Épidémiologie, mécanisme, variétés anatomiques et classification

Épidémiologie, mécanisme,
variétés anatomiques et classification
des fractures des plateaux tibiaux
S. Nazarian
Les fractures des plateaux tibiaux sont représentées par toutes les fractures arti-
culaires de l’extrémité proximale du tibia, à l’exception des fractures de l’émi-
nence intercondylaire (épines tibiales).
Leur intérêt est lié à leur gravité, qui relève de leur localisation articulaire
et de leur complexité qui conditionne les difficultés diagnostiques et des thé-
rapeutiques, et à leur pronostic, marqué par le risque de raideur et surtout
de cal vicieux évoluant vers l’arthrose post-traumatique.
Épidémiologie
Fréquence
Sur une statistique portant sur 54 280 fractures, établie par Orozco et al. sur
le matériel de la Fondation Müller, les fractures proximales du tibia repré-
sentent 4,8 % de l’ensemble des fractures et 25 % des fractures tibiales.
Âge et circonstances
Avant l’âge de 30 ans, il s’agit habituellement de fractures complexes surve-
nant lors d’un accident de la voie publique (auto ou moto) ou parfois d’un
accident de sport, chez un sujet de sexe masculin. Après 65 ans, il s’agit le
plus souvent d’une fracture simple, chez un sujet de sexe féminin ostéoporo-
tique, lors d’une chute de sa hauteur survenue à son domicile.
Lésions associées
Les lésions cutanées sont peu fréquentes mais graves, du fait de leur survenue
lors d’un traumatisme à haute énergie. Elles nécessitent alors le recours à la
fixation externe, avec un risque accru d’enraidissement.
Les lésions ligamentaires sont fréquentes, mais souvent méconnues. Elles
concernent les ligaments collatéraux et croisés. L’atteinte méniscale est égale-
ment fréquente.
Les lésions vasculaires ou/et nerveuses sont exceptionnelles. Le paquet
vasculo-nerveux poplité peut être lésé dans les traumatismes à haute énergie.
Le nerf fibulaire commun (sciatique poplité externe) peut être lésé lors d’une
fracture simultanée du col de la fibula.
Les fractures des plateaux tibiaux peuvent survenir dans le cadre d’un poly-
traumatisme. Elles peuvent alors, dans certains cas, passer inaperçues.
Mécanismes
Les consoles tubérositaires et l’architecture de l’extrémité proximale du tibia
expliquent la morphologie de la plupart des fractures articulaires (fig. 1). Une
compression axiale entraîne une fracture-séparation des deux condyles (fig. 2).
Le débord du plateau tibial latéral et le valgus physiologique expliquent la
fréquence et la morphologie des fractures du plateau latéral (fig. 3). La com-
pression latérale est due à un traumatisme latéral. Le plateau tibial latéral se
fracture si le ligament collatéral médial résiste lors du valgus forcé créé par le
choc latéral (fig. 4). L’hyperextension appuyée entraîne une fracture antérieure
des plateaux si les coques condyliennes résistent (fig. 5). La compression axiale
latéralisée entraîne une fracture spino-tubérositaire (fig. 6).
158 Fractures du genou
Fig. 1 – Le porte-à-faux des consoles latérales
et postérieure.
Fig. 3 – Le débord du plateau tibial latéral
et le valgus physiologique expliquent la fré-
quence et la morphologie des fractures du
plateau latéral.
Fig. 2 – La compression axiale entraîne une
fracture-séparation des deux condyles.
Fig. 4 – La compression latérale est due à un
traumatisme latéral. Le plateau tibial latéral
se fracture si le ligament collatéral médial
résiste lors du valgus forcé créé par le choc
latéral.
Tubérosité
latérale Tubérosité
médiale
Variétés anatomiques
Les fractures des plateaux tibiaux sont classiquement subdivisées en :
– unitubérositaire ou unicondylaire (plus souvent latérale que médiale) :
ce sont des fractures articulaires qui ne concernent qu’un des deux condyles ;
– bitubérositaire ou bicondylaire (simple, complexe ou comminutive) : ce
sont des fractures articulaires qui détachent les deux condyles. Il ne reste plus
aucun fragment articulaire rattaché à la diaphyse par une continuité osseuse
naturelle, ce qui rend leur reconstruction particulièrement difficile ;
– spino-tubérositaire (latérale ou médiale) : il s’agit de fractures-séparation
obliques, emportant un condyle et l’éminence intercondylaire (massif des
épines) ;
– postérieure : le trait de séparation frontal et postérieur peut concerner
l’un ou les deux plateaux.
Les lésions anatomiques élémentaires (fig. 7) sont représentées par la frac-
ture-séparation, la fracture-tassement et la fracture mixte.
Épidémiologie, mécanisme, variétés anatomiques et classification des fractures 159
Fig. 5 – L’hyperextension appuyée entraîne
une fracture antérieure des plateaux si les
coques condyliennes résistent.
Fig. 6 – La compression axiale latéralisée
entraîne une fracture spino-tubérositaire.
Fig. 7 – Les lésions anatomiques élé-
mentaires sont représentées par
A, la fracture-séparation
B, la fracture-tassement
C, la fracture mixte
Classifications autres que celle de l’AO
L’identification et la classification d’une lésion osseuse sont les deux démarches
fondamentales qui conditionnent l’adéquation et la qualité de sa prise en
charge thérapeutique. Elles découlent d’un bilan diagnostique dans lequel
l’imagerie tient la place essentielle. La classification d’une lésion permet d’éva-
luer sa gravité et son pronostic et d’en choisir le traitement le plus adapté.
De nombreuses classifications ont été proposées en fonction du siège et de la
nature du trait.
Classification de Hohl (1967)
Type I : déplacement minime
Type II : tassement localisé
Type III : séparation-tassement
Type IV : tassement global
Type V : bicondylaire
Classification de Hohl et Moore (1983)
Type A : fracture-séparation
Type B : fracture de tout le plateau
Type C : arrachement marginal
Type D : tassement marginal
Type E : à quatre fragments
Classification de Duparc et Ficat (1960)
(1)
Elle est fondée sur le siège et le type des lésions élémentaires. Elle a été com-
plétée par celles des fractures spino-tubérositaires (2) et des fractures-sépara-
tion postérieures (6).
Fractures unitubérositaires
Latérales (60 %)
Type I : fractures mixtes, tassement-séparation, les plus fréquentes
Type II : fractures-séparation, plus rares
Type III : fractures-tassement, rares
Médiales, plus rares (10 %), le plus souvent fractures-séparation.
Fractures bitubérositaires (fig. 8).
Type I : simple
Type II : complexe
Type III : comminutive
160 Fractures du genou
Fractures spino-tubérositaires (fig. 9).
Médiale
Type I
Type II
Type III
Latérale
Postérieure
Fracture-séparation postéro-médiale (fig. 10).
Fracture-séparation + fracture spino-tubérositaire.
Épidémiologie, mécanisme, variétés anatomiques et classification des fractures 161
Fig. 8 – Les fractures bitu-
bérositaires
A, type I, simple
B, type II, complexe
C, type II, comminutive
Fig. 9 – Les fractures spino-
tubérositaires médiales
A, type I
B, type II
C, type III
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