvrir d’autres aspects de
sa valeur universelle exceptionnelle.
Patrimoine Mondial Nº60
37
Numéro spécial
Terre de l’encens
L’encens
La richesse d’Oman
Arbre à encens.
© Éditions Gelbart
38
Patrimoine Mondial Nº60
Terre de l’encens
Patrimoine Mondial Nº60
39
Numéro spécial
Terre de l’encens
O
À Ouadi Dawkah, les arbres à encens se trouvent dans le lit de l’oued.
© Éditions Gelbart
man doit la richesse de ses
traditions culturelles à la
position stratégique que
lui a assurée son rôle dans
le cadre du commerce des
épices, des huiles et du textile à l’échelle
mondiale. Il y a 2 000 ans, Oman était
réputé l’un des pays les plus riches au
monde, grâce à l’abondance de son encens
dont la valeur était alors supérieure à celle
de l’or.
Peu de pays offrent aujourd’hui une telle
diversité et une telle richesse en termes de
paysages et de faune que le patrimoine
naturel omanais. Par ailleurs, ses forts, ses
tours de guet, ses maisons de commerçants
et ses fortes traditions maritimes attestent
des divers empires qui ont laissé leur
empreinte sur ses terres.
La région du Dhofar, dans le sud d’Oman,
est la principale source d’exploitation et
d’exportation des variétés d’encens les plus
réputées depuis des temps immémoriaux.
Cette terre d’encens s’est vu décerner
diverses appellations au fil des siècles : on
l’a tour à tour appelée Terre d’A’ad, Pays
40
Patrimoine Mondial Nº60
Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en
2000, la Terre de l’encens renferme trois sites
archéologiques ainsi qu’un parc naturel.
de Pount ou encore Pays d’Al-Shahr. Ce
sont les Grecs qui la baptisèrent finalement
« Omana ». Il est généralement accepté
qu’al-Ahqaf ou la « Terre de sable »
qui est mentionnée dans le Coran fait
probablement référence à la région du
Dhofar. Il s’agissait également d’une zone
bien connue des pharaons d’Égypte,
ainsi que des Phéniciens, des Grecs, des
Romains, des Perses, des Indiens et des
Chinois qui entretenaient des relations
commerciales avec elle. Tous ces peuples
lui donnaient certes un nom différent, mais
sa côte était universellement connue sous
le nom de « Côte de l’encens ».
Le Periplus Maris Erythraei (Périple de
la mer Érythrée), ouvrage d’un auteur
anonyme grec de l’Antiquité tardive rédigé à
l’intention des marins et des commerçants,
mentionne de nombreux sites disséminés
le long de la côte arabique sud. Ces lieux
servaient de points d’échanges sur les
routes maritimes de la mousson. C’est à
partir de là qu’on expédiait l’encens vers
l’Asie, l’Afrique du Nord et l’Europe. Ce
commerce établit une véritable passerelle
entre l’Orient et l’Occident.
L’encens est la résine d’une gomme que
l’on extrait du Boswellia sacra (arbre à
encens) au moyen d’incisions pratiquées
sur son tronc. L’extraordinaire valeur que
représentait alors cette gomme résultait de
son utilisation dans le cadre de cérémonies
religieuses, de rituels d’incantation et
en médecine. Les Égyptiens l’utilisaient
également pour embaumer leurs morts
et, selon la légende, les arbres à encens
étaient protégés par des serpents volants,
ce qui dissuadait sans doute certains de
s’aventurer dans la région.
Terre de l’encens
Al-Balid est l’un des trois sites archéologiques inclus dans la Terre de l’encens.
© Éditions Gelbart
Inscrite sur la Liste du patrimoine mondial
en 2000, la Terre de l’encens renferme
trois sites archéologiques ainsi qu’un parc
naturel. Deux de ces sites, Khor Rori/
Sumhuram et al-Balid, sont d’anciens
ports de mer alors que le troisième, Shisr,
est une oasis où faisaient halte les convois
de caravanes traversant le désert de Rub
al-Khali (le « Quartier vide ») afin de se
ravitailler en eau. Le site d’Ouadi Dawkah,
situé sur la route qui relie les ports côtiers au
désert, constitue un exemple très important
de la culture et de la récolte de l’encens. Ce
site est désormais un parc naturel.
Ouadi Dawkah
Ouadi Dawkah se situe dans la zone
d’al-Nadjd, au-delà des flancs nord des
montagnes du Dhofar qui s’étirent sur
350 km (et sur une largeur de 30 km), en
atteignant une altitude de 2 000 m à l’est
avec le mont Samhan, et de 1 400 m à
l’ouest avec le mont al-Qamar. Le site se
trouve à 40 km de Salalah sur la voie rapide
qui relie Salalah à Mascate dans la direction
de Shisr/Wubar.
Al-Balid, qui a naturellement bénéficié de la prospérité
créée par le commerce de l’encens, entretenait
des relations commerciales avec divers ports.
Ouadi Dawkah est un parfait exemple
d’une zone où les arbres à encens poussent
en grand nombre. Il s’agit d’une zone
rocheuse et semi-désertique, caractérisée
par de petites collines arrondies et des
vallons peu profonds créés par des
inondations dans la période antique. Les
arbres à encens sont l’espèce dominante,
bien qu’il existe aussi d’autres variétés
d’arbres et de plantes sur le site. Ceux-ci
occupent près de 5 km2 d’Ouadi qui
s’étend sur 14 km de long. On compte un
total de 1 230 arbres anciens, de diverses
tailles, dans la région. Tous les arbres à
encens d’Ouadi sont de forme conique.
Compte tenu du développement de la
vallée, 5 000 nouveaux arbres ont été
plantés dans les zones où la densité des
arbres s’était affaiblie en raison de divers
facteurs environnementaux.
L’encens
y
est
toujours
récolté
conformément aux règles et aux coutumes
établies par les habitants de la région. Les
sites de production se divisent en parcelles
individuelles, chacune assignée à un groupe
distinct. Leurs propriétaires sont libres
de louer leur parcelle à un autre groupe
après avoir décidé si la production doit être
partagée ou non.
Al-Balid
Ce n’est que récemment que les
archéologues se sont penchés sur
l’identification des sites côtiers cités dans
le Periplus grec. Grâce à leurs travaux,
Khor Rori, une large vallée dotée d’un lac
d’eau douce essentiellement alimenté par
les précipitations, est désormais associé
à la cité de Moscha Limen mentionnée
dans le Periplus. Al-Balid, en revanche,
Patrimoine Mondial Nº60
41
Numéro spécial
Terre de l’encens
Fouilles sur le site archéologique d’Ouadi Dawkah.
L’oasis de Shisr.
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Al-Balid était une zone d’habitat importante à la fin de l’âge de fer (environ 2 000 ans avant l’ère commune).
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42
Patrimoine Mondial Nº60
vallée de l’Indus, du Yémen, d’Afrique de
l’Est, d’Iraq et d’Europe. De nombreux
voyageurs s’y sont arrêtés, et notamment
l’explorateur chinois Jan Jokao. Celui-ci
nota que l’encens était l’une des principales
matières premières produites par al-Balid.
Des recherches ont également permis de
découvrir qu’à un moment donné la cité
chinoise de Quanzhou avait importé près de
174 337 kg d’encens depuis ce port.
L’amiral de la flotte chinoise, Zheng He,
visita la cité pour la première fois en 1421
de notre ère, puis il y revint dix ans plus
tard en 1431, en qualité d’ambassadeur de
l’empereur chinois. Il décrit dans ses textes
la vie civile de la cité ainsi que l’accueil qui
lui fut réservé par les habitants. Ibn Battuta
s’était également rendu à al-Balid à deux
reprises : la première fois en 1329, la seconde
vingt ans plus tard. Ibn al-Mujawer décrit lui
aussi les fortifications et l’architecture de la
cité. Il précise notamment que sa muraille
était construite en pierres et en mortier
et qu’elle comportait quatre portails. Il a
également indiqué dans ses textes que
les Habudhine, sous le commandement
d’Ahmed ben Abdullah ben Mazrui alHabudhi, détruisirent la cité en 1221 puis
la reconstruisirent et la renommèrent alMansourah. Selon Marco Polo (en 1285),
al-Balid était une cité prospère.
Des éléments indiquant l’existence d’une
cité plus ancienne ont également été
découverts sous la cité du Xe siècle. Ces
Des éléments indiquant l’existence d’une cité
plus ancienne ont également été découverts
à al-Balid sous la cité du Xe siècle.
Le site archéologique de Khor Rori se dresse au sommet d’une colline, sur la rive orientale d’un point d’eau douce ( khor).
© Éditions Gelbart
Patrimoine Mondial Nº60
43
Terre de l’encens
n’apparaît que plus tard dans les textes. La
cité est mentionnée par certains auteurs
du XIIIe siècle, dont Ibn Battuta qui la
décrit comme un port important pour
le commerce de l’encens et des chevaux
destinés aux cours princières indiennes.
Or, selon les découvertes archéologiques
les plus récentes, il semblerait que non
seulement al-Balid daterait de l’ère
préislamique mais qu’il s’agissait en fait
d’une zone d’habitat très importante à la
fin de l’âge de fer (environ 2 000 ans avant
l’ère commune).
L’imposante muraille et les forts robustes
que comporte aujourd’hui le site indiquent
que la cité a fait l’objet d’une rénovation
inspirée par le style d’autres villes islamiques
contemporaines de l’ère d’Al-Habudhi
(XIIIe siècle de l’ère commune). Al-Balid, qui
a naturellement bénéficié de la prospérité
créée par le commerce de l’encens,
entretenait des relations commerciales
avec divers ports de Chine, d’Inde, de la
Numéro spécial
Terre de l’encens
vestiges comportent essentiellement des
murs de pierre enfouis sous la nouvelle
ville et alignés d’une manière distincte. Ces
anciennes structures ont été découvertes
sous la tour nord-est du château (husn), et
des salles situées aux niveaux d’excavation
les plus bas ont également été découvertes
sous la mosquée en 2005.
Des murs et des bâtiments similaires
ont aussi été identifiés sous la mosquée
congrégationaliste en 1997, dans la cour
intérieure située au sud du husn, sous la
tour sud-ouest du husn ainsi que dans
les niveaux inférieurs de la maison d’un
commerçant qui a été sondée. Les résultats
de ce sondage portent à croire qu’il existait
une cité de l’âge de fer tardif dans le quartier
nord-ouest d’al-Balid. Outre ces anciennes
structures, divers artefacts provenant de
l’âge de fer ont également été découverts,
et notamment des outils et des couteaux
microlithiques ainsi que des récipients en
grès rouge et des céramiques décorées de
points et de cercles.
Shisr (Wubar)
Shisr (Wubar) se situe dans la partie sud
du Rub’al-Khali, à 170 km au nord de la
ville de Salalah et à 90 km de la wilaya de
Thumrayt. Au fil des siècles, le Rub’al-Khali
a suscité l’intérêt de nombreux scientifiques,
intellectuels et voyageurs arabes, comme
Attabari, Yaqoot al-Hamoui, Atta’libi et
Al-Hamadani, ainsi que de géographes et
d’historiens de l’Antiquité comme Pline,
Strabon et Ptolémée. Tous ont loué les
ressources de la région et documenté la
croissance du commerce de l’encens et de
la myrrhe.
Des sources islamiques confirment
également que Shisr (Wubar) fut édifié sur
l’ancienne route du commerce de l’encens.
Shisr (Wubar) se situe dans la partie sud du
Rub’al-Khali, à 170 km au nord de la ville de
Salalah et à 90 km de la wilaya de Thumrayt.
Khor Rori (Sumhuram)
Sumhuram était l’une des zones
d’occupation humaine les plus importantes
de la région sous l’Antiquité. Le commerce de
l’encens, à partir de son port, joua un rôle clé
dans l’expansion des anciens royaumes/États
disséminés le long de voies de commerce.
Sumhuram fut bâtie dans la région
de Khor Rori entre la fin du III e siècle
avant l’ère commune et le Ve siècle de
l’ère commune. Il s’agissait alors de la
plus grande concentration urbaine du
Dhofar avant l’arrivée de l’islam, car le
site constituait le centre commercial de la
région productrice d’encens, qui s’étalait
tout au long de la côte entre Taqah et
Mirbat. Ce site se trouve à 40 km à l’est de
la wilaya de Salalah.
Khor Rori est mentionné (sous le nom
de Mosha Laymen) dans des écrits grecs
datant du I er ou du II e siècle de notre
ère. La présence de diverses couches
culturelles sur ce site atteste de l’existence
d’une succession d’occupation humaine.
Les gravures qui y ont été découvertes
font allusion à la cité qu’elles appellent
alors Smhrm ou Sumhuram. Par ailleurs,
ces mêmes inscriptions (Smhrm) ont
été relevées sur des pièces de monnaie
découvertes sur les côtes de la mer d’Oman
et de l’océan Indien.
© Éditions Gelbart
44
Patrimoine Mondial Nº60
Au XIe siècle, Nishwan ben Saïd al-Humayri
désigne la cité comme la terre de la tribu
d’A’ad. Au XIIe siècle, Ibn al-Mujawwir cite
une route de l’encens reliant le Dhofar et
Bagdad à travers le Rub’al-Khali. Marco Polo
fit la même observation en 1260.
La justification de l’inscription de
l’ensemble de sites archéologiques sur la
Liste du patrimoine mondial s’appuie sur le
fait qu’ils témoignent tous de l’exploitation
et de la distribution de l’encens, « l’un des
produits de luxe les plus importants sous
l’Antiquité », tandis que l’oasis de Shisr
et les entrepôts de Khor Rori et d’al-Balid
sont cités comme de parfaits exemples
d’implantation fortifiée médiévale dans la
région du Golfe arabique.
Numéro spécial
Aflaj
Aflaj
Les systèmes
d’irrigation souterrains
traditionnels d’Oman
Les Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman furent inscrits en 2006.
© Éditions Gelbart
46
Patrimoine Mondial Nº 60
Aflaj
Patrimoine Mondial Nº 60
47
Numéro spécial
Aflaj
Le falaj al-Malki est l’un des plus grands aflajs du sultanat,
sa longueur totale est d’environ 14,8 km.
irrigation a été le fondement
des plus grandes civilisations
de notre monde et Oman,
avec ses systèmes d’irrigation
aflaj véritablement uniques,
n’échappe pas à la règle.
On pourrait présenter le falaj (pluriel :
aflaj) comme une sorte de « monument
invisible » dans la mesure où il s’agit en
fait d’une galerie d’irrigation souterraine
qui achemine l’eau sur des distances
variables (tantôt courtes, tantôt longues
de plusieurs kilomètres). Seuls quelques
puits d’inspection, creusés à intervalles
réguliers pour permettre le dragage
et l’entretien du réseau, en trahissent
la présence. Le site d’Oman inscrit au
patrimoine mondial renferme cinq aflaj,
qui illustrent près de 3 000 systèmes
d’irrigation encore en activité dans le pays.
Par la seule force de la gravité, l’eau puisée
à des sources souterraines est conduite sur
de longues distances, pour satisfaire des
besoins à la fois agricoles et domestiques.
48
Al-Khatmeen est un falaj daoudi.
© Éditions Gelbart
© Éditions Gelbart
Patrimoine Mondial Nº60
La gestion et le partage équitable et
efficace de l’eau dans les villages et les
villes sont toujours sous-tendus par des
notions communautaires de dépendance
mutuelle, et régis par des observations
astronomiques. Les nombreuses tours de
guet construites pour défendre les systèmes
d’adduction d’eau montrent à quel point
les communautés étaient entièrement
dépendantes des aflaj. Menacés désormais
par l’abaissement de la nappe phréatique,
les aflaj et leur exploitation coutumière
constituent une forme d’occupation des
sols exceptionnellement bien préservée.
Les constructions que l’on trouve encore
à Oman aujourd’hui représentent l’une
des plus importantes concentrations de
systèmes d’irrigation de ce genre dans
le monde : une étude à grande échelle
terminée en 2001 en a identifié plus de
quatre mille, dont trois mille environ toujours
en fonctionnement. Ces derniers ont fait
l’objet d’un programme de restauration
mené par le Ministère des ressources en
eau au cours des 25 dernières années. Un
point qui démontre bien l’importance des
systèmes d’irrigation, ressource nationale
fondamentale qui sous-tend toujours les
systèmes agricoles dans une grande partie
du pays.
Les trois types d’aflaj
La datation précise de la plupart des
canaux souterrains est inconnue. Le
réseau actuel semble résulter de plusieurs
campagnes de construction, dont la plus
ancienne pourrait se situer aux environs
de 500 de l’ère commune, voire avant. De
récentes preuves archéologiques suggèrent
que les systèmes d’irrigation existaient
dans la région dès 2500 avant l’ère
commune, mais l’époque du creusement
et du muraillement des premiers canaux en
profondeur est difficile à déterminer.
Dans les peuplements, l’eau est toujours
distribuée dans le cadre d’un système
communautaire traditionnel de partage du
temps.
Aflaj
Le falaj Daris est un système daoudi dont on pense qu’il est le plus ancien du Sultanat. Le falaj al-Jeela est un falaj aini.
© Éditions Gelbart
© Éditions Gelbart
Le réseau actuel semble résulter de plusieurs campagnes
de construction, dont la plus ancienne pourrait se situer
aux environs de 500 de l’ère commune, voire avant.
On distingue trois types d’aflaj à Oman :
Le ghaili : Cette forme se caractérise
par le flux continu d’un wadi (point d’eau
en surface). L’eau, détournée du wadi
par un barrage partiel, est transportée
par des canaux couverts ou à ciel ouvert
jusqu’aux peuplements. Quand le débit
est faible ou intermittent, on stocke l’eau
dans des réservoirs de rétention, en vue de
sa distribution en période de sécheresse –
48 % des systèmes sont des ghaili.
L’aini : Il s’agit de sources pérennes de
montagne. Elles ne se tarissent jamais totalement, mais leur débit n’est pas constant,
variant en fonction des saisons et des conditions climatiques de l’année. Par leur forme,
les aflaj aini sont similaires aux aflaj ghaili et
représentent 28 % des systèmes.
Le daoudi : Ce type de falaj puise dans
des sources d’eau au pied des montagnes.
Des puits mères sont creusés en profondeur
pour puiser dans la source ; l’eau est ensuite
transportée jusqu’aux peuplements des
plaines à travers des canaux souterrains,
souvent sur de très longues distances
– 24 % des systèmes ont recours à des
canaux souterrains. Le daoudi est de loin
le plus complexe des aflaj. Sa construction
repose sur une ingénierie complexe, et doit
avoir également exigé une main-d’œuvre et
des capacités d’organisation considérables.
Pour construire le daoudi, on creuse
tout d’abord un puits mère aussi proche
que possible de l’endroit où le système
d’eau souterrain, ou aquifère, émerge des
montagnes. Cet endroit ne peut se trouver
qu’avec des connaissances traditionnelles
des montagnes et de leur géologie. Le puits
mère doit parfois descendre jusqu’à 60 m
de profondeur.
Les flancs du puits sont revêtus de pierre
et de mortier. Celui-ci est fait de galettes
d’argile brûlées avec du bois de palmier,
qui sont ensuite broyées au fur et à mesure
des besoins. La poudre ainsi obtenue
est mélangée à de l’eau pour former le
mortier, qui, une fois constitué, résiste à
l’eau et semble très stable et durable. On le
fabrique toujours en utilisant les méthodes
traditionnelles.
À partir du puits mère, on construit
un tunnel jusqu’à la shari’a, le point de
distribution dans le peuplement. Ce tunnel
peut faire plusieurs kilomètres de long –
jusqu’à 14,8, comme pour le falaj al-Malki,
avec une inclinaison remarquablement peu
marquée, le gradient de pente ne dépassant
pas parfois 1 : 2500.
Certains tunnels présentent un réseau
d’embranchements secondaires, comme
Patrimoine Mondial Nº60
49
Numéro spécial
Aflaj
Le falaj Daris fournit l’eau de la zone cultivée de la ville de Nizwa.
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les nervures d’une feuille. Un système
aujourd’hui désaffecté possédait 37
embranchements ; le système en activité
qui en possède le plus grand nombre
en compte 17. Quand le tunnel traverse
de la roche, aucun muraillement n’est
nécessaire, mais, dans les roches tendres,
un soutènement est assuré par des murs à
parement de pierre soutenant des voûtes
ou des dalles en pierre, ou par des rondins
de palmiers soutenant des dalles en pierre.
Des puits d’inspection sont construits le
long des tunnels pour permettre un dragage
régulier. Sur le long parcours du puits mère
aux peuplements, l’eau doit parfois franchir
des wadis ou d’autres obstacles. À cette fin,
l’eau est acheminée à travers des siphons
inversés – deux canaux hélicoïdaux reliés
par un petit aqueduc.
Ces anciennes technologies d’ingénierie
inscrites au patrimoine mondial attestent
d’une utilisation durable et ancienne des
ressources d’eau qui a permis de cultiver
des palmiers et d’autres plantes dans des
terres désertiques d’une extrême aridité.
Ces systèmes reflètent la dépendance, jadis
totale, des communautés par rapport à ce
type d’irrigation. Ils témoignent également
Le falaj al-Jeela est situé dans un petit village dans la région éloignée et montagneuse aride du sud de Wilayat.
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50
Patrimoine Mondial Nº60
d’une tradition de gestion et de partage
équitable et efficace de l’eau, reposant sur
des principes de dépendance mutuelle et de
valeurs communautaires.
Les aflaj assurent à de vastes zones
désertiques un approvisionnement en
eau relativement constant tout au long
de l’année, ce qui a favorisé l’expansion
de peuplements urbains permanents,
grâce à une production agricole assurée
et à la disponibilité de ressources en eau
indispensables aux personnes et au bétail.
Les Systèmes d’irrigation aflaj d’Oman
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial en
Aflaj
La gestion et la distribution équitable de l’eau
dans les villes et les villages reposent sur des
valeurs de réciprocité et de coexistence.
Le falaj al-Khatmeen.
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Patrimoine Mondial Nº60
51
Numéro spécial
Aflaj
Le falaj al-Muyassar (un falaj daoudi) trouve son origine à 50 m de profondeur.
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52
Patrimoine Mondial Nº60
Aflaj
Le falaj al-Jeela distribue l’eau aux plantations de palmiers et grenadiers.
© Éditions Gelbart
2006 comprennent les sections de collecte
et une partie des sections de distribution des
cinq systèmes aflaj. Cela comprend les canaux
souterrains entre le puits mère, la source ou
le wadi où l’eau est puisée, et la shari’a, le
début du réseau de distribution autour des
villages ainsi qu’une partie du réseau de
canaux de distribution de surface autour des
plantations dans les villages et les bâtiments
associés, tels que les mosquées, les tours de
guet, les maisons, les cadrans solaires et les
bâtiments de vente aux enchères de l’eau.
Les sites inscrits comprennent évidemment
les
diverses
formations
géologiques
environnant les aflaj.
Al-Athar et allmd
La gestion et la distribution équitable de
l’eau dans les villes et les villages reposent sur
des valeurs de réciprocité et de coexistence.
L’eau du falaj est distribuée aux fermes et
aux jardins situés aux abords de la galerie
en fonction des dispositions particulières
convenues par les parties concernées et
de deux critères essentiels : le temps de
distribution et la quantité d’eau requise.
Le système de temps de distribution de
l’eau se fonde sur des unités temporelles
bien précises : l’al-Athar correspond à une
demi-heure, l’al-Ruba’a à trois heures,
l’al-Bada à douze heures (ou vingt-quatre
Les falaj Daris, al-Khatmeen, al-Malki,
al-Muyassar et al-Jeela représentent toute la panoplie
des systèmes d’irrigation traditionnels d’Oman.
athars) et l’al-Qama à sept minutes et trente
secondes. Chaque cycle était jadis mesuré
par un cadran solaire (allmd).
L’utilisation de l’eau du falaj obéit à diverses
priorités. L’eau destinée à la consommation
est puisée directement au premier point
de ravitaillement, tandis que l’eau servant
au lavage du linge et à la toilette (dans des
pièces distinctes) est captée par la suite.
L’eau réservée aux salles d’ablutions des
mosquées provient directement du falaj.
Cette eau est ensuite acheminée vers les
plantations et les fermes pour assurer leur
irrigation selon les modalités convenues
avec les propriétaires de chaque parcelle.
La quantité d’eau allouée aux individus
et aux groupes concernés dépend des
tâches qu’il leur faut accomplir et de leurs
contributions financières. Ces parts peuvent
également être héréditaires dans la mesure
où le titre de propriété du falaj est transmis
au descendant de l’ancien propriétaire au
moment de son décès.
La taille des aflaj d’Oman a tendance
à varier. Un falaj de taille réduite pourra
pourvoir aux besoins d’une famille ou
deux seulement, tandis que d’autres, plus
importants, desserviront plusieurs milliers
d’habitants. Si une seule personne peut
parfaitement se charger de l’exploitation
de petits aflaj et s’acquitter des tâches
administratives qui y affèrent à titre
quotidien ou annuel, la gestion des aflaj
plus conséquents nécessite, en revanche, la
participation de tous les habitants.
Les cinq aflaj inscrits sur la Liste du
patrimoine mondial sont les suivants : falaj
Daris, falaj al-Khatmeen, falaj al-Malki, falaj
al-Muyassar et falaj al-Jeela. À eux cinq,
ces sites représentent toute la panoplie des
systèmes d’irrigation traditionnels d’Oman.
Tous ces aflaj possèdent néanmoins
un certain nombre de caractéristiques
communes dont un canal principal divisé
en canaux secondaires qui assurent la
distribution de l’eau, un système traditionnel
de gestion et de distribution de l’eau, un
système agricole qu’ils irriguent, divers
bâtiments traditionnels et enfin des tours de
guet destinées à assurer leur défense.
Patrimoine Mondial Nº60
53
Ministère de la culture de la République d’Arménie
3, Government Building, Republic Square, Yerevan 0010, RA
Tel : +37410 52 93 49
Fax : +37410 52 93 49
Photographies : Yerevan Magazine
www.yerevanmagazine.com
Numéro spécial
Site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih)
Al-Hijr
Un peuplement nabatéen
en Arabie saoudite
Nécropole de Madain Salih.
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56
Patrimoine Mondial Nº60
Al-Hijr
Patrimoine Mondial Nº60
57
Numéro spécial
Site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih)
Le site archéologique d’al-Hijr se trouve au carrefour de plusieurs civilisations et des routes commerciales reliant la péninsule arabique, le monde méditerranéen et l’Asie.
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étalant sur une superficie de
2 millions de km2, l’Arabie
saoudite occupe les deux tiers
de la péninsule arabique et
jouit d’une position charnière
à l’intersection de trois continents, à savoir :
l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Cette position
privilégiée en a fait un important carrefour
des civilisations et un axe majeur pour les
échanges commerciaux sous l’Antiquité.
Cela lui a également permis d’assister à
la naissance et à l’épanouissement de
nombreuses civilisations dont il subsiste
encore quelques vestiges.
Le site archéologique d’al-Hijr (Madain
Salih) en est l’un des plus remarquables.
Situé au nord-ouest du pays, entre les villes
de Médine et Tabouk, à 22 km au nord de
la ville d’al-Ula, il fut le tout premier bien
d’Arabie saoudite à être inscrit sur la Liste
du patrimoine mondial en 2008.
La cité nabatéenne d’Hegra (ou al-Hijr,
de son nom actuel) s’est constituée à partir
d’une zone centrale d’habitation et de son
oasis. Les affleurements de grès à proximité
relative ont apporté des possibilités
remarquables pour des nécropoles et
des espaces creusés, formant un site
privilégié pour l’expression de l’architecture
monumentale nabatéenne.
L’abondance d’éléments propices à une
vie sédentaire sur le site, et notamment
de terres fertiles, d’eau et une position
stratégique au sein d’un réseau de voies
reliant les plus grands centres de civilisation
de l’ancien Proche-Orient, atteste de
l’importance de cette cité.
Al-Hijr est située dans une large plaine
au pied d’un plateau basaltique relié au
sud-est des monts du Hedjaz. Elle occupe
une surface de 1 621 ha et est entourée
d’une zone tampon de taille quasiment
identique. Sa géologie se caractérise par
un grand nombre d’affleurements de
grès, d’importance variable, qui formèrent
la base matérielle du développement de
l’architecture monumentale nabatéenne.
Les tombes monumentales
L’ancienne Hegra représente le plus
important site préservé de la civilisation des
Le site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih) a été le premier site de l’Arabie saoudite inscrit sur la Liste du patrimoine mondial en 2008.
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Patrimoine Mondial Nº60
Détail d’une porte.
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préhistoriques ont été découverts sur les
sommets des montagnes qui entourent
le site, et la surface de nombreux rochers
est également recouverte de pétroglyphes
dont certains sont préhistoriques.
Des traces épigraphiques de la période
prénabatéenne subsistent, constituées par
une cinquantaine d’inscriptions en écriture
lihyanite, propre au nord de l’Arabie, et par
quelques dessins rupestres dont l’un, au
style expressif, dépeignant deux lions.
Les vestiges les plus importants de cette
période sont formés de quatre nécropoles
principales. Elles comprennent 111 tombes
monumentales, dont 94 avec des façades
décorées aux dimensions variables.
Parmi elles, une trentaine comporte des
inscriptions en langue nabatéenne, ce
qui permet de dater leur construction. La
période la plus active se situe pendant les
deux premiers tiers du Ier siècle apr. J.-C.,
mais le site est aménagé par les Nabatéens
dès le Ier siècle av. J.-C. et probablement
avant. Il comprend environ 2 000 autres
emplacements funéraires sans caractère
monumental.
Au nord du site, la nécropole de Jabal
al-Mahjar comprend quatre affleurements
parallèles creusés de tombes sur les flancs
est et ouest. Les décorations de façade
sont de taille relativement réduite, égale ou
inférieure à un mètre. L’affleurement le plus
à l’est présente des niches supérieures pour
des emplacements funéraires, un trait qui
ne se rencontre qu’à al-Hijr.
Entrée du Siq et du Diwan.
© Éditions Gelbart
Formée de 31 tombes, la nécropole de
Qasr al-Bint est la plus monumentale et
la plus représentative du site d’al-Hijr. Ses
tombes sont datées de 1 à 58 apr. J.-C.
La façade la plus importante atteint une
hauteur de 16 m, et une tombe inachevée
aurait eu 30 m d’élévation si elle avait
été complétée. Les tombes de Qasr alBint comportent de belles inscriptions et
décorations. Les premières concernent les
notables auxquels étaient destinées les
tombes, les secondes sont des éléments
décoratifs animaliers, des oiseaux, des
monstres ou des visages humains.
Une tombe tardive de ce site remonte
au IIIe siècle apr. J.-C. et comprend une
inscription arabe en écriture nabatéenne.
Une des nécropoles importante est située
dans un affleurement unique au sud-est
de la zone résidentielle. Elle comprend 19
tombes creusées entre 16 et 61 apr. J.-C.
Certaines, sans façades décorées, sont
peut-être plus anciennes. Toutes sont en
élévation, directement creusées dans la
falaise de grès. Au sud-ouest du bien, la
nécropole de Jabal al-Khuraymat est la
plus vaste des quatre. Elle est formée de
nombreux affleurements séparés par des
dépressions ensablées, mais seulement
huit d’entre eux contiennent des tombes à
caractère monumental, soit un ensemble de
48 tombes datées de 7 à 73 apr. J.-C.
L’exposition aux vents dominants d’un
grès généralement friable a favorisé
une assez notable érosion de la plupart
Les motifs décoratifs étaient l’expression de la richesse
et de la position sociale de la personne inhumée.
© Éditions Gelbart
des façades de la nécropole de Jabal alKhuraymat. La hauteur moyenne des
façades est proche de 7 m.
Les influences stylistiques
Les styles architecturaux des façades
tombales d’al-Hijr se groupent en cinq types
principaux, qui ne suivent cependant pas un
ordre chronologique strict. Il s’agit plus de
motifs décoratifs qui constituent un élément
du choix lié à la richesse et à la position
sociale du défunt, tout comme le sont les
dimensions monumentales de la façade.
Ces éléments stylistiques empruntent aux
civilisations voisines : assyrienne (motifs
crénelés), phénicienne, égyptienne et
Patrimoine Mondial Nº60
59
Al-Hijr
Nabatéens au sud de Petra, en Jordanie.
La cité comporte plusieurs tombes
monumentales bien préservées, ornées de
motifs décoratifs sur leurs façades et datant
du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle apr. J.-C.
Le site renferme également de nombreux
dessins rupestres ainsi qu’une cinquantaine
d’inscriptions dont l’écriture prédate la
période nabatéenne.
Mais aussi, et surtout, al-Hijr demeure
un témoignage unique de la civilisation
nabatéenne. Les puits et les tombeaux
du site, dont la plupart sont ornés de
décorations, témoignent des connaissances
architecturales et de la maîtrise hydraulique
des Nabatéens.
Les
vestiges
des
peuplements
découverts dans la région remontent à
la haute Antiquité. En effet, des vestiges
Numéro spécial
Site archéologique d’al-Hijr (Madain Salih)
Paysage de Qasr al-Farid à Madain Salih.
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hellénistique. Ils se combinent avec des
thèmes décoratifs propres aux Nabatéens
dans des ensembles originaux, par exemple
dans une évolution du chapiteau corinthien.
L’aire religieuse de Jabal Ithlib est dans
la partie nord-est du site archéologique, à
proximité du plus haut affleurement gréseux
d’al-Hijr. La partie troglodytique de l’aire est
atteinte par un étroit corridor de 40 m de
long, entre de hauts rochers semblables
au Siq de Petra. On atteint ainsi la salle du
Diwan, en forme de triclinium. À l’extérieur,
l’aire religieuse comporte de nombreux
petits sanctuaires nabatéens taillés dans
le rocher, dont plusieurs comportent des
inscriptions.
L’espace résidentiel archéologique d’alHijr se situe au milieu de la plaine. Les
habitations ainsi que le mur d’enceinte
ont été construits en brique de terre crue.
Ils ont laissé peu de traces apparentes. Les
vestiges du mur peuvent cependant être
repérés au sol. L’archéologie géophysique
récente semble indiquer une forte densité
de population à l’apogée de la période
nabatéenne.
60
Les tombes de Jabal al-Mahjar sont situées au nord du site de Madain Salih.
© Éditions Gelbart
Patrimoine Mondial Nº60
Formée de 31 tombes, la nécropole de
Qasr al-Bint est la plus monumentale et la
plus représentative du site d’al-Hijr.
L’oasis ancienne était alimentée par 130
puits, principalement situés dans la partie
ouest et nord-ouest du site, où la nappe
d’eau se trouvait à une profondeur de
seulement 20 m environ. Leur diamètre
moyen est de l’ordre de 4 m, mais certains
peuvent atteindre 7 m. Le puits est pour
l’essentiel creusé dans la roche, mais,
lorsque le sol supérieur est meuble, l’orifice
est renforcé par des blocs de grès.
Le fort et la station ferroviaire
La zone archéologique d’al-Hijr comprend
en outre deux ensembles bâtis sans rapport
direct avec le site archéologique.
Le premier de ceux-ci est le fort ottoman
d’al-Hijr, construit de 1744 à 1757. Cette
structure fait partie de la série des forts
construits pour protéger la route du
pèlerinage de La Mecque. Il est de plan
carré, chaque côté mesurant environ 18 m.
Il a été restauré à deux reprises, en 1906 au
moment de l’implantation du chemin de fer
et en 1985.
Le chemin de fer du Hedjaz est le second
de ces ensembles. Construite entre 1901 et
1908, cette ligne servait à joindre Damas et
Jérusalem à Médine et à La Mecque et à
faciliter le pèlerinage. La station ferroviaire
édifiée à cette occasion à Madain Salih est
située au nord de la zone archéologique. Elle
comprend plusieurs bâtiments construits le
long de la voie ferrée, aux murs en grès et
aux toits de tuiles rouges.
Outre sa fonction religieuse manifeste,
le chemin de fer du Hedjaz était un projet
politique et militaire entrepris à un moment
délicat de l’histoire de l’Empire ottoman,
notamment dans ses rapports avec les
peuples arabes. La révolte arabe durant la
Al-Hijr
Les façades sculptées d’al-Hijr, typiques de la civilisation nabatéenne, sont une illustration remarquable de ce style architectural.
© Éditions Gelbart
Première Guerre mondiale se situe pour
une part notable dans cette région et
visait tout particulièrement les installations
ferroviaires.
Justification de l’inscription
L’inscription du site archéologique d’alHijr sur la Liste du patrimoine mondial est
justifiée à plusieurs titres :
• Le site est bien conservé et présente par
conséquent une intégrité exceptionnelle.
Il comporte un ensemble de tombes et
de monuments très important, dont
l’architecture et les décorations sont
directement creusées dans le grès.
Ces caractéristiques témoignent de la
rencontre de nombreuses influences
décoratives et architecturales : assyrienne,
égyptienne, phénicienne, hellénistique.
L’épigraphie du site atteste de la présence
de nombreuses langues anciennes
tout au long de son histoire : lihyanite,
thamudique, nabatéen, grec, latin.
• Des vestiges mettant en évidence le
développement des techniques agricoles
nabatéennes y ont également été
découverts. Parmi ceux-ci, on citera plus
particulièrement les nombreux puits
artificiels creusés en sol rocheux qui sont
encore en activité aujourd’hui.
• Le site est également un important
témoignage du commerce caravanier
international durant l’Antiquité tardive.
• Par sa situation stratégique à la croisée
de différentes civilisations de l’Antiquité
tardive et sur une importante voie de
commerce entre la péninsule arabique,
le monde méditerranéen et l’Asie, le site
offre un témoignage exceptionnel de la
diversité des influences architecturales,
culturelles, artistiques et linguistiques
et du commerce caravanier. Bien que
la cité nabatéenne ait été abandonnée
à l’époque préislamique, la route a
continué à jouer un rôle international
pour les caravanes puis pour le pèlerinage
de La Mecque, jusqu’à sa modernisation
par la construction du chemin de fer au
début du XXe siècle.
• Le site est aussi un témoignage unique de
la civilisation nabatéenne, qui s’épanouit
plus particulièrement entre les IIe ou IIIe
siècles av. J.-C. et la période préislamique,
et plus notamment au Ier siècle apr. J.C. Il illustre de manière exceptionnelle le
style architectural propre aux Nabatéens,
fait de monuments directement creusés
dans la roche et comportant des façades
ornées de nombreux motifs décoratifs.
Les puits de la cité, creusés en grande
partie dans la roche, attestent quant à eux
de la maîtrise hydraulique des Nabatéens
à des fins agricoles. L’intérêt présenté
par la cité est par ailleurs renforcé
par son parfait état de conservation
dû à son abandon précoce et aux
conditions climatiques très favorables.
L’Arabie saoudite a mis en place un plan de
gestion du site particulièrement exhaustive
dont la tâche consiste à assurer la protection
du bien. Ce projet permettra d’établir un
système de suivi permanent de l’état de
conservation du site et l’élaboration d’un
projet visant à présenter l’exceptionnelle
valeur universelle du site tant pour le bien
des visiteurs que pour celui des populations
de la région.
Patrimoine Mondial Nº60
61
Numéro spécial
Ad-Dir’iyah
Ad-Dir’iyah
Berceau de la maison
des Saoud
Le District d’at-Turaif à ad-Dir’iyah est le deuxième site de l’Arabie saoudite inscrit sur la Liste du patrimoine mondial.
© Éditions Gelbart
62
Patrimoine Mondial Nº60
Ad-Dir’iyah
Patrimoine Mondial Nº60
63
Numéro spécial
Ad-Dir’iyah
d-Dir’iyah ou Diriyah, au centre
de la péninsule d’Arabie, au
nord-ouest de Riyad, fut la toute
première capitale de la dynastie
saoudienne. Fondée au XVe siècle,
la cité possède encore de nombreux
bâtiments particulièrement remarquables
édifiés en adobe, matériau prédominant
dans la région. Ces constructions témoignent
du style architectural nadjdi, caractéristique
du cœur de la péninsule arabique.
C’est au XVIIIe siècle et au début du
XIXe siècle que le rôle politique et religieux
de la citadelle d’at-Turaif s’affirma
réellement et que celle-ci devint le centre
du pouvoir temporel des Saoud et aussi de
la diffusion de la réforme wahhabite au sein
de la religion musulmane. Le site comprend
les vestiges de nombreux palais et d’un
ensemble urbain érigé en bordure de l’oasis
ad-Dir’iyah, dans la région du Nadjd, le
plateau continental de la Haute Terre qui
forme le centre de l’Arabie.
Il s’agit d’une région désertique particulièrement aride (84 mm de précipitations
annuelles moyennes), aux fortes amplitudes
de température. Les anciennes périodes
géologiques, bien plus humides, avaient
pourtant créé un réseau de vallées
aujourd’hui occupées par des oueds. Leurs
nappes phréatiques demeurent de manière
permanente dans le sous-sol de certaines
vallées où elles alimentent les puits. Les
parties alluviales fertiles offrent ainsi la
possibilité de cultiver des palmeraies et de
maintenir une agriculture d’oasis irriguée.
Muraille d’at-Turaif.
© Éditions Gelbart
64
Patrimoine Mondial Nº60
L’oasis d’ad-Dir’iyah est l’une des
principales implantations humaines de la
région, établie sur une distance d’environ
8 km, en bordure de l’oued Hanifah. La
cité est située à 5 km au nord-ouest du
centre de Riyad, la capitale actuelle de
l’Arabie saoudite ; elle forme la limite de
l’agglomération dans cette direction.
L’oasis, située entre l’oued Hanifah et
un affluent, comprend plusieurs villages
d’agriculteurs et entoure, sur trois de ses
côtés, le promontoire calcaire d’at-Turaif.
Occupé dès le XVIe siècle par la dynastie
locale des Saoud, le site constitue le berceau
des Saoud qui en firent le centre de leur
pouvoir en construisant des fortifications,
des palais et une agglomération.
Dès la fin du XVIIIe siècle, un système
complet de fortifications avait été érigé
pour défendre les deux rives de l’oasis,
dont at-Turaif formait la citadelle. Celle-ci
s’organise autour du palais Salwa saoudien,
d’un ensemble de bâtiments administratifs
et d’écoles coraniques. Le palais et la
place centrale, devant le palais, formaient
le lieu de convergence de la vie sociale,
dominée par l’administration du pouvoir
et l’enseignement religieux de la réforme
wahhabite de la sunna. Par ailleurs,
l’ancienne cité demeure en étroite liaison
avec l’oasis et les quartiers des paysans
et des artisans, le promontoire étant peu
marqué par rapport au reste du site.
Les palais et autres
constructions
At-Turaif était le quartier central d’une
implantation diversifiée, adapté tant à une
situation géographique qu’à un contexte
social, politique et religieux. Il comprend
aujourd’hui un éventail assez large de
témoignages
matériels
immobiliers.
Beaucoup demeurent à l’état de vestiges,
mais quelques-uns, dont le palais Salwa, ont
été restaurés, en suivant la plupart du temps
les méthodes de construction d’origine.
Le réseau viaire s’est constitué à partir
des contraintes défensives du site, puis
il s’est complété au fur et à mesure du
développement urbain. Il a été conservé
sans modifications importantes et il
demeure pleinement lisible à ce jour. Les
constructions utilisent les matériaux locaux,
facilement disponibles : la pierre calcaire
pour les fondations et les structures basses
des édifices, la brique de terre crue ou adobe
et le bois des palmiers. Les bâtiments sont
construits dans un style original, typique des
constructions de la région du Nadjd. Parmi
les éléments architecturaux et décoratifs
Dès la fin du XVIIIe siècle, un système complet de
fortifications avait été érigé pour défendre les deux
rives de l’oasis, dont at-Turaif formait la citadelle.
Ad-Dir’iyah
Les maisons et les palais ont été construits avec
l’argile provenant du lit de la rivière Hanifah.
© Éditions Gelbart
du style nadjdi, où domine l’usage de
l’adobe, il faut noter l’utilisation de crépis
à base de terre argileuse, les colonnes de
pierre, des superstructures à motifs ajourés
triangulaires et l’usage de linteaux de bois
peints de motifs géométriques.
L’argile qui a servi à la construction des
maisons et des palais d’at-Turaif provient
du lit de l’oued Hanifah, dont les dépôts
alluviaux contenaient un mélange naturel
d’argile adhésive, de vase et de sable. L’eau
était tirée de puits alimentés par la nappe
phréatique et puisée à l’aide d’ânes et de
chameaux.
Ces puits témoignent de l’évolution
d’un système ancestral qui remonterait au
II e millénaire avant notre ère. Certains de ces
puits sont encore visibles sur le site et sont
un vivant rappel des techniques agricoles
traditionnelles.
Le site comprend trente monuments ou
ensembles de monuments répertoriés par le
Haut Comité du site dont le plus remarquable
demeure l’ensemble palatial de Salwa qui
Ornement traditionnel nadjdi sur une porte en bois.
© Éditions Gelbart
fut la résidence principale de la famille des
Saoud, au XVIIIe et au début du XIXe siècle,
ainsi que le centre de leur pouvoir politique,
militaire et religieux. Couvrant une surface
totale d’environ 10 000 m2, il compte sept
unités distinctes, comprenant des palais
ou des bâtiments aux plans rectangulaires
ou trapézoïdaux, dont la construction s’est
étagée en fonction du développement de
la famille et de son pouvoir. Ces unités sont
séparées par un réseau de ruelles et de
placettes.
La plus ancienne construction de
l’ensemble formait le palais initial, composé
de deux parties, à proximité de l’oasis. Elle
remonte vraisemblablement au début du
XVIII e siècle. Elle est de forme rectangulaire
allongée ; chaque partie étant à un niveau
et supportant des terrasses accessibles par
des escaliers.
Les autres constructions notables du
site comprennent de majestueux palais
construits dans un style très distinctif et
imposant. Parmi ceux-ci, on citera :
-
Le palais Ibrahim ben Saoud,
situé au sud-ouest du palais Salwa (doté de
deux étages et de nombreux murs anciens,
ainsi que de vestiges défensifs. Cette
construction a d’ailleurs fait l’objet d’une
réhabilitation importante au XXe siècle).
-
Le palais Fahad, un petit palais
adjacent au palais Ibrahim ben Saoud.
-
Le Sabala Moudhi, qui fut une résidence de notables religieux, plus tard transformée en sabala (maison) des voyageurs
(bien qu’en très mauvais état aujourd’hui,
cet édifice contient le seul exemple existant
de galeries construites sur deux étages entourant une petite cour). Cette construction
est adjacente à la mosquée Moudhi, qui a
été restaurée par les habitants au XXe siècle.
-
Le palais Abdullah, qui est le
second plus grand ensemble après le palais
Salwa (construit au début du XIXe siècle, ce
site fut l’ultime siège du pouvoir des Saoud à
at-Turaif).
-
Le palais Turki, l’un des tout
derniers palais à être construits (au début
Patrimoine Mondial Nº60
65
Numéro spécial
Ad-Dir’iyah
Le district d’at-Turaif est situé sur un plateau faiblement calcaire dans l’oasis d’ad-Dir’iyah.
© Éditions Gelbart
Les constructions utilisent les matériaux locaux : la pierre
calcaire pour les fondations et les structures basses, la
brique de terre crue ou adobe et le bois des palmiers.
du XIXe siècle). Ce palais est actuellement à
l’abandon et son état de conservation est
médiocre.
-
Le palais Thunayyan, situé à
proximité du petit oued, au sud du site
(de forme triangulaire et dressée sur de
profondes fondations, cette construction
possède l’unique vestige d’un chapiteau
ayant conservé sa décoration intacte ainsi
que des poutres anciennes).
-
Le palais Omar ben Saoud.
-
Le palais Mishari ben Saoud.
-
Le palais Farhan.
-
Bayt al-Mal, bâtiment de la
trésorerie. Conçue comme annexe au
palais Salwa au début du XIXe siècle, cette
construction est actuellement en ruine.
Le bien est un exemple unique du style
architectural et décoratif nadjdi, qui s’est
développé au cœur de la péninsule arabique.
Il illustre la mise en œuvre ingénieuse
66
Patrimoine Mondial Nº60
de l’adobe, un matériau universellement
employé de par le monde, mais ici avec une
grande originalité pour faire face au climat
désertique extrême de l’Arabie centrale et
y offrir des conditions de vie acceptables.
Le quartier citadelle d’at-Turaif atteste
d’un emploi architectural et décoratif
original de l’adobe, formant un style
régional clairement identifié, qui consiste en
un ensemble de zones urbaines diversifiées
et de palais au milieu d’une oasis, et illustre
l’association d’une méthode de construction
bien adaptée à son environnement,
l’utilisation de l’adobe dans les principaux
complexes de palais, ainsi qu’un sens inédit
des décors géométriques.
At-Turaif était autrefois protégée par un
mur d’enceinte en terre banchée, qui fut en
grande partie détruit lors de la campagne
militaire de 1818. Il a été reconstruit, mais
en pierres, au cours des années 1990.
Un peu d’histoire
La première présence humaine dans la
vallée de l’Hanifah remonte à 80 000 ans
environ, comme en attestent des vestiges
acheuléens et moustériens. Bien que les
conditions de développement y fussent
moins favorables que dans le Croissant
fertile, elles ont d’abord attiré des chasseurs
puis des nomades. Des artefacts en pierre
et des sculptures sur rochers ont été
découverts dans le Nadjd ouest.
Au nord de Riyad, les vestiges d’un
centre de peuplement aux murs de pierres
sèches remontent au Ve millénaire avant
notre ère. L’agriculture s’y développa aux
III e et II e millénaires. La domestication du
dromadaire date de la même période.
Durant l’Antiquité, l’Arabie joue le rôle
d’une route commerciale caravanière active
entre l’océan Indien, le Croissant fertile
et la Méditerranée. Elle est notamment
traversée par la Route de l’encens. L’oued
Hanifah paraît cultivé, mais les témoignages
archéologiques directs sont encore peu
nombreux. Les peuplements sédentaires se
développent au cours du Ier millénaire avant
notre ère.
développement agricole des oasis de la
région centrale de l’Arabie. Au XIVe siècle, le
voyageur arabe Ibn Battuta témoigne de la
présence des Banu Hanifah dans la vallée qui
porte leur nom. Toutefois, à cette époque,
les populations stagnent ou décroissent.
Les conditions climatiques plus favorables
du XVe siècle donnent un nouvel essor
aux oasis et aux bourgades, par l’arrivée
de nouveaux habitants venus des régions
côtières. Ad-Dir’iyah semble avoir été créée
à cette époque et son développement
connaît un premier apogée au XVIe siècle.
La cité est alors un centre commercial et
son pouvoir s’étend à l’échelle de la région.
Toutefois, au XVIIe siècle et au début du
siècle suivant, Uyanynah devient la ville
prééminente du Nadjd.
Au début du XVIe siècle, le chérif de
La Mecque reconnaît le califat ottoman,
Le bien est un exemple unique du style
architectural et décoratif nadjdi, qui s’est
développé au cœur de la péninsule arabique.
qui cherche à prendre le contrôle de la
péninsule arabique. Le contexte est marqué
par une vive confrontation avec l’Occident,
au moment où les Portugais s’implantent
dans l’océan Indien. Le chérif attaque une
première fois les oasis et les nomades du
Nadjd, en 1578.
Le pouvoir des familles Banu Hanifah est
lentement remis en cause par l’évolution
séculaire du peuplement des oasis de
l’Arabie intérieure. Au début du XVIIe siècle,
seules trois oasis demeurent sous leur
contrôle, dont celle d’ad-Dir’iyah. Deux
groupes tribaux rivaux émergent alors et
prétendent au pouvoir : les Al-Muqrin et les
Al-Watban. L’organisation des oasis reflète
alors cet antagonisme, par des quartiers
ou des villages séparés. À ad-Dir’iyah, les
Al-Watban l’emportent dans un premier
temps, mais, en 1720, Saoud ben
Mohammed, de la communauté adversaire
des Al-Muqrin, impose son pouvoir et
expulse ses rivaux de la ville. C’est l’acte
fondateur de la Maison des Saoud.
Au XVIIIe siècle, les imams successifs
(chefs de la Maison des Saoud) fortifient
l’oasis, le long des hauteurs de chaque côté
L’ensemble du palais Salwa fut la résidence principale de la famille Saoud au XVIIIe et début du XIXe siècle.
© Éditions Gelbart
Patrimoine Mondial Nº60
67
Ad-Dir’iyah
La fin de l’Empire romain et l’expansion
du christianisme entraînèrent le déclin des
centres de commerce et de sédentarisation
en Arabie centrale. Les zones de puits et
les anciennes oasis deviennent des refuges
pour les nomades et leurs troupeaux.
L’Arabie centrale est alors dominée par les
tribus yéménites des Himyarites.
Au Ve siècle de notre ère la tribu chrétienne
des Banu Hanifah reprend la colonisation
agricole du centre de la péninsule, dans la
région de Tasm. Battus en 634 par l’armée
du calife Ibn al-Walid, ils se soumettent à
l’islam.
Aux VIe et VIIe siècles, les Banu Hanifah
apparaissent toutefois comme une tribu
rebelle à l’État califal des Omeyyades. Ils
ne se soumettent au pouvoir central des
Abbassides qu’au milieu du IXe siècle. Les
IXe et Xe siècles sont témoins d’un lent
Numéro spécial
Ad-Dir’iyah
Colonnes de pierre face au palais Salwa.
© Éditions Gelbart
de l’oued Hanifah. C’est une période de
développement urbain et de la constitution
de la citadelle d’at-Turaif.
Originaire du Nadjd, où des formes
de rituels préislamiques imprégnaient
la vie sociale, le cheik Mohammad ben
Abdul Wahhab se fait le promoteur d’une
réforme de la sunna, la tradition orthodoxe
musulmane. L’unicité de Dieu, son impossible
comparaison et l’hérésie de toute médiation
sont réaffirmées. Ce mouvement religieux
est pleinement reconnu par le second
imam, Mohammad ben Saoud, qui en fait,
en 1745, la base morale et juridique de son
État. Ad-Dir’iyah devient alors le centre de
propagation de la réforme. La ville est un
centre d’éducation important par la présence
de nombreuses écoles coraniques qui attirent
des étudiants de toute la péninsule.
La dynastie des Saoud entreprend
parallèlement une conquête des autres
villes et oasis du Nadjd, qu’elle contrôle
68
Patrimoine Mondial Nº60
entièrement dès 1785. Dans les années
1790, elle domine l’est de la péninsule
arabique et son influence s’étend à l’ouest
jusqu’au pied des monts du Hedjaz.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et
au début du XIXe, ad-Dir’iyah est le quartier
général d’une puissante administration
islamique. Elle dispose de juges et d’imams
réputés. Les délégations et les groupes
d’intérêts se pressent aux portes de ses
salles d’audience. La cité renferme aussi une
trentaine d’écoles coraniques et constitue
le centre politique et militaire du pouvoir
des Saoud. À son apogée, l’armée pouvait
réunir jusqu’à 100 000 hommes.
L’ensemble urbain associé à l’oasis se
développe alors. C’est tout particulièrement
le cas du palais Salwa dans la citadelle d’atTuraif, cœur du pouvoir. Toutefois, au dire
de voyageurs occidentaux, la population
d’ad-Dir’iyah ne dépassait pas 13 000 âmes
au début du XIXe siècle.
Le succès de la réforme de la sunna et la
puissance militaire en expansion des Saoud
ne pouvaient manquer d’inquiéter le califat
ottoman. Les tensions et les affrontements
se multiplient durant une trentaine d’années.
Les Saoud sont tout d’abord vainqueurs,
imposant notamment leur influence sur le
Hedjaz central et sur La Mecque (en 1803),
dont ils contrôlent ainsi le pèlerinage. C’est
l’apogée de la première dynastie des Saoud.
La contre-offensive des Ottomans
s’organise
depuis
l’Égypte
et
ils
reconquièrent le Hedjaz (en 1813), avant
d’entrer en campagne dans le cœur de
la péninsule d’Arabie. À la tête d’une
puissante armée cosmopolite, Ibrahim
Pacha envahit le Nadjd (de 1816 à 1818).
La campagne se termine par le siège et la
conquête d’ad-Dir’iyah. La ville est alors
saccagée à deux reprises, en 1818-19 et en
1821. Une répression s’abat sur les Saoud et
sur les partisans du wahhabisme.
Mesures de protection
et de gestion
Plantation de dattiers autour d’at-Turaif.
© Éditions Gelbart
L’imam Turki rétablit le pouvoir des Saoud
en 1824, obtenant le départ des Ottomans.
Il fonde une seconde dynastie, choisissant
Riyad comme nouvelle capitale. L’ancien
siège du pouvoir, le district at-Turaif, en
grande partie ruiné par la guerre, est
abandonné. La population locale retourne
vivre dans l’oasis vers le milieu du XIXe siècle,
et l’exploitation agricole se poursuit, mais
les rares visiteurs occidentaux témoignent
d’une cité en ruine.
At-Turaif demeura à l’abandon jusqu’au
milieu du XXe siècle, quand près de 200
familles réinvestissent le quartier oriental,
à proximité de l’oasis, et édifient des
maisons en adobe sur les vestiges de la ville
ancienne. Puis en 1982, le Département
des antiquités racheta l’ensemble du
site et expropria ses habitants. Le site est
désormais un ensemble urbain composé
de monuments architecturaux s’étalant sur
plus de 29 ha. Par ailleurs, la cité de Riyad,
qui s’est fortement développée au cours
des dernières années, atteint désormais les
portes de l’oasis d’ad-Dir’iyah.
La région a également vu le développement d’infrastructures routières.
Ad-Dir’iyah comprend aujourd’hui trois
bourgs principaux. Le développement urbain se fait presque entièrement en dehors
de la zone tampon.
Le mouvement wahhabite
L’importance du district at-Turaif à
ad-Dir’iyah est aussi intimement liée à
l’enseignement du cheikh Mohammad ben
Abdul Wahhab qui habitait et prêchait dans
la cité où il finit sa vie.
Les adeptes de ce mouvement se
considéraient comme les représentants
de la foi et des pratiques des premiers
musulmans. Ils demandaient le retour
des musulmans à la pureté d’origine des
enseignements du Coran et de la sunna
Le paysage environnant le site a été en
grande partie préservé du développement
urbain rapide et spectaculaire qui caractérise le Royaume et sa capitale, Riyad.
At-Turaif a pu préserver son caractère d’oasis
implantée au bord d’un oued grâce à ses
grandes plantations de palmiers-dattiers
qui forment un écran de verdure autour
des vestiges de la ville. L’environnement
désertique du site a également été préservé
du développement urbain. Le site présente
par conséquent un extraordinaire degré
d’authenticité, sans aucun ajout incongru
à son plan architectural d’habitations
traditionnelles en terre, et sans aucune
modification importante du réseau originel
des rues de la ville.
La gestion du bien, pendant et après la fin
des travaux sur place, a été le souci constant
de tous les partenaires concernés par le
site, depuis les toutes premières étapes de
l’effort de planification de grande ampleur
de l’Autorité de développement d’ar-Riyadh
(ADA) pour créer le nouveau Musée du
patrimoine vivant d’at-Turaif.
Les concepteurs du Musée du patrimoine
vivant et la Commission saoudienne du
tourisme et des antiquités (SCTA) élaborent
actuellement un plan de gestion d’ensemble
du bien très exhaustif. Ce plan de gestion vise
à assurer le respect de la valeur universelle
exceptionnelle du bien et le développement
durable du projet. Son objectif est double
et indissociable : permettre une gestion
efficace et souple du Musée du patrimoine
vivant, d’une part, et répondre, d’autre part,
aux critères des biens du patrimoine mondial
de l’UNESCO. Patrimoine Mondial Nº60
69
Ad-Dir’iyah
(traditions du prophète Mahomet) et
réclamaient la purification des croyances et
pratiques religieuses pour se détacher des
innovations et déviations (bida) accumulées
au cours des siècles et ajoutées aux
enseignements de l’islam.
La réforme a produit un État puissant
et une autorité centralisée qui ont unifié
l’Arabie et imposé la paix et l’ordre à ses
nomades, sédentarisant la population
pour la première fois depuis l’époque
des califes. Elle a également influencé les
pratiques sociales et religieuses du peuple
arabe et inspiré de nombreux réformateurs
musulmans depuis le XVIIIe siècle.
Numéro spécial
Liste indicative
La liste indicative
des sites
Un regard vers l’avenir
72
Patrimoine Mondial Nº60
Liste indicative
Patrimoine Mondial Nº60
73
Numéro spécial
Liste indicative
U
Site du patrimoine archéologique de Saar (Bahreïn).
Les temples de Barbar (Bahreïn).
© Ministry of Culture - Bahrain
© Ministry of Culture - Bahrain
n site inscrit sur la Liste du
patrimoine mondial est un
lieu (forêt, montagne, lac,
désert, monument, bâtiment,
ensemble de constructions
ou ville entière) sélectionné par le Comité du
patrimoine mondial en raison de l’importance
particulière qu’il revêt sur le plan culturel ou
matériel. Chacun des États parties cités dans
ce numéro, Bahreïn, Oman, Arabie saoudite,
Qatar et Émirats arabes unis, a soumis à
l’UNESCO des listes indicatives de biens qui
présentent, à leur avis, une valeur universelle
exceptionnelle en termes de patrimoine
culturel et naturel et qu’il estime donc mériter
une inscription sur la Liste du patrimoine
mondial dans l’espoir qu’ils puissent un jour
bénéficier de la reconnaissance mondiale.
Bahreïn possède le plus grand nombre
de sites inscrits sur cette liste, suivi de près
par Oman et l’Arabie saoudite, qui sont tous
deux dotés de sites tout aussi impressionnants. Parmi les sites de Bahreïn figurent
le temple de Barbar, le parc patrimonial
de Saar, la réserve des îles Hawar, les ensembles funéraires de Dilmun et de Tylos, et
la culture perlière et ses paysages culturels.
Oman compte soumettre la ville antique de
Qalhat et les forts de Rustaq et d’al-Hazm,
alors que le Qatar a sélectionné le site archéologique de la ville d’al-Zubarah et son
paysage culturel et la réserve naturelle de
74
Patrimoine Mondial Nº60
Khour al-Udaid, et l’Arabie saoudite présente la zone historique de Djedda. Les
Émirats arabes unis comptent soumettre à
l’inscription en 2011 les sites culturels d’alAin (Hafit, Hili, Bidaa bint Saud et les zones
d’oasis).
Bahreïn
Les temples de Barbar
Le plus grand temple découvert à
Bahreïn se situe à proximité du village de
Barbar. Deux tells recouvraient à la fois
ce temple et un autre temple adjacent
de plus petite taille. Le temple de Barbar
est en fait l’accumulation de trois temples
érigés successivement sur le même site.
Les deux premiers, bâtis en terrasses et
comportant une plate-forme centrale
dominant une plate-forme extérieure ovale
– caractéristique architecturale que l’on
trouve aussi dans les temples sumériens.
Bâtis durant les IIIe et IIe millénaires avant
notre ère, les temples de Barbar comptent
parmi les vestiges architecturaux les plus
remarquables de l’Antiquité et sont sans
équivalent dans cette région. Découverts
et mis au jour pour la première fois par
des missions danoises qui exploraient les
sites archéologiques de Bahreïn au cours
des années 50 et 60, ce site fut à nouveau
fouillé en 1983 par le Département des
antiquités et des musées.
Le second temple est le mieux préservé
des trois, ayant conservé ses murs et ses
terrasses d’origine à leur hauteur initiale, et
ses sanctuaires voués au culte étant encore
intacts.
Le site du patrimoine
archéologique de Saar
Cette zone d’une grande importance
culturelle renferme les monuments suivants :
une cité datant de la période Dilmun
ancienne, un ensemble funéraire situé au sud
(que l’on appelle aussi l’ensemble en « nidd’abeilles »), un ensemble funéraire situé
au nord, un temple de la période Dilmun
tardive et des tertres funéraires à tombe
unique. Il serait souhaitable de promouvoir
ces monuments comme un ensemble pour
optimiser l’intérêt de chacun aux yeux du
grand public. En outre, la création d’un
« parc du patrimoine de Saar » permettrait
de protéger et de développer ensemble
toutes ces constructions.
La cité datant de la période Dilmun
ancienne est le seul site bahreïnite à avoir
fait l’objet de fouilles exhaustives. Ce site
offre aujourd’hui à ses visiteurs un aperçu
exceptionnel de la vie quotidienne de ses
habitants il y a 4 000 ans. L’ensemble
funéraire situé au sud est un parfait
exemple de nécropole bahreïnite. Son
cimetière est aujourd’hui entièrement mis
Liste indicative
La réserve des îles Hawar (Bahreïn).
© Dr. Saeed Al Khuzai
au jour et l’ensemble funéraire nord a été
fouillé par une équipe d’archéologues
bahreïnites. Ceux-ci ont mis au jour la
partie supérieure des nombreuses tombes
que renferme cette zone, sans toutefois les
ouvrir. Seules dix tombes ont été fouillées en
1991, à titre expérimental, par l’expédition
Londres-Bahreïn. Le reste du cimetière
reste à explorer. Le temple de la période
Dilmun tardive se dresse dans l’angle sudouest de l’ensemble funéraire situé au
nord. Il s’agit d’une construction de forme
rectangulaire dotée de murs en pierre de
petite taille, construite directement sur des
tombes de la période Dilmun ancienne.
Les découvertes de la mission bahreïnite
qui a réalisé les fouilles semblent indiquer
que ce bâtiment date du Ve et VI e siècle de
notre ère. Il s’agit de la seule construction
de cette époque à avoir été découverte à
ce jour à Bahreïn. Les tertres funéraires à
tombe unique sont bien préservés. Ils se
situent du côté ouest du parc du patrimoine
qui fait l’objet de la présente proposition
et au nord de l’ensemble funéraire nord.
L’une de ces tombes fut reconstruite en
1992, à hauteur de son toit, par la mission
Londres-Bahreïn. Elle offre aux visiteurs la
seule possibilité de découvrir un tumulus
de la période Dilmun tel qu’il serait apparu
aux habitants de l’époque au moment de
sa construction.
La réserve des îles Hawar
Cet archipel est le seul site naturel
bahreïnite que l’on puisse encore
véritablement qualifier de « vierge ». Les
îles qui le composent présentent une beauté
naturelle exceptionnelle dont la valeur est
irremplaçable. Malheureusement, elles sont
aussi très vulnérables. Malgré leur petite
taille, elles offrent un cadre exceptionnel aux
amoureux de la nature et aux aventuriers
en quête de faune et de flore. Parmi leurs
nombreuses qualités, on mettra un accent
particulier sur le fait qu’elles offrent un
refuge aux échassiers migrateurs et que
leurs eaux vertes et peu profondes recèlent
des récifs de corail multicolores, des prairies
sous-marines et des colonies de dugongs,
espèce actuellement menacée.
Les ensembles funéraires
de Dilmun et de Tylos
Les ensembles funéraires de Dilmun et de
Tylos regroupent plusieurs biens répartis à
travers onze sites établis dans la partie ouest
de l’île. Ensemble, ils forment une chaîne de
plus de 25 km qui s’étend du cœur du pays
en direction de sa côte nord.
Dix de ces onze zones archéologiques
sont des champs de tombes édifiées entre
le milieu du IIIe millénaire avant notre ère et
le milieu du Ier millénaire de notre ère par les
anciens habitants de l’actuelle île de Bahreïn.
Le onzième site constitue, quant à lui, un
paysage culturel résultant du développement
urbain qui a mené à l’expansion du village
d’Ali vers le nord du champ de tumuli
adjacent (appelé « tertres royaux »). Cette
zone offre donc un exemple exceptionnel
de l’interaction entre un modèle urbain
contemporain et des éléments funéraires
datant de l’âge de bronze.
En outre, chacun des sites compris dans
la série de biens proposée renferme des
données archéologiques et scientifiques
d’une importance capitale pour nous
permettre de mieux comprendre les
pratiques funéraires propres aux civilisations
de Dilmun et de Tylos. Ces données nous
livrent en effet de précieuses informations sur
l’évolution des diverses sociétés implantées
dans la région à des périodes consécutives,
par le biais de leurs pratiques funéraires,
des types et des tailles des tombes utilisés
et des rites funéraires pratiqués. On notera
également que ce site a été relativement
peu affecté par l’activité humaine moderne.
Les ensembles funéraires de Dilmun et de
Tylos témoignent des pratiques funéraires
de civilisations qui ont joué un rôle clé dans
l’établissement d’échanges commerciaux
entre la Mésopotamie, l’Arabie du Sud et le
sous-continent indien. Ces sites renferment
des tumuli de diverses formes, formant des
champs de densité variable, dont certains
Patrimoine Mondial Nº60
75
Numéro spécial
Liste indicative
Muharraq, partie de la culture perlière et
les paysages culturels de Bahreïn.
Les ensembles funéraires de Dilmun et Tylos (Bahreïn).
© Ministry of Culture - Bahrain
© Ministry of Culture - Bahrain
présentent les concentrations de tertres
funéraires les plus denses du monde, toutes
périodes confondues. Les tumuli montrent
des caractéristiques uniques en matière
de construction de chambres funéraires et
d’artefacts retrouvés sur le site, témoins des
rites funéraires de l’époque. Deux de ces
sites constituent des ensembles funéraires
comportant chacun plus 1 000 tombes.
La culture perlière et les
paysages culturels de Bahreïn
Pris dans leur ensemble, les quinze biens
en série proposés constituent un seul bien
culturel qui se compose de trois sites de bancs
d’huîtres formant des paysages sous-marins,
d’un site de paysage côtier (qui comprend
une plage et des points de débarquement
pour les navires), ainsi que de quelques
éléments terrestres offrant une pertinence
culturelle, sociale et économique dans le
cadre de l’histoire de la culture perlière. Ces
éléments se présentent sous la forme de
plusieurs groupes de bâtiments situés dans
le district urbain historique de Muharraq, la
deuxième plus grande île bahreïnite, reliée à
l’île principale par des ponts.
La proposition d’inscription de ce site sur
la Liste du patrimoine mondial en 2011 est
faite à titre culturel plutôt que mixte dans la
mesure où les bancs d’huîtres ne peuvent
pas prétendre à une valeur universelle
76
Patrimoine Mondial Nº60
exceptionnelle sauf à tenir compte de leur
influence sur les aspects culturels, sociaux
et économiques de la culture perlière.
La culture perlière et les paysages
culturels de Bahreïn constituent collectivement un remarquable exemple d’utilisation traditionnelle de la mer ayant
façonné l’identité économique et culturelle
d’une société insulaire. Cette activité vieille
de plusieurs millénaires est l’exemple le
plus significatif sur le plan mondial d’une
tradition fondée sur la culture de perles
naturelles. Cette pratique se concentre
essentiellement sur les bancs d’huîtres du
golfe d’Arabie situés au nord de Bahreïn,
qui furent la source la plus réputée de perles
depuis l’Antiquité.
Si l’industrie perlière s’est malheureusement effondrée suite à l’orientation économique que s’est donnée le pays au début
des années 30, beaucoup de ses caractéristiques et pratiques originales perdurent
toutefois à ce jour. Les ressources naturelles
jadis utilisées sont encore visibles sur les
bancs d’huîtres du site. Celles-ci s’accompagnent en outre de ressources culturelles
comme des structures à usage domestique
et civil liées à l’économie perlière ainsi que
des installations de production consacrées à la collecte des perles et des outils
et produits de distribution. Ensemble, ces
ressources offrent un témoignage excep-
tionnel touchant à l’histoire de la culture
perlière à Bahreïn.
Au-delà du contexte du patrimoine
mondial, on citera également le lien qui
existe entre ces ressources matérielles et
les noms de certains sites ou de certaines
familles, les structures hiérarchiques
sociales, les formes juridiques qui subsistent
toujours, les chansons, poèmes, récits,
festivals et danses du pays.
Oman
L’ancienne cité de Qalhat
Hormis un petit mausolée qui a perdu
son dôme et que les habitants de la région
appellent « Bibi Maryam », l’ancienne
cité de Qalhat gît aujourd’hui en ruine.
Pendant plusieurs siècles, Qalhat était la
deuxième ville du royaume d’Hormuz. Elle
constituait à l’époque un point de relais
très important pour le commerce de l’océan
Indien. Parmi ses visiteurs les plus célèbres,
on cite volontiers Marco Polo qui s’y rendit
au XIIIe siècle (il l’appelle « Calatu » dans ses
écrits) et Ibn Battuta, au XIVe siècle, qui décrit
la magnifique mosquée dont la cité s’était
récemment dotée. Tous deux louèrent par
ailleurs la prospérité de la cité et la qualité
de ses bâtiments. Le déclin de la cité au
bénéfice de Mascate avait déjà commencé
lorsque Afonso de Albuquerque et la flotte
portugaise s’en emparèrent en 1507. L’oued
Liste indicative
Le mausolée Bibi Maryam de l’ancienne cité de Qalhat (Oman).
© Dario Lorenzetti
Hilmi fournissait certes assez d’eau pour les
besoins de la ville (des traces de l’ancien
système falaj sont toujours visibles sur le
site), mais il n’existait pratiquement aucune
terre agricole à proximité. Il fallait donc
que les denrées soient importées depuis
l’intérieur des terres (selon Albuquerque) ou
par la mer (selon Marco Polo et Ibn Battuta).
De toute évidence, le commerce constituait
l’unique raison d’être de Qalhat. Aujourd’hui
encore, les vestiges de la cité occupent une
grande étendue sur la rive est d’un wadi,
qui débouche dans le khor de Qalhat, après
avoir traversé les montagnes par d’étroites
gorges. Ces ruines s’étendent sur plus de
24 ha. La cité était jadis de forme triangulaire
et ses remparts demeurent visibles au nordouest du site, sur la rive du wadi, ainsi qu’au
sud-ouest, du côté des montagnes, où ils
atteignent des hauteurs de un à deux mètres.
Qalhat fut toujours une place forte
réputée dans l’Antiquité. Ses murailles
renferment de très nombreuses ruines de
maisons et d’entrepôts (surtout à proximité
de la côte) dont il ne reste plus aujourd’hui
que quelques amas de pierres. La superficie
du site est jonchée d’éclats de poteries
anciennes provenant de Perse et de Chine.
Quant au site de la mosquée décrite par
Ibn Battuta, il n’a toujours pas été identifié.
Aujourd’hui, Qalhat constitue un site
archéologique exceptionnel qui atteste de la
splendeur de l’ancien commerce islamique
sur l’océan Indien. Son potentiel en termes
d’études archéologiques est très élevé et
la cité demeure sans aucun doute l’un des
sites les plus importants de cette période.
Les forts de Rustaq et d’al-Hazm
L’imposant fort de Rustaq se dresse au
pied du mont Djebel-Akhdar, au cœur
d’une grande oasis, dans l’étroite vallée du
wadi Far qui traverse les roches calcaires de
type dolomitique du djebel pour atteindre
les collines ophiolitiques en contrebas.
Rustaq était déjà une ville et un centre
commercial important sous les Perses aux
temps préislamiques, lorsque le château
fut d’abord édifié. Le monument actuel
comporte une muraille préislamique plus
ancienne située sous la partie supérieure et
sous la tour principale. Trois tours dotées de
quartiers d’habitation répartis sur plusieurs
niveaux y furent ajoutées ultérieurement.
Cette construction fournit également un
accès fort complexe au système d’irrigation
falaj. Sous le règne de la dynastie Bu Saïd,
une muraille externe dotée de tours fut
édifiée autour du château au XVIIIe siècle.
On peut encore apercevoir au sud du fort
plusieurs maisons anciennes au milieu des
jardins, ainsi qu’une mosquée funéraire
contenant quelques pierres gravées
d’inscriptions.
Le fort d’al-Hazm quant à lui se situe en
bordure d’un petit groupe de jardins plantés
de palmiers, sur la rive ouest du wadi Far, à
l’endroit où celui-ci débouche dans la plaine
de gravier aride qui sépare les montagnes
de la côte de Batinah. Il s’agit d’une grosse
structure rectangulaire à deux étages, dotée
d’une étroite cour intérieure et flanquée de
deux tours rondes sur ses côtés sud et est.
Ce site dépend actuellement du Ministère
de l’intérieur. Il peut être visité moyennant
l’autorisation écrite du Ministère du
patrimoine national et de la culture..
Arabie saoudite
Le quartier historique de Djedda
Le quartier historique de Djedda se situe
au cœur de la cité de Djedda, le long de la
côte ouest du Royaume d’Arabie saoudite
sur la mer Rouge.
Selon certaines sources, l’histoire de Djedda
daterait de l’ère préislamique. Toutefois, c’est
en 647 de notre ère, à l’époque de Rashidi
Khalifat Utham ibn Affan, que se produisit
le principal tournant de l’histoire de Djedda,
lorsque celui-là ordonna le transfert de la cité
vers un port où s’arrêtaient alors les pèlerins
en route pour La Mecque. On appelait alors
cette zone le « pays des consuls » (Balad
al-Qanasil), et aujourd’hui encore, Djedda
demeure le principal point d’accès maritime,
aérien et terrestre des pèlerins et des visiteurs
Patrimoine Mondial Nº60
77
Numéro spécial
Liste indicative
Le fort de Rustaq (Oman).
de la ville. La cité est toujours restée sous
l’influence des différents califes islamiques
qui s’y sont succédé.
Le quartier historique de Djedda est l’une
des zones les plus importantes de la ville
au vu de son authenticité, de l’originalité
de sa conception et de l’unicité de son
architecture. Il renferme de nombreux sites
et bâtiments historiques comme la muraille
et les portes du vieux Djedda, les anciens
quartiers (le quartier al-Mazloom, le quartier
al-Sham, le quartier al-Yaman et le quartier
al-Bahar), ainsi que plusieurs mosquées
historiques (la mosquée Uthamn ibn Affan,
la mosquée al-Shafeey, la mosquée alBasha, la mosquée Ukash, la mosquée
al-Meamar et la mosquée al-Hanafi). Le
site renferme également plusieurs anciens
marchés ou souks (le souk al-Nada, le souk
aI-Khasequiyyah, le souk al-Alaweey et le
souk al-Saghah, spécialisé dans la vente de
bijoux) ainsi que de nombreux bâtiments
patrimoniaux qui servent à ce jour.
Cette zone de Djedda présente un
modèle d’architecture à la fois remarquable
et unique dans la région de la mer Rouge.
On citera notamment ses magnifiques
bâtiments résidentiels et palais qui attestent
encore de son patrimoine urbain, et
notamment de son plan d’urbanisme et
78
Le quartier historique de Djedda (Arabie saoudite).
© François Cristofoli
© Brian Moore
Patrimoine Mondial Nº60
de ses caractéristiques architecturales,
artistiques et conceptuelles qui ont créé un
tissu urbain homogène, avec ses voies, cours
et souks qui offrent un exemple toujours
vivant de cité arabe islamique authentique.
Le tissu du quartier historique se distingue
par ses espaces urbains et architecturaux sous
forme d’allées et de ruelles qui se terminent
en cours et placettes, lesquelles offrent des
vues dégagées au visiteur. Ces espaces ont
également une fonction pratique en vue
des tâches et des activités des habitants
de chaque quartier, et ils leur permettent
notamment de se réunir à l’occasion de
manifestations sociales, de fêtes religieuses
ou de soirées de célébration. Dans bien des
cas, il existait aussi des cafés traditionnels
et des boutiques qui répondaient aux
divers besoins des habitants. Tous ces
éléments sont une caractéristique urbaine
très répandue dans les anciennes villes de
la région d’al-Hijaz. Les mosquées jouaient
aussi un rôle unificateur important pour les
communautés de chaque quartier.
Les quartiers historiques de Djedda
se distinguent aussi par le fait que leurs
maisons reliées entre elles et leurs ruelles
et allées sinueuses offrent un abri contre la
chaleur du soleil et permettent la circulation
d’air plus frais. Cette structure harmonieuse
renforce les liens sociaux et la vie du quartier,
en facilitant des rencontres quotidiennes,
ce qui se traduit par un fort sentiment de
sécurité tout en offrant une protection
contre les étrangers et les curieux.
Le quartier historique de Djedda représente la partie la plus ancienne de la ville,
à partir de laquelle s’est développée une
urbanisation moderne, notamment suite
à la démolition de l’ancienne muraille.
Aujourd’hui, ce quartier constitue le centre
historique de la ville. Son authenticité
est mise en valeur par son tissu urbain
traditionnel et ses constructions très
anciennes mais toujours utilisées, qui ont
su résister aux éléments et au passage du
temps. Ces constructions ont puisé leur
inspiration dans les formes et les concepts
urbains de la civilisation islamique et reflètent
l’art andalou et ottoman en intégrant
notamment les arabesques que l’on retrouve
dans les caractéristiques architecturales et
artistiques des mosquées et des maisons. Il
est difficile de trouver dans le vieux Djedda
une maison qui ne soit pas ornée de pierres
taillées et des volets en bois sculpté (roshan),
qui caractérisent l’art islamique et offrent un
certain degré d’intimité aux résidents tout
en leur permettant d’observer ce qui se
passe dans la rue sans se faire voir.
Liste indicative
Le site archéologique de la cité d’al-Zubarah et son paysage culturel (Qatar).
© Dawn Farrell
Le Qatar
Le site archéologique de la cité d’alZubarah et son paysage culturel
Le site archéologique de la cité d’alZubarah et son paysage culturel, noyau du
site proposé à l’inscription, comprend en
fait trois biens contigus, à savoir : le site
archéologique de la cité d’al-Zubarah luimême, les ruines de l’ancien fort de Qal’at
al-Murair et le fort de Qal’at al-Zubarah.
Le site archéologique de la cité d’alZubarah représente la plus ancienne et la
plus grande zone d’occupation humaine au
Qatar. Situé au nord-ouest de la péninsule,
entre le fort de Zubarah et la mer, ce site
présente toutes les caractéristiques d’une
place forte côtière.
Aujourd’hui entièrement abandonné, il
témoigne d’une occupation humaine sur
une longue période. Manifestement, les
bancs à huîtres dans les eaux avoisinantes
et les voies commerciales du golfe d’Arabie
ont contribué à sa prospérité. Des fouilles
archéologiques commanditées par les
autorités du Qatar ont révélé des preuves
d’activités commerciales avec, notamment,
la Chine, l’Afrique de l’Ouest, la Perse et la
Mésopotamie (Iraq).
La cité construite selon un plan en
damier s’étendait jadis sur une longueur
La réserve naturelle de Khour al-Udaid (Qatar).
© RachelH
de plus de 2 000 m et sur une largeur de
600 m. Elle était enclose entre de longues
murailles dotées de tours de guet. Un
quartier supplémentaire et une muraille
plus large furent ajoutés lors d’une seconde
phase de développement urbain, et des
maisons furent construites à l’extérieur de
la muraille dans le cadre d’une troisième
phase.
Selon Hamad ben Nayem ben Sultan
al-Muraikhi al-Zubari al-Qatari, écrivant
en 1638 de notre ère, al-Zubarah était
essentiellement une cité portuaire qui
comptait 150 maisons, 700 habitants,
plusieurs bateaux et du bétail. Sa population
était multiculturelle et comprenait des Naim,
des Musallem, des Twar, des Hawajer, des
Bédouins, des Lisaud ainsi que des hommes
libres et des esclaves.
À la fin du XVIIIe siècle, les cités d’alZubarah et de Qal’at al-Murair étaient des
centres particulièrement florissants grâce
aux échanges commerciaux de la région
et à la culture perlière. Ces deux sites
constituaient alors des points de repère
majeurs dans la région du Golfe. Mais ce
pouvoir et cette proéminence exposèrent
les cités aux invasions des Bahreïnites, qui
étaient encore sous le contrôle des Perses.
La réserve naturelle de Khour al-Udaid
Située dans le sud-est de l’État du Qatar,
la zone de Khour al-Udaid, aussi appelée
« mer intérieure », offre au visiteur un
paysage exceptionnel dont la composition
géologique et géomorphologique est sans
pareille à l’échelle mondiale. Collectivement,
les caractéristiques du site créent une
perspective variée d’une beauté naturelle à
la fois unique et authentique, au sein d’un
territoire qui reste encore, pour l’essentiel,
à l’état sauvage. Le territoire sud du Qatar
doit l’unicité de son caractère à chaque
élément qui le compose, dont notamment
le golfe d’Arabie, ses imposantes dunes
mobiles, ses baies tidales, ses marais salants
(sabkha) terrestres et côtiers, ses terre-pleins
de sel récemment découverts, ses déserts de
cailloux, ses collines à plateau élevé (mesas),
ses affleurements rocheux et les espaces
intermédiaires.
Le charme intrinsèque de cette zone
principalement inhabitée est par ailleurs
accru par la richesse de sa faune et de sa
flore terrestres natives et par la diversité
de son fragile écosystème marin. La flore
implantée dans cette zone est tout à fait
représentative des habitats présents dans la
région et offre un refuge à diverses espèces
et communautés réparties à travers la
Patrimoine Mondial Nº60
79
Numéro spécial
Liste indicative
Al-Ain (Émirats arabes unis).
© Groundhopping Merseburg
péninsule arabique sans jamais se présenter
sous les mêmes combinaisons dans un autre
site. La faune comprend plusieurs espèces
rares et/ou en voie de disparition au niveau
mondial comme des dugongs et des tortues
ainsi que certaines espèces d’oiseaux ayant
une grande importance sur le plan national
et régional, notamment des oiseaux d’eau
migrateurs venus de contrées lointaines pour
y passer l’hiver, et des espèces résidentes
reproductrices dont le nombre diminue à
l’échelle régionale, comme les balbuzards
qui établissent leurs nids sur les îlots. Les
zones terrestres continuent à offrir un
habitat à la gazelle d’Arabie et il est prévu
de réintroduire l’oryx d’Arabie dans l’arrièrepays de Khour al-Udaid.
La « mer intérieure » est une vaste baie
tidale à la rive sinueuse, d’environ 15 km
de longueur, du nord au sud et jusqu’à
12 km de largeur, de l’est à l’ouest. Un canal
relativement étroit et profond la relie au golfe
d’Arabie sur près de 10 km. Il n’existe aucun
autre lagon de ce type à travers le monde :
la diversité de la qualité de son eau et des
substrats qui jonchent son plancher ont
créé une variété exceptionnelle d’habitats
aquatiques et semi-aquatiques et revêtu une
importance capitale pour certaines espèces
marines menacées, comme les tortues et
les dugongs. En outre, cette zone renferme
plusieurs sites archéologiques d’une
grande importance ainsi que divers sites de
patrimoine culturel. Le désert rocheux de
la zone d’al-Udaid accueille également des
populations de Bédouins et leurs troupeaux.
Il a également été établi que les petites
îles du khour étaient utilisées par l’homme
80
Patrimoine Mondial Nº60
dès les temps préhistoriques. Des colonies
traditionnelles de pêcheurs et d’agriculteurs
existaient jadis dans la région mais ce mode
de vie a pratiquement disparu aujourd’hui.
Le pâturage des chameaux, en revanche, se
poursuit dans certains endroits.
Les Émirats arabes unis
Al-Ain
Forte d’une histoire remontant au second
millénaire avant notre ère, la cité d’al-Ain, qui
doit à ses six oasis le nom de « la cité jardin »
comporte plusieurs sites archéologiques
très importants, des bâtiments historiques,
des paysages culturels et naturels, et des
collections ethnographiques et historiques.
Les fouilles archéologiques réalisées sur
le site ont permis d’établir qu’al-Ain fut
habitée sans interruption depuis la fin de
l’âge de pierre. Aujourd’hui l’importance
historique de ce lieu est rendue apparente
grâce à ses divers sites archéologiques et
ses vestiges datant du néolithique, de l’âge
de bronze, de l’âge de fer et des périodes
helléniques, préislamiques et islamiques.
Vers la fin du IVe millénaire et le début
du IIIe millénaire avant notre ère, la
région d’al-Ain entretenait des relations
commerciales privilégiées avec la civilisation
mésopotamienne pour laquelle elle était l’un
des principaux fournisseurs en cuivre durant
la seconde partie du IIIe millénaire, comme
en attestent les tombes de type cairn de
l’âge de bronze retrouvées à Djebel-Hafit.
Le site de Djebel-Hafit, qui contient plus
de 500 tombes, est connu de par le monde
comme un site « type » de la période que
l’on appelle aujourd’hui la période Hafit
ou l’Horizon culturel Hafit et que l’on date
entre 3200 et 2700 avant notre ère.
C’est durant l’âge de fer (1000 avant notre
ère) que les habitants de la région d’al-Ain
construisirent les systèmes de falaj qui leur
permettaient de transporter l’eau sous terre
des montagnes jusque dans les plaines.
Les nombreux bâtiments historiques
d’al-Ain (et notamment ses forts, tours,
mosquées et palais/résidences privés)
rappellent le style de l’époque antérieure
aux années 60 dans une région où
l’architecture vernaculaire d’avant la
découverte du pétrole disparaît rapidement
du fait du développement.
Les paysages naturels et culturels d’al-Ain
(qui comprennent notamment des dunes
de sable rouge, des oasis, des palmeraies
de dattiers, des wadis ainsi que des zones
désertiques et montagneuses) confèrent à ce
site tout son charme. Les six oasis de la cité,
qui ont su résister au développement d’al-Ain
tout au long de son histoire, jouent un rôle
capital et constituent un aspect indissociable
de la cité. La relation harmonieuse qui existe
entre al-Ain et ses oasis a perduré jusqu’à
ce jour et chaque oasis fait partie intégrante
du quotidien de ses habitants, s’intégrant
parfaitement dans le tissu urbain de la ville.
Ces oasis constituent un bien patrimonial
majeur, non seulement en raison de leur
valeur écologique, mais aussi et surtout
au vu de l’importance culturelle qu’elles
revêtent, attestant d’un mode de vie qui
perdure à ce jour.
Le Djebel-Hafit offre également un
paysage culturel d’une valeur exceptionnelle
d’un point de vue géologique, archéologique, historique, paléontologique, zoologique et biologique. On pense en effet
que cette montagne se serait formée il
y a quelque 25 millions d’années même
si des fossiles marins découverts sur le
site sont bien plus anciens, remontant à
135 millions et 70 millions d’années. Des
études indiquent que le Djebel-Hafit offre
un habitat à près de 118 espèces végétales,
18 espèces de mammifères (et notamment
le tahr d’Arabie, une chèvre sauvage dont
l’espèce est menacée, et certaines espèces
troglodytiques, qui pourraient uniquement
se trouver dans les anciennes grottes du
Djebel-Hafit), 140 espèces d’oiseaux (et
notamment le vautour percnoptère, espèce
aujourd’hui menacée) et plus de dix espèces
différentes de reptiles.
Numéro spécial
Nouvelle publication
Nouvelle publication :
Patrimoine mondial des pays arabes
‫دان العربية‬
ial des
Pays
‫الرتاث ا‬
‫لعاملي يف البل‬
tries
Patrimoine Mondial Nº60
Coun
84
age o
f the
Arab
Damas et Tunis.
Depuis, 63 biens culturels et naturels du
monde arabe ont rejoint ces sites pionniers.
Trente ans plus tard, la Conférence
générale de l’UNESCO approuvait l’établissement à Bahreïn du Centre régional des
pays arabes pour le patrimoine mondial
(ARC-WH). L’année suivante, il était décidé
que la 35e session du Comité du patrimoine
mondial en 2011 se tiendrait à Bahreïn.
Pour la première fois, le Comité serait
accueilli par un pays de la région du Golfe
et seulement la quatrième fois par un pays
arabe, la dernière datant de 1999.
Le Ministère de la culture de Bahreïn
a immédiatement perçu que ces deux
événements représentaient un moment
important de l’histoire de la mise en
œuvre de la Convention dans la région,
et a souhaité en faire la promotion par la
publication d’un livre sur les sites arabes
inscrits sur la Liste du patrimoine mondial.
Un tel ouvrage n’avait jamais été réalisé et
correspondait à un besoin exprimé par de
nombreux pays de la région.
Mond
n l’ignore souvent, mais
les trois premières villes
historiques inscrites au
patrimoine mondial en
1979 furent Le Caire,
moine
Patri
Jean-Jacques Gelbart.
© Éditions Gelbart
Arabes
 Worl
d Her
it
O
« Le fait de rassembler tous les sites
sous un même titre constitue une vitrine
pour le monde arabe, mais, au-delà, il
permet aux lecteurs de prendre conscience
de la diversité et de la richesse de leur
patrimoine », a ajouté la Ministre.
Le choix de travailler avec Jean-Jacques
Gelbart, photographe-éditeur dont la ligne
éditoriale est résolument tournée vers
le patrimoine, a été motivé par un souci
d’authenticité et de qualité. Jean-Jacques
Gelbart utilise exclusivement des lumières
naturelles et ses photographies sur support
argentique ne sont jamais retouchées par
informatique. Son regard sur les sites du
patrimoine mondial n’est pas seulement
fidèle à ce qu’ils sont, il les magnifie. Il ne
s’est pas contenté de les visiter et de les
photographier
pour
les présenter, il
les a rencontrés
et les a fait parler
pour les représenter.
Ses clichés sont un
hommage artistique
au monde arabe.
Ce travail est aussi
« Un généreux donale résultat de la collateur, Bahrain Bay, a réboration entre les pays
pondu positivement à
Patri
moine
concernés,
le Ministère
notre sollicitation en
Mond
ial des
World
Pays
Herit
Arabes
age o 
f the
de
la
culture
et l’ALECSO.
acceptant de finanArab
Coun
tries
Cette collaboration a percer
intégralement
mis l’organisation logisle projet. Celui-ci
tique des prises de vue, et
n’aurait jamais vu
l’harmonisation des textes
le jour sans cette
afin de former un corpus
précieuse contribution », a
parfaitement cohérent.
dit Sheikha Mai bint Mohammed al Khalifa,
Les sites sont présentés par ordre
Ministre de la culture de Bahreïn.
chronologique d’inscription sur la Liste du
Le Ministère de la culture s’est alors
patrimoine mondial. Quand plusieurs sites
tourné vers les Éditions Gelbart, dont les
ont été classés lors d’une même année, ils
ouvrages sur les sites français (2008) et
apparaissent par ordre alphabétique.
marocains (2009) inscrits au patrimoine
La deuxième expression qui définit le
mondial font référence, et leur a demandé
mieux ce livre est « expérience humaine ».
de produire une œuvre similaire sur le
Grâce à l’implication exceptionnelle de
patrimoine des pays arabes, avec pour
tous les pays arabes, de nombreuses
objectif de le présenter à l’occasion de
difficultés techniques ont été résolues.
la 35e réunion du Comité du patrimoine
Jean-Jacques Gelbart témoigne : « J’ai pu
mondial.
avoir accès aux sites dans les meilleures
Dans le même temps, l’Organisation de
conditions, m’enrichir des rencontres les
la Ligue arabe pour l’éducation, la culture
plus extraordinaires et recevoir autant
et les sciences (ALECSO) était sollicitée au
que j’espère avoir donné à travers mes
sujet des textes à consacrer à chaque site,
photographies ! » Après tout, n’est-ce
la partie photographique et la gestion
pas cette notion de partage et d’échange
des composantes du projet revenant aux
dont il est question quand on parle de
Éditions Gelbart tandis que le Ministère de
patrimoine mondial ?
la culture coordonnait l’ensemble du projet.
Le triangle thermal de
Bohême
occidentale
Le thermalisme est une activité pratiquée par de nombreuses civilisations à travers le monde depuis
plus de deux mille cinq cents ans. Les premières stations thermales déployèrent de très grands
efforts pour bâtir de luxueuses installations et rehausser leur cachet aux yeux des visiteurs, tant au
niveau architectural qu’au niveau de la qualité des soins proposés (ces établissements étaient réputés
pour employer les connaissances médicales et les méthodes scientifiques les plus avancées).
Le XIXe siècle fut un véritable âge d’or pour un grand nombre de stations thermales. Les plus importantes d’entre
elles formèrent un réseau jouissant d’une renommée mondiale. On citera notamment parmi celles-ci BadenBaden, Wiesbaden, Bad Ems, Spa, Vichy, Aix-les-Bains, Biarritz, San Sebastian, Montecatini Terme, Rimini,
Nice et Monte Carlo. Aujourd’hui encore, ces stations constituent des ensembles architecturaux uniques en leur
genre et comportent de nombreux éléments et objets présentant un très grand intérêt sur le plan historique.
Le triangle imaginaire que forme le groupe de stations thermales de Bohême occidentale est l’un
des exemples les plus réputés au monde. Délimitée par les célèbres villes de Karlsbad (Karlovy
Vary), Marienbad (Mariánské Lázně) et Franzenbad (Františkovy Lázně), cette zone est pourvue
de sources naturelles dont les propriétés minérales sont sans pareilles à l’échelle mondiale.
Le triangle thermal de Bohême occidentale renferme la plus grande concentration de stations thermales
de la République tchèque dans un périmètre relativement réduit. Si ces trois grandes stations présentent
collectivement certaines caractéristiques urbaines et architecturales uniques en leur genre, chacune intègre
toutefois des concepts totalement différents en termes d’urbanisation. La station de Karlsbad s’est développée
le long d’un cours d’eau, au creux d’une vallée à la topographie particulièrement spectaculaire, tandis que
celle de Marienbad est une entité urbaine basée sur le concept d’un parc ordonnancé central encerclé par un
développement urbain. Franzenbad, quant à elle, est une agglomération urbaine compacte dotée d’un réseau
viaire octogonal, entouré d’un parc ordonnancé dans lequel des pavillons ont été construits sur chaque source.
Construits par les architectes tchèques et étrangers les plus réputés de l’époque, les divers
bâtiments du triangle thermal de Bohême occidentale offrent un exemple exceptionnellement bien
conservé de « diversification intégrée » (dans le cas de Karlsbad et de Marienbad) et d’« intégrité
diversifiée » (dans celui de Franzenbad). Ces trois stations historiques de Bohême occidentale
doivent leur qualité esthétique à l’étendue et à l’intégrité de leur présence dans la région. On notera
par ailleurs que les caractéristiques distinctes qu’elles confèrent collectivement à cette dernière
sont aujourd’hui inexistantes dans les autres sites de stations thermales européennes.
Františkovy Lázně - Station thermale
www.kr-karlovarsky.cz
www.spaarch.cz
www.ehtta.eu
Karlovy Vary - Station thermale
Karlovy Vary - Colonnade
Mariánské Lázně - Colonnade et fontaine musicale
Province de Thanh Hoa
Vietnam
Ruisseau des poissons sacrés de Cam Luong
Photo : Tran Dam
Montagne Tien Si (district de Vĩnh
Lộc, province de Thanh Hoa).
Photo : Do Quang Trong
Paysage de Vinh Loc, province de Thanh Hoa.
Photo : Ha Manh Thang
La province de Thanh Hoa se situe sur la côte nord de la région centrale du Vietnam, à
150 km au sud de Hanoï. elle constitue l’une des plus grandes provinces du Vietnam.
Dans sa préface de l’ouvrage de L. Robecanh, « Le Thanh Hoa », le gouverneur
général d’Indochine, Pierre Pasquier, remarque que « Thanh Hoa n’est pas une
province, mais une région ». Thanh Hoa est effectivement une importante région
du Vietnam, comme en atteste la richesse de son patrimoine naturel et culturel.
Thanh Hoa offre au visiteur un paysage de hautes montagnes et de vastes plaines
bordé d’une longue côte. La région comprend plusieurs sites d’une exceptionnelle
beauté naturelle, comme notamment les parcs nationaux de Pù Lu, Pù Huông et Bến
En, le ruisseau des poissons sacrés de Cam Luong (dans le district de Cam Thuy) et
la merveilleuse plage de Sam Son, haut lieu de villégiature des Français dès 1906.
Reliant les montagnes à la plaine du nord-ouest de la province, le district
de Vinh Loc offre, quant à lui, un paysage particulièrement spectaculaire
que l’on décrit souvent comme « l’autre baie d’Ha Long ». Les collines,
montagnes, rivières, sources, grottes et cavernes qu’accueille sa plaine créent
un merveilleux paysage naturel vieux de 10 000 ans. C’est dans cette région
que fut établie vers la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle l’ancienne
capitale du Vietnam. Les vestiges de l’imposante citadelle de pierre qui
renfermait la capitale attestent d’un véritable tournant dans les techniques
de construction des Vietnamiens. Ces vestiges témoignent également du
lien qui existait entre les cultures de l’Asie de l’Est et du Sud-est.
Divers sites paléolithiques datant de l’Âge de Pierre ont été reconnus
dans la région par des archéologues internationaux. Parmi ceux-ci,
on citera plus notamment les sites de Nui Do et de Nui Nuong-Quan
Yen ainsi que les cavernes de Lang Trang et de Con Mong.
Perché sur le Mont Gai (dans le district Hau Loc), le temple de Ba Trieu fut bâti pour
commémorer Triêu Thi Trinh, héroïne vietnamienne issue de la région de Thanh Hoa
qui mena une lutte victorieuse contre les Wu au IIIe siècle. Deux autres temples
furent érigés pour les généraux Dương Đình Nghệ et Lê Hoàn, deux figures majeures
de l’histoire vietnamienne de la même période (premier millénaire après J-C).
Plusieurs sites importants furent établis dans la province de Thanh Hoa entre
les XIe et XIXe siècles. Ceux-ci comprennent plus particulièrement la citadelle des
Hô et l’autel de Nam Giao qui constituaient alors la capitale de la dynastie des
Hô (vers la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle), l’ensemble architectural
de Lam Kinh, qui comporte un palais/temple commémorant l’une des plus
grandes dynasties de l’histoire du Vietnam, la Dynastie Lê antérieure (XVe et
XVIe siècles), l’ensemble de palais/temple du Seigneur Trinh commémorant la
famille Trinh qui joua un rôle important dans l’histoire médiévale du Vietnam
(du XVIe au XVIIIe siècle) et enfin l’ensemble de temples/mausolée de Gia Mieu,
à Trieu Tuong, commémorant la famille Nguyen qui s’affirma pour jouer un
grand rôle dans l’histoire contemporaine du Vietnam, au XIXe et XXe siècles.
De 1936 à 1939, l’archéologue suédois Olov Jansé découvrit à Tam
Tho plusieurs anciens fours de potier ainsi que d’autres artefacts
datant des Ie et IVe siècles après J-C. Ces découvertes attestent du
lien culturel qui existe entre les cultures Dong Son et Han.
Ces témoignages de notre patrimoine naturel, culturel et historique sont aujourd’hui
protégés et entretenus par les institutions gouvernementales et les habitants de
Thanh Hoa afin de pouvoir les transmettre à nos prochaines générations. Nous
espérons que ces sites constitueront des destinations à la fois intéressantes et
utiles pour nos amis du monde entier et qu’ils permettront à ceux-ci de découvrir
et d’apprécier les réalisations culturelles de nos ancêtres à Thanh Hoa.
Dragon de pierre au palais Lam Kinh.
Photo : Do Quang Trong
Poteries de Tam Tho (Dong Son, province de Thanh Hoa).
Photo : Do Quang Trong
Stratigraphie de la grotte de Con Moong,
district de Thach Thanh, province de Thanh Hoa.
Photo : Tran Ngoc Diep
Đỗ Quang Trọng
Directeur, Centre pour la Conservation de la Citadelle des Hô
Docteur en archéologie
Centre pour la Conservation
de la Citadelle des Hô
Head office: Vinh Tien Commune, Vinh
Loc district, Thanh Hoa province
Representative office: 16 Hac Thanh
street, Thanh Hoa City, Viet Nam.
Email: [email protected]
Website: http://www.thanhnhaho.vn
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des Nations Unies
pour l’éducation,
la science et la culture
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Patrimoine du
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mondial
patrimoine
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FOR DEVELOPMENT
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La revue Patrimoine Mondial est éditée conjointement par l’UNESCO et Publishing for Development et est
publiée quatre fois par an en anglais, français et espagnol. Un point sur l’actualité et des dossiers offrent aux
lecteurs une information détaillée sur la préservation des sites naturels et culturels les plus importants au
monde. La publication est conçue pour diffuser et mettre en valeur l’action et l’engagement de l’UNESCO en
faveur du patrimoine mondial, notre héritage du passé, notre responsabilité pour le présent et notre devoir
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Patrimoine Mondial Nº60
89
Panamá : au-delà du Canal
Depuis la date de sa constitution en république démocratique, on associe généralement
l’histoire du Panamá à la construction du Canal de Panamá, le remarquable ouvrage d’ingénierie
qui fit connaître ce pays au monde entier. Mais le Panamá a bien plus à offrir qu’un passage
entre deux océans et un carrefour stratégique pour le commerce international.
Ce pays renferme en effet deux sites inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Sous la houlette de
l’Institut National de la Culture (« INAC » ou Instituto Nacional de Cultura) et avec l’appui de partenaires stratégiques
et de certains individus, les autorités panaméennes se sont engagées à protéger ces structures historiques.
Le site archéologique de Panamá Viejo et le district historique de Panamá
Ces deux sites pourtant distincts sont si étroitement liés par l’histoire que l’on considère
aujourd’hui qu’ils ne représentent qu’un seul et même site du patrimoine mondial.
Le Casco Antiguo (district historique de Panamá) fut bâti après que ce que l’on appelle aujourd’hui le Panamá Viejo
ait été démoli par des pirates. C’est ici que l’INAC, par le biais de l’Office du Casco Antiguo (OCA) et du Service du
Patrimoine Historique, conseille et fait la promotion de programmes de rénovation et d’amélioration du district.
Par ailleurs, ces organismes veillent à la mise en conformité de ces programmes par rapport aux lois, aux accords
et aux protocoles nationaux et aux exigences internationales concernant la conservation du patrimoine.
Toutes les initiatives mises en place pour protéger le patrimoine historique panaméen s’accompagnent
de programmes sociaux gérés par l’OCA dans la mesure où Panamá est une ville historique encore
habitée et bien vivante. Le but de ces programmes consiste à garantir le bien-être de la population
implantée dans la cité depuis l’Antiquité tout en l’incitant à protéger son patrimoine.
Le site archéologique de Panamá Viejo est quant à lui géré par un comité présidé par le Club Kiwanis de Panamá, qui opère sous
l’égide de l’INAC. Reconnus à l’échelle nationale et internationale, les travaux de gestion de ce comité portent essentiellement
la conservation de ce site qui constitue la toute première ville espagnole fondée sur la côte américaine du Pacifique.
Réunissant des entités privées et gouvernementales, ce comité a accompli d’importants progrès au niveau
de la gestion, de la rénovation, de la prise en charge et de l’intégration du site. À tel point d’ailleurs qu’il
est désormais envisagé d’en faire un parc historique et archéologique. C’est dans la poursuite de cet
objectif que le comité œuvre aujourd’hui sans relâche avec le soutien du gouvernement panaméen.
.
Portobelo et San Lorenzo
Tout comme Casco Antiguo et Panamá Viejo, les
anciens forts de Portobelo et de San Lorenzo
situés sur la côte caraïbe du Panamá sont
inscrits sur la liste du patrimoine mondial de
l’UNESCO depuis 1980. Il s’agit du tout premier
site panaméen à recevoir cette distinction.
La conservation et la rénovation du site sont
gérées par un comité composé de quatre
entités gouvernementales et de trois sociétés
privées. Les deux forts du site faisaient partie du
système de défense militaire mis en place par la
couronne espagnole pour protéger le transport
des marchandises, particulièrement après la
découverte de la « Mar del Sur » (nom initialement
attribué à l’océan Pacifique par les Espagnols).
Convention du
patrimoine mondial
Informations :
tél : (507) 209 6300
www.cascoantiguo.gob.pa
Instituto Nacional de Cultura
tél : (507) 501 4000
www.inac.gob.pa
Prochain numéro
Prochain numéro
Patrimoine des forêts tropicales ombrophiles de Sumatra (Indonésie).
© IUCN / David Sheppard
Dossier : les forêts du patrimoine mondial
2011, proclamé « Année internationale des forêts » par les
Nations Unies, est une année particulièrement importante pour le
patrimoine forestier à l’échelle mondiale. On compte aujourd’hui
101 sites du patrimoine mondial reconnus pour la riche diversité
biologique de leurs forêts. Seul organisme intergouvernemental
chargé de l’identification et de la conservation des sites revêtant une
importance mondiale, c’est à la Convention du patrimoine mondial
qu’incombe la tâche d’insuffler l’élan nécessaire pour préserver les
forêts de la planète.
Aujourd’hui plus que jamais, la protection de nos forêts constitue
une haute priorité au vu de l’inquiétude croissante que suscitent
la fragmentation et l’isolation des écosystèmes forestiers ainsi que
l’impact du changement climatique sur la biodiversité des forêts.
Parcs d’État et national Redwood (États-Unis).
© Clinton Steeds
Ce numéro examinera les défis à relever dans le cadre des forêts
du monde entier avec une focalisation particulière sur les parcs
d’État et le Parc national Redwood (aux États-Unis d’Amérique),
le Patrimoine des forêts tropicales ombrophiles de Sumatra (en
Indonésie), et la Réserve de la biosphère Río Plátano (au Honduras).
Il comportera également un dossier spécial sur les toutes dernières
techniques en matière de surveillance par satellite.
Patrimoine Mondial Nº60
91
ORGANISATION DES VILLES
DU PATRIMOINE MONDIAL (OVPM)
Cumuler les expériences
Capitaliser le savoir-faire
Consolider la valorisation du patrimoine
Construire des partenariats de ville à ville
Contribuer au débat mondial
XI Congrès mondial de l’OVPM
Sintra, Portugal, 22-25 novembre 2011
“Villes du patrimoine mondial et changements climatiques”
VILLES MEMBRES DE L’OVPM
AFRIQUE
Cidade Velha | Dakar | Harar
Jugol | Île de Mozambique
Zanzibar
ÉTATS ARABES
Alep | Damas | Fès
Marrakech | Sana'a
Shibam | Sousse | Tunis | Zabid
ASIE ET PACIFIQUE
Andong | Galle | George Town
Hué | Kandy | Kathmandu
Lalitpur (Patan) | Luang Prabang
Melaka | Surakarta | Vigan
AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES
Arequipa | Colonia del
Sacramento | Guanajuato
Mexico | Morelia | Olinda
Ouro Preto | Puebla | Quito
St George | Trinidad | Willemstad
EUROPE ET AMERIQUE DU NORD
Amsterdam | Angra do Heroísmo | Aranjuez | Baeza | Bamberg | Banska Stiavnica | Bardejov | Bath | Beemster | Bergen | Berlin
Berne | Bordeaux | Bruges | Budapest | Cáceres | Cesky Krumlov | Cité du Vatican | Cordoue | Cracovie | Dubrovnik | Echmiatsin
Évora | Grenade | Guimarães | Ibiza | Istanbul | Kazan | Kutná Hora | L'viv | Le Havre | Luxembourg | Lyon | Moscou | Mostar
Nancy | Nessebar | Oviedo | Porto | Provins | Quebec | Quedlinburg | Ratisbonne | Rauma | Rhodes | Riga | Røros | Safranbolu
Saint-Pétersbourg | Saint-Jacques de Compostelle | Ségovie | Sighisoara | Sintra | Stralsund | Strasbourg | Tallinn | Tel-Aviv | Tolède
Trebíc | Úbeda | Varsovie | Vienne | Vilnius | Visby | Wismar | Zamosc
Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM)
15, rue Saint-Nicolas, Québec (Québec) G1K 1M8 Canada
T : +1 418 692-0000 F : +1 418 692-5558
e-mail : [email protected]
web : www.ovpm.org
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